Conseil de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, Chambre Disciplinaire Nationale, 20 décembre 2013, n° 022-2012

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Sur la décision

Référence :
ONMK, ch. disciplinaire nationale, 20 déc. 2013, n° 022-2012
Numéro(s) : 022-2012
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Texte intégral

ORDRE NATIONAL DES MASSEURS-KINESITHERAPEUTES
CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
N° 022-2012 M. S. c. CDO du Val d’Oise
Rapporteur : M. Eric Pastor
Audience publique du 10 décembre 2013
Décision rendue publique par affichage le 20 décembre 2013
Vu la requête, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes les 6 et 22 novembre 2012, présentée pour M. S., demeurant (…), représenté par Me Martinet, 33 rue des Mathurins, 75008, Paris ; M. S. conclut, à titre principal, à l’annulation de la décision du 24 octobre 2012 par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes d’Ile-de-France et de la Réunion a prononcé sa radiation du tableau de l’ordre, à l’irrecevabilité de la plainte du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Val d’Oise (CDO) et à la nullité de la procédure de poursuite dont il a fait l’objet, à titre subsidiaire, au rejet de la plainte non fondée du CDO et de sa demande de remboursement des frais occasionnés par la plainte et par la contribution à la justice ;
Il soutient que la procédure disciplinaire suivie à son encontre est illégale, faute d’enquête déontologique et de conciliation préalables et faute pour la plainte de préciser clairement les manquements reprochés et les textes méconnus ; qu’il n’a pas eu droit à un procès équitable en raison de l’illégalité de la procédure suivie en première instance dès lors, d’une part, qu’il n’a pas été mis à même d’exercer son droit de récusation d’un assesseur conseiller ordinal, Mme M., d’autre part, que sa demande de report de l’audience a été rejetée bien qu’il n’ait pas eu le temps de préparer sa défense, enfin, que la chambre disciplinaire de première instance a refusé de prendre connaissance de sa note en délibéré ; que la délibération introduisant la plainte est illégale en raison de la composition irrégulière du CDO ; que le procès-verbal de la réunion du
CDO décidant la plainte ne lui a pas été communiqué ce qui ne lui a pas permis d’exercer son droit de récusation des assesseurs ; que la décision attaquée n’est pas motivée car elle n’établit pas les manquements à la déontologie ; que, sur le fond, après avoir admis l’intérêt de la structure professionnelle créée par le requérant et envisagé de permettre le maintien des trois cabinets qu’elle comporte, le CDO a exigé la fermeture de l’un d’eux alors que le requérant avait fait son possible pour pérenniser cette structure qui répond à un besoin réel de soins au sens de l’article R. 4321-129 du code de la santé publique ; qu’en outre, l’audience de première instance est intervenue alors que M. S. ne détenait plus aucun cabinet ; que le reproche d’exploitation des cabinets en location-gérance n’est pas fondé ; que l’activité de médecin est compatible avec celle de masseur-kinésithérapeute dès lors que, comme en l’espèce, elle ne méconnaît pas les principes d’indépendance, de moralité et de dignité de la profession ni l’interdiction de tirer profit de ses prescriptions ; que le requérant n’a accédé au poste de médecin hospitalier à plein temps que le 1er juillet 2012, période de cession des cabinets au cours de laquelle, au surplus, il n’a pas pratiqué d’actes de masso-kinésithérapie et alors que les pathologies médicales étudiées par le requérant ne correspondent pas à la kinésithérapie « de ville » pratiquée dans les cabinets, dont l’implantation est éloignée de celle du groupe hospitalier ; qu’il a demandé sa radiation du tableau de l’ordre avant la saisine de la chambre disciplinaire ; que les contrats de ses assistants ont bien été communiqués, en particulier en mars 2012, au président du CDO ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2013, présenté par le CDO du Val d’Oise, dont le siège est Immeuble « Le César », 12 chaussée Jules César, 95520, Osny ; le
CDO conclut à ce que le requérant soit condamné à l’une des peines prévues à l’article L. 41246 du code de la santé publique et au remboursement des frais occasionnés par la plainte et des dépens de l’instance ;
