Conseil de l'Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, Chambre Disciplinaire Nationale, 23 décembre 2020, n° 056-2019

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Sur la décision

Référence :
ONMK, ch. disciplinaire nationale, 23 déc. 2020, n° 056-2019
Numéro(s) : 056-2019
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Sur les parties

Texte intégral

ORDRE NATIONAL DES MASSEURS-KINESITHERAPEUTES
CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
N°056-2019 Mme D. c/ Conseil départemental de l’ordre des kinésithérapeutes du Nord
Rapporteur : M. Pascal Mazeaud
Audience publique du 25 novembre 2020
Décision rendue publique par affichage le 23 décembre 2020
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Nord a saisi la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’ordre des masseurskinésithérapeutes des Hauts de France, le 5 mai 2018, d’une plainte contre Mme D., masseurkinésithérapeute, demeurant alors (…).
Par une décision n°2018-005-59 du 25 octobre 2019, notifiée à Mme D. le 3 décembre 2019 par huissier de justice, la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Hauts de France a infligé à celle-ci la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de masseur-kinésithérapeute pendant une durée de trois ans.
Procédure devant la chambre disciplinaire nationale :
Par une requête enregistrée le 24 décembre 2019 au greffe de la chambre disciplinaire nationale, Mme D., demeurant désormais (…), demande l’annulation de cette décision.
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l’ordonnance n°2020- 1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre administratif ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 novembre 2020, tenue dans les conditions prévues à l’article 2 de l’ordonnance du 18 novembre 2020, susvisée :
1 - M. Mazeaud en son rapport ;

-
Les observations de Me Adouane pour Mme D. et celle-ci en ses explications ;

-
Les explications de M. Bouillet pour le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Nord ;
Mme D. ayant été invitée à reprendre la parole en dernier.
Après en avoir délibéré,
Considérant ce qui suit :
1. Mme D., masseur-kinésithérapeute exerçant à domicile, demande l’annulation de la décision du 25 octobre 2019, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Hauts de France lui a infligé la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de masseur-kinésithérapeute pendant une durée de trois ans, pour avoir méconnu les dispositions des articles R. 4321-54, R.4321-67 et
R.4321-123 du code de la santé publique.
Sur les griefs :

