Tribunal administratif de Grenoble, 14 mars 2016, n° 1305405

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 14 mars 2016, n° 1305405
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 1305405

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

N°1305405

___________

SOCIETE BIOMET

___________

Mme Céline Y

Rapporteur

___________

M. Paul Z

Rapporteur public

___________

Audience du 29 février 2016

Lecture du 14 mars 2016

___________

66-07-01-04-02

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Grenoble

(7e chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 octobre 2013 et un mémoire enregistré le 5 novembre 2014, la société Biomet, représentée par Me Milan, demande au tribunal d’annuler la décision de l’inspection du travail du 19 mars 2013 refusant de l’autoriser à licencier M. B X, ensemble la décision du ministre chargé du travail du 14 août 2013 rejetant le recours hiérarchique.

Elle soutient que :

— l’inspection du travail n’a pas porté à la connaissance de la société les témoignages qu’elle a recueillis dans le cadre de l’enquête contradictoire alors que ces éléments sont déterminants ;

— l’inspection du travail n’a pas informé la société de la possibilité d’avoir accès aux procès-verbaux d’audition des salariés ;

— elle a méconnu la circulaire du 30 juillet 2012 ;

— le ministre n’a pas répondu à ce grief soulevé dans le cadre du recours hiérarchique ;

— les faits reprochés à M. X concernant la photographie découverte le 29 janvier 2013, la pratique régulière de rots et de pets, le jeu du « pile ou face », les dessins sur les chaussures de sécurité, l’usage du téléphone portable pendant le temps de travail et la dégradation de la prestation de travail du salariés sont établis et sont suffisamment graves pour justifier le licenciement de l’intéressé.

Par un mémoire enregistré le 6 juin 2014, M. B X conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Biomet à lui verser une somme de 1500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2014, le ministre du travail, de l’emploi, et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Par ordonnance du 10 novembre 2014, la clôture d’instruction a été fixée au 10 décembre 2014.

Vu :

— les décisions attaquées ;

— les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code du travail ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Y,

— et les conclusions de M. Z.

1. Considérant que M. X, recruté par la société Biomet le 28 août 2006 en qualité de magasinier polyvalent, est employé depuis le 30 mai 2011 au service de lavage-contrôle des instruments de kits ; qu’il est titulaire d’un mandat de délégué du personnel depuis 2010 ; que M. X étant délégué du personnel, la société a demandé par lettre du 20 février 2013 l’autorisation de procéder à son licenciement pour faute ; que l’inspection du travail de la Drôme, 4e section, a refusé d’autoriser le licenciement par décision du 19 mars 2013 ; que par décision du 14 août 2013, le ministre chargé du travail, saisi d’un recours hiérarchique du 11 avril 2013, a confirmé cette décision ; que la société demande l’annulation des décisions du 19 mars 2013 et du 14 août 2013 lui refusant l’autorisation de travail sollicitée ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 2421-11 du code du travail : « L’inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d’un représentant de son syndicat. (…) » ; que le caractère contradictoire de l’enquête menée conformément aux dispositions précitées du code du travail impose à l’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l’employeur et le salarié de prendre connaissance de l’ensemble des éléments déterminants qu’il a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l’appui de la demande d’autorisation ; que toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l’inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l’employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur  ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’inspecteur du travail de la Drôme chargé de l’enquête contradictoire a pris sa décision à partir de l’audition du salarié protégé et de différentes attestations de salariés produites par la société Biomet ; que s’il a entendu six salariés présents lors de son enquête dans les locaux, il a informé la directrice des ressources humaines de ce que ces auditions confirmaient les propos relatés dans les attestations ; que dans ces conditions, les auditions des salariés ne constituent pas un élément déterminant de nature à établir la matérialité des faits ; qu’au demeurant, la société a été informée de la teneur de ces auditions et n’a pas demandé à en obtenir communication ; que la société Biomet n’est ainsi pas fondée à soutenir que l’administration n’a pas respecté le caractère contradictoire de l’enquête ni que le ministre n’a pas expressément répondu à ce grief dans son recours ; qu’elle ne peut utilement soutenir que l’administration a méconnu la circulaire du 30 juillet 2012 dépourvue de caractère reglementaire ;

4. Considérant qu’en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l’inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi ;

5. Considérant que M. X reconnaît avoir photographié le postérieur dénudé de l’un de ses collègues de travail avec son téléphone portable, avoir ensuite imprimé la photographie et l’avoir posée sur le bureau d’un troisième collègue ; qu’il ressort des pièces versées au dossier que cette photographie a été retrouvée dans un autre bureau le 29 janvier 2013 ce qui a déclenché la procédure disciplinaire ; qu’il ressort par ailleurs des attestations produites qui ne sont pas contestées par l’intéressé qu’il pratiquait des concours de rots et de pets avec deux collègues de travail ; que ces faits constituent des agissements fautifs de nature à nuire à son environnement de travail ; que toutefois, le poste de travail de M. X n’est soumis à aucune règle d’hygiène particulière et la photographie n’a pas été prise à l’insu de son collègue ou dans le but de lui nuire ; qu’en outre, ces faits n’ont pas fait l’objet d’une diffusion publique susceptible de porter atteinte à l’image de l’entreprise ;

6. Considérant que si la société lui reproche également de pratiquer le jeu du « pile ou face », les éléments versés au dossier, et notamment les attestations produites par l’entreprise, ne permettent pas d’établir une participation active de M. X qui nie avoir pratiqué ce jeu ;

7. Considérant que selon l’une des attestations produites, M. X aurait été vu en train de « gribouiller » les chaussures de sécurité de son collègue de travail ; que toutefois, cette seule attestation ainsi que la photographie versée au dossier ne permettent pas d’établir qu’il serait l’auteur des phallus dessinés sur la chaussure ;

8. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’usage du téléphone portable est toléré dans l’entreprise ; qu’aucune pièce ne permet d’établir que M. X ferait un usage excessif de son téléphone et n’aurait pas pris en compte un avertissement qui lui a été fait à ce sujet le 3 juillet 2012 ;

9. Considérant que si l’entreprise reproche à M. X son manque de productivité, la comparaison avec des salariés ayant une ancienneté comprise entre cinq ans et demi et six ans et demi alors que M. X totalisait 18 mois d’ancienneté à ce poste est insuffisamment probante ; que ces faits ne constituent pas une faute ;

10. Considérant que les seules fautes établies mentionnées au considérant 5 ne présentent pas un caractère de gravité suffisant justifiant le licenciement de M. X pour motif disciplinaire ;

11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par la société Biomet doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de la société Biomet, partie perdante dans cette instance, une somme de 1200 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Biomet est rejetée.

Article 2 : La société Biomet versera à M. B X une somme de 1200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de

justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société SAS Biomet, au Ministre du travail, de l’emploi, de la formation

professionnelle et du dialogue social et à M. B X.

Délibéré après l’audience du 29 février 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Jourdan, présidente,

Mme Y et M. A, assesseurs.

Lu en audience publique le 14 mars 2016.

Le rapporteur, La présidente,

C. Y D. Jourdan

Le greffier,

G. Morand

La République mande et ordonne au Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
  2. Code du travail
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