Il soutient que, dès le début de la procédure, le requérant a été informé, par la transmission de la plainte par le greffe de la juridiction, des faits qui lui étaient reprochés et de leurs qualifications ; qu’enquête et tentative de conciliation ont bien eu lieu ; que de nombreux échanges entre le requérant et le CDO ont eu lieu ; que le requérant n’a pas sollicité la réouverture de l’instruction pour faire valoir la vente des cabinets en septembre 2012 et a quitté l’audience où il aurait pu s’en prévaloir ; que la convocation à cette audience lui permettait d’exercer son droit de récusation ; que la plainte mentionnait les faits et les textes méconnus par l’intéressé et que le procès-verbal de la délibération du 29 septembre 2011 décidant la plainte y était joint; que le requérant pouvait user de son droit à récusation avant la fin de l’audience mais qu’il n’y pouvait présenter aucun motif légitime ; qu’en effet, les membres du
CDO siégeant en chambre disciplinaire se sont d’eux-mêmes retirés de la formation de jugement ; que Mme M. ne siège pas dans la section qui a eu à connaître du dossier du requérant ; que celui-ci était informé qu’un éventuel retrait de la plainte relevait non du président du CDO mais du seul conseil et, qu’à défaut d’un désistement de celui-ci, l’instance se poursuivait ; qu’il est seul responsable de n’avoir pas désigné de défenseur en temps utile et que le refus opposé à sa demande de report de l’audience est justifié ; qu’il en est de même du refus de prendre en considération sa note en délibéré dès lors qu’il a quitté l’audience avant d’entendre le rapport et les observations du CDO ; que la composition du CDO lors de la délibération décidant la plainte, dont le procès-verbal était joint à celle-ci, était régulière ; que le moyen tiré du défaut de transmission des délibérations d’avril et octobre 2012 est sans portée ;
que la décision attaquée est suffisamment motivée ; que le requérant n’a pas demandé l’accord du CDO pour le maintien de son troisième cabinet ; que les trois cabinets sont gérés, en location gérance, par ses collaborateurs et sont regroupés sous la marque « … », ce qui démontre une pratique commerciale ; que, médecin spécialisé en médecine physique et réadaptation, le requérant est susceptible de prescrire des soins de kinésithérapie et donc méconnait les prescriptions des articles R. 4321-68 et R. 4321-71 du code de la santé publique interdisant le compérage ; qu’alors qu’il en avait l’obligation, il n’a spontanément communiqué aucun contrat et n’a transmis ceux conclus avec ses collaborateurs qu’après nombreuses demandes du conseil, dissimulant ainsi d’autres contrats, notamment ceux souscrits avec des établissements hospitaliers, méconnaissant l’article R. 4321-143 du code ; que ses affirmations relatives à ses contacts, en 2007, avec des conseillers ordinaux en vue de mettre sa pratique en conformité avec le futur code de déontologie sont douteuses, en particulier en ce qu’il n’a commencé à vouloir vendre ses cabinets qu’à partir de mars 2011, lorsqu’il a compris qu’il risquait d’être sanctionné et qu’il a ensuite multiplié les manœuvres dilatoires, de sorte que le 29 septembre 2011, date de la décision de porter plainte, il était propriétaire de trois cabinets ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 janvier 2013, présenté pour M. S. qui reprend dans le même sens les conclusions de sa requête et conclut, en outre, au rejet de la demande du CDO relative aux frais et dépens de l’instance et à la condamnation du CDO à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et à supporter les dépens de l’instance ;
Il reprend dans le même sens les moyens de sa requête et soutient, en outre, que la délibération du 29 septembre 2011 ne mentionne qu’un seul des quatorze griefs énoncés dans la plainte et n’est donc pas suffisamment motivée ; qu’il n’a pas eu connaissance des délibérations du CDO d’avril 2012 et du 3 octobre 2012 maintenant la plainte ; qu’il n’a pas été entendu par le rapporteur de la chambre disciplinaire de première instance ; qu’il n’a pu faire valoir la cession des cabinets et sa radiation du tableau avant la clôture de l’instruction ; que la convocation à l’audience ne visait pas les faits incriminés ni les textes en cause ; que la chambre disciplinaire de première instance n’a pas eu un comportement impartial ; qu’il a produit une note en délibéré à l’invitation de la chambre qui, en n’en tenant pas compte, n’a pas respecté le principe du contradictoire ; que, l’interdiction, par un décret, de détenir plus d’un cabinet secondaire méconnait la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe constitutionnel de la liberté d’entreprendre qui imposent que cette restriction procède d’une loi et, en outre, ne soit pas disproportionnée par rapport à l’objectif d’intérêt général poursuivi, ainsi qu’il ressort d’un avis de l’autorité de la concurrence, alors qu’en fait, dans le département, la structure créée par le requérant était seule à assurer la continuité des soins ; que, subsidiairement, la sanction prononcée par la décision attaquée, qui entache l’honneur et la réputation du requérant, est disproportionnée au regard des faits reprochés ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2013, présenté par le CDO du
Val d’Oise qui reprend dans le même sens ses précédentes conclusions tendant au rejet de la requête ou, subsidiairement, à ce que M. S. soit condamné à l’une des peines prévues à l’article
L. 4124-6 du code de la santé publique ; le CDO reprend les moyens de son précédent mémoire et soutient, en outre, que dès lors qu’il accompagnait la plainte énonçant elle-même de façon exhaustive les griefs et les moyens du CDO, le procès-verbal de la délibération décidant cette plainte n’avait pas lui-même à les énoncer ; que le périmètre de l’affaire n’est pas limité par la formulation de la plainte ; que le rapporteur du dossier en première instance n’était pas tenu d’entendre l’intéressé qui n’a d’ailleurs pas sollicité son audition ; que le requérant pouvait présenter sa défense soit par un mémoire, soit par des observations orales lors de l’audience, mais qu’il s’est retiré de celle-ci, refusant par là même le débat contradictoire ; que le moyen tiré du défaut d’impartialité de la chambre disciplinaire de première instance n’est pas fondé ;
que la note en délibéré produite par le requérant n’était pas recevable ; qu’il lui appartient de se pourvoir devant une autre juridiction en ce qui concerne le moyen tiré du caractère inconstitutionnel et contraire aux stipulations de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de l’article R. 4321-129 du code de la santé publique ;
que la chambre disciplinaire de première instance s’est souverainement déterminée sur la sanction applicable, qui n’a, d’ailleurs, qu’une valeur symbolique dès lors que le requérant, à sa demande, avait été radié du tableau de l’ordre ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 25 juin 2013, présenté pour M. S. qui reprend dans le même sens les conclusions et les moyens de ses précédents mémoires et soutient, en outre, que la circonstance qu’il se soit retiré de l’audience avant le prononcé des conclusions du rapporteur public est sans portée quant à l’obligation du juge de tenir compte de la note en délibéré ; que l’examen de la constitutionnalité de l’article R. 4321-129 du code de la santé publique et de son respect des stipulations de la convention européenne des droits de l’homme relève de la compétence du juge disciplinaire ; que la décision attaquée ne démontre pas que les faits reprochés sont constitutifs de manquements à la déontologie ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 9 août 2013, présenté par le CDO du Val d’Oise qui reprend dans le même sens les conclusions et les moyens de ses précédents mémoires et soutient, en outre, subsidiairement, que l’organisation du système de santé ne relève pas du droit européen, que les services des soins de santé sont exclus de la directive européenne relative aux libertés d’établissement des prestataires de services et que le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin d’édicter les règles déontologiques, dont celle de l’article R. 4321-129 ;
que les restrictions apportées par cet article ne sont pas disproportionnées par rapport au but poursuivi, d’autant que la règle posée par cet article supporte des exceptions ; que la sanction infligée, qui relève du pouvoir souverain du juge, n’est pas disproportionnée au regard des faits en cause ; que la double qualité du requérant le rendait susceptible de tirer profit en tant que kinésithérapeute de ses prescriptions de rééducation établies en tant que médecin, contrairement à l’article R. 4127-26 du code applicable en l’espèce et sanctionnant une activité d’ « autocompérage » ; qu’en outre, en percevant des versements provenant des kinésithérapeutes exerçant au sein de la structure « … », le requérant méconnaît