Tribunal administratif de Caen, 1ère chambre, 20 janvier 2023, n° 2001910

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Caen, 1re ch., 20 janv. 2023, n° 2001910
Juridiction : Tribunal administratif de Caen
Numéro : 2001910
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 25 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 octobre et 29 décembre 2020, 9 février 2021, 6 et 28 décembre 2022, M. A.. B.., représenté par Me Matthews, demande au tribunal :

1°) de condamner le département de la Manche à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation de ses préjudices subis du fait d’une mutation illégale, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge du département de la Manche une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— le département de la Manche engage sa responsabilité pour faute compte tenu de l’illégalité de la décision du 4 juin 2020 portant mutation ; cette décision est entachée de vice de procédure ; elle a entraîné un déclassement et constitue une sanction déguisée ;

— le département de la Manche a commis une faute au regard de l’obligation de sécurité qui lui incombe ;

— il est bien fondé à solliciter la somme de 70 000 euros en réparation de ses préjudices dont 12 000 euros de préjudice moral et physique, 10 000 euros au titre de l’atteinte à sa réputation, et 48 000 euros au titre de son préjudice financier et de carrière.

Par des mémoires en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 2 décembre 2020, 27 janvier, 17 mars 2021 et 2 décembre 2022, le département de la Manche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— il n’a commis aucune faute s’agissant d’un changement de poste souhaité et accepté par M. B.. ;

— il n’a commis aucun manquement à son obligation de sécurité ;

— les préjudices ne sont pas établis ni justifiés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l’exercice 1905 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme A..,

— les conclusions de M. Bonneu, rapporteur public,

— les observations de Me Matthews, représentant le requérant.

Considérant ce qui suit :

1. M. A.. B.., animateur territorial au sein de G à A, a fait l’objet d’une mutation à un poste de chargé de mission des collections maritimes à D par une décision du 4 juin 2020. Par un courrier du 15 juin 2020, M. B.. a sollicité l’indemnisation des préjudices qu’il estime avoir subis du fait de cette mutation. Par un courrier du 3 août 2020, cette demande a été rejetée. Par la présente requête, M. B.. demande au tribunal de condamner le département de la Manche à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation de ses préjudices.

Sur la responsabilité du département de la Manche :

En ce qui concerne l’illégalité de la décision portant changement de poste :

2. En premier lieu, aux termes de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 : « Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d’être l’objet d’une mesure disciplinaire ou d’un déplacement d’office, soit avant d’être retardé dans leur avancement à l’ancienneté ».

3. En vertu de ces dispositions, un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l’intention de l’autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où l’agent public fait l’objet d’un déplacement d’office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s’il a été préalablement informé de l’intention de l’administration de le muter dans l’intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.

4. En l’espèce, il résulte de l’instruction que M. B.. a connu des difficultés au sein de son équipe. Il a fait part à sa hiérarchie, par des courriels des 13 et 18 novembre 2019, de ses problèmes de santé, liés à un décollement de rétine et une infection ORL, des congés qu’il serait amené à poser, et des pistes de travail qu’il envisageait compte tenu des difficultés professionnelles rencontrées notamment avec son équipe. Il est constant qu’un entretien s’est tenu le 5 décembre 2019 entre le requérant et ses responsables. Si le requérant fait valoir que seules les difficultés avec son équipe ont été abordées, le département, qui transmet un compte rendu d’entretien, n’est pas sérieusement contesté lorsqu’il indique que les conditions de son retour suite à son congé maladie ont été évoquées et que M. B.. a exprimé sa volonté de réaliser une mobilité. Le compte rendu précise d’ailleurs les postes sur lesquels M. B.. a indiqué envisager une mobilité en externe ou en interne et un courriel du 5 janvier 2020 de l’intéressé mentionne sa volonté « de ne plus retourner à F et plus globalement à la DPM ». Par un courriel du 29 janvier 2020, M. B.. indique qu’à la suite de visites médicales, il lui est possible de reprendre son travail et qu’il est à la disposition de ses supérieurs et de la direction des ressources humaines afin de trouver « des solutions adaptées ». Dans deux courriels en réponse des 29 et 30 janvier 2020, sa responsable hiérarchique lui a indiqué qu’il serait reçu le lundi 3 février afin de lui présenter les missions envisagées dans le cadre de son retour au sein de la direction. Par un courriel du 4 février 2020, une fiche de mission lui a été transmise, qui a été signée par M. B.. le 10 février 2020. Si ce dernier fait valoir qu’il n’a pas eu communication préalable de son dossier, il a été préalablement informé de l’intention de l’administration de lui confier de nouvelles missions, ce qui correspondait au demeurant à sa volonté de changement de poste. Il doit donc être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier.

