Tribunal administratif de Lille, 3ème chambre, 9 novembre 2023, n° 2105713

  • Protection fonctionnelle·
  • Harcèlement sexuel·
  • Harcèlement moral·
  • Garde des sceaux·
  • Part·
  • Fonctionnaire·
  • Agent public·
  • Évaluation·
  • Administration·
  • Fait

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Lille, 3e ch., 9 nov. 2023, n° 2105713
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 2105713
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Lille, 28 février 2023, N° 2106477
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 25 novembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 juillet 2021, 14 juillet et 28 juillet 2022, Mme Chloé Tallant, représentée par Me Alibert, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision du 10 juillet 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle ;

2°) d’enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte à fixer par le tribunal, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de la mettre en œuvre en l’affectant dans un autre service, en prenant en charge ses frais d’avocat à hauteur de 9 890,25 euros et en lui octroyant des autorisations d’absence ou, à défaut, de réexaminer sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 relative à la protection fonctionnelle due par l’employeur public à ses agents et est entachée d’erreur d’appréciation dès lors, d’une part, qu’elle a subi des agissements de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie résultant notamment de son inaction face aux faits de harcèlement sexuel et moral qu’elle a subis de la part d’un collègue, de la méconnaissance par sa hiérarchie du principe d’impartialité et de l’usage anormal du pouvoir hiérarchique et, d’autre part, que sa hiérarchie a méconnu l’obligation d’assurer sa sécurité et la protection de sa santé.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code du travail ;

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

— le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

— l’arrêté du 30 décembre 2019 relatif à l’organisation du secrétariat général et des directions du ministère de la justice ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Bourgau, rapporteur,

— les conclusions de Mme Michel, rapporteure publique ;

— et les observations de Mme A.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Chloé Tallant, greffière des services judiciaires depuis le 14 mars 2017, affectée au service d’accueil unique du justiciable du tribunal judiciaire de Lille (SAUJ) depuis le 15 avril 2019, a sollicité par courrier du 30 mars 2021 reçu le 1er avril suivant,

Mme A a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des faits de harcèlement moral qu’elle estime avoir subis de la part de sa hiérarchie. En raison du silence gardé par l’administration sur sa demande pendant un délai de deux mois, une décision implicite de rejet est née le 1er juin 2021, dont Mme A demande l’annulation.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le garde des sceaux, ministre de la justice, compétent pour se prononcer sur la demande de protection de Mme A, a reçu cette demande le 1er avril 2021, de sorte que la décision implicite née le 1er juin 2021 est réputée avoir été prise par l’autorité compétente. En tout état de cause, aux termes de l’article 13 de l’arrêté du 30 décembre 2019 relatif à l’organisation du secrétariat général et des directions du ministère de la justice, la sous-direction des ressources humaines de la magistrature, au sein de la direction des services judiciaires, a notamment pour mission la mise en œuvre de « la protection statutaire des magistrats, en activité ou honoraires, des juges élus ou désignés, et des fonctionnaires des services judiciaires ». Et aux termes de la décision du 16 février 2021 portant délégation de signature (direction des services judiciaires), régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 5 mars 2021, d’une part, la sous-direction des ressources humaines de la magistrature est composée du bureau de la gestion des emplois et des carrières, du bureau du recrutement, de la formation et des affaires générales, du bureau du statut et de la déontologie et du bureau des magistrats exerçant à titre temporaire et des juges élus ou désignés et, d’autre part, il résulte de la même décision que M. C, chef du bureau du statut et de la déontologie, a reçu délégation pour signer toutes les décisions relevant des attributions dudit bureau. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’erreur d’appréciation et d’erreur de droit, l’administration ayant à tort considéré qu’elle n’avait pas fait l’objet de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie résultant notamment de son inaction et qu’elle ne remplissait pas, en conséquence, les conditions pour bénéficier de la protection fonctionnelle.

4. D’une part, aux termes de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : « I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire () bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d’une protection organisée par la collectivité publique qui l’emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire./ () IV.-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté./ () VII.-Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions et les limites de la prise en charge par la collectivité publique, au titre de la protection, des frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales par le fonctionnaire ou les personnes mentionnées au V. ».

5. Ces dispositions établissent à la charge de l’administration une obligation de protection de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d’intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l’agent est exposé, mais aussi d’assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu’il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l’administration à assister son agent dans l’exercice des poursuites judiciaires qu’il entreprendrait pour se défendre. Si la protection résultant de ces dispositions n’est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Enfin, et contrairement à ce que fait valoir l’administration en défense, ces dispositions sont susceptibles de s’appliquer à une instance tendant à voir engager, devant le juge administratif, la responsabilité de la collectivité qui emploie l’agent bénéficiaire.

