Tribunal administratif de Nantes, 5ème chambre, 29 décembre 2022, n° 2004634

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 5e ch., 29 déc. 2022, n° 2004634
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2004634
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2020, la SARL BGH, représentée par Me Jean-Michel Milochau, demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 21 avril 2020 par lequel le préfet de la Vendée a prononcé la fermeture administrative de l’établissement à l’enseigne « Royal Kebab » situé sur le territoire de la commune des Sables d’Olonne, pour une durée d’un mois.

Elle soutient que :

— l’arrêté attaqué se borne à viser l’établissement et non la personne de l’exploitant, de sorte que la mesure en litige ne lui est pas opposable ;

— il repose sur des faits qui sont matériellement inexacts ;

— les forces de l’ordre ne portaient pas de masques, ni gants de protection, lors de leurs déplacements à l’intérieur de l’établissement les 5, 17 et 20 avril 2020 ;

— la difficulté à se procurer des masques pour le personnel de l’établissement aurait dû être prise en considération.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2020, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— le moyen tiré de l’erreur de fait n’est pas fondé ;

— l’absence de masques et de gants de protection pour les forces de l’ordre lors du contrôle et la difficulté de se procurer des masques pour le personnel de l’établissement sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la santé publique ;

— la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

— le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour et de l’heure de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique qui s’est tenue le 1er décembre 2022 à partir de 9h45 :

— le rapport de M. A,

— les conclusions de M. Gave, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1.La société à responsabilité limitée (SARL) BGH exploite, depuis 2014, au 35, avenue de Bretagne aux Sables d’Olonne (Vendée), un établissement à l’enseigne « Royal Kebab » exerçant une activité de restauration rapide. Par un arrêté du 21 avril 2020, le préfet de la Vendée a usé des pouvoirs qu’il tient des articles 7 et 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 modifié prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’urgence sanitaire pour prononcer, à l’encontre de cet établissement, une mesure de fermeture administrative immédiate d’une durée d’un mois. La SARL BGH demande au tribunal d’annuler cet arrêté.

2. Pour faire face à l’aggravation de l’épidémie de covid-19, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a créé, aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, un régime d’état d’urgence sanitaire et a déclaré l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour une durée de deux mois, à compter du 24 mars 2020.

3. Aux termes de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, issu de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 : " Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / () 5° Ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ; / 6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ; () « . Selon l’article L. 3131-17 du même code, issu de cette même loi : » Lorsque le Premier ministre ou le ministre chargé de la santé prennent des mesures mentionnées aux articles L. 3131-15 et L. 3131-16, ils peuvent habiliter le représentant de l’Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions. / () Les mesures générales et individuelles édictées par le représentant de l’Etat dans le département en application du présent article sont strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. () ".

4. Aux termes de l’article 7 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’urgence sanitaire, pris sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 3131-15 et L. 3131-17 du code de la santé publique : « Tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert, est interdit sur l’ensemble du territoire de la République jusqu’au 11 mai 2020. / Les rassemblements, réunions ou activités indispensables à la continuité de la vie de la Nation peuvent être maintenus à titre dérogatoire par le représentant de l’Etat dans le département, par des mesures réglementaires ou individuelles, sauf lorsque les circonstances locales s’y opposent. / Le représentant de l’Etat dans le département est habilité aux mêmes fins à interdire ou à restreindre, par des mesures réglementaires ou individuelles, les rassemblements, réunions ou activités ne relevant pas du premier alinéa lorsque les circonstances locales l’exigent ». Selon l’article 8 du même décret : " I. – Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après ne peuvent plus accueillir du public jusqu’au 11 mai 2020 : / () – au titre de la catégorie N : Restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter () ; / () VI. – Le représentant de l’Etat dans le département est habilité à interdire ou à restreindre, par des mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas interdites en vertu du présent article. / () ".

5. Par les dispositions citées au point 3, le Premier ministre a habilité le représentant de l’État dans le département à interdire ou à restreindre, par des mesures réglementaires ou individuelles, les activités qui ne sont pas interdites par l’article 8 du décret du 23 mars 2020 précité. Le préfet était ainsi habilité à interdire temporairement, aux seules fins de garantir la santé publique, les activités de livraison et de vente à emporter lorsqu’une telle interdiction était strictement nécessaire et proportionnée aux risques sanitaires encourus, et appropriée aux circonstances de temps et de lieu.

6. Sur ce fondement, par un arrêté préfectoral du 20 mars 2020 portant interdiction des activités extérieures et de la vente à emporter la nuit dans le département de la Vendée, prorogé par un arrêté du 15 avril 2020, le préfet de la Vendée a interdit, jusqu’au 11 mai 2020 « la vente à emporter la nuit des commerces autorisés à rester ouverts () entre 21h00 et 6h00 () ». En outre, par un arrêté préfectoral du 14 avril 2020, le préfet de la Vendée a imposé le respect des mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières », dans les commerces. Selon l’article 4 de cet arrêté : « (), le non-respect des dispositions du présent arrêté expose le commerce à une fermeture administrative de l’établissement ».