l’article L. 4113-6 du code de la santé publique ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 septembre 2013, présenté pour M. S. qui reprend dans le même sens les conclusions et les moyens de ses précédents mémoires et soutient, en outre, que le CDO, en exigeant la cession d’un cabinet a fait obstacle à la permanence des soins assurée par les trois cabinets ; que le CDO n’a jamais démontré que le service assuré par cette structure était déjà rempli sur le département ; que le CDO ne lui a jamais imputé une pratique de compérage et que ce grief n’est pas fondé dès lors que la structure n’a jamais été susceptible de bénéficier de l’activité médicale du requérant;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 septembre 2013, présenté pour M. S., qui reprend dans le même sens les conclusions et les moyens de ses précédents mémoires ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 15 novembre 2013, présenté par le CDO du Val d’Oise, qui reprend dans le même sens les conclusions de ses précédents mémoires et conclut, en outre, à ce que M. S. soit condamné à lui verser, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, outre la somme de 843 euros arrêtée par la décision attaquée, celle de 1907 euros correspondant à ses frais en appel ; il reprend aussi les moyens exposés dans ses précédents mémoires et soutient, en outre, que le droit disciplinaire est autonome, ce qui exclut toute transposition des règles du code de procédure pénale ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 27 novembre 2013, présenté pour M. S. qui reprend dans le même sens les conclusions et les moyens de ses précédents mémoires
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience, Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 4 octobre 2013 :
- M. Eric Pastor, en son rapport ;
Les observations de Me Martinet pour M. S. et celui-ci en ses explications ;
Les explications de M. Delezie, Vice-Président du CDO du Val d’Oise ;
M. S. ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré,
Sur la régularité de la procédure suivie en première instance :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, le 13 mars 2012, le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Val d’Oise (CDO) a déposé plainte contre M. S.;
que cette plainte souligne que l’intéressé, exerçant par ailleurs l’activité de médecin, exploitait trois cabinets de masso-kinésithérapie employant une quinzaine de collaborateurs et qu’invité à céder l’un de ces cabinets, il n’a entrepris les démarches nécessaires que sous la contrainte ;
que, malgré plusieurs rappels, il n’a pas communiqué les nombreux contrats conclus dans le cadre de cette activité ; qu’en défense, M. S., auquel la plainte avait été transmise le 14 mars, s’est limité, le 27 juin, à soutenir avoir fourni au CDO le 21 mars 2012 les contrats de collaboration demandés, avoir mis en vente ses cabinets et demandé à être radié du tableau de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes à l’issue de ces ventes ; que, le 25 juin 2012, est intervenue une ordonnance fixant la clôture de l’instruction au 25 juillet 2012 ; que, convoqué par une lettre du 11 juillet 2012 à l’audience du 9 octobre, M. S. a constitué avocat le 5 octobre 2012 et, le même jour, a demandé que l’audience soit reportée pour lui permettre d’organiser sa défense ;
Considérant, en premier lieu, que le rapporteur nommé par le président de la chambre disciplinaire de première instance pour instruire le dossier n’avait pas l’obligation d’entendre le requérant;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort du calendrier ci-dessus rappelé que M. S. a disposé de tout le temps nécessaire à préparer sa défense ; que s’il soutient avoir été averti que la plainte serait retirée en cas de cession d’un des cabinets, ce qui l’aurait conduit à retarder sa constitution d’avocat jusqu’à cette cession intervenue en septembre 2012, et n’avoir appris le maintien de la plainte que le 4 octobre, il lui était cependant possible de présenter des observations orales très complètes lors de l’audience du 9 octobre en les faisant éventuellement suivre d’une note en délibéré; qu’il s’est toutefois retiré des débats de l’audience avant l’exposé du rapporteur public ; que, dans ces circonstances et dès lors que la chambre de première instance estimait que le dossier était en état d’être jugé, sa demande de report d’audience ne pouvait qu’être rejetée ;

