Tribunal administratif de Nîmes, 3ème chambre, 9 novembre 2022, n° 1927210

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nîmes, 3e ch., 9 nov. 2022, n° 1927210
Juridiction : Tribunal administratif de Nîmes
Numéro : 1927210
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 3 avril 2022, N° 462171
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 11 novembre 2022

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n°462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis au tribunal administratif de Nîmes, en application de l’article R. 351-8 du code de justice administrative, la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse, présentée par la SARL LMS Plus.

Par une requête enregistrée le 2 décembre 2019, complétée le 7 août 2020, la SARL LMS Plus, représentée par M. C, demande au tribunal :

— de prononcer la décharge des impositions mises à sa charge en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er octobre 2014 au 31 janvier 2017 et d’impôt sur les sociétés pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016 ;

— de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— les conditions du débat oral et contradictoire prévu par la procédure de rectification contradictoire n’ont pas été respectées ; en effet, la réponse aux observations du contribuable n’est pas signée par la vérificatrice qui a effectué la vérification de comptabilité de la SARL LMS Plus, mais par un contrôleur principal des finances publiques ;

— la proposition de rectification est insuffisamment motivée, s’agissant des chefs de rectification afférents aux provisions pour créances douteuses et aux pertes sur créances irrécouvrables ;

— la procédure est entachée d’un défaut de motivation de la réponse aux observations du contribuable ;

— elle justifie de la constitution d’une dotation aux provisions pour créances douteuses, au titre des exercices clos en 2014 et 2015 ;

— les rectifications afférentes aux créances irrécouvrables sont injustifiées, le service n’ayant pas procédé à l’analyse des pièces justificatives communiquées dans le cadre du débat oral et contradictoire.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2020, complété le 12 octobre 2020, le directeur du contrôle fiscal Sud-Pyrénées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B A ;

— et les conclusions de Mme Wendy Lellig, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Locations Multiservices Plus (LMS Plus) dont le siège social est situé 4 rue Jean Foucault à Castres (81100), exerce une activité de location de matériel de bâtiment et travaux publics. En 2017, cette société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2013 au 31 janvier 2017. A l’issue du contrôle, le service a notamment rejeté la déduction des résultats des provisions pour créances douteuses et des pertes sur créances irrécouvrables. Par une réclamation contentieuse du 31 mai 2018, la SARL LMS Plus a contesté les rappels de TVA et les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge. Sa réclamation préalable n’ayant été que partiellement admise, la requérante demande la décharge des impositions restées à sa charge.

Sur la procédure d’imposition :

En ce qui concerne le débat oral et contradictoire et le signataire de la réponse aux observations du contribuable :

2. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d’une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c’est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu’il ait eu la possibilité d’avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Il résulte de l’instruction qu’à la demande du gérant de la société, les interventions sur place se sont déroulées au lieu effectif de la gestion de l’activité de la société et non au siège social. La première intervention sur place s’est régulièrement déroulée le 21 mars 2017. Les interventions suivantes se sont déroulées les 30 mars 2017, 21 avril 2017, 19 juin 2017 et 29 juin 2017. La réunion de synthèse s’est tenue le 29 juin 2017. Dès lors, la requérante ne peut utilement soutenir qu’elle a été privée d’un débat oral avec le vérificateur. Le fait que la réponse aux observations du contribuable n’ait pas été signée par la vérificatrice qui a effectué la vérification de comptabilité de la SARL LMS Plus mais par un contrôleur principal des finances publiques, dont le service justifie de la compétence, et qui n’a pas assisté au déroulement du contrôle sur place, est sans influence sur la régularité du débat oral et contradictoire auquel l’administration était tenue. Le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable

3. Aux termes de l’article L. 57 du LPF :« L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. () Lorsque l’administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ». Aux termes de l’article R. 57-1 du même livre : « La proposition de rectification prévue par l’article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L’administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ».

4. La SARL Locations Multiservices Plus soutient que l’administration n’a pu matériellement procéder à une analyse minutieuse de l’ensemble des justifications apportées et justifier créance par créance les motifs pour lesquels elles ne pouvaient être considérées comme douteuses ou irrécouvrables, et que seuls les justificatifs plus significatifs (créances supérieures à 5 000 euros) ont fait l’objet d’une étude approfondie soit 12 dossiers sur 40. Toutefois, il résulte des précisions non contredites apportées par le service que, lors du contrôle, la société a transmis une liste des clients douteux, les tableaux des créances douteuses et des provisions avec quelques annotations dans le cadre « observations » (40 annotations sur 336 lignes) ainsi que le grand livre clients avec des sommes surlignées (34 pages). Le service a également réceptionné 8 pièces, mais s’est vu signifier que dans la plupart des cas les relances étaient faites de façon amiable, par téléphone et qu’aucune pièce justificative ne pouvait être présentée, les opérations de clôture étant effectuées par le cabinet comptable sans vérification de la présence de justificatifs et dans le cadre d’un « nettoyage » du bilan. Dans ces conditions, en l’absence de justificatifs pertinents, aucun élément factuel ne permettant d’établir la probabilité de la perte des créances, le rejet de l’intégralité des provisions passées ne caractérise pas une insuffisance de motivation des rehaussements, lesquels étaient motivés en droit et en fait. Le moyen doit être écarté.

