Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, Juge unique - 2ème chambre, 22 novembre 2022, n° 2102544

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Châlons-en-Champagne, juge unique - 2e ch., 22 nov. 2022, n° 2102544
Juridiction : Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne
Numéro : 2102544
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 23 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 novembre 2021 et 26 avril 2022, Mme D B, épouse A, représentée par Me Laetitia Journé-Léau, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 22 juillet 2021 par laquelle le directeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales a refusé de lui attribuer le bénéfice de la majoration spéciale pour assistance d’une tierce personne, ensemble la décision du 25 août 2021 portant rejet de son recours gracieux ;

2°) d’enjoindre au directeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales de lui attribuer le bénéfice de cette majoration, avec effet à compter du

1er mars 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— les signataires des décisions attaquées sont incompétents ;

— la décision du 22 juillet 2021 méconnaît les dispositions de l’article 34 du décret du

26 décembre 2003, dès lors la majorité des actes de la vie courante essentiels requiert l’assistance d’une tierce personne.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2022, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

— le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendues au cours de l’audience publique, après présentation du rapport, les conclusions de Mme C de Laporte, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B a été recrutée par le conseil général de l’Aube en 1993 sur des fonctions d’assistance socio-éducative. En raison de son inaptitude physique définitive et absolue à l’exercice de toutes fonctions, le président du conseil départemental de l’Aube, par un arrêté du 13 février 2020, l’a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du

1er mars 2020. Concomitamment, Mme B a sollicité auprès de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales (CNRACL) le bénéfice d’une majoration spéciale pour assistance d’une tierce personne qui lui a été refusé par une décision du

22 juillet 2021. Une décision du 25 août 2021 a rejeté son recours gracieux. Par la présente requête, Mme B demande au tribunal d’annuler ces deux dernières décisions.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 30 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Lorsque le fonctionnaire est dans l’obligation d’avoir recours d’une manière constante à l’assistance d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, il a droit à une majoration spéciale d’un montant correspondant à la valeur de l’indice majoré 227 au 1er janvier 2004, revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. Le droit à cette majoration est également ouvert au fonctionnaire relevant du deuxième alinéa de l’article L. 28. »

3. Aux termes du deuxième alinéa de l’article 34 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : « Si le fonctionnaire est dans l’obligation d’avoir recours d’une manière constante à l’assistance d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, il a droit à une majoration spéciale dont le montant est égal à la valeur de l’indice majoré 227 au 1er janvier 2004 revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. La majoration spéciale est accordée sur demande à tout titulaire d’une pension d’invalidité qui justifie remplir les conditions fixées ci-dessus. La majoration spéciale est accordée pour une période de cinq ans. A l’expiration de cette période, les droits des retraités font l’objet d’un nouvel examen et la majoration est soit accordée à titre définitif s’il est reconnu que le titulaire continue de remplir les conditions pour en bénéficier, soit, dans le cas contraire, supprimée. Postérieurement, elle peut être à tout moment rétablie suivant la même procédure à compter de la date de la demande du retraité si celui-ci justifie être de nouveau en droit d’y prétendre. Cette majoration n’est pas cumulable à concurrence de son montant avec toute autre prestation ayant le même objet. » Ces dispositions ne peuvent être interprétées comme exigeant que l’aide d’un tiers soit nécessaire à l’accomplissement de la totalité des actes nécessaires à la vie courante. Elles imposent toutefois que l’aide d’une tierce personne soit indispensable ou bien pour l’accomplissement d’actes nombreux se répartissant tout au long de la journée, ou bien pour faire face soit à des manifestations imprévisibles des infirmités ou de l’affection dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l’accomplissement ne peut être subordonné à un horaire préétabli, et dont l’absence mettrait sérieusement en danger l’intégrité physique ou la vie de l’intéressé.

4. Il résulte de l’instruction, et notamment d’une expertise médicale réalisée en dernier lieu le 8 mars 2021, que l’état de santé de Mme B, qui souffre de plusieurs affections (lombalgies chroniques, déficit neurologiques du membre inférieur droit et cervicalgies), nécessite l’assistance d’une tierce personne pour se lever et se coucher dans son lit, pour s’habiller et se dévêtir complètement, pour réaliser sa toilette intégrale, ainsi que pour préparer ses repas, couper ses aliments et se verser à boire. Nonobstant le caractère contradictoire ou l’imprécision d’autres expertises médicales réalisées dans le cadre de l’instruction de la demande de Mme B, ces conclusions ne sont pas contredites par la CNRACL qui admet que, au regard du déficit d’autonomie de l’intéressée, l’assistance d’une tierce personne est requise quotidiennement les matin, midi et soir pour permettre à Mme B d’accomplir les actes de vie précités. Eu égard à la nature et à la fréquence des actes pour lesquels l’assistance d’une tierce personne est nécessaire, Mme B, qui se prévaut par ailleurs de l’avis favorable émis le 27 mai 2021 par la commission de réforme, est fondée à soutenir que, pour la mise en œuvre des dispositions précitées de l’article 34 du décret du 26 décembre 2003, une telle assistance doit être regardée comme étant indispensable pour l’accomplissement d’actes nombreux se répartissant tout au long de la journée.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen soulevé à l’appui de la requête, que la décision du 22 juillet 2021 par laquelle le directeur de la CNRACL a refusé d’accorder à Mme B le bénéfice de la majoration spéciale pour assistance d’une tierce personne doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 25 août 2021 portant rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

6. Le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l’administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu’il lui appartient de fixer.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que Mme B a droit à la majoration spéciale prévue à l’article 34 du décret du 26 décembre 2003. Dès lors, il convient, en l’absence de changements de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d’enjoindre au directeur de la CNRACL de la faire bénéficier, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, de cette majoration et de lui verser les arrérages qui lui sont dus depuis le

1er mars 2020, date de son admission à la retraite pour invalidité.

Sur les frais liés à l’instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la CNRACL la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions du 22 juillet 2021 et 25 août 2021 prises par le directeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au directeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales d’accorder à Mme B, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, la majoration spéciale pour assistance d’une tierce personne et de lui verser les arrérages de cette majoration dus depuis le 1er mars 2020.

Article 3 : La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales versera à Mme B une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme D B, épouse A et à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

Le magistrat désigné,

Signé

C. FRIEDRICH La greffière,

Signé

I. DELABORDE

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