Tribunal administratif de Nantes, 3ème chambre, 27 décembre 2022, n° 1810940

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 3e ch., 27 déc. 2022, n° 1810940
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 1810940
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 20 décembre 2016, N° 1503290
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2018, Mme B A, représentée par Me Bideaud, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 19 septembre 2018 par lequel le maire de Sainte Gemme la Plaine lui a infligé la sanction de révocation et l’a radiée des cadres ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Sainte Gemme la Plaine la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— l’arrêté est entaché d’un vice de procédure dès lors qu’elle n’a pas été en mesure de présenter utilement ses observations devant le conseil de discipline ;

— il est entaché d’une erreur d’appréciation dès lors que les faits reprochés ne sont pas matériellement établis, qu’elle n’a pas porté atteinte au bon fonctionnement du service et à la réputation de la commune ;

— la sanction infligée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 novembre 2019, la commune de Sainte Gemme la Plaine, représentée par Me Tertrais, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

— le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme C,

— les conclusions de M. Jégard, rapporteur public,

— et les observations de Me Bideaud, avocate de Mme A, et de Me Capul, substituant Me Tertrais, avocat de la commune de Sainte Gemme la Plaine.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 mars 1987, Mme A a été titularisée en qualité de secrétaire de mairie au sein de la commune de Sainte Gemme la Plaine. Par un arrêté du 10 octobre 2014, le maire de cette commune l’a révoquée puis, par un arrêté du 1er avril 2015, à la suite de l’avis du conseil de discipline de recours du 17 février 2015 s’étant prononcé en faveur d’une exclusion temporaire des fonctions de deux ans non-assortie de sursis, le maire a prononcé une exclusion de fonctions à l’encontre de l’intéressée, du 10 octobre 2014 au 9 octobre 2016, sanction dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1503290 du tribunal administratif de Nantes du 21 décembre 2016. Le 2 janvier 2017, Mme A a repris son activité au sein de la commune, en exerçant les fonctions de responsable de la gestion comptable. Par un arrêté du 17 mai 2017, Mme A a été promue attachée territoriale. Par un arrêté du 31 mai 2018, le maire de la commune de Sainte Gemme la Plaine l’a suspendue à compter du 1er juin 2018 et a engagé une procédure disciplinaire à son encontre tendant à sa révocation. Par un avis du 3 septembre 2018, le conseil de discipline s’est prononcé en faveur d’une exclusion des fonctions d’une année assortie de six mois de sursis. Par l’arrêté attaqué du 19 septembre 2018, le maire l’a révoquée et radiée des cadres.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. La commune de Sainte Gemme la Plaine a révoqué Mme A après avoir relevé à plusieurs reprises une absence d’exécution des tâches confiées, notamment le défaut d’envoi des budgets à la préfecture en avril 2017 malgré plusieurs relances, l’absence de rédaction des conventions de refacturation gaz et assainissement pour la boucherie et le salon de coiffure en mai 2017, le défaut de transmission à la trésorerie des flux de facturation de l’accueil périscolaire, l’absence de transmission le 30 janvier puis le 19 février 2018 de documents budgétaires pour l’année 2018 et le défaut de traitement de courriers et dossiers retrouvés en vrac sur une étagère le 14 mars 2018. A également été relevée une exécution partielle et peu rigoureuse des tâches par Mme A, notamment lors de la rédaction des documents budgétaires ayant fait l’objet de demandes de corrections et compléments par la préfecture en juin 2017 et de l’établissement des documents comptables transmis à la trésorerie, mais aussi en raison de la facturation erronée de prestations périscolaire aux familles, de l’absence de dépôt des chèques reçus en sa qualité de régisseure, du retard dans l’ordonnancement de factures, d’erreurs de chiffres dans la préparation de délibération ou de documents budgétaires tels que l’excédent de fonctionnement décrit sur les comptes de l’exercice 2017 ou le report des restes à réaliser sur les dépenses d’investissement 2017, du défaut de transmission de titres à la trésorerie simplement enregistrés en comptabilité (loyers de février 2018), de l’absence régulière d’engagement des dépenses uniquement traitées sous Excel et du défaut d’anticipation des réunions obligeant au report de la commission des finances de la collectivité. Cette dernière indique également que Mme A s’est introduit irrégulièrement dans la boîte mail professionnelle de la secrétaire générale en mars 2017. Elle souligne que nombre des faits reprochés, qui se sont révélés lors de la clôture du budget 2017 et de la préparation du budget de l’année 2018, correspondent à des manquements disciplinaires pour lesquels Mme A a déjà été sanctionnée et que la réitération de ces graves manquements, outre qu’ils sont à l’origine d’une rupture de confiance, a porté atteinte au fonctionnement normal et à la réputation des services et de la commune et révèle l’impossibilité de voir Mme A poursuivre ses activités au sein de la collectivité. Mme A conteste la matérialité d’une partie des faits reprochés.

