Ordre national des chirurgiens-dentistes, Chambre disciplinaire nationale, 30 décembre 2015, n° 2352

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Résumé de la juridiction

Continuité des soins non assurée (article R.4127-232 du code de la santé publique) – Honoraires perçus pour des soins partiellement ou totalement non réalisés – Dettes auprès de prothésistes (article R.4127-203 du code de la santé publique) – Loyers professionnels non payés – Modification des conditions d’exercice sans en avertir le conseil départemental (article R.4127-280 du CSP) – Refus de se prêter à une tentative de conciliation (article R.4127-233 du CSP) – Le défaut de paiement des cotisations ordinales n’est pas sanctionnable disciplinairement.

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Sur la décision

Référence :
ONCD, ch. disciplinaire nationale, 30 déc. 2015, n° 2352
Numéro(s) : 2352
Dispositif : Réformation de la décision attaquée - Interdiction d'exercer pendant un an (décision de 1ère instance = Radiation du Tableau de l'Ordre)
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Sur les parties

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS
JFV/CB/NR
Audience publique du 19 novembre 2015
Décision rendue publique par affichage le 30 décembre 2015
Affaire : Docteur A.B.
Chirurgien-dentiste
Dos. n°2352
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES,
Vu la requête, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes le 19 janvier 2015, présentée pour le Docteur A.B., chirurgien-dentiste, dont l’adresse est (…), et tendant, d’une part, à titre principal, à l’annulation de la décision en date du 18 décembre 2014, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la région Languedoc-Roussillon, statuant sur la plainte formée à son encontre par le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la
Lozère, lui a infligé la sanction de la radiation du tableau de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, et, à titre subsidiaire, à ce qu’une sanction moins sévère soit retenue et, d’autre part, à ce que le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Lozère soit condamné à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative et soit condamné au paiement des dépens de l’instance y compris le droit de plaidoirie d’un montant de 13 €, par les motifs que, s’agissant des relations du Docteur B. avec ses fournisseurs, il convient d’indiquer que celui-ci n’a jamais cherché à se soustraire à ses obligations et qu’en cours de procédure il a même procédé à divers règlements pour un total de 6 391,54 € ; que le Docteur B. a connu des déboires financiers importants à la suite d’investissements immobiliers locatifs qui se sont révélés désastreux ; que ses biens n’ont pu être vendus au prix espéré ; qu’il a, en outre, connu un redressement fiscal qui a entrainé des saisies sur ses comptes ; que, s’il subsiste différents impayés, c’est à la suite de l’arrêt brutal de son activité ; qu’il s’agit de dettes civiles qui n’ont fait l’objet d’aucune procédure devant les juridictions compétentes pour authentifier les créances ; qu’en ce qui concerne le cas de Monsieur C.D., il est parfaitement encore possible de remédier au désordre constaté ; que les allégations de Monsieur F.G. sont mensongères et que le
Docteur B. a fait le nécessaire ; que Monsieur G. a réglé 1 600 € le 22 octobre pour 3 183,60 € de soins effectués ; que le chèque déposé par Madame S. s’est révélé impayé et que cette patiente tente d’échapper à tout paiement ; que, s’agissant de Monsieur R., le travail n’a pu être achevé compte tenu de la fermeture prématurée du cabinet ; que Madame C. n’a honoré qu’une partie des rendez-vous qui lui ont été fixés et a estimé que le bridge préparé ne lui convenait pas ; que les racines servant de piliers se sont dégradées et que le Docteur B. l’a envoyée chez un stomatologue ; qu’à sa demande des implants ont été posés en 2012 et 2013 ; que, pour Monsieur T. une prothèse a été réalisée mais non posée ; que, pour Monsieur H., il n’a pas été possible de résoudre les problèmes d’adaptation de la prothèse ; que le Docteur B. a veillé à ce que soit assurée pour ses patients la continuité des soins ; que le Docteur B. n’a jamais cherché à cacher sa situation professionnelle en n’avertissant pas le conseil de l’Ordre des changements le concernant ; que les difficultés professionnelles qui ont pu se présenter pour le Docteur B. ne justifient pas sa radiation ; qu’en outre celle-ci l’empêcherait d’effectuer toute réparation ; que la sanction prononcée est, sinon infondée, du moins grandement disproportionnée ;
Vu la décision attaquée ;

1.

