Tribunal administratif de Rouen, 19 novembre 2013, n° 1201872

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rouen, 19 nov. 2013, n° 1201872
Juridiction : Tribunal administratif de Rouen
Numéro : 1201872
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Douai, 7 novembre 2012

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE ROUEN

N°1201872

___________

M. C X

___________

M. B

Rapporteur

___________

Mme Jayer

Rapporteur public

___________

Audience du 22 octobre 2013

Lecture du 19 novembre 2013

___________

66-07-01-04-02-02

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Rouen

(3e Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2012, présentée pour M. C X, demeurant XXX à XXX, par Me Rapp, qui demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 12 avril 2012 par laquelle l’inspecteur du travail de la 6e section de la Seine-Maritime a autorisé son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient :

— que l’inspecteur du travail signataire de la décision, attaché à la 6e section, n’était pas compétent dès lors que son employeur, même depuis la réorganisation des URSSAF, disposait au Havre d’un établissement relevant de la 11e section de la direction du travail ;

— qu’eu égard à l’annulation de la précédente autorisation de licenciement, l’inspecteur précédemment saisi se trouvait à nouveau saisi de plein droit, ainsi que le précise la circulaire n° 92-23 du 4 octobre 1993 ;

— qu’en raison des importants changements apparus dans l’organisation de l’URSSAF de la Seine-Maritime, la procédure de licenciement devait être précédée d’une nouvelle consultation des institutions représentatives du personnel ;

— que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;

— que l’inspecteur du travail n’a pas cherché à vérifier l’exactitude de ces faits ;

— qu’il les a inexactement appréciés, en méconnaissance d’ailleurs de la circulaire mentionnée ci-dessus ;

— que son licenciement pour faute grave déguise un projet de licenciement économique émanant d’une URSSAF en pleine réorganisation ;

— qu’à faute d’égale gravité, il a fait l’objet d’une différence de traitement à l’égard d’une collègue ;

— que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas d’une gravité telle que son maintien dans l’entreprise soit impossible ;

— que l’inspecteur a omis de rechercher l’existence d’un lien entre la mesure de licenciement et l’exercice de ses mandats ;

— qu’un tel lien est avéré dès lors qu’il militait pour le maintien d’une structure URSSAF au Havre, en opposition avec le projet de l’employeur ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 octobre 2012, présenté pour l’Union pour le recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (URSSAF) de la Seine-Maritime, par Me Panzeri-Hébert, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. X la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L’URSSAF de la Seine-Maritime soutient :

— qu’elle a confirmé auprès de l’inspection du travail sa demande d’autorisation de licencier M. X ;

— que l’URSSAF de la Seine-Maritime venant aux droits de l’URSSAF du Havre, et cette dernière n’ayant pas un degré d’autonomie suffisant, l’inspecteur du travail compétent, à nouveau saisi, était celui du siège de la nouvelle entité, à savoir Rouen ;

— que la demande adressée à l’inspecteur du travail n’étant qu’une confirmation d’une demande antérieure ayant été annulée pour un vice de légalité externe, et les faits étant identiques, seule la procédure administrative devait être reprise, et non pas la procédure au sein de l’organisme ;

— que les faits sont établis ;

— que les faits ont été à bon droit qualifiés de faute d’une gravité suffisante pour autoriser le licenciement ;

— qu’elle a tenu compte des circonstances imposées par l’annulation de la précédente autorisation de licenciement par le juge administratif ;

— que M. X n’a pas fait l’objet d’un traitement différent de celui réservé à une collègue, compte-tenu de la différence de situation ;

— que la mesure est sans lien avec les mandats exercés par le requérant ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2012, présenté par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie, qui conclut au rejet de la requête ;

Le directeur soutient qu’aucun moyen de la requête n’est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 février 2013, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, et en outre, à ce que soit mise à la charge de l’URSSAF de la Seine-Maritime, conjointement avec l’Etat, la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens ;

M. X soutient en outre :

— que la demande d’autorisation de licenciement a été déposée par lettre remise contre décharge et non par lettre recommandée avec accusé de réception ;

— que, en l’absence de réintégration, l’URSSAF ne pouvait engager la procédure de demande d’autorisation dès lors qu’il n’avait plus de lien avec son ancien employeur ;

— que l’inspecteur du travail n’a pas pris en considération les nouvelles fonctions qui lui ont été confiées par son nouvel employeur ;

— que l’inspecteur du travail a méconnu le principe de la contradiction lors de son enquête ;

— que cette obligation, prévue par la loi, est rappelée par la circulaire DGT du 7 février 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mai 2013, présenté pour l’URSSAF de la Seine-Maritime, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

L’URSSAF de la Seine-Maritime précise en outre que par un arrêt du 8 novembre 2012, la cour administrative d’appel de Douai a, après avoir censuré le jugement du 12 janvier 2012 du tribunal, maintenu sa solution d’annulation et que cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2013, présenté par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Le directeur soutient en outre que les moyens tirés de la remise en mains propres de la demande d’autorisation de licenciement et de l’absence de respect du principe de la contradiction au cours de l’enquête de l’inspecteur ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2013, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 octobre 2013 :

