Tribunal administratif de Nantes, 28 juin 2016, n° 1308260

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 28 juin 2016, n° 1308260
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 1308260
Décision précédente : Tribunal administratif d'Orléans, 1er avril 2013, N° 1103082

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE NANTES

N° 1308260

___________

M. Y-Z X

___________

M. Danet

Rapporteur

___________

Mme Massiou

Rapporteur public

___________

Audience du 31 mai 2016

Lecture du 28 juin 2016

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Nantes

(3e chambre)

36-09

C

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2013, M. Y-Z X, représenté par Me Athon-Perez, demande au tribunal :

1°) de condamner le département du Loiret à lui verser une somme de 161 082 euros en réparation des préjudices subis résultant de l’illégalité de la décision du 30 juin 2011 notifiée le 1er juillet 2011 du président du conseil général prononçant son licenciement et de la méconnaissance des dispositions de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge du département du Loiret une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision de licenciement du 1er juillet 2011 a été annulée pour erreur de droit par le tribunal administratif d’Orléans ; cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité du département du Loiret ; ce jugement a reconnu la méconnaissance par ce dernier de l’alinéa 2 de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, laquelle constitue une autre faute de la collectivité de nature à engager sa responsabilité ;

— les fautes commises par l’administration sont à l’origine d’un préjudice financier pouvant être évalué à la somme globale de 136 082,43 euros ; elles sont à l’origine d’un préjudice moral, constitué par l’atteinte causée à son état de santé ainsi qu’à sa réputation et à son honneur, pouvant être évalué à la somme de 25 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2014, le département du Loiret, représenté par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de M. X la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que s’il n’est pas contesté que l’illégalité de la décision de licenciement annulée par le jugement du tribunal administratif d’Orléans constitue une faute, les préjudices allégués ne sont pas établis ou ne sont pas en lien direct avec cette illégalité fautive.

Vu :

— les autres pièces du dossier.

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

— la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Danet, rapporteur,

— les conclusions de Mme Massiou, rapporteur public,

— les observations de Me Athon-Perez, avocat de M. X,

— et les observations de Me de Soto, substituant Me Bazin, avocat du département du Loiret.

M. X a produit une note en délibéré enregistrée le 3 juin 2016.

1. Considérant que M. X a été recruté par le département du Loiret en 1996 en qualité d’agent non titulaire pour occuper des fonctions de directeur de la communication puis a été engagé par la même collectivité sur un emploi fonctionnel en qualité de directeur général adjoint chargé de la communication et des systèmes d’information, par un contrat à durée indéterminée du 6 décembre 2007, conclu sur le fondement de l’article 47 de la loi du 26 janvier 1984 ; que par une décision datée du 30 juin 2011 et notifiée le 1er juillet suivant, le président du conseil général a prononcé son licenciement pour perte de confiance, avec effet au 1er septembre 2011 ; que par un jugement n° 1103082 du 2 avril 2013, le tribunal administratif d’Orléans a annulé cette décision pour erreur de droit en estimant, au regard des dispositions de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 et des pièces du dossier, qu’il avait été en réalité mis fin aux fonctions de M. X après prise en considération du recours exercé par l’intéressé auprès de l’autorité territoriale en vue de bénéficier de la protection fonctionnelle pour des faits présumés de harcèlement moral alors qu’un tel recours et de tels faits ne paraissaient pas manifestement infondés ni ne constituaient une manœuvre destinée à prévenir son éviction ; que par un courrier du 27 juin 2013 adressé au président du conseil général du Loiret et reçu le 28 juin suivant, M. X a formulé une demande indemnitaire préalable tendant à l’octroi d’une somme totale de 154 529 euros en réparation des préjudices qu’il estimait avoir subis et résultant de l’illégalité de la décision de licenciement précitée ; qu’aucune réponse n’a été apportée à cette demande ; que par la requête susvisée, M. X doit être regardé comme demandant au tribunal de condamner le département du Loiret à lui verser une somme de 161 082 euros en réparation des préjudices subis résultant de l’illégalité, pour le motif énoncé plus haut tiré de la méconnaissance de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, de la décision en date du 30 juin 2011 du président du conseil général du Loiret prononçant son licenciement assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu’il ressort du jugement du tribunal administratif d’Orléans du 2 avril 2013 devenu définitif que la décision du 30 juin 2011 prononçant le licenciement de M. X est illégale ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’autorité administrative ;

Sur les préjudices :

3. Considérant qu’en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions ; qu’enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l’agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d’éviction ;

Sur la perte de rémunération :

