Tribunal administratif de Grenoble, 6ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2000763

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 6e ch., 30 déc. 2022, n° 2000763
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 2000763
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Lyon, 5 juillet 2021, N° 19LY03256
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I- Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 février 2020 et le 31 octobre 2022 sous le numéro 2000763, Mme B F, représentée par Me Cozon, demande au tribunal :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté n°19-DS-0381 du 14 novembre 2019, par lequel le président du conseil départemental de la Drôme a refusé de renouveler son agrément en qualité d’accueillante familiale ;

2°) d’enjoindre au président du conseil départemental de la Drôme, dans le délai de trois jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 250 euros par jour de retard, d’instruire à nouveau sa demande de renouvellement d’agrément ;

3°) de mettre à la charge du département de la Drôme une somme de 2 400 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme F soutient que :

— l’arrêté est entaché d’incompétence du signataire ;

— il est entaché d’un vice de procédure, la commission consultative ne comptant qu’un seul représentant d’association, en méconnaissance des articles L. 441-1 et R. 441-12 du code de l’action sociale et des familles ; 8 membres sur 9 étaient issus de ses propres effectifs alors que seuls 3 d’entre eux pouvaient légalement siéger ; les membres ayant siégé n’étaient pas ceux désignés dans l’arrêté portant composition de la commission consultative paritaire, en vigueur à la date du 7 novembre 2019 ;

— la commission consultative paritaire était partiale, en raison de la présence de Mme A et de l’UDAF ;

— la décision attaquée est entachée d’un vice de procédure, faute pour elle d’avoir été convoquée devant la commission consultative, en méconnaissance de l’article R. 441-11 du code de l’action sociale et des familles ;

— les motifs de l’arrêté méconnaissent l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1700174 du 18 juin 2019 ;

— les motifs de l’arrêté sont entachés d’erreur dans la qualification juridique des faits.

Par des mémoires enregistrés le 10 novembre 2020, le 28 octobre 2022 et le 22 novembre 2022 (ce dernier non communiqué), le département de la Drôme conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

II- Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 mars 2021 et le 31 octobre 2022 sous le numéro 2101656, Mme B F, représentée par Me Cozon, demande au tribunal:

1°) de condamner le département de la Drôme à lui verser une indemnité totale de 63 042 euros en réparation du préjudice subi en raison de l’illégalité des retraits de son agrément d’accueillante familiale, ainsi que de la carence fautive du département à tirer les conséquences pratiques desdits retrait, outre intérêts de droit à compter du 18 novembre 2020, capitalisés au 18 novembre 2021 ;

2°) de mettre à la charge du département de la Drôme une somme de 2 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme F soutient que :

— les refus de renouvellement de son agrément, à deux reprises, sont illégaux ; cette faute est de nature à engager la responsabilité de l’administration ;

— elle a subi en raison de ces illégalités fautives une perte de rémunération qui s’élève à un total de 38 041,95 euros, à parfaire (dont 28 644,72 euros représentant l’accueil permanent, 2 227, 23 euros représentant l’accueil temporaire un week-end par mois et 7 170 euros pour l’accueil temporaire une semaine par mois) ;

— au titre de l’accueil permanent de la personne handicapée prise en charge depuis 25 ans au moment du premier retrait de son agrément, elle a continué à l’accueillir à titre bénévole, alors que ni son tuteur, ni l’ATPM/UDAF, ni les services techniques du département n’ont esquissé la moindre démarche pour trouver une solution alternative à sa prise en charge ;

— la diminution drastique de ses ressources financières lui a causé des troubles dans ses conditions d’existence, dont elle demande réparation à hauteur de 10 000 euros ;

— elle a subi une atteinte à son image professionnelle, dont elle demande réparation à hauteur de 10 000 euros ;

— sur la durée de la procédure, elle a subi des répercussions physiologiques, psychologiques et morales dont elle demande réparation à hauteur de 5 000 euros.

Par des mémoires enregistrés le 14 février 2022 et le 22 novembre 2022, le département de la Drôme conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, au motif que les griefs articulés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’action sociale et des familles ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 13 décembre 2022 :

— le rapport de Mme D,

— les conclusions de M. C,

— et les observations de Me Bosquet, représentant le département de la Drôme.