Considérant, en troisième lieu, que lorsqu’il est saisi, postérieurement à la clôture de l’instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d’une note en délibéré émanant d’une des parties à l’instance, il appartient au juge disciplinaire d’en prendre connaissance avant que la décision soit rendue ; que, s’il a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne justice, de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n’est tenu de le faire, à peine d’irrégularité de sa décision, que si cette note contient soit l’exposé d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit sur l’existence d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office ; qu’en l’espèce, la prétendue note en délibéré produite le 16 octobre 2012 par M. S. ne remplit pas ces conditions mais constitue en réalité un mémoire en défense qui, produit après la clôture de l’instruction, n’avait pas à être pris en considération par la décision attaquée ;
Considérant, en quatrième lieu, que le dossier de la plainte transmis au requérant comprend la copie du procès-verbal de la délibération du CDO du 29 septembre 2011 décidant, par un avis motivé, de la poursuite disciplinaire et sur lequel étaient mentionnés les noms des conseillers ordinaux présents à cette réunion ; que la lettre du 11 juillet 2012 par laquelle le greffe de la chambre disciplinaire de première instance l’a convoqué à l’audience du 9 octobre 2012, qui n’avait pas à faire état des faits et des textes en cause, comporte la composition nominative de l’instance de jugement ; que, dans ces conditions, le requérant a été mis à même d’exercer son droit de récusation à l’encontre des assesseurs ; qu’au surplus, s’il soutient qu’il aurait dû pouvoir exercer ce droit à l’encontre de Mme M., conseiller ordinal qui a pris part au vote de la délibération du 29 septembre, celle-ci ne figurait pas sur la liste des assesseurs et n’a d’ailleurs pas siégé à l’audience et que, si elle a fait partie d’une autre section de la chambre disciplinaire de première instance, la simple circonstance qu’elle y aurait noué des relations avec des assesseurs siégeant le 9 octobre ne saurait établir l’absence d’impartialité de ceux-ci ;
Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que le CDO du Val d’Oise n’ait comporté, lors de la réunion du 29 septembre 2011, que 11 membres, dont M. L. qui n’en a démissionné qu’ultérieurement, au lieu des 12 prévus par le 3° de l’article R.4321-42 du code de la santé publique n’est pas de nature à entacher sa délibération d’irrégularité ;
Considérant, en sixième lieu, que le litige étant constitué entre le CDO du Val d’Oise et M. S., inscrit au tableau de l’ordre dans ce département, aucune conciliation n’était requise préalablement au dépôt de la plainte ; que ce dépôt de plainte est cependant intervenu après de nombreux entretiens et échanges de courrier entre le requérant et le CDO qui tentait de lui faire respecter, notamment, les règles applicables aux cabinets secondaires ; que le requérant a ainsi été mis à même de se justifier devant le CDO ; que la circonstance que la délibération du 29 septembre 2011 ne comporte qu’un seul des nombreux griefs énoncés dans la plainte n’entache pas d’irrégularité cette plainte qui, par ailleurs, est suffisamment motivée;
que, dès lors que la saisine de la chambre disciplinaire de première instance résultait de cette délibération, la circonstance que le requérant n’ait pas eu connaissance des délibérations ultérieures du CDO décidant de maintenir la plainte est sans portée ;
Considérant, en dernier lieu, que la décision attaquée, qui précise les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

Sur la légalité de l’article R. 4321-129 du code de la santé publique :
Considérant, en premier lieu, que M. S. soutient que, faute d’avoir été prévue par une loi, l’interdiction, posée par l’article R. 4321-129 du code de la santé publique, d’avoir plus d’un cabinet secondaire sauf accord du conseil départemental, méconnaîtrait les principes du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre garantis tant par le protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que par la Constitution ; que, toutefois, d’une part, il résulte des dispositions de l’article L. 4321-10 du code de la santé publique que l’exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute est subordonné à une inscription au tableau de l’ordre, d’autre part, qu’aux termes de l’article L.