4. D’une part, s’il ne ressort pas des pièces du dossier que le budget principal et les budgets annexes de l’année 2017 aient été tardivement transmis aux services de la préfecture après plusieurs relances, Mme A n’en a pas moins manqué de diligence pour établir ces documents et alerter la secrétaire générale et les élus des difficultés qu’elle pouvait rencontrer dans l’établissement de ces documents, alors qu’elle n’a pas pu se rendre, en raison de la maladie de son époux décédé en novembre 2017, aux formations relatives à l’élaboration du budget et à l’analyse rétrospective et prospective prévues en octobre 2017. Alors que de nombreuses informations et précisions ont été omises, ainsi que l’ont relevé les services préfectoraux en juin 2017, le seul usage de tableaux Excel lors de la préparation du budget et l’utilisation d’un logiciel comptable dont la version récente n’a pas été acquise par la collectivité ne sauraient justifier l’ensemble des erreurs ou imprécisions commises. De même, si l’ensemble des documents et informations n’étaient pas disponibles au début de l’année 2018 afin d’établir, dans leur version définitive, les comptes administratifs et le budget prévisionnel de l’année 2018, il ressort des pièces du dossier que Mme A, malgré deux semaines de congés en janvier 2018, a fait preuve d’un manque d’investissement et de diligence dans l’établissement de ces documents, même dans leur version provisoire, en vue des réunions de la commission des finances prévues le 6 février puis le 1er mars 2018. Ainsi, elle ne conteste pas que plusieurs éléments importants tels que la base de calcul du fonds de compensation de la TVA (FCTVA), les charges d’assurance ou encore l’excédent de fonctionnement du budget de la ZA Champrovent étaient erronés ou absents.

5. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme A a commis plusieurs erreurs matérielles dans l’établissement de titres transmis à la trésorerie en fin d’année 2017 et début d’année 2018, révélant ainsi une absence d’investissement dans la réalisation de tâches pourtant simples. Par ailleurs, elle ne conteste pas sérieusement avoir omis d’assurer la transmission des loyers de février 2018 à ces services avant son arrêt maladie le 27 février 2018, et le classement des courriers et dossiers, retrouvés en vrac dans son bureau. Ces négligences, contrairement à ce que soutient la requérante, ne concernent pas uniquement le début de l’année 2018. En outre, elle ne conteste pas avoir omis de classer et archiver des documents importants relatifs aux élections présidentielles et législatives intervenues au cours de l’année 2017. De même, elle ne conteste pas sérieusement avoir pris du retard dans l’engagement des dépenses en invoquant, sans l’établir, que les devis signés directement par les élus et les bons de liaison n’étaient pas transmis au service en charge de la comptabilité.

6. Enfin, Mme A a méconnu ses obligations en ne déposant pas auprès de la trésorerie les chèques de location de la salle municipale de décembre 2017, janvier et février 2018, alors que l’article R. 1617-8 du code général des collectivités territoriales prévoit que les régisseurs versent et justifient les recettes encaissées par leurs soins au comptable public assignataire au moins une fois par mois. Elle a également reconnu, dans le cadre d’une fiche de constat établie le 30 mars 2017, s’être introduit dans la boîte mail professionnelle de la secrétaire générale le 28 mars 2017.

7. En revanche, la commune de Sainte Gemme la Plaine n’apporte pas d’éléments probants en ce qui concerne l’erreur qu’aurait commise Mme A dans l’établissement des formules du tableaux Excel permettant la facturation des prestations d’accueil périscolaire, qui aurait entraîné une facturation erronée de telles prestations, relevée par les familles en mars et avril 2018, mois pendant lesquels il ressort des écritures de la commune que Mme A était en congé de maladie ordinaire. De même, la seule mention manuscrite, dont l’auteur n’est pas identifié, sur le courriel de relance du 23 mars 2018 de la société Girod tendant au paiement d’une facture établie le 16 février 2018 n’établit pas que Mme A n’aurait pas inscrit cette dépense dans les restes à réaliser de l’année 2017.

8. Outre l’absence de conventions de refacturation de gaz et assainissement pour la boucherie et le salon de coiffure en mai 2017 et de transmission à la trésorerie des flux de facturation de l’accueil périscolaire, dont la matérialité n’est pas contestée par Mme A, les faits reprochés mentionnés aux points 7 à 9, qui sont établis, constituent des manquements aux obligations professionnelles et justifient une sanction.

9. Bien que Mme A déjà sanctionnée, par une exclusion temporaire de fonctions de deux ans pour un ensemble de négligences, n’ait pas fait preuve de diligence dans l’exécution des tâches confiées et n’ait pas alerté sa hiérarchie sur les problèmes qu’elle pouvait rencontrer, il ressort des pièces du dossier qu’elle a néanmoins été accueillie au sein de la collectivité dans des conditions difficiles, a subi des épreuves personnelles au cours de l’année 2017 et a souhaité que soient instaurées une meilleure communication et des rencontres mensuelles afin de faire des points réguliers sur l’avancement des dossiers. Le caractère tendu des relations, notamment avec la secrétaire générale ayant pris ses fonctions en avril 2017 et qui a fait montre rapidement de son exaspération à compter de janvier 2018, ne peut être exclusivement imputable à Mme A. Dans ces conditions, et compte tenu de la courte période pendant laquelle les manquements reprochés ont été commis, la sanction de révocation prononcée à l’encontre de Mme A est disproportionnée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 19 septembre 2018 par lequel le maire de Sainte Gemme la Plaine lui a infligé une sanction de révocation et l’a radiée des cadres.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Sainte Gemme la Plaine demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Sainte Gemme la Plaine une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du 19 septembre 2018 par lequel le maire de Sainte Gemme la Plaine a infligé à Mme A une sanction de révocation et l’a radiée des cadres est annulé.

Article 2 : La commune de Sainte Gemme la Plaine versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Sainte Gemme la Plaine présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et à la commune de Sainte Gemme la Plaine.

Délibéré après l’audience du 29 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Degommier, président,

Mme Martel, première conseillère,

Mme Sainquain-Rigollé, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2022.

La rapporteure,

H. C

Le président,

S. DEGOMMIER

La greffière,

F. ARLAIS

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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