4. Considérant que M. X, qui a conclu un contrat d’engagement avec le département de Maine-et-Loire le 30 août 2011 avec effet au 1er septembre suivant pour une durée de trois ans sur des fonctions de directeur général adjoint chargé de la proximité, soutient qu’il a subi, durant la période d’éviction illégale, une perte de rémunération qu’il évalue à la somme mensuelle de 188,50 euros, soit une somme totale de 3 581 euros correspondant à la différence de rémunération entre les deux postes occupés ; que la réalité du préjudice ainsi allégué, révélée en particulier par la différence entre la rémunération annuelle nette imposable perçue en 2010 et ladite rémunération perçue en 2012 du département de Maine-et-Loire, son nouvel employeur, et telles qu’elles sont mentionnées sur les bulletins de paie pour les mois de décembre 2010 et de décembre 2012, doit être regardée comme établie ; qu’en revanche, le bénéfice d’un véhicule de fonction qui a pour objet de compenser des frais, charges ou contraintes liées à l’exercice effectif des fonctions antérieures de M. X n’est pas au nombre des éléments à prendre en compte pour la détermination du préjudice indemnisable au titre de la perte de rémunération ; que, par suite, M. X est seulement fondé à demander la condamnation du département du Loiret à lui verser la somme de 3 581 euros au titre de ce chef de préjudice ;

Sur les autres préjudices :

5. Considérant en premier lieu, que M. X fait état des frais qu’il a dû personnellement engager pour la location d’un logement à Angers pour la période d’août 2011 à juin 2012, consécutif à son recrutement par le département de Maine-et-Loire à compter du 1er septembre 2011 et incluant les frais d’agence immobilière, les loyers mensuels, les charges d’assurance et d’énergie ainsi que la taxe d’habitation afférente à l’occupation dudit logement pour l’année 2012 ; que les frais ainsi engagés, liés à la double résidence temporaire rendue nécessaire par l’éloignement géographique de son nouvel emploi au regard de sa résidence familiale située à Orléans, sont en lien direct avec l’illégalité de la décision de licenciement du 30 juin 2011 ; que toutefois, M. X ne produit aucune pièce justificative à l’appui de ses prétentions au titre des frais d’agence et des loyers mensuels acquittés ainsi que des dépenses d’électricité ; que par ailleurs, s’il produit un avis d’imposition au titre de la taxe d’habitation pour l’année 2012 faisant état d’une somme à acquitter d’un montant de 572 euros, celle-ci comprend, pour l25 euros, la contribution à l’audiovisuel public, laquelle est due par foyer fiscal, quelle que soit notamment le nombre de résidences imposées à la taxe d’habitation, et ne peut être regardée en l’espèce comme étant en lien direct avec l’illégalité précitée ; qu’ainsi, M. X n’établit la réalité du préjudice allégué qu’à hauteur de 599,76 euros correspondant à la cotisation annuelle d’assurance (152,76 euros) et à la taxe d’habitation acquittée (447 euros) ; qu’il est dès lors seulement fondé à demander la condamnation du département du Loiret au versement de cette somme au titre de ce chef de préjudice ;

6. Considérant en deuxième lieu, que M. X n’apporte aucun élément de nature à justifier le montant des frais de déménagement à Angers qu’il soutient avoir engagés à la suite de son licenciement et de son recrutement par le département de Maine-et-Loire à compter du 1er septembre 2011 ; que, de même, s’il fait état de frais engagés pour se déplacer en voiture entre Orléans et Angers durant la période au cours de laquelle il a vécu séparé du reste de sa famille en raison de sa nouvelle affectation à Angers, dans l’attente du règlement des formalités de départ de celle-ci vers cette ville, et qu’il évalue à la somme de 9 760 euros sur la base de 46 allers-retours par application du barème kilométrique utilisé par l’administration fiscale, il se borne à produire un état de frais rédigé par ses soins, à l’exclusion de tout autre document de nature à établir la réalité et le nombre de déplacements ainsi allégués ; que, dans ces conditions, la réalité de ce préjudice ne peut être regardée comme établie ;

7. Considérant en troisième lieu, que si M. X demande l’indemnisation de la perte de rémunération subie par son épouse, professeur de lycée professionnel de l’enseignement privé sous contrat d’association, à la suite de l’obtention de sa mobilité dans un établissement d’Angers pour rejoindre son époux, il ne résulte pas de l’instruction que la diminution de cette rémunération était directement imputable à la décision fautive du département du Loiret ; qu’ainsi, M. X n’est pas fondé à en demander la réparation ;