6. D’autre part, aux termes du premier alinéa de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors en vigueur : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu’ils sont constitutifs d’un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l’administration auquel il est reproché d’avoir exercé de tels agissements et de l’agent qui estime avoir été victime d’un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A a porté plainte, le 21 janvier 2021, contre son collègue M. B pour des faits de harcèlement sexuel et moral. Dans le cadre de cette procédure, elle a sollicité le 26 janvier le bénéfice de la protection fonctionnelle, qui lui a été accordé par décision du 4 février suivant. Par une décision ministérielle du 5 février 2021, M. B a été suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois à compter du

8 février. Par un jugement du 14 avril 2021 du tribunal judiciaire de Dunkerque, M. B a été condamné pour des faits de harcèlement sexuel. Par une décision du 20 mai 2021, la suspension de M. B a été prolongée pour une durée de quatre mois.

8. Mme A soutient d’abord qu’elle aurait alerté en vain, dès mai 2020, sa supérieure hiérarchique directe du harcèlement sexuel et moral commis à son encontre par

M. B. Toutefois, elle ne produit aucune pièce de nature à établir qu’elle aurait effectivement informé sa supérieure hiérarchique de la situation et sollicité une protection à ce moment. Et si elle se prévaut de ce que M. B aurait régulièrement critiqué son travail, l’aurait rabaissée et serait intervenu de manière inappropriée auprès de leur supérieure hiérarchique pour limiter les congés qu’elle souhaitait prendre en septembre 2020, elle ne produit pas davantage de pièces au soutien de ses allégations, de sorte que les agissements qu’elle prête à M. B ne peuvent être regardés comme constitutifs de harcèlement moral. Au demeurant, si Mme A a porté plainte en janvier 2021 à l’encontre de M. B pour harcèlement moral et harcèlement sexuel, seul second chef d’accusation a fait l’objet de poursuites pénales. Dans ces conditions, l’inertie de la supérieure hiérarchique de Mme A, non établie, ne peut être regardée comme susceptible de laisser présumer de sa part l’existence d’agissements de harcèlement moral à l’encontre de la requérante.

9. Mme A soutient également que sa supérieure hiérarchique aurait régulièrement dénigré son travail et qu’elle aurait indiqué à plusieurs reprises que si elle devait conserver un agent, ce serait M. B. Toutefois, la requérante ne produit aucune pièce de nature à étayer ses allégations. Mme A soutient en outre que la préférence de sa supérieure hiérarchique pour M. B se serait traduite dans son évaluation pour l’année 2020, conduite de manière partiale, ainsi que dans les déclarations de cette dernière lors du procès pénal pour harcèlement sexuel, au cours duquel elle a décrit M. B comme un agent « agréable, jovial, sur lequel elle s’appuyait régulièrement compte tenu de sa propre absence d’expérience » et Mme A comme « rigide, limite psychorigide, manquant de bienveillance », « peu intéressée par son travail et essentiellement focalisée sur un concours visant à obtenir l’intégration à l’administration des Douanes » et qualifiée par certains fonctionnaires de « toxique et méchante ». Ces éléments ont fondé l’annulation, par jugement du tribunal administratif de Lille n° 2106477 du 1er mars 2023, du compte-rendu d’entretien d’évaluation professionnelle établi le 20 mars 2021 au titre de l’année 2020 pour défaut d’impartialité de sorte que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la conduite de l’entretien professionnel de Mme A par sa supérieure hiérarchique directe doit être regardé comme ayant excédé l’usage normal du pouvoir hiérarchique, alors même qu’il lui appartenait réglementairement d’y procéder. Toutefois, compte tenu de son caractère isolé, cette seule circonstance, quoique fautive, ne suffit pas à laisser présumer l’existence d’agissements de harcèlement moral de la part de la supérieure hiérarchique directe de la requérante.

10. Mme A soutient ensuite qu’elle a alerté en vain le directeur de greffe adjoint lors de deux entretiens les 11 et 14 janvier 2021 ainsi que par courriel le 15 janvier suivant. Il ressort des déclarations du directeur de greffe adjoint mentionnées dans le jugement pénal du 14 avril 2021, d’une part, que lors de l’entretien du 11 janvier 2021, Mme A aurait évoqué des propos déplacés et non des faits de harcèlement et que l’enregistrement qu’elle lui a alors fait écouter était inaudible et, d’autre part, que l’entretien du 14 janvier avec Mme A et M. B n’aurait pas eu pour objet les faits de harcèlement sexuel subis par Mme A mais seulement l’incident intervenu ce jour même, M. B ayant fait en sorte, compte tenu de la présence nécessaire d’au moins un agent au sein du SAUJ pour l’accueil du public, que Mme A ne puisse se rendre aux toilettes alors qu’elle en avait exprimé le besoin. Si Mme A ne produit aucune pièce de nature à remettre en question ces déclarations, le caractère inaudible de l’enregistrement est contredit par le jugement pénal, qui se fonde précisément sur cet enregistrement, entendu à l’audience, pour condamner M. B. Dans ces conditions, le directeur de greffe adjoint doit être regardé comme ayant été informé à compter du 11 janvier 2020 des faits de harcèlement sexuel. En revanche, le courriel du 15 janvier 2021 dans lequel Mme A lui fait part de ce que, le jour même, sa supérieure hiérarchique cherche des défauts dans son travail, lui reproche d’avoir son téléphone portable avec elle en permanence et de ne pas respecter la voie hiérarchique ne permet pas de considérer que le directeur de greffe adjoint aurait été informé des agissements de harcèlement moral, au demeurant non établis, que

Mme A dit avoir subis de la part de M. B et de sa supérieure hiérarchique directe. S’il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de greffe adjoint, informé dès le

11 janvier 2021 des faits de harcèlement sexuel subis par Mme A, aurait pris des mesures de nature à la protéger, cette seule circonstance, quoique fautive, et qui excède l’usage normal du pouvoir hiérarchique, ne suffit pas à laisser supposer l’existence d’agissements de harcèlement moral de sa part.

