Tribunal administratif de Caen, 2ème chambre, 13 décembre 2022, n° 2002375

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Caen, 2e ch., 13 déc. 2022, n° 2002375
Juridiction : Tribunal administratif de Caen
Numéro : 2002375
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 novembre 2020,10 janvier 2021, 13 août 2021 et 9 février 2022, M. D A demande au tribunal :

1°) d’annuler la délibération du 1er octobre 2020 par laquelle le bureau de la communauté d’agglomération Lisieux Normandie a autorisé la vente d’un ensemble immobilier situé à Livarot-Pays-d’Auge à la société civile immobilière Les Briques ;

2°) de mettre à la charge de la communauté d’agglomération Lisieux Normandie la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Les Briques la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— il a intérêt à agir, en tant que contribuable local et en tant qu’acheteur évincé ;

— la délibération transmise en préfecture ne concorde pas avec celle votée par les élus ;

— elle se fonde sur un texte applicable aux communes et non aux établissements publics de coopération intercommunale ;

— elle vise des « avis des domaines » ;

— elle autorise la vente pour un prix incertain en l’absence de précision sur la taxe sur la valeur ajoutée ;

— elle est intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière dès lors que la vente de l’unique ensemble immobilier a donné lieu à deux avis ;

— les avis ont été rendus sans qu’ils prennent en compte la situation exacte des biens, leur état et leur superficie ;

— le coût des raccordements nécessaires doit être pris en compte dans l’évaluation du bien ;

— le prix auquel la vente est autorisée est sous-évalué et le prix de vente retenu n’est compensé par aucun motif d’intérêt général ni aucune contrepartie.

Par des mémoires enregistrés les 25 juin 2021, 24 janvier 2022 et 25 janvier 2022, la communauté d’agglomération Lisieux Normandie, représentée par la selarl Juriadis, conclut au rejet de la requête. A titre subsidiaire, elle demande au tribunal de prononcer un sursis à statuer dans l’attente d’une mesure de régularisation destinée à effacer les éventuels vices de légalité qui seraient constatés et, à titre très subsidiaire, d’annuler la délibération du 1er octobre 2020 avec effet différé au 1er janvier 2023. Elle demande en outre au tribunal de mettre à la charge de M. A la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— dès lors que le prix est conforme à l’évaluation des services de l’Etat et que la collectivité publique ne subit aucune perte financière, la requête est irrecevable ;

— les autres moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 1er juillet 2021, la société civile immobilière Les Briques, représentée par la sarl cabinet Briard, conclut au rejet de la requête. Elle demande en outre au tribunal de mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. C,

— les conclusions de M. Blondel, rapporteur public,

— et les observations de M. A et de Me Debuys, représentant la communauté d’agglomération de Lisieux Normandie.

Une note en délibéré présentée par M. A a été enregistrée le 18 novembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 1er octobre 2020, le bureau de la communauté d’agglomération de Lisieux Normandie a décidé de vendre à M. B, marchand de biens, représentant la société civile immobilière Les Briques (SCI), au prix de 144 000 euros, un ensemble immobilier constitué de la parcelle cadastrée AE 692, rue Gambier à Livarot-Pays-d’Auge, d’une superficie de 1 807 m² et composée d’une maison d’habitation et d’un bâtiment industriel ayant abrité une fromagerie puis un « Musée du Fer ». Par sa présente requête M. D A, contribuable de la commune de Livarot-Pays-d’Auge qui déclare s’être porté acquéreur de l’ensemble immobilier pour un prix de 161 000 euros, demande l’annulation de la délibération du 1er octobre 2020.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. En premier lieu, si la délibération du 1er octobre 2020 du bureau communautaire vise, à tort, l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales qui porte sur les compétences du conseil municipal, cette mention reste une simple erreur matérielle qui n’affecte pas la légalité de la délibération.

3. En deuxième lieu, la circonstance que la délibération du 1er octobre 2020 mentionne dans ses visas « l’avis des domaines » et l’avis de la direction de l’immobilier de l’État est sans incidence sur sa légalité, le bureau communautaire ayant retenu l’appellation usuelle du service de l’Etat consulté pour avis.

