Tribunal administratif de Pau, 21 janvier 2016, n° 1400468

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Pau, 21 janv. 2016, n° 1400468
Juridiction : Tribunal administratif de Pau
Numéro : 1400468

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PAU

N° 1400468

___________

Société D’EXPLOITATION DES

XXX

___________

M. Clen

Rapporteur

___________

M. Sorin

Rapporteur public

___________

Audience du 7 janvier 2016

Lecture du 21 janvier 2016

___________

bl

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Pau

(1re Chambre)

39-04-05-02-02

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars 2014 et 1er octobre 2015, la société d’exploitation des casinos pyrénéens (SECP) représentée par Me X, ès qualité de mandataire judiciaire de la société, et par Me Madar, avocat, demande au tribunal :

1°) de condamner la commune de Cauterets à lui verser la somme de 54 215,57 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2013 ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Cauterets à lui verser la somme de 18 081,79 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2013 ; à titre infiniment subsidiaire, de condamner la commune à lui verser la somme de 9 766,14 € au même titre, assortie des intérêts à compter du 18 décembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cauterets la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

— l’article 45 de la concession d’affermage du casino prévoit les modalités de remise des installations et les compensations financières qui sont dues à l’exploitant en raison des investissements réalisés par lui et non amortis à l’issue du contrat ;

— la commune est débitrice vis-à-vis de la SECP du montant des investissements réalisés non amortis à l’issue de l’exploitation ;

— le montant justifié de ces investissements, hors matériels de jeux, réalisés dans les cinq dernières années est de 54 215,57 € ;

— la condition de présence des investissements en cause dans l’inventaire réalisé par le commissaire-priseur est sans influence sur le présent litige ;

— la commune a reconnu le principe du droit à indemnité conformément aux dispositions de l’article 45 de la convention d’affermage et a admis le versement d’une somme minimale de 9 766,14 € à son profit ;

— la facture A du 9 janvier 2009 d’un montant de 1 572,76 € est une dépense de travaux relatifs à un bien de retour devant être indemnisée ;

— l’investissement du site internet correspondant à la facture Reynard du 19 décembre 2012 doit être prise en compte dès lors que la convention ne distingue pas entre biens corporels et incorporels ;

— les factures Chubb pour des travaux d’installation de matériel de détection incendie et d’un digicode doivent être prises en compte ;

— la facture Pailhé correspond au remplacement d’un cumulus et non à des travaux de simple entretien ;

— la facture Gamer correspond à l’acquisition de fauteuils constituant des biens de retour inscrits à l’inventaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2014, la commune de Cauterets conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de la SCEP une somme de

2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— les biens participant au fonctionnement des casinos sont considérés comme biens de retour et doivent revenir à la collectivité à la fin de l’affermage sans dédommagement ;

— la collectivité délégante n’a pas à verser d’indemnité au délégataire pour des dépenses engagées au titre de ses obligations contractuelles d’entretien et de réparation des biens de retour ;

— les nouveaux investissements du fermier, autorisés par la collectivité, doivent faire l’objet d’une indemnité égale à la valeur non amortie des biens considérés à condition qu’ils soient justifiés et que ces biens de retour soient remis en bon état d’entretien après la réalisation d’un état des lieux contradictoire ;

— la résiliation effective de la délégation de service public est intervenue le 8 octobre 2013 et les factures des dépenses réalisées avant cette date sont à écarter ;

— la facture Y A doit être écartée compte tenu qu’elle relève de l’entretien courant et qu’elle n’a pas été autorisée par la commune ;

— la réalisation d’un site internet doit être écartée compte tenu de son objet alors que ce site, non repris, n’est pas un bien de retour ;

— la facture Pailhé de travaux d’entretien et de remplacement sera écartée ;

— les factures Cash 31 et Gamer doivent être écartées comme non justifiées ;

— la commune pourrait accepter une indemnité de résiliation, pour un montant total de 9 766,14 €, correspondant à certaines factures, sous réserve que les équipements concernés figurent à l’inventaire du commissaire priseur.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la décision du conseil d’Etat n° 342788 du 21 décembre 2012 ;

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code général de la propriété des personnes publiques ;

— le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques ;

— l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Clen, rapporteur ;

— les conclusions de M. Sorin, rapporteur public ;

— et les observations de Me Ledain, pour la SECP.