11. Mme A soutient en outre qu’elle a alerté en vain le directeur de greffe de sa situation. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que tel ait été le cas. Il ressort ainsi des mentions du jugement pénal que si deux membres du personnel du greffe attestent avoir porté les antécédents de harcèlement sexuel de M. B à la connaissance du directeur de greffe, ce dernier a contesté ces témoignages qui, en l’absence d’autres éléments, n’ont pas été tenus pour établis par le juge pénal et ne concernent au demeurant pas la situation de Mme A. Si Mme A se prévaut également d’un courriel adressé le 15 février 2021 au directeur de greffe dans lequel elle lui demande que son évaluation professionnelle pour 2020 ne soit pas établie par sa supérieure hiérarchique directe, ce courriel ne comporte toutefois aucune indication quant aux raisons de la demande de Mme A, de sorte que le fait de ne pas y avoir donné suite, alors que la compétence pour conduire l’entretien d’évaluation professionnelle est réglementairement dévolue au supérieur hiérarchique direct de l’agent, n’excède pas l’usage normal du pouvoir hiérarchique. Ainsi, les éléments produits par

Mme A ne suffisent pas à laisser présumer l’existence d’agissements de harcèlement moral de la part du directeur de greffe.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points à 8 à 11 que si la conduite de l’entretien d’évaluation professionnelle de Mme A au titre de l’année 2020 par sa supérieure hiérarchique directe ainsi que l’absence de suites donnée par le directeur de greffe adjoint au signalement, effectué le 11 janvier 2021, des faits de harcèlement sexuel qu’a subis

Mme A excèdent l’usage normal du pouvoir hiérarchique et présentent un caractère fautif, ces faits ne suffisent pas à laisser présumer, de la part de sa hiérarchie, l’existence d’agissements répétés de harcèlement moral ouvrant droit au bénéfice de la protection fonctionnelle.

13. En troisième lieu, Mme A soutient que sa hiérarchie aurait méconnu le principe d’impartialité et ainsi fait un usage anormal du pouvoir hiérarchique au motif, d’une part, que son entretien d’évaluation professionnelle au titre de l’année 2020 a été conduit par sa supérieure hiérarchique directe et, d’autre part, que sa hiérarchie a toujours pris le parti de

M. B lors des entretiens réalisés à la demande de Mme A. Si l’évaluation professionnelle de la requérante au titre de l’année 2020 méconnaît le principe d’impartialité et ne relève pas, ainsi qu’il a dit, de l’usage normal du pouvoir hiérarchique, les allégations générales de partialité de sa hiérarchie au bénéfice de M. B ne sont en revanche pas établies. Et l’illégalité fautive de l’évaluation professionnelle de Mme A au titre de l’année 2020 ne constitue pas à elle seule un fait susceptible d’ouvrir droit au bénéfice de la protection fonctionnelle.

14. En quatrième et dernier lieu, Mme A soutient que sa hiérarchie a refusé de faire un usage normal de son pouvoir hiérarchique en ne prenant aucune mesure de nature à mettre fin aux agissements de harcèlement sexuel et moral de M. B, méconnaissant ainsi l’obligation de sécurité prévue par l’article L. 1152-4 du code du travail.

15. D’une part, si la requérante ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions, qui ne sont pas applicables aux agents publics de l’Etat, une obligation similaire est toutefois prévue par l’article 2-1 du décret du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique, aux termes duquel : « Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ».

16. D’autre part, il est constant que Mme A a été victime d’agissements de harcèlement sexuel de la part de M. B. Et il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la protection fonctionnelle peut être accordée à un agent public afin d’engager une procédure juridictionnelle visant à rechercher la responsabilité de l’Etat afin d’obtenir réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait du harcèlement sexuel dont il est victime.

15. Il résulte de ce qui précède que la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme A doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

17. Eu égard au motif d’annulation retenu, le présent jugement implique seulement d’enjoindre à l’administration, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, d’octroyer à Mme A le bénéfice de la protection fonctionnelle. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais de l’instance :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 1er juin 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a implicitement rejeté la demande de protection fonctionnelle de Mme A est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, d’accorder à Mme A le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Article 3 : L’Etat versera à Mme A une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme Chloé Tallant et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l’audience du 4 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

— Mme Féménia, présidente,

— M. Bourgau, premier conseiller,

— M. Horn, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

signé

T. BOURGAULa présidente,

signé

J. FÉMÉNIA

La greffière,

signé

S. DEREUMAUX

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

No 2105713

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Lille, 3ème chambre, 9 novembre 2023, n° 2105713