4. En troisième lieu, la circonstance que la délibération du 1er octobre 2020 mentionne un prix de 144 000 euros puis de " 144 000 € HT " reste sans incidence sur sa légalité dès lors que le prix n’est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée.

5. En quatrième lieu, M. A soutient que la délibération du 1er octobre 2020 devait être précédée d’un avis de la direction de l’immobilier de l’Etat. La délibération litigieuse transmise aux services préfectoraux vise explicitement un avis du 28 novembre 2019 qui concerne l’ensemble immobilier évalué à 180 000 euros. Le procès-verbal de la séance vise quant à lui « les avis des domaines en date du 10 août 2020, annexés à la présente délibération » qui évaluent le bâtiment anciennement à l’usage de musée à 110 000 euros et la maison d’habitation à 51 000 euros. Les avis, qui sont cohérents, précisent qu’une marge de négociation de 20% est applicable à ces estimations « eu égard à la spécificité du dossier ». Le prix de vente de 144 000 euros se situe dans la marge de négociation de l’avis du 28 novembre 2019 comme dans ceux du 10 août 2020 et il est envisagé par l’acquéreur de procéder à une division du bien. Dès lors, la présentation d’un avis portant sur l’ensemble du bien, ou de deux avis portant sur les deux éléments du bien, ne constitue pas une manœuvre de nature à priver le bureau communautaire d’une information. De plus, il n’est pas contesté que le prix a fait l’objet d’un débat au sein du conseil communautaire. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le requérant, l’existence d’avis successifs sur l’évaluation de l’immeuble ne vicie pas la délibération attaquée.

6. En cinquième lieu, le requérant fait valoir que les avis des domaines indiquent une date de visite au 18 novembre 2019 alors que la demande d’avis a été réceptionnée le 30 juillet 2020. Toutefois, l’agent de la direction de l’immobilier de l’Etat a visité le bien le 18 novembre 2019 avant de procéder à son évaluation le 28 novembre 2019. Le même agent a procédé à une seconde évaluation, à la demande de la collectivité le 30 juillet 2020, et, sans réaliser une nouvelle visite des lieux, une estimation a été communiquée le 10 août 2020. Compte tenu de la proximité des dates des deux évaluations et alors qu’aucune modification significative des biens ne ressort des pièces du dossier, aucune nouvelle visite des lieux ne se justifiait. Dans ces conditions, les avis du pôle d’évaluation domaniale de la direction départementale des finances publiques du Calvados ne sont pas irréguliers.

7. En sixième lieu, le requérant fait valoir que la délibération comporte des imprécisions sur la consistance du bien vendu et sur le prix des raccordements au réseau d’eau. Si le requérant estime que l’évaluation a omis le grenier du bâtiment à usage professionnel d’une superficie de 123 m², l’avis de l’agent de la direction de l’immobilier de l’Etat précise toutefois que la surface utile de l’immeuble est de 220 m² et il a ultérieurement précisé, dans un courriel du 22 décembre 2020 que « le grenier est existant mais en l’état, n’est pas aménageable compte tenu de la hauteur de plafond () et par conséquent ne peut être compris dans la surface utile ». La mention portant sur le financement des raccordements aux réseaux n’est pas chiffrée mais elle n’est pas de nature à avoir exercé une influence significative sur le prix de vente. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le requérant, la délibération attaquée n’a pas été prise au vu d’avis erronés sur la consistance des biens.

8. En septième lieu, le requérant fait valoir que les avis de la direction de l’immobilier de l’Etat sont erronés dès lors qu’ils mentionnent que les biens évalués sont concernés par un plan de prévention des risques « inondations ». Toutefois, il ressort des termes mêmes des avis des 30 juillet 2020 et 28 novembre 2019 que l’évaluation précise que le bien est « à proximité de zones inondables et de remontées de nappes phréatiques ». Contrairement à ce qu’affirme le requérant, cette précision, qui est d’ailleurs corroborée par l’extrait de l’atlas régional des zones inondables du 5 décembre 2016 qu’il produit, ne constituait ni une mention erronée ni une mention inutile. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le requérant, la délibération attaquée n’a pas été prise au vu d’avis erronés sur la situation exacte des biens.