Des notes en délibéré présentées pour Mme F ont été enregistrées le 14 décembre 2022 au titre de chacune des deux instances.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées n° 2000763 et 2101656 intéressent la situation d’un même agent et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’un seul jugement.

2. Mme F, titulaire depuis 1992 d’un agrément en qualité d’accueillante familiale délivré par le département de la Drôme, était autorisée, en dernier lieu, à accueillir à son domicile, à titre onéreux, deux personnes handicapées à temps complet et une personne handicapée à temps partiel. Le président du conseil départemental de la Drôme a refusé de renouveler cet agrément par un arrêté du 8 novembre 2016, que le tribunal administratif de Grenoble a annulé le 18 juin 2019 sur un motif de légalité interne, avec injonction à réexamen de la situation de l’intéressée. Le 6 juillet 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a confirmé l’annulation de l’arrêté, mais fondée sur un autre motif, tiré de l’irrégularité de la composition de la commission consultative instituée par l’article L. 441-2 du code de l’action sociale et des familles. Préalablement à cet arrêt, le 14 novembre 2019, en exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble précité, le département de la Drôme avait réexaminé la situation de Mme F et pris à la suite un arrêté par lequel il refusait à nouveau de renouveler son agrément, dont elle demande l’annulation pour excès de pouvoir dans l’instance n°2000763. Elle formule des conclusions indemnitaires dans l’instance n°2101656 destinées à réparer les préjudices nés, d’une part, des deux décisions successives précitées lui refusant le renouvellement de son agrément, et d’autre part, de la carence fautive du Département à lui avoir laissé la charge de la dernière résidente handicapée accueillie à la date des décisions en litige.

Sur les conclusions à fin d’annulation dans l’instance n°2000763:

Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur tous les moyens de la requête ;

3. En premier lieu, l’arrêté en litige a été signé par M. E, directeur adjoint de la « MDA ». Par arrêté n° 18_DAJ_0164 daté du 17 juillet 2018, la présidente du conseil départemental de la Drôme a procédé à une délégation de signature en faveur de M. E dans des domaines étrangers aux agréments relevant du code de l’action sociale et des familles. Il en résulte que l’arrêté attaqué du 14 novembre 2019 portant refus de renouvellement d’agrément de Mme F en qualité d’accueillante familiale a été pris par une autorité incompétente et doit donc être annulé.

4. En deuxième lieu et d’une part, aux termes de l’article R. 441-12 du code de l’action sociale et des familles : " La commission consultative de retrait instituée par l’article L. 441-2 comprend, en nombre égal : 1° Des représentants du département ; 2° Des représentants des associations et organisations représentant les personnes âgées et des associations représentant les personnes handicapées et leurs familles ; 3° Des personnes qualifiées dans le domaine de la prise en charge sanitaire et sociale des personnes âgées et des personnes handicapées. Le président du conseil départemental fixe le nombre des membres de la commission dans la limite de neuf personnes. Il procède à leur désignation ".

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.

6. En réponse au moyen tiré de l’irrégularité de la composition de la commission consultative, le département de la Drôme se borne en défense à se prévaloir du principe énoncé au point précédent, admettant par là-même le bien-fondé du moyen soulevé.

7. D’autre part, aux termes de l’article R. 441-11 du code de l’action sociale et des familles : « Lorsque le président du conseil départemental envisage de ne pas renouveler un agrément, il saisit pour avis la commission consultative de retrait en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. / L’accueillant familial concerné est informé un mois au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre. Il est invité à présenter à la commission ses observations par écrit ou à en faire part lors de la réunion de la commission. Il peut se faire assister par deux personnes de son choix. () ».

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ait été informée de la réunion de la commission consultative du 7 novembre 2019. Elle n’a donc pas été en mesure de présenter ses observations tant écrites qu’orales devant la commission consultative paritaire départementale, ni de demander l’assistance d’un conseil, alors en outre que la composition de ladite commission était irrégulière, ainsi qu’il a été dit au point 6, motif qui fondait au demeurant l’annulation prononcée par la cour administrative d’appel de Lyon le 6 juillet 2021. Or sauf à remettre en cause l’existence même des avis consultatifs, qui, par définition, ne sont pas décisoires, les vices de procédures tels que décrits ci-dessus ont effectivement privé Mme F d’une garantie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l’arrêté n°19-DS-0381 du 14 novembre 2019, par lequel le président du conseil départemental de la Drôme a refusé de renouveler l’agrément de Mme F en qualité d’accueillante familiale doit être annulé.