2. Aux termes de l’article L.4321-10 du code de la santé publique : «Sont tenues de se faire enregistrer auprès du service ou de l’organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé les personnes ayant obtenu un titre de formation ou une autorisation requis pour l’exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute, avant leur entrée dans la profession, ainsi que celles qui ne l’exerçant pas ont obtenu leur titre de formation depuis moins de trois ans./L’enregistrement de ces personnes est réalisé après vérification des pièces justificatives attestant de leur identité et de leur titre de formation ou de leur autorisation. Elles informent le même service ou organisme de tout changement de résidence ou de situation professionnelle.
/Pour les personnes ayant exercé la profession de masseur-kinésithérapeute, l’obligation d’information relative au changement de résidence est maintenue pendant une période de trois ans à compter de la cessation de leur activité.(…) ». Aux termes de l’article R4321-54 du même code : « Le masseur-kinésithérapeute respecte, en toutes circonstances, les principes de moralité, de probité et de responsabilité indispensables à l’exercice de la masso-kinésithérapie.
» En vertu de l’article R4321-79 du même code : « Le masseur-kinésithérapeute s’abstient, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci. ».
3. Il résulte de l’instruction que Mme D., masseur-kinésithérapeute, a, à la suite de graves difficultés personnelles et financières, fermé en juin 2015 son cabinet de (…) et déménagé, sans en avertir le conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, 2 sans enlever son nom de la boîte aux lettres de son ancienne adresse. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à son encontre le 7 octobre 2016 à la demande de ses créanciers par le tribunal de grande instance de Lille. Cette procédure a été convertie en procédure de liquidation judiciaire par un jugement du même tribunal du 2 décembre 2016, procédure clôturée pour insuffisance d’actif par un jugement du 2 février 2018. Ce jugement mentionne « que le montant des éléments d’actifs est nul et que le passif est chiffré à la somme plus que conséquente de 336 777,08 euros (…) Par ailleurs, le tribunal constate que Mme D.
n’a jamais collaboré avec le mandataire et qu’elle ne s’est pas présentée aux convocations du tribunal ». Si la requérante soutient qu’il n’y avait là de sa part aucun mépris du tribunal, ni du mandataire judiciaire, car elle ignorait l’existence de cette procédure, les convocations ayant été envoyées à l’adresse du cabinet fermé en 2015, elle ne pouvait ignorer un montant aussi important de dettes, dont elle aurait dû examiner avec ses créanciers les modalités de règlement et il lui appartenait en tout état de cause, de déclarer au conseil départemental de l’ordre ses changements d’adresse et l’arrêt de son activité. Elle a ainsi méconnu les dispositions des articles L.4321-10, R.4321-54 et R.4321-79 du code de la santé publique.
4. Aux termes de l’article L.4321-67 du code de la santé publique : « La massokinésithérapie ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité, exception faite des cas prévus aux articles R. 4321-124 et R.
4321-125.(…) ». Selon l’article R.4321-124 du même code : « Dans le cadre de l’activité non thérapeutique, la publicité est exclusivement autorisée dans les annuaires à usage du public, dans une autre rubrique que celle des masseurs-kinésithérapeutes. Le dispositif publicitaire est soumis pour autorisation au conseil départemental de l’ordre.(…) ».
5. Il résulte de l’instruction que M. L., professeur d’activité physique adaptée, a relayé sur sa page Facebook, un message de Mme D., que celle-ci dit dater de 2015, trouvé par le conseil départemental de l’ordre du Nord en septembre 2018, par lequel celle-ci se présentait comme ostéopathe équin et décrivait son projet de mettre en place avec lui, en plus de ses consultations ostéopathiques classiques, un bilan biomécanique et musculaire du cheval et de son cavalier ainsi qu’un programme d’exercices pour chacun d’eux. En réponse à une question, M. L. mentionnait que celle-ci était une « collègue du cabinet au top ». Cette communication ayant un caractère publicitaire, aurait dû faire l’objet d’une demande d’autorisation au conseil départemental de l’ordre, ce qui n’a pas été le cas. Le conseil départemental de l’ordre est donc fondé à soutenir que la requérante a méconnu les dispositions précitées de l’article R.4321-124 du code de la santé publique.
6. Par ailleurs, en vertu de l’article L.243-1 du code rural et de la pêche maritime, les actes ayant pour objet de prévenir ou traiter une blessure ou une douleur d’un animal sont des actes de médecine des animaux, qu’il est interdit à toute personne n’ayant pas la qualité de vétérinaire de pratiquer. Si l’article L.243-2 du même code prévoit depuis 2011 une dérogation à cette interdiction en faveur de personnes réalisant des actes d’ostéopathie animale, justifiant de compétences définies par décret, inscrites sur une liste tenue par l’ordre des vétérinaires et s’engageant, sous le contrôle de celui-ci, à respecter des règles de déontologie définies par décret en Conseil d’Etat, ce décret n’est intervenu que le 19 avril 2017, date à laquelle ces activités ont été autorisées aux personnes inscrites sur la liste précédemment mentionnée.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme D. ne pouvait pas exercer légalement en 2015, l’ostéopathie équine. Même si le projet envisagé avec M. L. a été abandonné et si la requérante 3 affirme qu’elle ignorait le problème posé par cette activité et n’a exercé que sur ses propres chevaux et ceux d’amis, en lien avec un vétérinaire belge, sa légèreté publiquement affichée à l’égard des conditions d’exercice d’une profession réglementée est de nature à déconsidérer la profession de masseur-kinésithérapeute, en méconnaissance de l’article R.4321-79 précité, du code de la santé publique.
8. Par contre, il résulte de l’instruction que, contrairement à ce qu’a compris le conseil départemental de l’ordre, Mme D. n’exerce pas et n’a jamais exercé l’ostéopathie humaine, la référence de la page Facebook à ses consultations ostéopathiques classiques devant, dans le contexte, être interprétée comme renvoyant à son activité d’ostéopathie équine.
9. Enfin, le défaut de versement de cotisations, même pendant une période prolongée, n’est pas en lui-même de nature à justifier une sanction disciplinaire, ainsi qu’il ressort de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 qui a supprimé, dans le code de la santé publique, la mention de l’obligation de payer les cotisations ordinales « sous peine de sanctions disciplinaires », éclairée par ses travaux préparatoires. Il en va toutefois différemment lorsque le masseurkinésithérapeute qui ne s’acquitte pas de ses cotisations adopte en outre, envers les instances ordinales, un comportement fautif par lui-même en raison de sa désinvolture ou de son agressivité. En l’espèce, il résulte de l’instruction que le non- paiement des cotisations ordinales par la requérante, qui n’est pas agressive à l’égard de son ordre, résulte, non de sa désinvolture ou d’un manque de respect envers les instances ordinales, mais de graves difficultés personnelles ayant causé une dépression et de difficultés financières ayant conduit à la liquidation judiciaire de son cabinet. La requérante s’est d’ailleurs acquittée des cotisations ordinales qui lui étaient demandées au titre des années 2018, 2019 et 2020.

Sur la sanction :
6. Il résulte des points 3, 5 et 7, que Madame D. a commis des fautes disciplinaires, qui doivent être sanctionnées. Il résulte toutefois de l’instruction que sa responsabilité dans les fautes mentionnées au point 3 est minorée par le fait que, ainsi que dit plus haut, elle a été atteinte, à la suite de plusieurs malheurs dans sa vie personnelle, d’une grave dépression, dont elle n’a commencé à se remettre qu’au début de l’année 2018, date à laquelle elle a contacté le conseil départemental du Nord pour reprendre son activité de masseur-kinésithérapeute dans le cadre de remplacements. Compte tenu de ses changements d’adresse, elle n’a eu connaissance des procédures diligentées contre elle devant le tribunal de commerce, puis devant la chambre disciplinaire de première instance, qu’au moment de la notification, faite par voie d’huissier, des décisions de ces juridictions. La sanction de trois ans d’interdiction d’exercer décidée en première instance paraissant, dans les circonstances de l’espèce, disproportionnée, il sera fait une juste appréciation de sa responsabilité en lui infligeant la sanction de l’interdiction d’exercer pour une durée de six mois, entièrement assortie du sursis.
DECIDE
Article 1er :
Il est infligé à Mme D. la sanction de l’interdiction d’exercer pour une durée de six mois, entièrement assortie du sursis.
4 Article 2 :
Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 :
La décision n°2018-005-59 du 25 octobre 2019 de la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Hauts de France est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.
Article 4 :
La présente décision sera notifiée à Mme D., au conseil départemental de l’ordre des masseurskinésithérapeutes du Nord, au Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lille, au directeur général de l’Agence régionale de santé des Hauts de France, à la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes des Hauts de France et au ministre des Solidarités et de la Santé.

Ainsi fait et délibéré par Mme GUILHEMSANS, Conseillère d’Etat, Présidente et MM. MAZEAUD, BELLINA, DIARD, POIRIER, TOURJANSKY, membres assesseurs de la chambre disciplinaire nationale.

Marie-Françoise GUILHEMSANS
Conseillère d’Etat
Présidente
Pauline DEHAIL
Greffière
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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  2. Code de la santé publique
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