9. En huitième lieu, pour soutenir que le prix de vente de 144 000 euros retenu par la communauté d’agglomération Lisieux Normandie est manifestement sous-évalué, M. A se fonde sur le prix de 380 000 euros auquel le bien a été acquis en 2013 par la collectivité. D’une part, s’agissant du bâtiment à usage professionnel, la communauté d’agglomération s’est fondée sur l’avis de l’agent qui a procédé à l’évaluation qui a retenu une valeur haute (500 euros/m²) en s’appuyant sur sept termes de comparaison correspondant à des bâtiments d’activités et entrepôts dans le secteur du pays d’Auge dont les prix allaient de 102 euros/m² à 500 euros/m². S’agissant du bâtiment à usage d’habitation, la communauté d’agglomération s’est fondée sur l’avis de l’agent qui a procédé à l’évaluation qui a retenu une valeur basse (730,77 euros/m²) sur une échelle de prix allant de 730,77 euros/m² à 979,73 euros/m², en tenant plus particulièrement compte de la localisation du bien situé à un carrefour, de la date de construction, de la surface habitable et des importants travaux à prévoir alors que le bien a été inoccupé pendant plusieurs années. D’autre part, la communauté d’agglomération Lisieux Normandie explique la dépréciation du bien. L’agent chargé de l’évaluation a notamment précisé que la vétusté et la dégradation des biens à évaluer entre 2013 et 2019 justifiaient une modification du prix. Le bâtiment à usage professionnel était " à rénover et [à] remettre aux normes « et que la maison d’habitation » non habitée depuis plusieurs années avait été squattée et dégradée « . M. A se borne à comparer le prix de vente de la maison d’habitation avec les prix médians et minimum constatés sur le site internet des notaires, le site » meilleurs agents « et le site » impôts.gouv.fr « . Ces évaluations présentent des écarts significatifs qui ne sont pas expliqués, le prix minimum étant de 630 euros/m² sur le site des notaires et de 992 euros/m² sur le site » meilleurs agents ". Le requérant se fonde sur des moyennes et non sur des prix de vente de biens comparables. Il ne conteste pas la réalité de la dégradation de l’immeuble, mentionnée dans le courriel de l’agent chargé de l’évaluation. Si la communauté d’agglomération a pris en charge des travaux de raccordement aux réseaux pour un coût total de 4 386,83 euros, ces travaux conservent un caractère accessoire à la vente et, en tout état de cause, leur coût ne porte pas le prix de vente à un montant inférieur au prix minimum prévu par l’évaluation du 10 août 2020 qui comportait une marge d’appréciation. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du prix doit être écarté.

10. Il ressort au surplus des pièces du dossier qu’alors que depuis une quinzaine d’années, le petit-commerce du centre-ville souffre d’un contexte économique très difficile (huit des quatorze devantures de commerces de la rue principale ont fermé ou fait faillite), le projet de la SCI Les Briques s’inscrit dans une perspective de relance de l’activité´ économique dans le centre-ville de Livarot et en entrée de ville. Le projet porte à la fois sur la création d’une brasserie artisanale, à laquelle la délibération litigieuse fait explicitement référence, et sur une activité de location de vélos. Ainsi, le projet favorisera le tourisme local et valorisera le patrimoine de la commune qui avait d’ailleurs classé la mosaïque installée sur la façade du bâtiment à usage professionnel qui n’était plus entretenu.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que la requête de M. A doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d’agglomération de Lisieux Normandie et de la SCI Les Briques la somme que demande M. A, partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

13. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. A la somme de 800 euros au titre des frais exposés par la communauté d’agglomération de Lisieux Normandie et la somme de 800 euros au titre des frais exposés par la SCI Les Briques.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera la somme de 800 euros à la communauté d’agglomération de Lisieux Normandie au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. A versera la somme de 800 euros à la SCI Les briques au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. D A, à la communauté d’agglomération Lisieux Normandie et à la société civile immobilière Les Briques.

Délibéré après l’audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Mondésert, président,

M. Berrivin, premier conseiller,

Mme Silvani, conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022 .

Le rapporteur,

signé

A. C

Le président,

signé

X. MONDESERT La greffière,

signé

A. LAPERSONNE

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

la greffière,

A. Lapersonne

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Tribunal administratif de Caen, 2ème chambre, 13 décembre 2022, n° 2002375