Tribunal administratif de Nice, 24 juin 2016, n° 1300509

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Sur la décision

Référence :
TA Nice, 24 juin 2016, n° 1300509
Juridiction : Tribunal administratif de Nice
Numéro : 1300509

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE NICE

N°1300509

___________

Entreprise Z A

__________

M. Poujade

Président-rapporteur

____________

M. Louvet

Rapporteur public

___________

Audience du 10 juin 2016

Lecture du 24 juin 2016

___________

39-03-01-02

39-05-01-02

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le tribunal administratif de Nice,

(1re chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 février 2013 sous le n° 1300509, régularisée le 26 février 2013 et complétée les 19 novembre 2014, 23 septembre et 22 décembre 2015, la société Entreprise Z A, représentée par Me Faccio, avocat au barreau de Nice, a demandé au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner la ville de Nice au paiement de la somme de 266 004,96 euros toutes taxes comprises au titre de sa réclamation formulée dans le cadre du marché conclu le 18 mai 2010 ;

2°) de condamner la ville de Nice au paiement de la somme de 1 124,36 euros toutes taxes comprises au titre de la « révision des prix » ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Nice, outre les dépens, une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle a soutenu que :

— au titre du solde de son marché de travaux, la ville de Nice lui est encore redevable d’une somme de 1 124,36 euros correspondant au solde de la révision des prix calculée par le maître d’ouvrage ;

— dans le cadre du décompte du marché, elle sollicite, comme le prévoit d’ailleurs l’article 48.1 du CCAG, une indemnisation complémentaire au titre de l’allongement des délais d’exécution et des travaux supplémentaires nés de la découverte en cours de chantier de débords de béton issus d’une construction mitoyenne, sur le terrain de la faute du maître d’ouvrage et, en tout état de cause, s’agissant d’une sujétion technique et juridique imprévisible, sur celui de l’application de la théorie des sujétions imprévues ; d’une part, en ne précisant pas cette difficulté dans les termes de l’appel d’offres, en refusant d’en tenir compte pendant l’exécution du contrat tout en tolérant les délais inhérents à la procédure qu’elle a menée contre le maître d’ouvrage de la dite construction, la ville de Nice, lui faisant subir le fait d’un tiers et tardant à la mettre en mesure de commencer les travaux et de les exécuter dans les conditions prévues, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; d’autre part, ses préjudices trouvent leur source dans une sujétion technique et juridique imprévisible ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat ;

— au vu du rapport d’expertise déposé le 26 juillet 2013, le préjudice né de l’immobilisation de ses moyens doit être évalué à la somme de 266 004,96 euros ;

— la ville de Nice ne conteste ni les conclusions du rapport d’expertise, qui rejoint d’ailleurs l’évaluation faite par son maître d’œuvre, ni son droit à réparation ; elle se borne à soutenir, à tort, que, du fait de l’action dirigée contre le maître d’ouvrage et les constructeurs de l’immeuble mitoyen en cours devant le juge judiciaire, sa demande deviendrait sans objet ; or, les fondements contractuel et quasi-délictuel des deux actions sont différents, de même que les personnes dont la responsabilité est recherchée ; à ce titre, il n’y a pas davantage lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge judicaire ;

Dans le dernier état de ses écritures en défense, présentées par mémoires des 24 avril 2013, 23 mai 2014 et 21 avril 2015, la commune de Nice, représentée par Me Phelip de la Selarl Phelip & Associés, avocat, a conclu au rejet de la requête comme n’ayant plus d’objet du fait de la saisine par la société requérante du tribunal de grande instance de Nice d’une action indemnitaire concurrente, subsidiairement à ce qu’il y soit sursis à statuer jusqu’au terme de cette procédure connexe en cours.

