Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2100443

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 7e ch., 30 déc. 2022, n° 2100443
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2100443
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 janvier 2021 et le 30 septembre 2022, M. B A, représenté par Me Pascaud demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2014, et des pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— le service n’a pas tenu compte de la loi comptable, et en particulier de l’article 322-5 du plan comptable général, qui s’impose aux entreprises au plan fiscal ;

— la provision pour dépréciation de fonds de commerce constituée par l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Pharmacie A au titre de l’année 2014 est fondée, dès lors qu’elle tient compte des circonstances de fait de la clôture de l’exercice 2014, et en particulier de la dégradation de ses actifs incorporels mis en évidence par ses banquiers ;

— le service aurait dû apprécier la dépréciation de la valeur du fonds de commerce en 2014 par rapport à la valeur historique de son inscription au bilan en 2002, année de son acquisition ;

— le service aurait dû tenir compte du coefficient d’inflation cumulé entre 2002 et 2014, d’un total de 22 %, afin d’évaluer le chiffre d’affaires hors taxes de l’année 2014 ;

— le service fait valoir à tort que le résultat de l’officine n’a pas diminué au cours des trois années précédant la constitution de la provision litigieuse, dès lors que le maintien du résultat avait pour cause la diminution de la rémunération de M. A ;

— la provision constituée est justifiée par l’environnement économique de l’EURL Pharmacie A, élément refusé à tort par le service.

Par un mémoire, enregistré le 12 avril 2021, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 12 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Zarrella, rapporteur,

— les conclusions de Mme Caselles, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. À l’issue d’un examen de comptabilité portant sur les déclarations fiscales relatives au bénéfice industriel et commercial pour l’exercice clos au 31 décembre 2014 et à l’impôt sur les sociétés pour les exercices clos les 31 décembre 2015 et 31 décembre 2016, l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Pharmacie A, dont M. B A est l’unique associé, a fait l’objet de rehaussements en matière de bénéfice industriel et commercial au titre de l’exercice couvrant la période du 1er avril au 31 décembre 2014, le service vérificateur ayant remis en cause la déductibilité d’une provision pour dépréciation de fonds de commerce d’un montant de 200 000 euros. Tirant les conséquences de ces rectifications, l’administration a, dans le cadre d’une procédure de contrôle sur pièces, adressé à M. A une proposition de rectification en date du 22 décembre 2017 lui notifiant une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2014, pour un montant total, en droits et pénalités, de 76 018 euros, mis en recouvrement le 31 octobre 2019. La réclamation préalable formée par M. A le 27 novembre 2019 a fait l’objet d’une décision de rejet le 20 novembre 2020. M. A demande au tribunal la décharge de cette imposition.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l’article 38 sexies de l’annexe III au code général des impôts : « La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donnent lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du I de l’article 39 du code général des impôts ». Aux termes du 5° du 1 de l’article 39 du même code : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant () notamment : les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice. () ».

3. Il résulte de ces dispositions qu’une entreprise qui constate, par suite d’événements en cours à la clôture de l’exercice, une dépréciation non définitive d’un élément de son actif immobilisé, peut, alors même que celui-ci est amortissable, constituer une provision dont le montant ne peut excéder, à la clôture de l’exercice, la différence entre la valeur nette comptable et la valeur probable de réalisation de l’élément dont il s’agit, à la condition notamment que le mode de calcul de la provision soit propre à exprimer avec une approximation suffisante le montant probable de cette dépréciation.

4. Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2005, le plan comptable général et notamment son article 322-5 impose aux entreprises d’apprécier, à chaque clôture des comptes et à chaque situation intermédiaire, s’il existe un indice quelconque montrant qu’un ou plusieurs de leurs actifs ont pu perdre de leur valeur. Lorsqu’un tel indice existe, un test de dépréciation consistant à comparer la valeur nette du bien considéré et sa valeur actuelle doit être effectué afin de confirmer ou non la perte de valeur. En présence d’une telle perte de valeur, l’entreprise peut, le cas échéant, déprécier l’actif concerné en fonction de sa valeur actuelle.

5. Il résulte de l’instruction que la SNC A a acquis le 20 février 2002 une officine de pharmacie pour un montant total de 1 189 102 euros dont 1 173 303 euros d’éléments incorporels. L’administration fiscale, estimant qu’aucun élément ne justifiait d’une dépréciation effective du fonds de commerce au cours de l’année 2014 et que cette dépréciation n’était pas établie, a réintégré au résultat imposable de l’EURL Pharmacie A la provision pour dépréciation de fonds de commerce comptabilisée au titre des exercices clos de 2014 à 2016 pour un montant total de 200 000 euros.