5. Il résulte de l’instruction que par courrier du 27 juillet 2017, la SARL LMS Plus a contesté l’intégralité des rectifications proposées le 30 juin 2017 et des pénalités appliquées, sans indiquer les motifs de sa contestation, et a sollicité la prorogation de 30 jours du délai de 30 jours à compter de la réception de la proposition de rectification, qui lui était accordé pour présenter ses observations. Aucune observation complémentaire n’étant parvenue au service dans ce délai prorogé, c’est à bon droit que par lettre du 22 septembre 2017 portant réponse aux observations du contribuable, le service a maintenu en totalité les rectifications proposées, en l’absence d’arguments présentés pour les contester dans les délais requis. Dans ces conditions, la requérante, qui se borne à faire état de pièces qu’elle aurait présentées le 22 juin 2017, et produit des observations de son comptable, reçues par l’administration le 13 octobre 2017, n’est pas fondée à se plaindre d’un défaut de motivation de la réponse aux observations du contribuable.

Sur le bien-fondé de l’imposition :

6. Aux termes de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l’une des commissions visées à l’article L. 59 est saisie d’un litige ou d’un redressement, l’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l’administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge () ». Dès lors que la comptabilité de la SARL LMS Plus a régulièrement été rejetée comme entachée de graves et multiples irrégularités, que la requérante ne conteste pas, et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires a émis un avis favorable aux rectifications lors de sa séance du 8 février 2018, la charge de la preuve incombe à la société requérante.

En ce qui concerne les provisions :

7. Aux termes du 2 de l’article 38 du code général des impôts, applicable aux bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code : « () Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. () ». Aux termes du 1 de l’article 39 du même code : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant () notamment : / () / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice () ».

8. Il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d’un exercice le montant des charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de la clôture et qu’elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise.

9. Pour soutenir que les provisions pour créances douteuses qu’elle a comptabilisées, pour les sommes respectives de 30 174 euros et 19 352 euros, au titre des exercices clos en 2014 et 2015, seraient justifiées, la requérante se borne à faire valoir l’absence de leur paiement, les relances qu’elle a adressées à ses débiteurs et sa connaissance de leur situation financière difficile, sans apporter aucune pièce circonstanciée permettant au tribunal d’apprécier la situation financière précise de ces sociétés ni les démarches qu’elle aurait effectuées pour obtenir le recouvrement de ces créances, ce qu’avait déjà relevé la commission départementale des impôts le 8 février 2018, alors que le service soutient sans être contredit qu’elles n’étaient pas assorties des pièces et explications suffisantes pour les retenir. Dès lors qu’elle n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère douteux de ces créances, la requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration fiscale a refusé d’admettre ces provisions et a réintégré les sommes litigieuses dans les bases de l’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014 et 2015.

En ce qui concerne les pertes pour créances irrécouvrables :

10. La société a porté en déduction des bénéfices des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, respectivement les sommes de 217 824 euros, 65 939,04 euros et 29 540,25 euros relatives aux pertes sur créances irrécouvrables. Pour soutenir que ces pertes pour créances irrécouvrables sont justifiées, la requérante se borne à faire valoir les mêmes éléments que ceux relevés plus haut, toujours sans apporter aucun élément circonstancié quant à la situation financière précise de ces sociétés et quant à l’impossibilité de recouvrer ces créances. Dès lors qu’elle n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère définitivement irrécouvrable de ces créances, elle n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration fiscale a refusé d’admettre ces charges et a réintégré les sommes litigieuses dans les bases de l’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016.

Sur les frais de l’instance :

11. En application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, il n’y a pas lieu qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante principale dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL LMS Plus est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SARL LMS Plus et au directeur du contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l’audience du 14 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Peretti, président,

M. Parisien, premier conseiller,

Mme Bertrand, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2022.

Le rapporteur,

P. A

Le président,

P. PERETTI

Le greffier,

D. BERTHOD

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°1927210

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Tribunal administratif de Nîmes, 3ème chambre, 9 novembre 2022, n° 1927210