5. En deuxième lieu, M. B.. expose que la décision de mutation a été brutale et vexatoire. Toutefois, il ressort de ce qui a été dit au point précédent que le requérant avait fait part de son mal-être sur son poste et de son souhait d’effectuer une mobilité. Un entretien a été mené le 5 décembre 2019. Si le requérant indique qu’il n’a pas été mis à même de présenter des observations suites aux reproches formulés lors de cet entretien, il ne résulte pas de l’instruction qu’il ait présenté des observations ou en ait été empêché avant l’entretien du 3 février 2020 ou avant la signature de sa lettre de mission le 10 février suivant. Il fait également valoir que ce changement de poste constitue un déclassement dès lors qu’il pouvait prétendre à un classement en catégorie B6 dès janvier 2020 et qu’il a perdu en responsabilités. Toutefois, il résulte de l’instruction que M. B.. ne souhaitait pas poursuivre sur son poste de responsable à F et qu’il a signé la feuille de mission le 10 février 2020. Par ailleurs, alors même que les attributions de M. B.. ne comportent plus de fonctions d’encadrement, il ne résulte pas de l’instruction, en particulier des différents échanges professionnels en lien avec ces nouvelles missions, qu’il s’agirait de fonctions fictives, ni qu’elles représenteraient un déclassement subi ou porteraient atteinte à ses perspectives de carrière. En outre, M. B.. n’établit pas qu’il aurait dû bénéficier d’un reclassement en B6, ou qu’un tel reclassement était impossible sur son nouveau poste, ni d’ailleurs qu’il ait sollicité en vain ce reclassement.

6. En troisième lieu, le requérant fait valoir que la décision litigieuse constitue une sanction déguisée. S’il ressort du compte rendu d’entretien du 5 décembre 2019 que les difficultés professionnelles de M. B.. et de son équipe ont effectivement été abordées, il ne résulte pas ce compte rendu, ni des échanges avec sa hiérarchie, que le département ait entendu sanctionner son comportement. Le changement d’affectation de M. B.., proposé compte tenu des difficultés rencontrées par ce dernier et de sa volonté de ne pas retourner à F, a été accepté par l’intéressé. Par suite, cette décision ne constitue pas une mesure unilatérale portant sanction déguisée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B.. n’établit pas l’illégalité de la décision portant mutation dont il a fait l’objet.

En ce qui concerne le manquement à l’obligation de sécurité :

8. M. B.. soutient que le département a méconnu son obligation de sécurité dès lors qu’il a subi une « cabale » en dehors de toute procédure en le stigmatisant et en l’évinçant de ses responsabilités et missions. Il résulte de l’instruction que, averti par M. B.. de difficultés rencontrées avec son équipe et de sa volonté de changer de poste, le département a organisé un entretien le 5 décembre 2019, au retour d’un congé maladie pris pour des raisons dont il est constant qu’elles étaient sans lien avec le service. L’absence de réalisation d’un entretien annuel ne saurait constituer un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, alors que M. B.. a été reçu pour discuter des difficultés rencontrées. Si M. B.. fait valoir qu’il a été « placardisé » sur son nouveau poste, cette situation ne résulte pas de l’instruction et notamment des échanges de courriels relatifs à ses nouvelles missions.

9. Le compte rendu du 5 décembre 2019 mentionne que M. B.. a été interrogé sur le lien entre certaines difficultés professionnelles et le stress, à laquelle il a répondu par la négative. Une visite avec le service de médecine de prévention a également été organisée le 24 décembre 2019 à la demande de l’employeur. Le requérant indique avoir subi un infarctus le 29 février 2020 en lien avec sa situation professionnelle. Il a transmis un formulaire d’accident de service par courriel du 21 juillet 2020, soit plusieurs mois après les faits. La commission de réforme du 11 décembre 2020 n’a pas reconnu cet accident comme étant imputable au service. Il ne résulte pas de l’instruction, bien que M. B.. transmette un certificat médical du 5 décembre 2022 de son médecin traitant indiquant avoir présenté une demande d’imputabilité au service de sa maladie cardio-vasculaire, que le département de la Manche ait omis de prendre en considération les problèmes de santé du requérant ni qu’il ait commis un manquement à son obligation de sécurité.

10. Il résulte de tout ce qui précède qu’en l’absence de faute susceptible d’engager la responsabilité du département de la Manche, les conclusions indemnitaires présentées par M. B.. doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Manche, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B.. demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B.. est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A.. B.. et au département de la Manche.

Délibéré après l’audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Cheylan, président,

M. Martinez, premier conseiller,

Mme Arniaud, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2023.

La rapporteure,

C. B

Le président,

F. CHEYLAN

La greffière,

C. BÉNIS

La République mande et ordonne au préfet de la Manche, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

la greffière,

C. Bénis

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Tribunal administratif de Caen, 1ère chambre, 20 janvier 2023, n° 2001910