Tribunal administratif de Pau, 2ème chambre, 23 octobre 2023, n° 2100808

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Pau, 2e ch., 23 oct. 2023, n° 2100808
Juridiction : Tribunal administratif de Pau
Numéro : 2100808
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 26 octobre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 31 mars 2021, M. B A, représenté par Me Mendiboure, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté qui lui a été notifié le 24 février 2021 par lequel le maire d’Anglet a décidé de l’exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de trois mois ;

2°) de mettre à la charge de la commune d’Anglet une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la matérialité des faits qui lui sont reprochés n’est pas établie ;

— la sanction qui lui est infligée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2022, la commune d’Anglet représentée par Me Cambot, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de M. A une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

— la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Genty,

— les conclusions de Mme Duchesne, rapporteure publique,

— et les observations de M. A et de Me Coto, représentant la commune d’Anglet.

Une note en délibéré, présentée pour la commune d’Anglet, a été enregistrée le 4 octobre 2023.

Une lettre présentée pour M. A, a été enregistrée le 4 octobre 2023, contestant la recevabilité de la note en délibéré de la commune d’Anglet.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de plusieurs contrats à durée déterminée, M. A a été nommé stagiaire le 1er août 2018 au sein de la commune d’Anglet. Sa période de stage a été prorogée deux fois avant qu’il ne soit titularisé le 1er août 2020 en qualité d’adjoint technique territorial. Il a été employé par cette collectivité au sein de plusieurs services techniques. Par un arrêté notifié à l’intéressé le 24 février 2021, le maire d’Anglet a prononcé à son encontre une sanction d’exclusion temporaire de ses fonctions, privative de toute rémunération, pour une durée de trois mois. M. A demande l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Aux termes de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa version alors en vigueur : « Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. () ». Aux termes de l’article 28 de la même loi : « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. () ». Aux termes de l’article 29 de la même loi : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ». Aux termes de l’article 89 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version alors en vigueur : « Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / () Troisième groupe : () l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans () / L’exclusion temporaire de fonctions () est privative de toute rémunération () ».

3. En premier lieu, en l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen, dans la limite de son obligation de loyauté vis-à-vis de son agent, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un agent public, d’en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

4. La décision attaquée se fonde sur ce que M. A a commis des écarts de comportement récurrents au cours de la période de trois mois suivant sa titularisation, consistant à remettre en cause de façon répétée les consignes hiérarchiques, et provoquant ainsi une désorganisation du service et la crainte de ses collègues de le voir commettre des actes de violence à leur encontre, sur ce que l’intéressé a injurié l’un de ses collègues, et sur ce qu’il a utilisé un véhicule de service alors qu’il souffrait d’un problème oculaire.

5. Il ressort d’abord du procès-verbal de la réunion de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire tenue le 25 janvier 2021, que M. A a reconnu avoir refusé de suivre les consignes de son chef d’équipe le 3 septembre 2020 lors de la préparation de salles à l’occasion d’un forum d’associations. Il ressort des autres pièces du dossier que M. A, malgré les efforts dont il avait fait preuve avant sa titularisation, présentait toujours des difficultés relationnelles et comportementales récurrentes, en ne tenant principalement pas compte des consignes qui lui étaient données et en prenant des initiatives sans en informer son supérieur hiérarchique. Compte tenu de leur nombre, de leur répétition et de l’attitude défiante voire menaçante qui les accompagnaient, ces agissements étaient à l’origine de fortes tensions et de désorganisation dans le service, tant avec le chef d’équipe avec lequel l’intéressé refusait de collaborer, qu’avec certains de ses collègues. La seule circonstance que le requérant ne se reconnaît pas dans cette attitude n’est pas de nature à contredire sérieusement ces constatations. Dans ces conditions, M. A a méconnu son obligation d’obéissance hiérarchique prévue par l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983.

6. Si le rapport du chef de service de M. A du 26 octobre 2020 relate ensuite différents incidents intervenus notamment les 1er septembre et 9 septembre 2020, à l’origine de tensions avec d’autres collègues, dont l’intéressé serait à l’origine, ce dernier, malgré des explications confuses, en nie toutefois la réalité, laquelle n’est, par ailleurs, pas établie par les autres pièces du dossier, la seule main courante déposée le 4 novembre 2020 auprès de services de police par un collègue dénonçant à la fois l’agressivité de M. A, son sentiment injustifié de persécution, son attitude menaçante et une agression verbale à son encontre, ne suffisant pas à établir la matérialité des propos injurieux qu’aurait tenus le requérant.

7. Enfin, le troisième motif de la décision attaquée, énoncé au point 3 n’est pas établi alors qu’il ressort du procès-verbal rappelé au point 1 que la commune a reconnu que la version du requérant affirmant qu’il s’était blessé accidentellement au cours de son déplacement demeurait possible.

8. Par suite, seul le motif de la décision attaquée tiré du refus avéré et récurrent d’obéissance hiérarchique n’est pas entaché d’inexactitude matérielle.

9. En second lieu, il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. La méconnaissance de l’obligation d’obéissance hiérarchique retenue à l’encontre de M. A constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Toutefois, en infligeant à l’intéressé, sur ce seul motif, une mesure d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de trois mois, le maire d’Anglet a prononcé une sanction qui revêt un caractère disproportionné.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l’arrêté du maire d’Anglet notifié à M. A le 24 février 2021 doit être annulé.

Sur les frais de l’instance :

12. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».

13. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la commune d’Anglet doivent dès lors être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de

1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du maire d’Anglet notifié à M. A le 24 février 2021 est annulé.

Article 2 : La commune d’Anglet versera à M. A une somme de 1 000 (mille) euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et à la commune d’Anglet.

Délibéré après l’audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. de Saint-Exupéry de Castillon, président,

Mme Genty, première conseillère,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2023.

La rapporteure,

Signé

F. GENTY

Le président,

Signé

F. DE SAINT-EXUPERY DE CASTILLONLa greffière,

Signé

P. SANTERRE

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition :

La greffière,

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