Elle a fait valoir que :

— suite au dépôt du rapport de l’expertise ordonnée par le juge judiciaire, qui chiffre le surplus des travaux supporté par la société requérante à la somme de 266 004,96 euros, cette dernière a assigné devant la juridiction judiciaire la SCI Méditerranée, ainsi que l’ensemble des constructeurs de l’immeuble mitoyen à l’origine de ce surcoût aux fins de condamnation au versement de ladite somme ; par conséquent, la demande dont est saisi le tribunal de céans n’a plus d’objet ;

— en tout état de cause, il y a lieu, dans un souci de bonne administration de la justice, de surseoir à statuer jusqu’à l’issue de la procédure en question ;

L’instruction, après avoir fait l’objet d’une première clôture par ordonnance du 7 avril 2015, a été close le 8 janvier 2016 par ordonnance du 27 novembre 2015.

Vu :

— les pièces jointes à la requête ;

— le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 et l’arrêté du 8 septembre 2009, notamment son article 1er, portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 juin 2016 :

— le rapport de M. Poujade, président-rapporteur ;

— les conclusions de M. Louvet, rapporteur public ;

— et les observations de Maître Faccio, pour la société Entreprise Z A ;

Considérant ce qui suit :

Présentation du litige :

1. – Dans le cadre d’une opération d’aménagement foncier d’une zone dite « ilot du XVe corps », la commune de Nice a cédé à la société SCI Méditerranée (dont le gérant est la société Promogim) un terrain à bâtir, sur lequel cette dernière a fait édifié par la société CCM un « ensemble immobilier complexe » dont un immeuble comprenant des logements sociaux dit « villa Don Bosco » vendu en l’état de futur achèvement, par contrat « VEFA » du 29 juin 2007, à la société d’HLM Phocéenne d’Habitation, et livré le 25 janvier 2010. Dans la continuité de cette opération, la commune de Nice a confié à la société Entreprise Z A (ci-après A), par contrat du 18 mai 2010 d’un montant global et forfaitaire de 2 846 629,88 euros TTC, le lot n° 1 « clos et couvert » d’un marché public de travaux ayant pour objet, sous la maîtrise d’œuvre du groupement composé de Mme B C et des bureaux d’études CEEC Radicchi, Conseil Plus Ingéniérie et D E, la construction d’un équipement public social, sur la propriété mitoyenne à la villa Don Bosco, destiné à l’exercice des missions du centre communal d’action sociale, et comportant un délai global d’exécution commun à tous les lots de 15 mois. Par ordre de service n° 1, la société A a été invitée à démarrer les travaux à compter du 14 juin 2010, leur réception devant ainsi intervenir au 15 septembre 2011. En début du chantier, le 13 juillet 2010, il est apparu que les fondations de la « villa Don Bosco », débordaient de « 30 centimètres » sur la limite de propriété de la commune, nécessitant pour la bonne exécution du marché « le sciage complet du béton débordant à l’aplomb » de cette limite et empêchant, dans cette attente, toute intervention de la société A dans cette zone mitoyenne. Sur demande du maître d’œuvre, la société A a présenté, le 28 juillet 2010, un devis pour la réalisation de ces travaux de sciage, d’un montant de 94 417,02 euros TTC. Le maître d’ouvrage ayant refusé, le 24 août 2010, de prendre en charge ces travaux de rabotage des fondations, des démarches ont été engagées à cette fin auprès de la SCI Méditerranée, laquelle a accepté le 15 septembre 2010, sans l’accord du propriétaire Phocéenne d’Habitation, de faire réaliser « la suppression du débord de béton ». Les travaux de démolition correspondant ont alors été planifiés pour intervenir à partir du 29 septembre 2010, pour une durée initialement prévue de 2 semaines. Malgré les demandes en ce sens de l’entreprise A, présentées en raison du retard pris dans l’exécution des travaux de rabotage sur l’immeuble mitoyen et dont il résulte de l’instruction qu’il est la conséquence de l’opposition formelle depuis le 2 novembre 2010 de