Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2009241

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 7e ch., 30 déc. 2022, n° 2009241
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2009241
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 novembre 2020, 18 juin 2021 et le 14 janvier 2022, la SAS Coram, représentée par Me Vergniolle demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;

2°) de mettre à la charge de l’État une somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— elle ne peut être assujettie à l’impôt sur les sociétés en France dans la mesure où son siège de direction effective est en Suisse et que son siège social en France est fictif ;

— elle réalise l’ensemble de son activité au Maroc, pays dans lequel elle dispose d’un établissement stable ;

— la valeur locative de l’ensemble immobilier dont elle est propriétaire retenue par l’administration, pour caractériser l’acte anormal de gestion constitué par une renonciation de recettes de la société, par l’avantage octroyé à son actionnaire principal est surestimée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 avril et 15 décembre 2021, et 23 septembre 2022, la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la convention entre la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d’assistance mutuelle administrative en matière fiscale signée à Paris le 29 mai 1970 ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Zarrella, rapporteur,

— et les conclusions de Mme Caselles, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Coram, dont l’objet social est la fourniture de prestations de services dans le domaine des placements de capitaux a acquis en 2006 un immeuble au Maroc, qu’elle met à disposition de son principal associé moyennant une indemnité d’occupation. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration, faisant application de la procédure de rectification contradictoire, l’a assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et à des retenues à la source calculées sur des distributions au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 au motif qu’elle devait être regardée comme une société commerciale passible de l’impôt sur les sociétés en France et que la mise à disposition d’une partie de l’ensemble immobilier dont elle est propriétaire au Maroc, au profit de son actionnaire principal à un prix anormalement faible par rapport à sa valeur vénale constituait un acte anormal de gestion. La SAS Coram demande au tribunal de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires.

Sur l’imposition en France de la SAS Coram :

En ce qui concerne le principe de l’imposition en France des sommes en litige au regard de la loi fiscale :

2. En vertu du premier alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts, sont notamment passibles de l’impôt sur les sociétés les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

3. Il résulte de l’instruction que la SAS Coram a été créée en France en 2006 par son principal actionnaire de nationalité et résident suisse et que son siège social a été déclaré au centre de formalités des entreprises compétent à l’adresse du, 2, avenue de la libération, à Saint- Rémy-de-Provence (13210). La société a souscrit ses déclarations d’impôt en France. Si la société requérante soutient désormais qu’elle ne dispose en France d’aucun local, moyens matériels et humains et que son siège social serait fictif car sa direction effective serait réalisée par son président, M. B A, et son actionnaire, M. C D, tous deux de nationalité et résidents suisses, elle n’apporte, à l’appui de sa requête, aucun document, excepté les copies des passeports suisses des intéressés, tel que des contrats ou décisions signés de son président, en Suisse, de nature à établir que la direction effective de la société serait effectuée en Suisse. Si la société a versé aux débats, pour démontrer que le siège de direction effective de la société se trouvait en Suisse, deux procès-verbaux de réunion, en date des 28 juin 2013 et 30 juin 2014, des assemblées générales de la SAS Coram, ces documents, qui se réfèrent curieusement au « siège social » de l’actionnaire principal qui, étant une personne physique, n’a pas de siège social mais un domicile, sont dépourvus de date certaine et mentionnent explicitement, sur leur en-tête, que le siège social de l’entreprise se situe au 2, avenue de la Libération, à Saint-Rémy-de-Provence.

4. Par ailleurs, l’administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que les opérations de contrôle se sont intégralement tenues dans les locaux de la société situés à Saint-Rémy-de-Provence, contrairement à son affirmation selon laquelle elle ne disposerait d’aucun local. La circonstance évoquée par la société requérante selon laquelle elle ne disposerait d’aucun personnel, et aurait recours à des personnes mandatées par elle pour la représenter, n’est pas non plus de nature à démontrer le caractère fictif de son siège social.