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS
Vu le mémoire, enregistré le 16 novembre 2015, présenté pour le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Lozère, dont l’adresse est 5 rue du Toural, 48200
Saint-Chély-d’Apcher et tendant, d’une part, au rejet de la requête et, d’autre part, à ce que le
Docteur B. soit condamné à payer au conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Lozère la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative et à supporter les dépens de l’instance, y compris le droit de plaidoirie de 13 €, par les motifs que l’appel du Docteur B. est irrecevable ; qu’en effet il ne comporte aucun moyen critiquant la décision rendue en première instance, aucun moyen d’appel ; que cette irrecevabilité n’est pas régularisable ; que le Docteur B. ne s’est pas acquitté du paiement de cotisations ordinales et que ceci constitue un manquement à l’honneur et à la probité justifiant le prononcé d’une sanction disciplinaire ; que le Docteur B. a contracté des dettes, dans le cadre de son exercice professionnel ; qu’il s’est agi de dettes à l’égard de prothésistes et de non-paiement de loyers professionnels ; que ce comportement tend à déconsidérer la profession ; que les signalements et plaintes reçus par le conseil départemental prouvent que, de manière répétitive, le Docteur B. a abandonné sa patientèle sans s’assurer du suivi des soins et a encaissé des provisions sur honoraires sans réaliser les soins ; qu’il en a été ainsi des cas de Madame Ch., C.D., F.G., de Madame S. et de Monsieur R. ; que, des faits de même nature ont donné lieu à des plaintes dont aucune n’a été réglée par une conciliation, le Docteur B. ne se présentant pas aux tentatives de conciliation ; qu’il s’est agi de Madame F., de Monsieur T., de Monsieur I., de Madame J. et de Monsieur K. ; que le Docteur B. n’a pas informé l’Ordre sur l’évolution de sa situation professionnelle ; qu’il persiste à entretenir une confusion évidente sur sa situation, plaçant ses patients dans une situation de rupture de la continuité des soins et laissant son Ordre sans aucune information fiable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 2007-434 du 25 mars 2007 relatif au fonctionnement et à la procédure disciplinaire des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des pharmaciens, des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires) ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu, en audience publique, le rapport du Docteur VOLPELIÈRE, les observations du Docteur A.B., assisté de Maître ANDRAULT, avocat, et les observations du Docteur Isabelle
FUMERY-KORBENDAU, trésorière du conseil départemental de l’Ordre de l’Eure ;
- le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Lozère, dûment convoqué, ne s’étant pas fait représenter ;
- le Docteur B. ayant pu reprendre la parole en dernier ;
- Sur la recevabilité de l’appel du Docteur B. :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Lozère, la requête formée par le Docteur B. à l’encontre de la décision de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la région Languedoc-Roussillon ne se borne pas à reproduire son mémoire de première instance mais comporte une motivation qui met le juge d’appel en état de se prononcer sur les erreurs qu’auraient pu commettre les premiers juges ; que, par suite, le moyen d’irrecevabilité soulevé par le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Lozère doit être écarté ;
2.

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- Au fond :
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R.4127-232 du code de la santé publique : « Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, le chirurgien-dentiste a toujours le droit de refuser ses soins pour des raisons personnelles ou professionnelles, à condition : (…) / 2° De s’assurer de la continuité des soins et de fournir à cet effet tous renseignements utiles (…) » ; que le Docteur B. qui exerçait précédemment sa profession dans le département de Charente-Maritime a été inscrit au Tableau de l’Ordre de la
Lozère le 14 juin 2010 pour un exercice à (…) et a été autorisé le 20 mars 2013 à avoir un exercice secondaire à (…) ; qu’il a, par la suite, fermé son cabinet de (…) pour transférer son exercice principal à (…), puis a ultérieurement cessé tout exercice en Lozère ; que les soins que le Docteur B. avait entrepris de dispenser à Madame F. ont, à l’occasion des changements de lieux d’exercice du praticien, été interrompus sans que le praticien se soit assuré de leur continuité ; qu’il en a été de même à l’égard de Monsieur I. et de Madame J. ; que l’intéressé a ainsi méconnu l’obligation déontologique rappelée par les dispositions précitées ;
Considérant, en deuxième lieu, que le Docteur B. a perçu de Madame F., de Monsieur I., de Monsieur T., de Monsieur R. et de Monsieur K. des honoraires pour des soins qui n’ont pas, en partie ou même totalement, été réalisés ; que de tels faits, particulièrement graves, sont évidemment contraires aux obligations déontologiques ;
Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R.4127-203 du code précité : « Tout chirurgien-dentiste doit s’abstenir, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci (…) » ; que le Docteur B. reconnaît avoir eu à l’égard du
Laboratoire de prothèses la SARL (…) une dette qu’il n’avait au 9 décembre 2014 que partiellement réglée ; qu’il a été également débiteur envers le Laboratoire de prothèses de Monsieur S. ; qu’il a, par ailleurs, dû quitter ses locaux professionnels de (…) pour non-paiement de loyers et avait des arriérés de loyers à l’égard de la Communauté de communes de (…) propriétaire de ses nouveaux locaux professionnels ; que les motifs invoqués par l’intéressé et tirés de ses déboires dans la gestion de son patrimoine personnel et des conséquences d’un redressement fiscal dont il a été l’objet ne sont pas de nature à justifier un comportement déontologiquement critiquable ;
Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article R.4127-280 du code précité : « (…)
Le chirurgien-dentiste (…) qui modifie ses conditions d’exercice est tenu d’en avertir le conseil départemental (…) » ; que le Docteur B. a cessé son activité principale dans son cabinet de (…) pour la transférer dans son cabinet de (…) sans en avertir en temps utile le conseil départemental ; que la cessation de son exercice en Lozère n’a pas donné lieu non plus de sa part, en temps utile, à une information du conseil départemental ; qu’en outre, le conseil départemental de la Lozère a reçu le 17 avril 2014 du conseil départemental de la Gironde une demande de transfert de dossier concernant le Docteur B. lequel cependant, à la date du dépôt de la plainte du conseil départemental de la Lozère, le 26 mai 2014, n’avait toujours pas transmis à celui-ci une demande de radiation du Tableau de ce département ;
Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article R.4127-233 du même code : « Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige : / (…) 3°A se prêter à une tentative de conciliation qui lui serait demandée par le président du conseil départemental en cas de difficulté avec un patient » ; qu’en violation de ces dispositions le
Docteur B. ne s’est présenté, sans motif valable, à aucune des tentatives de conciliation organisées par le président du conseil départemental de la Lozère à l’occasion des plaintes déposées contre lui par Madame F., Monsieur T., Monsieur I., Madame J. et Monsieur K. ;
3.