4321-14 du même code : « L’ordre des masseurs-kinésithérapeutes veille au maintien des principes de moralité, de probité et de compétence indispensables à l’exercice de la massokinésithérapie et à l’observation par tous ses membres des droits, devoirs et obligations professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l’article L. 432121… » ; que les dispositions de l’article R. 4321-129, mentionnées dans le code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes, figurent au nombre des règles dont le législateur a confié à l’ordre le soin de veiller à l’application ; que M. S. n’est dès lors pas fondé à soutenir que cet article serait dépourvu de fondement légal ; que, dès lors que la loi a prévu la possibilité d’exceptions à cette interdiction de principe, notamment pour permettre de faire face à une insuffisance locale de l’offre de soins, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le texte porte une atteinte disproportionnée aux principes dont il se prévaut ;
Considérant, en second lieu, qu’en demandant à M. S. qu’il cède au moins un de ses trois cabinets, le CDO n’a pas entendu supprimer l’offre de soins ainsi assumée ni porter atteinte à la permanence et à la continuité des soins ; qu’ainsi, sa décision de faire application en l’espèce de l’article R. 4321-129 n’a pas eu le caractère d’une mesure injustifiée au regard des conditions locales d’exercice de la profession ;
Au fond :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, comme il a été dit, M. S. avait créé, dans le cadre de sa profession de masseur-kinésithérapeute, trois cabinets ce qui, à la suite de l’intervention du code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes, méconnaissait les dispositions de son article R. 4321-139 ; qu’en outre, ces cabinets faisaient l’objet d’une gérance de fait par ses collaborateurs, proscrite par l’article R. 4321-132 du code ; qu’ayant tardé à se séparer de l’un au moins de ces cabinets comme il y avait été invité par le CDO, il s’est résolu, en définitive, à les vendre tous mais ces cessions ne sont intervenues qu’après le dépôt de la plainte ; qu’il n’a transmis les contrats conclus avec ses collaborateurs qu’après plusieurs demandes du CDO mais ne lui a pas fait parvenir les autres contrats souscrits dans le cadre de cette activité, notamment avec les établissements hospitaliers, méconnaissant ainsi les prescriptions de l’article R. 4321-127 du code ; que, par ailleurs, M. S. est inscrit au tableau de l’ordre des médecins de la ville de Paris en tant que généraliste depuis le 14 janvier 2009 et en tant que médecin spécialisé en médecine physique et réadaptation depuis le 22 avril 2011 et exerce comme attaché à l’hôpital …; qu’en admettant même, ainsi qu’il le soutient, qu’il n’exerce pas comme masseur-kinésithérapeute, ce cumul d’activités paraissait être susceptible de lui permettre de tirer profit de ses prescriptions, au sens de l’article R. 4321-68 du code, et être contraire aux dispositions de l’article R. 4321-71 relatives à l’interdiction du compérage entre un masseur-kinésithérapeute et un autre professionnel de santé ; qu’il en résulte de l’ensemble de ces circonstances de fait, qui lui sont imputables, que la demande du CDO tendant à ce qu’une sanction disciplinaire lui soit infligée était justifiée ;

Considérant toutefois, qu’après la cession de ses cabinets, M. S. a demandé sa radiation du tableau de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes ; que celle-ci a été prononcée pour compter du 19 septembre 2012 par une décision du 20 septembre du CDO; qu’il s’en suit que la chambre disciplinaire de première instance ne pouvait légalement lui infliger, par sa décision du 24 octobre 2012, la sanction de la radiation du tableau ; qu’il y a lieu, par suite, d’annuler la décision attaquée sur ce point ;
Considérant qu’il y a lieu, pour la chambre disciplinaire nationale, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur la sanction à infliger à M. S. ;
Considérant que, en particulier, le comportement de M. S. à l’égard du CDO et le caractère dilatoire de l’ensemble de ses démarches avant sa radiation du tableau de l’ordre, demandée à son initiative, justifient que soit prononcée à son encontre la sanction du blâme ;
Sur l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’aux termes de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 applicable en l’espèce, faute pour les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative d’avoir été étendues aux masseurs-kinésithérapeutes : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, et pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’accueillir les conclusions du CDO présentées en application de ces dispositions et de condamner M. S. à lui payer la somme de 1.907 euros ;

DECIDE :
Article 1er :
L’article 2 de la décision du 24 octobre 2012 de la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes d’Ile-de-France et de La Réunion est annulé.
Article 2 :
Il est infligé à M. S. la sanction du blâme.
Article 3 : M. S. est condamné à payer au CDO du Val d’Oise la somme de 1.907 euros.
Article 4 :
La présente décision sera notifiée à M. S., à Me Martinet, au conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Val d’Oise, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pontoise, au directeur général de l’Agence régionale de santé d’Ile-deFrance, à la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurskinésithérapeutes d’Ile-de-France et de la Réunion, au conseil national de l’ordre des masseurskinésithérapeutes et au Ministre chargé de la santé.

Ainsi fait et délibéré par M. DULONG, Conseiller d’Etat honoraire, Président et Mme TURBAN, MM. DUCROS, RABEJAC, GROSS, PAPP, PASTOR, membres assesseurs de la chambre disciplinaire nationale.

Thierry DULONG
Conseiller d’Etat honoraire
Président
Gérald ORS
Greffier en chef
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision

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Conseil de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, Chambre Disciplinaire Nationale, 20 décembre 2013, n° 022-2012