Tribunal administratif de Paris, 23 juin 2016, n° 1500687

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 23 juin 2016, n° 1500687
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1500687
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 4 février 2015

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1500687/7-1

___________

SOCIETE EUROPEAN RECYCLING PLATFORM

___________

M. Rohmer

Rapporteur

___________

Mme Baratin

Rapporteur public

___________

Audience du 19 mai 2016

Lecture du 23 juin 2016

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Paris

(7e Section – 1re Chambre)

44-035-05

C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 janvier 2015 et le 7 avril 2015, la société European Recycling Platform (ERP) France, représentée par Me Scanvic, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 24 décembre 2014 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et du ministre de l’intérieur portant agrément de l’organisme PV Cycle en tant qu’Eco-organisme pour la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers en application des articles

R. 543-189 et R. 543-190 du code de l’environnement ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société ERP France soutient que :

— le tribunal administratif est compétent pour connaitre de ce litige qui concerne un acte individuel ;

— elle dispose d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

— la décision en litige est entachée d’un vice de procédure en raison de la consultation d’une commission consultative d’agrément (CCA) n’ayant aucune existence légale et dont la composition ne garantit pas son impartialité ;

— l’administration s’est crue à tort liée par l’avis de la commission consultative d’agrément ;

— la décision en litige est entachée d’une erreur d’appréciation, dès lors que PV Cycle ne remplissait pas les conditions pour obtenir l’agrément qui lui a été accordé ;

— la décision en litige viole les règles du droit de la concurrence en créant un risque d’abus de position dominante de l’éco-organisme PV Cycle.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 mars 2015 et le 13 avril 2015, la société PV Cycle, représentée par Me Grinfogel conclut, à titre principal, à ce que le tribunal se déclare incompétent pour statuer sur la requête, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, et en tout état de cause, à ce qu’il soit mis à la charge de la société ERP France une somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— le tribunal administratif est incompétent pour connaître de la contestation d’un acte règlementaire ;

— la requête est irrecevable car la société ERP France ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

— à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré les 13 avril 2015, la ministre de l’environnement, du développement durable et de l’énergie conclut, à titre principal, à ce que le tribunal se déclare incompétent pour statuer sur la requête, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

— le tribunal administratif est incompétent pour connaître de la contestation d’actes règlementaires ;

— la requête est irrecevable car la société ERP France ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

— à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le décret 2014/928 du 19 août 2014 ;

— l’arrêté du 2 décembre 2014 relatif à la procédure d’agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers en application des articles R. 543-189 et R. 543-190 du code de l’environnement ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Rohmer,

— les conclusions de Mme Baratin, rapporteur public,

— et les observations de Me Scanvic pour la société ERP France, et de Mme X pour le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer.

Une note en délibéré a été présentée le 25 mai 2016 par Me Scanvic pour la société ERP France.

1. Considérant, d’une part, que par arrêté du 24 décembre 2014 du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et du ministre de l’intérieur, la société PV Cycle a été agréée en tant qu’Eco-organisme pour la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers en application des articles R. 543-189 et R. 543-190 du code de l’environnement pour la période 2015-2020 ; que, d’autre part, par décision du 31 mars 2015, les mêmes ministres ont rejeté la demande d’agrément en tant qu’éco-organisme pour la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers présentée par la société ERP France qui, comme la société PV Cycle, bénéficiait d’un agrément pour cette filière pour la période 2009-2014 ;

Sur la compétence du tribunal administratif :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 311-1 du code de justice administrative :

« Le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (…) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres … » ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 541-10 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige, issue de la loi n° 2014-856 du

31 juillet 2014 : « II.-En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent. Les producteurs, importateurs et distributeurs, auxquels l’obligation susvisée est imposée par les dispositions de la présente section et sous réserve desdites dispositions, s’acquittent de leur obligation en mettant en place des systèmes individuels de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits ou en mettant en place collectivement des éco-organismes, organismes auxquels ils versent une contribution financière et transfèrent leur obligation et dont ils assurent la gouvernance. Un producteur, un importateur ou un distributeur qui a mis en place un système individuel de collecte et de traitement des déchets approuvé ou un éco-organisme agréé, lorsqu’il pourvoit à la gestion des déchets en application du II du présent article, est détenteur de ces déchets au sens du présent chapitre. Les systèmes individuels qui sont approuvés par l’Etat le sont pour une durée maximale de six ans renouvelable, si les producteurs, importateurs ou distributeurs qui les mettent en place établissent qu’ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d’un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel et après avis de l’instance représentative des parties prenantes de la filière. Les éco-organismes sont agréés par l’Etat pour une durée maximale de six ans renouvelable s’ils établissent qu’ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d’un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel, et après avis de l’instance représentative des parties prenantes de la filière. » ; qu’il ressort des articles R. 543-188, R. 543-189 et R. 543-190 du code de l’environnement que les producteurs d’équipements électriques et électroniques ménagers, pour s’acquitter de leurs obligations d’enlèvement et de traitement des déchets de ces équipements, peuvent adhérer à un éco-organisme agréé pour une durée de six ans par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’industrie et des collectivités territoriales ; que l’introduction du chapitre 1er de l’arrêté du 2 décembre 2014 relatif à la procédure d’agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers en application des articles R. 543-189 et R. 543-190 du code de l’environnement précise que les activités de ces éco-organismes sont « à but non lucratif, s’inscrivent dans une démarche d’intérêt général et viennent notamment en appui du service public d’élimination de gestion des déchets ménagers » et que leurs activités « sont conduites dans le cadre d’une démarche partenariale qui associe l’ensemble des acteurs de la filière des DEEE ménagers : l’utilisateur d’équipements électriques et électroniques ménagers, les producteurs …, les autres organismes titulaires d’un agrément…., l’organisme coordonnateur agréé, les collectivités territoriales ….., les distributeurs, les acteurs de l’économie sociale et solidaire, les opérateurs de traitement des déchets, les associations de protection de l’environnement et les associations de consommateurs. » ;