5. Il résulte par ailleurs de l’instruction que la société requérante est propriétaire dans la ville de Marrakech, au Maroc d’un ensemble immobilier constitué de 10 parcelles acquises entre 2006 et 2010 et nécessitant d’importants frais de restauration et de fonctionnement, ainsi que le soutient la SAS Coram en produisant, à l’appui de ses dires, un rapport d’experts. En l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction que les comptes de résultats des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 de la SAS Coram font état d’un chiffre d’affaires attestant d’une activité de l’entreprise, dès lors qu’y figurent seulement des montants de 150 000 euros, 135 000 euros et 150 000 euros en « autres produits ». Par ailleurs, la production, à l’appui de sa requête, par la SAS Coram d’extraits de bilans et de « comptes de produits et charges » des exercices clos en 2012 et 2013 n’est pas de nature à établir que, s’ils concernent l’établissement marocain, ils ont été déposés auprès de l’administration fiscale marocaine, ni fait l’objet d’une imposition quelconque, aucun avis d’imposition ou de mise en recouvrement n’étant produit par la société requérante. Ainsi, il ne résulte pas de l’instruction que la gestion de l’ensemble immobilier en cause, activité civile et de nature patrimoniale était réalisée par un établissement autonome situé au Maroc, dès lors qu’en dépit des bilans produits à l’instance, qu’elle attribue à une entreprise marocaine, la société ne démontre ni avoir déclaré une activité au Maroc ni y avoir souscrit, à ce titre, des déclarations fiscales, ni y avoir été imposée. La circonstance alléguée selon laquelle les salariés embauchés localement seraient supervisés par le régisseur de la propriété, chargé de l’entretien de l’immeuble et de ses dépendances ne saurait, en l’absence de justification de l’existence d’une entreprise réalisant des opérations économiques, caractériser l’existence d’un établissement stable au Maroc. Enfin, il n’est pas établi qu’un représentant de la SAS Coram au Maroc y disposerait des pouvoirs de conclure des contrats au nom de la société ni qu’il aurait un statut indépendant. Ainsi, eu égard à l’ensemble de ces éléments, l’ensemble des bénéfices de la SAS Coram était imposable en France en vertu des dispositions de l’article 209 précité, sous réserve de l’application des stipulations d’une convention fiscale bilatérale destinée à éviter les doubles impositions.

En ce qui concerne l’application des stipulations de la convention fiscale franco-marocaine du 27 novembre 1964 :

6. Selon l’article 9 de la convention fiscale franco-marocaine : « Les revenus des biens immobiliers, y compris les bénéfices des exploitations agricoles et forestières, ne sont imposables que dans l’Etat où ces biens sont situés. ». Si la société requérante se prévaut de ces stipulations pour contester les impositions mises à sa charge, il résulte de l’instruction que les rectifications notifiées ne concernent pas les revenus tirés des biens immobiliers situés au Maroc mais portent sur une renonciation à recettes, constitutive d’un acte anormal de gestion, reposant sur la décision de la société de renoncer à un chiffre d’affaires au seul bénéfice de son actionnaire principal et seul maître de l’affaire. Par ailleurs, ainsi qu’il a été dit au point précédent, la SAS Coram n’a pas démontré être imposable sur les résultats de son activité au Maroc, y avoir un établissement stable ou faire l’objet d’une double imposition. Il suit de là que les stipulations précitées ne sauraient faire obstacle à l’imposition en France de la SAS Coram.

7. Enfin, la société requérante n’est pas non plus fondée à se prévaloir, de la documentation administrative référencée BOI-IS-CHAMP 60-10-20, publiée le 12 septembre 2012, et notamment ses paragraphes 250 et 280, qui ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il lui a été fait application.

Sur la renonciation à recettes :

8. En application de l’article 38-1 du code général des impôts, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par l’entreprise. Les renonciations à recettes ou les abandons de créances consentis par une entreprise au profit d’un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt. S’il appartient à l’administration d’apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu’une renonciation à recettes ou un abandon de créances consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n’est pas en mesure de justifier qu’elle a bénéficié en retour de contreparties.

