Tribunal administratif de Marseille, 6ème chambre, 12 janvier 2024, n° 2107093

  • Militaire·
  • Commission·
  • Recours administratif·
  • Administration·
  • Armée·
  • Préjudice·
  • Justice administrative·
  • Décision implicite·
  • Congés maladie·
  • Réparation

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 6e ch., 12 janv. 2024, n° 2107093
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2107093
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 18 janvier 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 août 2021 et le 19 mars 2023, M. A B, représenté par Me Arena Blanchard, demande au tribunal :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme totale de 220 843 euros en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis en raison de la faute de l’administration quant à la mauvaise gestion administrative de sa situation ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— sa requête est recevable ;

— l’administration a commis une faute en s’abstenant de proroger son contrat jusqu’à la date d’expiration de son congé maladie ;

— l’administration a commis une faute en s’abstenant de le placer d’office en congé de longue maladie à l’issue de ses six mois de congé maladie ;

— il est fondé à demander la somme de 110 203 euros, correspondant au plein traitement qu’il aurait dû percevoir pendant trois ans et six mois diminué des indemnités journalières de sécurité sociale qu’il a perçues ;

— il est fondé à demander la somme de 107 640 euros, en réparation du préjudice consistant en l’absence de perception de sa retraite pendant une période de six ans et six mois ;

— il est fondé à demander la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 février 2022 et le 6 avril 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

— la requête est irrecevable du fait de l’absence d’une demande indemnitaire préalable liant le contentieux et de l’absence d’un recours administratif préalable obligatoire présenté devant la commission des recours des militaires ;

— les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la défense ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Pouliquen, rapporteure,

— et les conclusions de M. Secchi, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B s’est engagé dans l’armée de terre à compter du 1er octobre 1999. Le 16 mai 2018, lors d’un entraînement militaire de boxe française, il a été victime d’un accident déclenchant des douleurs et une diminution de la motricité de son genou droit. Le 8 février 2021, M. B a saisi la commission des recours des militaires afin de contester un protocole transactionnel proposé par l’administration aux fins de réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux pour un montant de 185 euros. La commission a partiellement accepté sa demande, en lui proposant une indemnisation globale à hauteur de 1 500 euros. M. B demande la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 110 203 euros correspondant au plein traitement qu’il aurait dû percevoir pendant trois ans et six mois diminué des indemnités journalières de sécurité sociale qu’il a perçues, la somme de 107 640 euros en réparation du préjudice consistant en l’absence de perception de sa retraite pendant une période de six ans et six mois, ainsi que la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.

2. Aux termes du I de l’article R. 4125-1 du code de la défense : « Tout recours contentieux formé par un militaire à l’encontre d’actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d’un recours administratif préalable, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense ». Aux termes de l’article R. 4125-2 du même code : " A compter de la notification ou de la publication de l’acte contesté, ou de l’intervention d’une décision implicite de rejet d’une demande, le militaire dispose d’un délai de deux mois pour saisir la commission par tout moyen conférant date certaine de réception de cette saisine au secrétariat permanent placé sous l’autorité du président de la commission. () / La saisine de la commission est accompagnée d’une copie de l’acte contesté et mentionne les griefs formulés contre cet acte. Dans le cas d’une décision implicite de rejet, la saisine est accompagnée d’une copie de la demande. / Si la copie de l’acte ou, dans le cas d’une décision implicite de rejet, la copie de la demande ne sont pas jointes à l’envoi, le secrétariat permanent de la commission met l’intéressé en demeure de la produire dans un délai de deux semaines ; en l’absence de production dans ce délai, l’intéressé est réputé avoir renoncé à son recours. Le président de la commission en dresse le constat et en informe l’intéressé ".

3. Au terme du premier paragraphe du courrier de saisine de la commission des recours des militaires, rédigé par M. B le 8 février 2021, celui-ci conteste un protocole transactionnel en date du 14 décembre 2020, proposé par l’administration aux fins de réparation des préjudices extrapatrimoniaux subis par le requérant en raison de son accident de service. Dans ce recours, M B affirme également que : « cet accident de service aurait dû être mieux pris en charge. () Je vais donc me battre pour récupérer les 6 mois de solde pleine et l’équivalent des sommes à titre de CLD qui me sont dues de plein droit. Car jusqu’à 3 jours avant une RDC, un contrat doit être renouvelé en cas de blessure en service ». Par cette formulation exprimant de façon peu précise sa simple volonté d’engager une procédure ultérieure, sans précision suffisante quant à un fondement de responsabilité recherché, M. B ne peut être regardé comme ayant demandé à la commission des recours des militaires de reconnaître les fautes de l’administration de ne l’avoir pas placé en congé de longue durée à l’issue de son congé maladie et de n’avoir pas renouvelé son contrat d’engagement jusqu’à l’échéance d’un tel congé. En outre, dans l’extrait précité de ce courrier du 8 février 2021, le requérant ne demande ni l’indemnisation de son préjudice tenant à l’absence de perception de son plein traitement pendant une période de trois ans et demi, ni celle de son préjudice tenant à la non-perception de sa pension de retraite pendant six ans et demi, ni celle de son préjudice moral. Dans ces conditions, le requérant ne peut être regardé comme ayant exercé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires.

4. Au surplus, la commission des recours des militaires ne peut être régulièrement saisie que d’un recours formé contre une décision administrative, y compris en matière indemnitaire. Le président de la commission a le pouvoir de rejeter le recours formé par un militaire devant la commission au motif qu’il doit être réputé, en l’absence de décision administrative préalable, y avoir renoncé. Il incombe au juge, s’il est saisi par le militaire d’un recours qui n’a ainsi été valablement précédé d’aucun recours administratif préalable, de le rejeter comme irrecevable, alors même que l’administration présenterait devant lui des observations au fond.

5. En l’espèce, le requérant a saisi l’administration d’une demande préalable indemnitaire par un courrier qui ne lui est parvenu que le 21 mars 2023. Par suite, à supposer même que le recours du 8 février 2021 puisse être regardé comme un recours administratif préalable obligatoire tendant à l’indemnisation des trois préjudices mentionnés au point 1, la saisine de la commission des recours des militaires serait irrégulière, faute pour le requérant d’être en mesure de présenter une demande indemnitaire adressée préalablement à l’administration.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires de M. B sont irrecevables et ne peuvent donc qu’être rejetées. Doivent être rejetées par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, l’Etat n’étant pas partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au ministre des armées.

Délibéré après l’audience du 22 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brossier, président,

Mme Charpy, conseillère,

Mme Pouliquen, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2024.

La rapporteure,

Signé

G. Pouliquen

Le président,

Signé

J.B. BrossierLa greffière,

Signé

D. Dan

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Marseille, 6ème chambre, 12 janvier 2024, n° 2107093