7. En premier lieu, la fermeture administrative d’un commerce ordonnée par le préfet sur le fondement des mesures réglementaires précitées aux fins de garantir la santé publique et ainsi éviter la propagation du covid-19 a pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés à la fréquentation ou aux conditions d’exploitation de l’établissement. Si la mesure de fermeture administrative concerne l’établissement et non la personne de l’exploitant, l’arrêté qui prononce cette mesure est bien opposable à la personne qui exploite cet établissement. En conséquence, la circonstance que l’arrêté attaqué se borne à viser l’établissement à l’enseigne « Royal Kebab » et non la SARL BGH qui l’exploite est, par elle-même, sans incidence sur sa légalité.

8. En deuxième lieu, il ressort des termes de l’arrêté attaqué du 21 avril 2020 que, pour prononcer la fermeture administrative temporaire de l’établissement « Royal Kebab », le préfet de la Vendée s’est fondé sur la circonstance que cet établissement ne respectait pas, à l’intérieur de l’établissement, les règles d’hygiène et de distanciation sociale dites « barrières », définies au niveau national et précisées localement, et l’interdiction de vente à emporter la nuit entre 21h et 6h, cette situation, de nature à favoriser la propagation du virus covid-19, perdurant malgré plusieurs contrôles et rappels à l’ordre.

9. La société requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’inexactitude matérielle des faits s’agissant du respect des horaires d’ouverture de l’établissement et des règles de distanciation sociale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, pour établir la réalité des faits reprochés à l’établissement « Royal Kebab », le préfet de la Vendée produit le rapport du commissaire de police, chef de la circonscription de sécurité publique des Sables d’Olonne, daté du 21 avril 2020, et visé dans l’arrêté attaqué, mentionnant que, le 5 avril 2020, à 21h15, un équipage de la brigade anti-criminalité a constaté la présence d’une dizaine de personnes devant l’établissement « Royal Kebab » exploité par la société GBH, le gérant reconnaissant en outre avoir encore treize commandes à réaliser, que, le 17 avril 2020, à 21h, ce même équipage a constaté à nouveau la présence d’une dizaine de personnes stationnées devant l’établissement et l’absence totale de dispositif de distanciation sociale, de système de barriérage et d’affichage des informations relatives à la lutte contre la pandémie de covid-19 et que, le 20 avril 2020, à 20h45, un équipage de la police municipale des Sables d’Olonne a relevé une nouvelle fois le non-respect des mesures dites « barrières », que, à 21h05, le volet du commerce était partiellement baissé mais que les clients demeuraient devant l’établissement et, enfin, que, à 21h10, l’activité commerciale de cet établissement se poursuivait. La société requérante ne conteste pas sérieusement les faits ainsi relevés par ce rapport de police en faisant valoir, pour l’essentiel, que l’arrêté attaqué se fonde sur des faits constatés le 21 avril 2020 à 21 heures, alors que l’établissement était fermé depuis 18h30 en exécution de l’arrêté en litige, et qu’aucun schéma de circulation sur le sol ne pouvait être matérialisé sur le domaine public. En effet, d’une part, alors que l’arrêté se réfère par ailleurs à des faits constatés le 5 avril 2020 à 21h15 et le 17 avril 2020 à 21 heures, il vise le rapport du commissaire de police du 21 avril 2020 précité qui mentionne les faits constatés le 20 avril 2020 à 21 heures de sorte que la mention du « 21 avril » pour dater les derniers faits retenus pour prononcer la mesure en litige procède d’une simple erreur de plume qui, pour regrettable qu’elle soit, ne saurait entacher d’illégalité la décision contestée. D’autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l’arrêté attaqué, que l’absence de schéma de circulation sur le sol a été constatée au sein de l’établissement « Royal Kebab » et non sur le domaine public. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de fait ne peut qu’être écarté.

10. En dernier lieu, la société requérante se prévaut de l’absence de port de masques et de gants de protection par les agents de police ayant procédé aux différents contrôles au sein de son établissement les 5, 17 et 20 avril 2020 et, en outre, de la difficulté rencontrée par cet établissement pour se procurer des masques alors réservés aux personnels soignants. Toutefois, alors qu’aucune disposition n’imposait aux forces de police de porter les masques et les gants de protection en cause et que la mesure en litige n’est pas fondée sur l’absence de port de masques par le personnel de l’établissement, le moyen ainsi soulevé par la SARL BGH ne peut qu’être, en tout état de cause, écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 21 avril 2020 par lequel le préfet de la Vendée a prononcé la fermeture administrative, pour une durée d’un mois, de l’établissement à l’enseigne « Royal Kebab » doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la SARL BGH est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SARL BGH et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée au préfet de la Vendée.

Délibéré après l’audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Luc Martin, président,

M. David Labouysse, premier conseiller,

Mme Nathalie Caro, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022.

Le rapporteur,

D. A

Le président,

L. MARTIN

La greffière,

V. MALINGRE

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer [ML1]en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. MALINGRE

[ML1]Au préfet de la Vendée '

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