4. Considérant qu’il ne résulte ni des dispositions du code de l’environnement, ni d’aucune autre disposition législative ou réglementaire, que le législateur aurait entendu reconnaître que les missions assurées par un éco-organisme pour la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers revêtent le caractère d’un service public ; que ni les dispositions précitées du code de l’environnement ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’attribuent l’exercice de prérogatives de puissance publique aux éco-organismes précités ; que, si l’activité assurée par ces éco-organismes présente un caractère d’intérêt général et si la procédure d’agrément implique l’intervention des ministres chargés de l’environnement, de l’industrie et des collectivités territoriales, les conditions de création, d’organisation, de fonctionnement et de financement ne permettent pas de les regarder comme étant chargés d’une mission de service public ;

5. Considérant, dès lors, que la décision par laquelle les ministres chargés de l’environnement, de l’industrie et des collectivités territoriales agréent, sur le fondement de l’article R. 543-189 du code de l’environnement, un éco-organisme pour la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers n’a pas pour effet d’investir cet éco-organisme d’une mission de service public ; qu’ainsi, la décision en litige ne présente pas un caractère réglementaire et ne relève pas, en conséquence, de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’Etat au titre du 2° de l’article R. 311-1 du code de justice administrative ; qu’aucune autre disposition ne donne compétence au Conseil d’Etat pour connaître en premier et dernier ressort des conclusions de la société ERP France tendant à l’annulation, pour excès de pouvoir, de la décision par laquelle les ministres chargés de l’environnement, de l’industrie et des collectivités territoriales ont accordé un tel agrément à la société PV Cycle ; que par suite, le litige relève de la compétence du tribunal administratif de Paris ; qu’il y a donc lieu d’écarter l’exception d’incompétence de ce tribunal opposée par la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et par la société PV Cycle ;

Sur la recevabilité de la requête :

6. Considérant que pour justifier de son intérêt à agir, la société ERP France fait valoir qu’à la date de l’introduction de la requête susvisée, elle demeurait un concurrent potentiel de la société PV Cycle dès lors que sa demande d’agrément, qui portait notamment sur les déchets de la filière photovoltaïque au titre de laquelle la société PV Cycle avait reçu son propre agrément, était en cours d’examen par l’administration à la suite de l’ordonnance du 5 février 2015 par laquelle le juge des référé du tribunal administratif de Paris avait suspendu l’exécution des décisions des 19 et 31 décembre 2014 rejetant sa demande d’agrément pour la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers et avait enjoint à l’administration de procéder au réexamen de cette demande ; que, toutefois, en l’absence de toute limitation du nombre d’agréments que l’administration peut délivrer au titre de cette filière, et dès lors que peut en bénéficier tout organisme répondant aux critères définis par le cahier des charges prévu à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, la décision en litige est sans incidence sur la possibilité pour la société ERP France de bénéficier de l’agrément qu’elle demandait ; qu’en outre, la société requérante, qui à la date de l’introduction de sa requête devant le tribunal ne bénéficiait pas de cet agrément, ne pouvait être regardée comme étant alors en situation de concurrence avec la société PV Cycle ; que la perte, par la société ERP France, des adhérents pour le compte desquelles elle opérait dans le cadre de l’agrément dont elle bénéficiait pour la période 2009-2014 résulte non de la délivrance d’un agrément pour 2015-2020 à la société PV Cycle, mais de la décision du 31 mars 2015 mentionnée au point 1 lui refusant un tel agrément ; que, par ailleurs, la seule volonté de vouloir prévenir un risque d’abus de position dominante ne peut suffire, en l’espèce, à caractériser l’intérêt à agir de la société ERP France ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société ERP France ne justifie pas d’un intérêt personnel, direct et certain lui donnant qualité pour agir contre l’acte en litige ; qu’elle n’est donc pas recevable à demander l’annulation de cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société ERP France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans le circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société ERP France la somme de 1 500 euros au profit de la société PV Cycle au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Société European Recycling Platform France est rejetée.

Article 2 : La Société European Recycling Platform France versera une somme de 1 500 euros à la société PV Cycle en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Société European Recycling Platform, à la société PV Cycle, à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique et au ministre de l’intérieur.

Délibéré après l’audience du 19 mai 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Kimmerlin, président,

M. Rohmer, premier conseiller,

M. Derlange, premier conseiller,

Lu en audience publique le 23 juin 2016.

Le rapporteur, Le président,

B. ROHMER D. KIMMERLIN

Le greffier,

L. THOMAS

La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Paris, 23 juin 2016, n° 1500687