la société d’HLM Phocéenne d’Habitation qui avait découvert que le « rabotage » avait affecté son bien (« véritables trous » dans le mur en béton armé, fissures et éclats de béton, épaisseur du mur porteur ramené à 8 centimètres contre 20 centimètres selon les règles de l’art,…), le maître d’ouvrage a refusé d’ordonner la suspension partielle du chantier. Les travaux de sciage n’ayant pas été entièrement exécutés au 6 décembre 2010, ils le seront le 20 décembre 2010, la commune de Nice a finalement ordonné la suspension du chantier et la modification du programme de l’opération consistant en un « retrait du bâtiment de l’ordre de 30 cm » par rapport à la limite de propriété. Les travaux, tels que modifiés par la maîtrise d’œuvre, auraient alors repris le 1er février 2011. Parallèlement, le 23 décembre 2010, la Phocéenne d’Habitation a saisi le tribunal de grande instance de Nice d’une demande en référé tendant à la désignation d’un expert judiciaire pour apprécier les désordres relevés sur son immeuble. Par ordonnance du 3 mai 2011, le juge judiciaire a ordonné une expertise de la situation qu’il a étendue au contradictoire de la commune de Nice, appelée en la cause et qui a sollicité un complément de mission quant à ses préjudices résultant de l’emprise de la « villa Don Bosco » sur sa propriété. Par ordonnance du 27 septembre 2011, cette expertise judicaire a par ailleurs été étendue au contradictoire de la société A. La réception définitive des travaux confiés à cette dernière, achevés au 7 novembre 2011, a finalement été prononcée le 22 mai 2012, à la suite de la réception avec réserves intervenue le 12 janvier 2012 avec effet au 28 novembre 2011. Le 10 janvier 2012, le titulaire du lot n° 1 a adressé au maître d’œuvre son projet de décompte final, assorti d’une réclamation au titre de l’indemnisation de ses préjudices résultant des conditions d’exécution du chantier, évalués à la somme de 484 293,38 euros TTC. Le 12 septembre 2012, le décompte général et définitif du marché, arrêté à la somme de 2 958 953,85 euros TTC, a alors été signé par la société A sous réserve de sa demande d’indemnisation complémentaire. Par sa requête présentée le 15 février 2013, la société Entreprise Z A demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la ville de Nice à lui verser une somme de 266 004,96 euros TTC au titre de sa demande d’indemnisation complémentaire, soit l’évaluation de ses préjudices telle qu’elle résulte de l’expertise ordonnée par le juge judicaire et dont le rapport a été rendu en cours d’instance le 26 juillet 2013, ainsi que le solde de son marché arrêté après application de la clause de révision des prix à la somme de 1 124,36 euros, soit une somme globale de 267 129,32 euros TTC. Parallèlement, par exploits d’huissier du 29 octobre 2013, la société Entreprise Z A a saisi le tribunal de grande instance de Nice d’une action en responsabilité quasi-délictuelle dirigée, en présence de la commune de Nice, contre les sociétés Phocéenne d’Habitation, CCM, SCI Méditerranée et Y, et tendant à leur condamnation solidaire à lui verser ladite somme de 267 129,32 euros TTC.

Sur l’exception soulevée en défense et la demande de sursis à statuer :

2. – Ainsi qu’il a été dit au point rappelant les faits résultant de l’instruction, la société A a assigné devant la juridiction judicaire, en présence de la commune de Nice, les sociétés Phocéenne d’Habitation, SCI Méditerranée, CCM et l’assureur Y, aux fins de condamnation à lui verser la même somme de 267 129,32 euros dont elle demande le versement à ladite commune dans la présente instance. Compte tenu de cette procédure en cours, la commune de Nice fait valoir en défense que la demande de la société requérante tendant au versement par elle de la même somme en réparation des mêmes préjudices, est devenue sans objet ou, à tout le moins, impose au juge administratif de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction judiciaire.