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Considérant, en revanche, que le défaut de paiement de cotisations ordinales relevé à l’encontre du Docteur B. lors de son exercice en Charente-Maritime puis en Lozère ne constitue pas un motif justifiant une sanction disciplinaire ;
Considérant que les manquements graves et répétés commis par le Docteur B. à ses obligations déontologiques méritent d’autant plus d’être sévèrement sanctionnés que l’intéressé s’est vu déjà, à deux reprises, dans un passé récent, infligé des peines disciplinaires d’interdiction temporaire d’exercer sa profession pour des motifs en partie de même nature que ceux qui sont retenus dans la présente affaire ; qu’il sera fait cependant une plus juste appréciation de la gravité des faits en cause dans celle-ci en substituant la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant un an à la sanction de la radiation du Tableau de l’Ordre décidée par les premiers juges ;
- Sur les frais exposés par les parties :
Considérant, d’une part, que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le Docteur B., qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer au conseil départemental de l’Ordre des chirurgiensdentistes de la Lozère la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui ;
Considérant, d’autre part, qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Lozère à payer au Docteur B.
la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui ;
- Sur les dépens et les « droits de plaidoirie » :
Considérant que les parties ne justifient pas de la réalité de ces frais dont ils demandent qu’ils soient mis à la charge de l’autre partie ; qu’il y a lieu, en conséquence et en tout état de cause de rejeter de telles conclusions ;
DECIDE :
Article 1er :

Il est infligé au Docteur A.B. la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant un an. Cette sanction, qui se substitue à la sanction de la radiation du Tableau de l’Ordre décidée en première instance, sera exécutée pendant la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017.

Article 2 :

La décision, en date du 18 décembre 2014, de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la région LanguedocRoussillon est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 :

Les conclusions présentées par le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Lozère et par le Docteur A.B. sur le fondement des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées, ensemble les conclusions relatives aux dépens et aux « droits de plaidoirie ».

Article 4 :

La présente décision sera notifiée :
- au Docteur A.B., chirurgien-dentiste,
- à Maître ANDRAULT, avocat, 4.

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- au conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Lozère,
- à Maître VIGO, avocat,
- au conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de l’Eure,
- à la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiensdentistes de la région Languedoc-Roussillon,
- au conseil national de l’Ordre,
- au ministre chargé de la santé,
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Mende,
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evreux,
- au directeur de l’ARS de la région Languedoc-Roussillon,
- au directeur de l’ARS de la région Haute-Normandie.
Délibéré en son audience du 19 novembre 2015, où siégeaient Monsieur de VULPILLIÈRES, conseiller d’Etat honoraire, président, les Docteurs BIAS, CHAVE, LUGUET, FOURNIER, MOLLA et
VOLPELIÈRE, chirurgiens-dentistes, membres de la chambre disciplinaire nationale.
Décision rendue publique par affichage le 30 décembre 2015.
LE CONSEILLER D’ETAT (H)
Président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes
LA GREFFIERE de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes
J.F. de VULPILLIERES
C. BOURGOUIN
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

5.

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Ordre national des chirurgiens-dentistes, Chambre disciplinaire nationale, 30 décembre 2015, n° 2352