1. Considérant qu’aux termes d’un contrat d’affermage signé le 3 novembre 2005, la commune de Cauterets a confié à la société d’exploitation des casinos pyrénéens (SECP), pour une durée de 18 ans à compter du 1er janvier 2006, l’exploitation des jeux de casino ainsi que des activités indissociables de restauration et de spectacle, notamment un cinéma, au sein d’un immeuble mis à disposition du fermier par ladite commune ; que la SECP, déclarée en cessation de paiement le 20 août 2013, a fait l’objet, aux termes d’un jugement du Tribunal de commerce de Tarbes du 7 octobre 2013, d’une procédure de liquidation judiciaire ; que, le 25 septembre 2013, la commune de Cauterets a demandé à Me X, nommé en qualité de liquidateur judiciaire de la SECP, la restitution des biens nécessaires à l’exploitation du service public ; qu’un refus lui a été opposé le 8 octobre 2013 ; que, par une ordonnance du 27 novembre 2013 du juge des référés, la commune a obtenu du tribunal de céans la restitution de l’ensemble des biens meubles à l’exception des machines à sous, dans les conditions de l’article 45 du contrat de délégation ; que, par lettre du 31 janvier 2014, la SECP a sollicité le versement d’une indemnité de 54 216 € pour résiliation de la délégation de service public au titre des investissements réalisés les cinq dernières années et évalués selon la valeur nette comptable ; que, dans la présente instance, la SECP demande le versement d’une indemnité d’un montant de 54 215,57 € correspondant à la valeur non amortie des biens de retour affectés à l’exploitation du service public et restitués à la commune de Cauterets ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant que s’il n’appartient pas au juge administratif d’intervenir dans la gestion d’un service public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l’administration, lorsque celle-ci dispose à l’égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle ; qu’en pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l’encontre de son cocontractant, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire ;

3. Considérant qu’en l’espèce, le contrat d’affermage confie de façon indissociable à la SECP, outre les jeux de casino, qui ne constituent pas, par eux-mêmes, une activité de service public, les missions d’intérêt général de développement économique, culturel et touristique au travers de la prise en charge des activités de spectacle et de cinéma, moyennant le paiement d’une redevance domaniale fixe mais aussi la perception du prélèvement sur le produit brut des jeux prévu par l’article L. 2333-54 du code général des collectivités territoriales ; que par suite, eu égard aux missions d’intérêt général ainsi confiées à la SECP et dans la mesure où la rémunération de la commune de Cauterets doit être regardée comme substantiellement liée aux résultats d’exploitation, le contrat en cause a le caractère d’une délégation de service public ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article 45 du contrat, intitulé « Remise des installations » : « L’ensemble des biens participant au fonctionnement des installations est considéré comme biens de retour. A ce titre, ils reviendront obligatoirement à la ville dès la fin de l’affermage et sans dédommagement, quelle que soit leur valeur nette comptable inscrite dans le bilan du fermier. / Toutefois, s’agissant des nouveaux investissements, s’ils ont été réalisés avec l’accord de la ville dans les cinq dernières années de l’affermage, et dans les seuls cas suivants, la ville versera au fermier la valeur non amortie des biens.(…) / Les stocks et approvisionnements nécessaires à l’exploitation normale du service et sollicités par la ville seront repris à leur valeur nette comptable à la fin de l’affermage. / Les indemnités seront fixées à l’amiable ou, à défaut, à dire d’expert. Elles seront réglées dans un délai de six mois à compter de l’expiration du contrat. (…) » ;

5. Considérant, toutefois, que le cocontractant de l’administration, dont le contrat devient nul, peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé ; qu’il peut notamment, s’agissant d’une délégation de service public, demander le remboursement des dépenses d’investissement qu’il a effectuées et relatives aux biens nécessaires ou indispensables à l’exploitation du service, à leur valeur non amortie et évaluée à la date à laquelle ces biens font retour à la personne publique, ainsi que du déficit d’exploitation qu’il a éventuellement supporté sur la période et du coût de financement de ce déficit ;

6. Considérant, par ailleurs, et ainsi que l’a précisé le Conseil d’Etat dans sa décision n° 342788 du 21 décembre 2012, dont les principes peuvent être transposés à la cessation d’une convention de délégation de service public avant son terme normal, que le délégataire est fondé à demander l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique dès lors qu’ils n’ont pu être totalement amortis ; que lorsque l’amortissement de ces biens a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan ; que, dans le cas où leur durée d’utilisation était supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement de ces biens sur la durée du contrat ;

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le commissaire-priseur a dressé une liste de biens utiles à l’exploitation du service dénommée « biens de reprise » ; que cette liste de biens, dont l’utilité n’est pas contestée, doit prendre en compte tant ceux figurant à l’inventaire que ceux qui n’y sont pas répertoriés, mais qui figurent au tableau d’amortissement comptable des immobilisations ; que s’agissant de biens appartenant à la SECP et dont la commune de Cauterets a pris possession à la suite de la fin du contrat, la SECP a droit à une indemnité correspondant à la valeur vénale de ces biens calculée à cette date ; que la circonstance que certains investissements figurent ou non dans l’inventaire réalisé par le commissaire-priseur est sans influence sur le présent litige dès lors que cette condition ne figure pas dans la convention d’affermage et que les factures présentées apparaissent dans la comptabilité régulière de la société requérante ;

8. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 45 précité du contrat, relatif à la remise des installations, si l’ensemble des biens participant au fonctionnement des installations est considéré comme biens de retour, les nouveaux investissements ne peuvent revenir à la commune de Cauterets que s’ils ont été réalisés avec l’accord de la ville dans les cinq dernières années de l’affermage ; qu’il est constant que la cessation effective de la délégation de service public est intervenue le 8 octobre 2013 et les factures des dépenses réalisées avant le 8 octobre 2008 sont ainsi à écarter ; que, par suite, les factures Saint-Maclou d’avril à juillet 2008, Trouttet de janvier à juillet 2008, Z A de mai 2008, Toujas d’avril à juin 2008, Devi Design d’avril 2008, Gamer France /UTI d’avril et juillet 2008 et Mégahertz du 13 mai 2008 ne peuvent ouvrir droit à indemnité au bénéfice de la SECP ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la commune de Cauterets reconnait le principe d’un droit à indemnité au profit de la SECP, conformément aux dispositions de l’article 45 de la convention d’affermage, s’agissant des factures Mazoué, Métro, Trouttet de 2009 et 2011, FR Motors et Bureautique 65 ; que l’ensemble des biens mobiliers concernés par celles-ci sont indispensables à l’exploitation des activités non dissociables de jeux, de spectacle et de restauration, dont l’exploitation a été déléguée à la SECP ; que, rien ne s’oppose à ce qu’il soit donné acte du droit à indemnité correspondant d’un montant total de 5 235,34 € ;

10. Considérant, en troisième lieu, que la procédure de liquidation judiciaire de la SECP a entrainé la restitution des biens nécessaires à l’exploitation du service public et la fin du contrat litigieux ; qu’elle consiste dans le transfert d’une entité économique constituée d’éléments corporels et incorporels permettant l’exercice d’une activité économique poursuivant un objectif propre d’une activité de casino ; qu’il résulte de l’instruction que la réalisation d’un site internet pour le casino de Cauterets par la société Reynard concourt à l’exercice de l’activité économique du casino au plan commercial et en tant que vecteur de communication ; que, dès lors, le site internet du casino constitue un bien de retour ; que, par suite, une indemnité de résiliation de

861 €, justifiée par la facture Reynard du 19 décembre 2012 d’un montant de 1 125 €, doit être accordée à la SECP ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que la SECP demande pour un montant total de

1 226,91 €, le remboursement de frais qu’elle a dû engager durant les années 2009 et 2011 pour la fourniture et la mise en service de matériel détection incendie ; qu’il résulte de l’instruction que ces frais, justifiés par des factures de la société Chubb des 19 mars 2009 et 2 février 2011 ont été utiles à la commune de Cauterets et ont donc contribué à son enrichissement ; que la SECP peut donc prétendre à une indemnité à ce titre de 1 226,91 € ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que la SECP produit une facture du 19 février 2013 de la société Pailhé d’un montant de 920,92 € pour le remplacement d’un cumulus vertical ; que le remplacement d’un tel équipement mis à disposition du concessionnaire relève des travaux d’entretien des installations du casino et du fonctionnement de celui-ci, et ne constitue pas, à ce titre, un bien de retour ; que la SECP n’est, dès lors, pas fondée à réclamer la somme de 669,92 € correspondant au remplacement de cet équipement de chauffage ;

13. Considérant, en sixième lieu, que la facture A et Y du 9 janvier 2009 d’un montant de 1 572,76 € est une dépense de travaux pour l’aménagement d’un vestiaire ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que ces travaux courants de rénovation au rez-de-chaussée du casino aient été préalablement autorisés par la commune conformément aux dispositions de l’article 45 précité ; que, par suite, ces travaux ne peuvent ouvrir droit à indemnité à la SECP ;

14. Considérant, enfin, que la facture Cash 31 du 25 février 2012 d’un montant de 900 € n’est pas assortie de précisions suffisantes quant au matériel concerné et à son objet ; que, dans ces conditions, la société requérante ne justifie de sa créance ; que, par suite, la demande d’indemnité de 445 € doit être écartée comme non fondée ;

15. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SECP est fondée à obtenir le versement de la somme de 7 323,25 € au titre de l’indemnisation du préjudice subi à raison du retour anticipé à titre gratuit des biens du casino de Cauterets non totalement amortis dans le patrimoine de la commune ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Cauterets le paiement à la SECP d’une somme de 1 000 € au titre des frais qu’elle justifie avoir exposés et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, la SECP n’étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la commune de Cauterets présentées sur le même fondement doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La commune de Cauterets est condamnée à payer à Me X, ès qualité de mandataire liquidateur de la SECP, la somme de 7 323,25 € (sept mille trois cent vingt trois euros et vingt-cinq centimes).

Article 2 : La commune de Cauterets versera à Me X, ès qualité de mandataire liquidateur de la SECP, la somme de 1 000 € (mille euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Me X pour la société d’exploitation des casinos pyrénéens et à la commune de Cauterets.

Délibéré après l’audience du 7 janvier 2016, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Clen, premier conseiller,

Mme Beltramo, conseiller.

Lu en audience publique le 21 janvier 2016.

Le rapporteur, Le président,

H. CLEN É. REY-BÈTHBÉDER

Le greffier,

J-P. MIADONNET

La République mande et ordonne au préfet des Hautes-Pyrénées en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme :

Le greffier,

J-P. MIADONNET

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