9. Pour démontrer l’insuffisance des loyers perçus par une société en contrepartie de la location d’un immeuble, l’administration est fondée à évaluer la valeur locative du bien loué à partir de sa valeur vénale, en l’absence de termes de comparaison significatifs avec d’autres locaux situés dans le même secteur géographique qui sont soit occupés par leurs propriétaires, soit loués à la saison seulement.

10. Il résulte de l’instruction que le service a réintégré, sur le fondement de l’article 38-1 du code général des impôts, dans les résultats imposables de la SAS Coram au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 les sommes de 338 010 euros, 353 452 euros et 339 845 euros. Pour aboutir à ces montants, le service a constaté que la mise à disposition par la SAS Coram de la partie de son ensemble immobilier à son actionnaire principal, M. D, avait donné lieu à l’inscription de montants de 150 000 euros, 135 000 euros et 150 000 euros au compte « autres produits » sur ses déclarations de résultats de la SAS Coram au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013. Considérant ces montants anormalement faibles au regard de la valeur de l’immeuble qui figure à l’actif immobilisé de chaque exercice vérifié, soit 9 760 192 euros, 9 769 041,78 euros, et 9 796 904,91 euros pour les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, le service a reconstitué les loyers théoriques, en établissant la valeur locative par rapport à la valeur vénale de l’immeuble figurant à l’actif immobilisé de chaque exercice vérifié à laquelle il a appliqué un taux de rentabilité de 5 %. Il en est résulté des valeurs locatives s’élevant à 488 010 euros, 488 452 euros et 489 845 euros au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 desquelles ont été déduites les montants de 150 000 euros, 135 000 euros et 150 000 euros déclarés au compte « autres produits » de ces mêmes exercices pour parvenir aux rehaussements précités de 338 010 euros, 353 452 euros et 339 845 euros au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013. Si la société requérante conteste la méthode retenue au motif de l’état de vétusté de l’immeuble en cause nécessitant d’importants travaux, elle se borne à produire à l’appui de sa requête, un rapport auquel sont jointes des photographies non datées censées attester de l’état de vétusté du bâtiment, et qui ne contient pas de termes de comparaison significatifs avec d’autres locaux situés dans le même secteur géographique qui seraient soit occupés par leurs propriétaires, soit loués à la saison seulement. Eu égard à la situation du bien, les restaurations effectuées apparaissant sur le rapport d’évaluation de la valeur locative produit par la société requérante, l’administration, doit être regardée comme justifiant suffisamment qu’en appliquant un taux de 5 % à la valeur vénale du bien, elle n’a pas fait une appréciation inexacte des valeurs locatives établies au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013. Au surplus, la SAS Coram n’apporte, à l’appui de sa requête, aucune méthode alternative. Par suite, le moyen tiré d’une surestimation par le service de la valeur locative de l’immeuble en cause doit être écarté.

11. Dans ces conditions, l’administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve de l’existence d’une renonciation à recettes au profit de son actionnaire principal, M. D sans que la SAS Coram n’en retire avantage. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration a recalculé et réintégré les loyers théoriques dans le résultat imposable de la SAS Coram au titre des exercices 2011, 2012 et 2013.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’existence, invoquée en défense, d’un aveu judiciaire, que la SAS Coram n’est pas fondée à demander la décharge, en droits et pénalités des cotisations supplémentaires d’impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013. En l’absence de tout moyen spécifique dirigé contre ces impositions, sa contestation doit aussi être rejetée en tant qu’elle porte sur les cotisations de retenue à la source auxquelles la société a été assujettie au titre des mêmes années.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une quelconque somme soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Coram est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Coram et à la directrice des finances publiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente,

M. Zarrella, premier conseiller,

Mme Pouliquen, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé

A-D Zarrella

La présidente,

Signé

A. MenasseyreLa greffière,

Signé

A. Vidal

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,

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