Sur les conclusions à fin d’injonction dans l’instance n°2000763 :

10. Le présent jugement implique, par application des dispositions de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, que l’administration procède au réexamen de la situation administrative de Mme F dans un délai qu’il convient de fixer à deux mois à compter de la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de prononcer d’astreinte.

Sur les conclusions indemnitaires dans l’instance n°2101656 :

En ce qui concerne les préjudices résultant de l’illégalité fautive des deux décisions successives de refus de renouvellement d’agrément :

11. D’une part, ainsi qu’il a été dit au point 1, par un jugement n°1700174 lu le 18 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le premier refus de renouvellement d’agrément opposé le 8 novembre 2016 pour erreur de fait et erreur dans la qualification juridique des faits. Toutefois, par un arrêt n°19LY03256 du 6 juillet 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a infirmé les motifs du jugement. La Cour a ainsi jugé que la décision attaquée, fondée sur la dégradation des conditions matérielles d’accueil des personnes accueillies, le caractère inadapté de la posture professionnelle adoptée et la dégradation des relations avec les différents acteurs intervenants auprès des personnes accueillies ainsi que l’absence de respect de la réglementation applicable à l’accueil familial, reposait sur des faits matériellement exacts et non entachés d’erreur de qualification juridique. Dès lors, même si la Cour a annulé la décision du 8 novembre 2016 en raison du vice de procédure entachant la composition de la commission consultative, il ressort des pièces du dossier que la décision était justifiée au fond. Par suite, l’illégalité dont la décision du 8 novembre 2016 est entachée n’est pas de nature à ouvrir à Mme F un droit à indemnité au titre des préjudices dont elle demande réparation tenant au refus de renouvellement de son agrément.

12. D’autre part, les motifs retenus par la Cour se sont rétroactivement substitués aux motifs qu’avaient retenu les premiers juges et autorisaient donc le président du conseil départemental de la Drôme à prendre le 14 novembre 2019 un nouveau refus fondé sur des motifs similaires que ceux énoncés dans la décision du 8 novembre 2016, à savoir, notamment, le caractère inadapté de la posture professionnelle adoptée et la dégradation des relations avec les différents acteurs intervenants auprès des personnes accueillies. Par suite, les illégalités explicitées aux points 3 à 9 dont la décision du 14 novembre 2019 est entachée n’est pas de nature à ouvrir à Mme F un droit à indemnité découlant du non renouvellement de son agrément.

En ce qui concerne la carence fautive alléguée de l’administration à avoir laissé à Mme F la charge de la résidente handicapée postérieurement aux refus de renouvellement de son agrément :

13. Si la requérante soutient qu’il appartenait au département de la Drôme d’organiser le transfert de la personne handicapée accueillie chez elle dès le lendemain du terme de son agrément, elle ne fonde cette affirmation sur aucun texte ni principe. Elle n’établit dès lors pas de faute du Département sur ce point et les conclusions indemnitaires de ce chef doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des deux instances :

14. Il y a lieu, dans les circonstances particulières de l’espèce, de mettre à la charge du département de la Drôme une somme de 2 400 euros à verser à Mme F dans l’instance n°2000763. Les conclusions présentées par le département de la Drôme, partie perdante dans cette instance, doivent être rejetées.

15. Les conclusions présentées par Mme F, partie perdante dans l’instance n°2101656, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de Mme F la somme demandée par le département de la Drôme au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté n°19-DS-0381 du 14 novembre 2019, par lequel le président du conseil départemental de la Drôme a refusé de renouveler l’agrément de Mme F en qualité d’accueillante familiale est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au département de la Drôme de réexaminer la situation de Mme F dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3: Le département de la Drôme versera à Mme F la somme de 2 400 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté dans les deux instances.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B F et au département de la Drôme.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Vial-Pailler, président,

M. d’Argenson, premier conseiller,

Mme Frapolli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

I. D

Le président,

C. VIAL-PAILLER

Le greffier,

G. MORAND

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N° 2000763 – 2101656

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