3. – L’étendue des réparations incombant à une collectivité publique, liée par un marché public à un entrepreneur, du chef d’un préjudice dont la responsabilité lui est imputée par ce dernier, ne dépend pas de l’évaluation faite par l’autorité judiciaire dans un litige dans lequel cette collectivité ne peut être partie en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, mais doit être déterminée par le seul juge administratif compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public ayant passé un contrat administratif. Si, au titre d’un même préjudice, la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur la responsabilité de personnes morales de droit privé, tiers au contrat liant l’entrepreneur et la collectivité, cette circonstance est sans effet sur la compétence du seul juge administratif pour connaître de la responsabilité de cette collectivité envers son cocontractant. Il appartient seulement à la juridiction judiciaire et à la juridiction administrative, en cas de responsabilités concurrentes, de veiller à ce que la victime n’obtienne pas une réparation supérieure à la valeur du préjudice subi.

4. – De ce qui précède, il résulte que l’action engagée devant le juge judicaire par la société A, qui ne saurait concerner la commune de Nice autrement qu’en qualité d’observateur, ne prive pas d’objet l’action en responsabilité dirigée contre ladite commune, sur le terrain contractuel, devant le tribunal de céans, ni n’impose, en tout état de cause, qu’il y soit sursis à statuer. Par suite, il y a lieu de statuer sur le bien-fondé de la requête de la société A et de ne tenir compte de l’existence d’une action concurrente qu’au titre des modalités de la réparation de son préjudice.

Sur les conclusions indemnitaires :

Sur les préjudices nés de l’allongement et de la désorganisation du chantier :

5. – La société A demande à être indemnisée des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait du retard pris par ses travaux et de la désorganisation de ses conditions d’exécution résultant pour elle de l’impossibilité d’intervenir sur la zone de construction mitoyenne à la villa Don Bosco, en se plaçant sur le terrain de la responsabilité contractuelle pour faute, subsidiairement sur celui de la théorie des sujétions imprévues, et en invoquant par ailleurs l’application des stipulations contractuelles prévoyant une indemnisation à raison des ajournements de chantier décidés par le maître d’ouvrage.

6. – D’une part, les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait de travaux publics ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre. Le cas échéant, le titulaire du marché a droit à l’indemnisation intégrale du préjudice qu’il a subi du fait de retards dans l’exécution du marché imputables au maître de l’ouvrage et distincts de l’allongement de la durée du chantier due à la réalisation des travaux supplémentaires, dès lors que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité directe.

7. – D’autre part, aux termes des stipulations de l’article 48.1 du CCAG-Travaux issu du décret du 21 janvier 1976, reprises en substance par l’article 49.1 du CCAG annexé à l’arrêté du 8 septembre 2009 : « L’ajournement des travaux peut être décidé. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l’article 12, à la constatation des ouvrages et parties d’ouvrages exécutées et des matériaux approvisionnés./ L’entrepreneur qui conserve la garde du chantier a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu’il aura éventuellement subi du fait de l’ajournement ». Aux termes de l’article 12 desdits CCAG : « 12.1. Au sens du présent article, la constatation est une opération matérielle, le constat est le document qui en résulte./ 12.2. Des constatations contradictoires concernant les prestations exécutées ou les circonstances de leur exécution sont faites sur la demande, soit du titulaire, soit du maître d’œuvre (…)./12.3. Les constatations contradictoires faites pour la sauvegarde des droits éventuels de l’une ou de l’autre des parties ne préjugent pas l’existence de ces droits ; elles ne peuvent porter sur l’appréciation de responsabilités (…) ». Il résulte de ces stipulations, auxquelles ne dérogent pas en l’espèce le cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux, qu’il y a ajournement des travaux lorsque le maître d’ouvrage décide de différer leur début ou d’en suspendre l’exécution. Dans un tel cas, le titulaire du marché a droit à l’indemnisation des préjudices qui procèdent de cet ajournement et qui sont distincts de ceux subis du fait des retards d’exécution intervenus après le démarrage des travaux et imputables au maître de l’ouvrage à raison des fautes commises dans l’exercice de ses pouvoirs et de ses obligations procédant du contrat. A cet égard, il appartient à l’entrepreneur de solliciter l’établissement d’un constat contradictoire en vue de sauvegarder ses droits éventuels et d’établir, le cas échéant, la réalité de son préjudice.

