Tribunal administratif de Nice, 1ère chambre, 29 décembre 2022, n° 2105395

  • Certificat·
  • Résidence·
  • Ressortissant·
  • Justice administrative·
  • Renouvellement·
  • Droit d'asile·
  • Séjour des étrangers·
  • Accord·
  • Ordre public·
  • Outre-mer

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Nice, 1re ch., 29 déc. 2022, n° 2105395
Juridiction : Tribunal administratif de Nice
Numéro : 2105395
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 octobre 2021 et le 22 novembre 2022, M. A B, représenté par Me Hanan Hmad, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 17 août 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de renouveler son certificat de résidence d’une durée de dix ans ;

2°) d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un certificat de résidence ou, subsidiairement, d’enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l’attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision contestée est entachée d’un défaut de motivation ;

— elle est entachée d’une erreur de fait ;

— elle est entachée d’un défaut d’examen sérieux de sa situation personnelle ;

— elle est entachée d’une erreur de droit, dès lors que les dispositions de l’article L. 432-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne lui sont pas applicables ; sa situation relève de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien ;

— elle méconnaît les dispositions des circulaires du ministre de l’intérieur et des outre-mer NOR/INT/D/05/00094/C du 27 octobre 2005 et NOR/INT/V/16/31686/J du 2 novembre 2016 ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Kolf, rapporteure,

— et les observations de Me Hanan Hmad, représentant M. B.

Considérant ce qui suit :

1. M. A B, ressortissant algérien né le 31 août 1982, a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence arrivé à expiration le 15 février 2020. Par une décision en date du 17 août 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté cette demande et a informé le requérant qu’il entrait dans l’une des hypothèses de délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Par la présente requête, M. B demande au tribunal d’annuler cette décision.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. D’une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de renouvellement du certificat de résidence valable dix ans présentée par M. B sur le fondement des dispositions de l’article L. 432-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au motif qu’il avait fait l’objet de condamnations pénales définitives.

3. Cependant, l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d’une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. Il suit de là que les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l’accord précité. Dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait légalement se fonder, pour examiner la demande de M. B, les dispositions de l’article L. 432-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La décision contestée est donc entachée d’une méconnaissance du champ d’application de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

4. D’autre part, aux termes de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens visés à l’article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s’ils justifient d’une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d’existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu’ils peuvent invoquer à l’appui de leur demande. / Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d’exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l’exercice des professions réglementées. / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : () / e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de dix ans ; / () / h) Au ressortissant algérien titulaire d’un certificat de résidence d’une validité d’un an portant la mention « vie privée et familiale », lorsqu’il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu’il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France () ".

5. En vertu des stipulations du troisième alinéa de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le certificat de résidence valable dix ans est renouvelé automatiquement. Il ressort de ces stipulations qu’aucune restriction n’est prévue au renouvellement automatique du certificat tenant à l’existence d’une menace à l’ordre public. En revanche, cet engagement international ne fait pas obstacle à l’application de la réglementation générale autorisant qu’il soit procédé à l’expulsion d’un étranger suivant les modalités définies par le législateur en fonction de l’importance respective qu’il attache, d’une part, aux impératifs liés à la sauvegarde de l’ordre public et à leur degré d’exigence et, d’autre part, au but d’assurer l’insertion de catégories d’étrangers déterminées en raison de considérations humanitaires, du souci de ne pas remettre en cause l’unité de la cellule familiale ou de l’ancienneté des liens noués par les intéressés avec la France.

6. Pour refuser le renouvellement du certificat de résidence de dix ans de M. B, le préfet des Alpes-Maritimes s’est fondé sur le seul motif que l’intéressé représente une menace pour l’ordre public dès lors qu’il a été condamné à trois reprises par des juridictions pénales. Ainsi qu’il a été exposé au point précédent, l’autorité administrative ne saurait, sans méconnaître le principe du droit de mener une vie familiale normale dont l’article 7 bis de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 a entendu assurer le respect, légalement opposer à un ressortissant algérien l’existence d’une menace pour l’ordre public pour justifier le rejet d’une demande de renouvellement de son certificat de résidence. M. B indique, sans être contredit par le préfet des Alpes-Maritimes qui n’a pas produit de mémoire en défense, qu’il est entré en France alors qu’il était nourrisson et qu’il y réside depuis. En outre, il est constant qu’il a été en possession d’un certificat de résidence valable du 16 février 2010 au 15 février 2020. Dans ces conditions, M. B remplissait les conditions fixées par l’article 7 bis précité pour obtenir automatiquement le renouvellement de ce certificat. Le préfet des Alpes-Maritimes a ainsi entaché sa décision d’une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés au soutien de la requête, que M. B est fondé à demander l’annulation de la décision du 17 août 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de renouveler son certificat de résidence de dix ans.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. Eu égard au motif qui précède, il y a lieu d’enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B, sous réserve d’une évolution des circonstances de fait ou de droit, un certificat de résidence de dix ans dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du préfet des Alpes-Maritimes du 17 août 2021 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. B un certificat de résident de dix ans dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat versera à M. B une somme de 1 000 (mille) euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au préfet des Alpes-Maritimes.

— Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur et des outre-mer et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse.

Délibéré après l’audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Mear, présidente,

Mme Kolf, conseillère,

M. Cherief, conseiller,

Assistés de Mme Albu, greffière.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022.

La rapporteure,

signé

S. KOLF

La présidente,

signé

J. MEARLa greffière,

signé

C. ALBU

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef

Ou par délégation la greffière,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Nice, 1ère chambre, 29 décembre 2022, n° 2105395