8. Considérant en quatrième lieu, que M. X demande la réparation du préjudice résultant de la précarité professionnelle dans laquelle l’a placé la décision attaquée dès lors qu’il a perdu le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée et qu’il n’a, par la suite, été recruté que dans le cadre d’un contrat à durée déterminée ; que, toutefois, il résulte de l’instruction que M. X, qui n’est pas fonctionnaire, avait été engagé par le département du Loiret par contrat établi sur le fondement de l’article 47 de la loi du 26 janvier 1984 sur un emploi fonctionnel de directeur général adjoint ; qu’eu égard à la nature particulière de ce type d’emploi pouvant justifier la rupture à tout moment des relations contractuelles pour perte de confiance de l’autorité territoriale, la seule circonstance que le contrat conclu avec son nouvel employeur pour occuper un emploi non fonctionnel l’ait été pour une durée déterminée de trois ans, ne révèle pas, par elle-même, une précarisation accrue de sa situation professionnelle ; que, dès lors, le préjudice dont il demande ainsi réparation par l’octroi d’une somme forfaitaire de 12 200 euros ne peut être regardé comme établi ;

9. Considérant en cinquième lieu, que ni le préjudice allégué résultant de l’écart entre la valeur estimée de la maison dont le requérant était propriétaire à Orléans et son prix de vente, ni les frais engagés par l’intéressé pour souscrire divers prêts destinés à relayer, dans l’attente de la vente de celle-ci, l’acquisition d’un nouveau bien immobilier à Angers, ni les autres frais inhérents à une telle acquisition ne présentent de lien direct avec le licenciement illégal dont il a fait l’objet ;

10. Considérant en sixième lieu, que si M. X fait valoir qu’il a été contraint de saisir les juridictions administratives et pénales et a exposé à ce titre des frais de justice, outre qu’il ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité et l’étendue du préjudice allégué évalué à la somme totale de 8 743,70 euros, il résulte de l’instruction qu’il a bénéficié, dans le cadre de l’instance engagée auprès du tribunal administratif d’Orléans, de l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et que ce chef de préjudice, pour les frais directement imputables à l’illégalité de la mesure d’éviction, doit être regardé comme ayant été ainsi intégralement réparé ;

11. Considérant enfin, que si M. X fait état de répercussions sur son état de santé des agissements à son égard du directeur général des services du département du Loiret et produit à l’appui de sa demande un certificat médical datant de février 2011 ainsi qu’un formulaire d’arrêt de travail d’un mois à compter du 7 décembre 2010, les troubles ainsi invoqués, qui sont largement antérieurs à la mesure de licenciement dont il a fait l’objet, ne peuvent être regardés comme étant en lien direct avec l’illégalité de ladite mesure ; que par ailleurs, s’il soutient qu’il a été porté atteinte à sa réputation et à son honneur, notamment par la publicité donnée par son ancien employeur dans les médias au conflit qui les opposait, la seule pièce justificative produite, à savoir une copie d’écran de la première page des résultats d’un moteur de recherche sur une requête mentionnant son prénom et son nom, ne permet pas d’établir, eu égard en particulier à la nature des données ainsi recueillies dont la majorité ne fait nullement référence à ce conflit ou ne contient aucune information défavorable ou susceptible de mettre en doute ses qualités personnelles et professionnelles, la réalité du préjudice ainsi allégué ;

12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la condamnation du département du Loiret à lui verser la somme totale de 4180,76 euros en réparation des préjudices résultant directement de l’illégalité de la décision du 30 juin 2011 ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

13. Considérant d’une part, que M. X a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l’indemnité de 4180,76 euros à compter du 28 juin 2013, date de réception de sa demande par le département du Loiret ;

14. Considérant d’autre part, que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d’une année ; qu’en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu’à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 25 octobre 2013 ; qu’il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 28 juin 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d’intérêts, ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant d’une part, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département du Loiret, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

16. Considérant d’autre part, que ces dispositions font obstacle à ce que M. X, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse au département du Loiret la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le département du Loiret est condamné à verser à M. X la somme de 4180,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2013. Les intérêts échus le 28 juin 2014 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le département du Loiret versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées pour le département du Loiret au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Y-Z X et au département du Loiret.

Délibéré après l’audience du 31 mai 2016, à laquelle siégeaient :

M. Berthet-Fouqué, président,

M. Danet, premier conseiller,

Mme Le Lay, conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2016.

Le rapporteur, Le président,

J. DANET J. BERTHET-FOUQUÉ

Le greffier,

XXX

La République mande et ordonne au préfet du Loiret, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le greffier,

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