8. – En premier lieu, il résulte de l’instruction que le maître d’ouvrage était informé depuis le 13 juillet 2010 de la découverte de l’emprise sur sa propriété d’excroissances de béton liées aux fondations de l’immeuble mitoyen, dont il n’est pas contesté qu’elles faisaient obstacle à l’exécution normale des travaux de terrassements du chantier dont était chargée la société A et que, non prévues dans le cahier des charges de l’opération de construction, elles excédaient, comme n’étant pas normalement décelables, les sujétions d’exécution prévisibles auxquelles pouvaient s’attendre ladite société. Bien que cette circonstance ne résulte pas de son fait et soit susceptible d’engager à son endroit la responsabilité des participants à l’opération de construction de l’immeuble mitoyen, il n’en demeure pas moins qu’à compter de cette date, il lui appartenait d’exercer à l’égard de son cocontractant ses pouvoirs de mise en œuvre, de contrôle, et de direction du marché, pour tirer les conséquences de cette situation. Ainsi, en ne décidant pas avant le 6 décembre 2010 de l’ajournement partiel des travaux autour de la zone mitoyenne, alors même que, entre le 13 septembre 2010 et cette date, au vu de l’absence de concrétisation des travaux de démolition des « débords de fondation », il y était invité régulièrement par courriers ou au cours des réunions de chantier par la société A ou la maîtrise d’œuvre et qu’il était autant régulièrement averti des conséquences financières et sur le délai d’exécution du chantier que la situation engendrait, la commune de Nice a commis une faute dans l’exercice de ses pouvoirs de mise en œuvre, de contrôle, et direction du marché ayant engendré directement des surcoûts pour la société A, dont cette faute constitue la cause déterminante, liés à l’immobilisation d’une partie de ses moyens humains et matériels dédiés aux travaux à réaliser sur la zone mitoyenne, à une mobilisation tardive par rapport au calendrier initial de ses moyens pour réaliser ces travaux, ainsi qu’à l’exécution de tâches complémentaires liées à la reprise de la zone mitoyenne et à la modification de programme décidée tardivement par le maître d’ouvrage.

9. – En deuxième lieu, il résulte également de l’instruction, notamment des propres écritures de la société requérante sans que la commune de Nice n’apporte de contestations utiles sur ce point, que par ordre de service sur lequel des réserves ont été émises, le chantier a été ajourné à compter du 6 décembre 2010, pour tenir compte de la décision du maître d’ouvrage de modifier le programme de l’opération de construction par un décalage de 30 centimètres sur l’emprise initialement prévue, et que la date de redémarrage des travaux ainsi modifiés peut être arrêtée au 1er février 2011. Toutefois, faute de produire le constat contradictoire des prestations exécutées, que le rapport d’expertise ne peut utilement suppléer, ni même de justifier avoir demandé un constat contradictoire auprès du maître d’ouvrage, la société A ne peut être regardée comme justifiant avoir subi un préjudice du fait de l’ajournement et distinct de celui résultant de la faute du maître d’ouvrage ci-avant caractérisée.

10. – En dernier lieu et au surplus, la société A ne saurait prétendre à indemnisation sur le terrain de la théorie des sujétions imprévues dès lors que, ainsi qu’il vient d’être dit, la cause des difficultés rencontrées en cours de chantier est imputable au maître d’ouvrage.