6. En premier lieu, la déductibilité d’une provision pour dépréciation du fonds de commerce doit être évaluée en comparant l’évolution du chiffre d’affaires, des indicateurs financiers et du résultat d’exploitation de la société ayant acquis le fonds de commerce depuis la date de l’inscription de l’actif du cédant au bilan de l’acquéreur jusqu’à la date de comptabilisation de la provision. En l’espèce, si M. A invoque la dégradation des indicateurs économiques de l’EURL Pharmacie A pour justifier la constitution de la provision litigieuse, il résulte de l’instruction que le chiffre d’affaires hors taxes s’élevait en 2002 à 1 216 190 euros et en 2014 à 1 200 555 euros, soit une baisse de 1,3 %. Par ailleurs, ainsi que le fait valoir l’administration, sans être contredite, si le requérant constate une baisse significative du chiffre d’affaires et des résultats des exercices 2011-2012 et 2014, c’est qu’il fait abstraction des données chiffrées des exercices 2012-2013 et 2013-2014 qui permettent de mettre en évidence la fluctuation du chiffre d’affaires et des résultats et non une baisse continue. Ainsi le chiffre d’affaires hors taxe s’élève à 1 379 834 euros pour l’exercice 2011-2012, à 1 260 836 euros pour l’exercice 2012-2013, à 1 300 195 euros pour l’exercice 2013-2014, à 900 413 euros pour l’exercice couvrant la période du 1er avril au 31 décembre 2014 et à 1 210 650 euros pour la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2014. Il en résulte que le chiffre d’affaires fluctue, avec une baisse minimale de – 3,98 % entre les chiffres d’affaires 2012-2013 et 2014 et une baisse maximale de – 12,27 % entre les chiffres d’affaires 2011-2012 et 2014. Il en ressort également que le chiffre d’affaires total hors taxes, ramené sur 12 mois en 2014, la date de clôture des comptes ayant été modifiée à partir de 2014, soit 1 210 650 euros accuse une baisse de seulement 7 % en comparaison avec celui de 2013-2014, d’un montant de 1 300 195 euros. L’administration fait également valoir que les bénéfices réalisés avant inscription de toute provision sont en forte progression de mars 2012 à mars 2015 et que la marge commerciale, qui correspond à ce que l’entreprise gagne grâce à la différence entre le prix de vente hors taxes et le prix d’achat hors taxes des produits vendus, augmente sensiblement passant de 27,33 % au cours de l’exercice 2011-2012 pour atteindre 31 % au cours de l’exercice 2013-2014, avant de diminuer légèrement, pour passer à 29,76 % au cours de l’exercice couvrant la période du 1er avril au 31 décembre 2014. Si les exercices clos en 2015 et 2016 ne sont pas concernés par l’imposition litigieuse, la marge commerciale reste élevée au cours de ces deux exercices avec respectivement 30,78 % et 32,46 %, exercices à la clôture desquels la provision litigieuse a été maintenue. Enfin, par la production de deux documents, le premier faisant état du nombre de médecins généralistes de la commune en 2014, le second donnant le détail des pharmacies installées à proximité et leur chiffre d’affaires au titre des années 2010 à 2014, le requérant n’établit pas que la provision en litige a pour justification la modification de son environnement commercial dès lors qu’il est établi que le chiffre d’affaires et la marge commerciale de l’EURL Pharmacie A n’ont pas connu de baisse significative au cours de la période 2011-2014.

7. En deuxième lieu, M. A n’établit pas que le taux d’inflation, qui s’élèverait, selon ses dires, à 22 % entre les années 2002 et 2014 aurait entraîné une baisse du même pourcentage du chiffre d’affaires de l’EURL Pharmacie A au cours de ces mêmes années.

8. En troisième lieu, M. A n’établit pas que la perte de chiffre d’affaires de son officine a été compensée par une importante réduction de sa rémunération.

9. En quatrième lieu, les évaluations du fonds de commerce de l’EURL Pharmacie A comprises entre 800 et 900 000 euros, au demeurant non étayées des éléments comptables sur lesquels elles paraissent s’être appuyées, relèvent, ainsi que le fait valoir l’administration, davantage de l’application de la politique d’accès au crédit bancaires de ces organismes financiers que d’une étude circonstanciée de la dégradation des actifs incorporels et des indicateurs économiques de l’EURL Pharmacie A susceptible de justifier la provision pour dépréciation de fonds de commerce constituée. Par suite, le requérant n’est pas fondé à justifier par ces évaluations la provision pour dépréciation du fonds de commerce constituée.

10. En cinquième lieu, aux termes de l’article 322-5 du plan comptable général : « La dépréciation des éléments d’actif doit être évaluée par l’entreprise à chaque clôture, au moyen d’un test de dépréciation effectué dès qu’existe un indice de perte de valeur. Ce test qui consiste à comparer la valeur nette comptable du bien à sa valeur actuelle concerne aussi bien les immobilisations amortissables que non-amortissables. Si cette comparaison confirme la perte de valeur, l’entreprise constate dans ses comptes une dépréciation du bien concerné. ». Aux termes de l’article 38 quater de l’annexe III au code général des impôts : « Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt. ».

11. Il résulte des termes mêmes de l’article 38 quater de l’annexe III au code général des impôts que, en cas d’incompatibilité entre le droit comptable et le droit fiscal, les contribuables ne peuvent opposer les définitions du plan comptable aux règles du droit fiscal. Ainsi, une entreprise ne peut-elle utilement se prévaloir d’une disposition du plan comptable général, ni d’une recommandation du conseil national de la comptabilité, dès lors que les définitions et solutions invoquées sont incompatibles avec la loi fiscale.

12. En l’espèce, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la provision constituée par l’EURL Pharmacie A ne répond pas aux exigences des dispositions précitées des articles 39 du code général des impôts et 38 quater de l’annexe III au même code pour que soit admise sa déductibilité du résultat imposable. Il suit de là que le requérant n’est pas fondé à se prévaloir, pour justifier la provision contestée, de l’article 322-5 du plan comptable général.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à contester la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu portée à sa charge au titre de l’année 2014, conséquence de la réintégration au résultat imposable de l’EURL Pharmacie A de la provision non justifiée dans son montant et dans son principe qu’elle a constituée au titre de l’exercice courant du 1er avril au 31 décembre 2014.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une quelconque somme soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et à la directrice des finances publiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente,

M. Zarrella, premier conseiller,

Mme Pouliquen, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

signé

A-D Zarrella

La présidente,

signé

A. MenasseyreLe greffier,

signé

I. Abed

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Le greffier,

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