Tribunal administratif de Limoges, 1ère chambre, 18 juillet 2023, n° 2101935

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Sur la décision

Référence :
TA Limoges, 1re ch., 18 juill. 2023, n° 2101935
Juridiction : Tribunal administratif de Limoges
Numéro : 2101935
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 1 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2021, l’EURL Pharmacie de la Bastide II, représentée par Me Boisbourdin, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2017, pour un montant global de 93 522 euros, en raison de la réintégration dans le bénéfice imposable d’une provision de 322 000 euros constituée à raison de la dépréciation de son fonds de commerce ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la provision pour dépréciation de fonds de commerce qu’elle a constituée au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2017 était fondée et ne pouvait, par suite, pas être réintégrée dans le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés ;

— la diminution du chiffre d’affaires, qui ne peut être contestée par l’administration fiscale et qui représente une diminution de -15,5% entre le 30 septembre 2013 et le 30 septembre 2017, ne s’accompagne pas d’une diminution du résultat hors provision qui aurait augmenté de 100% sur la même période ; l’augmentation du résultat qui a été constatée ne tient pas compte du retraitement de l’impôt sur les sociétés dont l’augmentation aurait dû être réintégrée du fait de la réintégration de la provision au titre de cet exercice ;

— le maintien de la rentabilité de la société n’a été rendu possible que par une diminution significative de la rémunération de la gérante et, d’une façon générale, par une diminution de la masse salariale ; la diminution du nombre d’heures travaillées et du nombre de salariés entre 2016 et 2018 sont des éléments déterminants qui permettent de démontrer une diminution de l’activité de la société sur la période considérée, ainsi que de sa rentabilité dans la mesure où celle-ci s’apprécie également par rapport au nombre de salariés pouvant être rémunérés au sein d’une entreprise ;

— les tests de dépréciation réalisés par son cabinet d’expertise comptable, en prenant en compte les indicateurs liés à la marge commerciale, à la valeur ajoutée et ainsi à l’excédent brut d’exploitation, donc des indicateurs propres à l’activité de l’entreprise, ont démontré une perte de valeur du fonds de commerce à hauteur de 521 426 euros à la clôture de l’exercice le 30 septembre 2017 ; en cohérence avec les tests de dépréciation réalisés, il n’a été retenu par prudence que 62 % de la dépréciation calculée dans la mesure où la valeur du fonds déterminée par ces tests l’a notamment été sur la base de 100% du chiffre d’affaires réalisé ce qui ne correspond plus à la valeur actuelle des pharmacies dont la cession est négociée à ce jour ; l’expert-comptable de la société fonde sa dépréciation du fonds de commerce sur 4 tests dont un seul, celui de l’EBE, prend en compte les études faites par l’organisme INTERFIMO ;

— l’évolution particulièrement défavorable de l’environnement économique, caractérisée notamment par une baisse significative de la population du quartier d’implantation, des travaux, la fermeture de commerces précédemment installés au sein du centre commercial et une insécurité croissante, doit aussi être prise en compte pour justifier de la dépréciation du fonds de commerce.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2022, la directrice départementale des finances publiques de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête comme non-fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique à laquelle aucune des parties n’était présente ou représentée :

— le rapport de M. Boschet,

— et les conclusions de M. Houssais, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L’EURL Pharmacie de la Bastide II exploite une officine de pharmacie au centre commercial « La Bastide II », à Limoges. Le fonds de commerce, acquis le 18 octobre 2005 pour un montant de 1 524 500 euros, dont 1 515 500 euros pour les éléments incorporels, a été inscrit à l’actif du bilan de cette société pour ce montant de 1 515 500 euros. Au titre de l’exercice clos le 30 septembre 2017, la société a constitué une provision de 322 000 euros fondée sur une dépréciation de son fonds de commerce. A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2019, le service a réintégré l’intégralité de cette provision dans le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés. Il en est résulté, pour l’EURL Pharmacie de la Bastide, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés, mises en recouvrement le 31 mai 2021, pour un montant global, en droits et intérêts, de 93 522 euros. Par cette requête, cette société demande au tribunal de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires.

2. Aux termes de l’article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : () / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice ». Aux termes de l’article 38 quater de l’annexe III à ce code : « Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt ». Aux termes de l’article 38 sexies de cette annexe : « La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts ».

3. Il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par l’entreprise, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent en outre comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l’exercice, et qu’enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise. Il appartient au contribuable, indépendamment des règles qui régissent la charge de la preuve pour des raisons de procédure, d’établir le bien-fondé et de justifier du montant d’une telle provision au regard des caractéristiques de l’exploitation au cours de la période en litige.

4. La déductibilité fiscale d’une provision est subordonnée, en application du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts et de l’article 38 quater de l’annexe III à ce code, outre aux conditions relatives à la dépréciation elle-même, à ce que la provision en cause ait été constatée dans les écritures de l’exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables. S’agissant de la dépréciation d’un élément d’actif, il résulte de l’article 322-1 du plan comptable général que la passation de l’écriture comptable correspondante est subordonnée au constat selon lequel la valeur actuelle de cet élément d’actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d’usage, est devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable. Par suite, la seule circonstance que la valeur vénale d’un élément d’actif soit devenue inférieure à sa valeur nette comptable ne saurait, en principe, justifier la déductibilité fiscale d’une provision s’il apparaît que la valeur d’usage reste supérieure à cette valeur nette comptable, faisant ainsi obstacle à la comptabilisation d’une dépréciation.