11. – Par suite de ce qui précède, il résulte que la société A est seulement fondée à demander l’indemnisation des surcoûts liés aux retards et à la désorganisation de ses travaux engendrés pour elle par l’inertie fautive du maître d’ouvrage, soit l’immobilisation de son matériel et de son personnel (poste 3.1 tel que retenu par l’expert) prévus pour intervenir dans la zone mitoyenne à laquelle elle n’a pu accéder entre le 13 septembre et le 6 décembre 2010, soit une période équivalente de 2,5 mois correspondant au retard final dans la livraison de l’ouvrage, les surcoûts liés à la mobilisation tardive de ses moyens (poste 3.2 tel que retenu par l’expert) au-delà des prévisions du calendrier détaillé d’exécution visé à l’article 3.1.1. du CCAP et dont ni l’existence ni le caractère contractuel n’est contesté (baraquements, grue, grutier, énergie, main d’œuvre, cuvelage), enfin ceux liés aux travaux complémentaires résultant de la modification de programme décidée tardivement par le maître d’ouvrage (poste 3.3 tel que retenu par l’expert).

12. – Il résulte de l’évaluation à laquelle a procédé l’expert, qu’il y a lieu d’adapter en ne tenant pas compte de la période ayant couru entre le 6 décembre 2010 et le 1er février 2011, pendant laquelle le chantier était suspendu et donc n’impliquait aucunement la mobilisation des moyens de la société requérante, que cette dernière est fondée à solliciter une indemnisation de ses préjudices imputables aux fautes du maître d’ouvrage à hauteur d’une somme brute de 143 040,51 euros HT, soit 30 239,44 euros pour le « poste 3.1 » (55 jours ouvrables contre 99 retenus par l’expert), 75 615, 21 euros pour le « poste 3.2 », et 37 185,86 euros pour le « poste 3.3 ». S’agissant du coefficient de frais généraux qu’il y a lieu d’appliquer aux « débours secs » (129 086,55 euros), la société A ne justifiant pas comme l’y invite d’ailleurs l’expert d’un coefficient qui lui est propre, il y a lieu de retenir le coefficient de 1,36 correspondant, selon l’expert, à une moyenne généralement appliquée dans le secteur considéré. Par suite, en y incluant la taxe sur la valeur ajoutée (au taux de 20%), il y a lieu de condamner la commune de Nice à verser à la société A une somme de 227 414 euros TTC (189 511,67 euros HT) en réparation du préjudice subi du fait des retards et de la désorganisation du chantier qui ont affecté l’exécution de son contrat.

En ce qui concerne la révision des prix :

13. – Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise rendu au contradictoire de la commune de Nice et soumis à la discussion des parties dans la présente instance que, sans que cela soit utilement remis en cause par ladite commune, l’application de la formule contractuelle de révision des prix du marché litigieux ouvre droit à la société requérante, au titre du solde de son marché, au versement résiduel d’une somme de 1 124,36 euros TTC, sans qu’il ne soit davantage soutenu que cette somme aurait été versée à la date du présent jugement. Dans cette dernière mesure, il y a lieu de condamner la ville de Nice à verser à la société A ladite somme.

14. – Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Nice réglera à la société A, dans le cadre du règlement définitif des comptes du contrat conclu entre elles le 18 mai 2010, une somme totale de 228 538,36 euros TTC.

Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

15. – Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Nice une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société A à l’occasion du litige.

DECIDE :

Article 1er : La commune de Nice est condamnée à verser à la société Entreprise Z A, au titre de la réclamation émise dans le cadre du règlement des comptes du marché « lot n° 1 clos couvert » du 18 mai 2010, une somme de 227 414 euros TTC (189 511,67 euros HT).

Article 2 : La commune de Nice est condamnée à verser à la société A, au titre du solde de la révision des prix dudit marché une somme de 1 124,36 euros TTC.

Article 3 : La commune de Nice versera à la société Entreprise Z A la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Nice et à la société Entreprise Z A. Copie en sera adressée au tribunal de grande instance de Nice (2e chambre civile, n°R.G : 13/06724).

Délibéré après l’audience du 10 juin 2016, à laquelle siégeaient :

M. Poujade, président-rapporteur,

M. F-G-H et M. X, premiers conseillers,

Assistés de Mme Albu, greffière.

Lu en audience publique le 24 juin 2016.

Le président-rapporteur, L’assesseur le plus ancien, La greffière,

A. Poujade F. F-G-H C. Albu

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Nice, 24 juin 2016, n° 1300509