5. Il résulte de l’instruction qu’au titre de l’exercice clos en 2013, le chiffre d’affaires de l’EURL Pharmacie de la Bastide II était de 1 412 686 euros HT, soit un montant presque identique à celui de 1 412 660 euros HT de la société qui exploitait l’officine de pharmacie au titre de l’exercice clos en 2005, année de l’acquisition du fonds de commerce par la requérante. Il résulte aussi de l’instruction que ce chiffre d’affaires a ensuite progressivement diminué au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, pour arriver, au titre de l’exercice clos en 2017 pour lequel la provision litigieuse a été constituée, à 1 193 757 euros HT, soit une diminution d’environ 15 % par rapport aux exercices clos en 2005 et en 2013. En outre, il résulte de l’instruction qu’au titre de l’exercice clos en 2017, le résultat net hors provision de l’EURL Pharmacie de la Bastide II, retraité au vu de l’impôt sur les sociétés dont l’augmentation aurait dû être prise en compte du fait de la réintégration de cette provision, s’élevait à 108 475 euros, soit une augmentation de 43 % par rapport à l’exercice clos en 2013 et une diminution relativement légère de 10 % par rapport à l’exercice clos en 2005.

6. Si la société requérante fait valoir que son résultat net hors provision retraité au titre de l’exercice clos en 2017 s’élevait non pas à 108 475 euros mais à 84 252 euros, ce qui caractériserait une baisse de 29,79 % par rapport au résultat net obtenu au titre de l’exercice clos en 2005, ce résultat de 84 252 euros est erroné dans la mesure où il a notamment été calculé selon un postulat de maintien du poste de rémunération de la gérante au même niveau que l’année 2015, ce qui ne rend pas compte de la situation économique réelle de la société en 2017. Par ailleurs, l’EURL Pharmacie de la Bastide II ne conteste pas l’augmentation de son résultat net de 43 % entre les exercices clos en 2013 et en 2017 mais soutient qu’une telle évolution n’a été possible qu’en raison de la diminution, nécessaire selon elle pour assurer le maintien de la rentabilité de l’entreprise, du poste de rémunération de la gérante, lequel, selon le tableau qu’elle produit, est passé, salaires et charges confondus, de 85 392 euros au titre de l’année 2015, à 69 288 euros au titre de l’année 2016 et à 46 813 euros au titre de l’année 2017. Or, alors qu’il n’est pas précisé si ce poste de rémunération intégrerait d’autres fonctions que celles concernant exclusivement la gérance et qu’il n’est pas apporté d’élément de comparaison par rapport à la rémunération du gérant perçue au titre de l’exercice 2005 ou des exercices antérieurs, l’administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que c’est à tort que la société requérante prétend que la progression du résultat n’est pas liée à la progression de la marge commerciale, puisqu’en l’occurrence cette dernière est restée stable entre 2013 et 2017, soit une augmentation de 0,67%, et qu’elle représente 26,74 % du chiffre d’affaires sur l’exercice clos en 2013, et 31,86 % sur l’exercice clos en 2017, ces chiffres attestant du maintien de la rentabilité de l’entreprise, indépendamment de l’évolution de la rémunération de la gérante. L’administration fiscale relève aussi, sans être à nouveau sérieusement contredite, que l’analyse financière effectuée par le vérificateur à partir des données propres de la pharmacie, en retraçant l’évolution de divers indicateurs tels que la marge commerciale, la valeur ajoutée et l’excédent brut d’exploitation, a permis de constater une absence de dégradation de la situation économique et financière de la société. En outre, si, en vertu de l’article L. 1111-3 du code du travail, les apprentis, qui contribuent toutefois à l’activité de l’entreprise, ne sont pas pris en compte dans le calcul des seuils des effectifs de l’entreprise, il résulte toutefois de l’instruction que l’EURL Pharmacie de la Bastide II n’est pas fondée, eu égard notamment à la relative stabilité des heures de travail effectuées depuis 2005, à se prévaloir de ce qu’il n’aurait pas été tenu compte d’une perte de valeur de son fonds de commerce attestée par la diminution de l’activité des personnes employées. Enfin, si les facteurs d’évolution défavorable de l’environnement économique invoqués par la société requérante, tenant notamment à une baisse de la population du quartier d’implantation, la fermeture de commerces précédemment installés au sein du centre commercial et une insécurité croissante ne sont pas contestés en défense, il est constant qu’ils ne se sont pas traduits, pour l’EURL Pharmacie de la Bastide II, par une diminution significative de son chiffre d’affaires et de sa rentabilité, qui ont d’ailleurs augmenté lors des exercices clos en 2018 et 2019.

7. Eu égard à ce qui précède, l’EURL Pharmacie de la Bastide II ne peut être regardée comme apportant la preuve, qu’elle supporte, qu’au 30 septembre 2017, date de constitution de la provision pour dépréciation de son fonds de commerce, la valeur de cet élément d’actif était devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable. Par suite, cette provision n’est pas fondée dans son principe.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins de décharge et, par voie de conséquence, les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par l’EURL Pharmacie de la Bastide II doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de l’EURL Pharmacie de la Bastide II est rejetée.

Article 2:Le présent jugement sera notifié à l’EURL Pharmacie de la Bastide II et à la directrice départementale des finances publiques de la Haute-Vienne.

Délibéré après l’audience du 4 juillet 2023 où siégeaient :

— M. Artus, président,

— M. Martha, premier conseiller,

— M. Boschet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

J.B. BOSCHET

Le président,

D. ARTUS

Le greffier,

G. JOURDAN-VIALLARD

La République mande et ordonne

au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision

Pour expédition conforme

Pour le Greffier en Chef

Le Greffier

G. JOURDAN-VIALLARD

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