— le rapport de M. B ;

— les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public ;

— les observations de M. X et les observations de Me Gillet, pour l’URSSAF de la Seine-Maritime ;

1. Considérant que l’URSSAF du Havre a demandé le 12 septembre 2008 l’autorisation de licencier, pour faute grave, M. X, cadre administratif supérieur responsable du service du contrôle et de l’appui juridique de cet organisme ; que cet agent, ancien délégué du personnel titulaire et conseiller du salarié, a, sur autorisation donnée le 12 novembre 2008 par l’inspecteur du travail de la 11e section de la Seine-Maritime, été licencié le 24 novembre suivant ; que, toutefois, et afin de tenir compte de la protection due à ce salarié à raison de son inscription, le 15 octobre 2008, sur la liste des candidats aux élections prud’homales du 3 décembre 2008, l’inspecteur du travail a, par une décision du 9 janvier 2009, rapporté l’autorisation du 12 novembre 2008 et en a délivré une autre ; que cette autorisation, du 9 janvier 2009, a été annulée, sur recours de M. X, par un jugement du tribunal du 12 janvier 2012, dont le dispositif a été confirmé par un arrêt du 8 novembre 2012 de la cour administrative d’appel de Douai, frappé de pourvoi ; qu’en exécution du jugement d’annulation du 12 janvier 2012, l’inspecteur du travail de la 6e section de la Seine-Maritime a, de nouveau, autorisé le licenciement de M. X ; que ce dernier demande au tribunal l’annulation de la décision prise le 12 avril 2012 ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 2421-11 du code du travail : « L’inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d’un représentant de son syndicat. (…) » ; que le caractère contradictoire de l’enquête menée conformément à ces dispositions impose à l’inspecteur du travail, saisi d’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l’employeur et le salarié de prendre connaissance de l’ensemble des éléments déterminants qu’il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l’appui de la demande d’autorisation ; que, lorsque la communication de ces éléments est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont transmis, l’inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l’employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les témoignages recueillis au cours de l’enquête menée préalablement à la délivrance des deux premières autorisations de licenciement des 12 novembre 2008 et 9 janvier 2009 ont été déterminants et regardés par l’auteur de ces décisions comme de nature à établir la matérialité de certains faits dénoncés par l’employeur dans sa demande, ainsi que l’a estimé la cour administrative d’appel de Douai par son arrêt du 8 novembre 2012 ; que si M. X a finalement eu connaissance de la teneur des témoignages et attestations de collègues et du médecin du travail, qu’il a d’ailleurs pu contester au cours des précédentes instances contentieuses relatives à la légalité de ces deux premières autorisations, il est constant qu’il n’a pas été mis à même de prendre connaissance de la teneur des témoignages recueillis par l’inspecteur du travail dans le cadre de la nouvelle enquête que celui-ci a effectuée et qui a conduit à l’adoption de la troisième décision du 12 avril 2012 attaquée dans la présente instance ; que l’administration fait valoir que, en raison notamment de l’ancienneté des faits, les six collègues de M. X interrogés les 26 mars et 6 avril 2012 n’ont rien apporté de déterminant pour l’établissement de ces faits et que l’unique conversation téléphonique avec Mlle Z, stagiaire alors en poste dans le service du requérant, n’a permis à l’inspecteur du travail que d’obtenir la confirmation de la plainte que celle-ci avait déposée le 26 juin 2008, près de quatre années auparavant, sans rien y ajouter de nouveau ; que, toutefois, la teneur des éléments recueillis dans le cadre de la nouvelle enquête que l’inspecteur était tenu d’effectuer n’était pas dépourvue d’incidence dès lors qu’il ressort du premier mémoire en défense de l’administration que la confrontation et le recoupement des témoignages oraux de Mmes Y et Zaitoute et de MM. A, Roudin, Racine et Piard, collègues subordonnés de M. X, ont permis d’établir la matérialité des faits ; que le caractère déterminant de ces auditons s’est trouvé renforcé par la circonstance que la demande d’autorisation de licenciement n’a pas donné lieu à une simple reprise de l’enquête initiale mais, en raison du motif d’annulation de l’autorisation précédente retenu par le juge de la légalité, à une instruction entièrement nouvelle par un inspecteur du travail relevant de surcroît d’un ressort territorial différent de celui qui avait délivré les deux premières autorisations, en raison de la fusion intervenue entre-temps de l’URSSAF du Havre, employeur initial du salarié, avec les URSSAF de Rouen et de Dieppe dans un organisme unique dénommé URSSAF de la Seine-Maritime ; que le caractère déterminant des nouvelles auditions des ex-collègues du requérant, opérées dans les locaux du site du Havre de l’organisme employeur, découle enfin de la nature des faits reprochés à M. X et du contexte dans lequel ils se sont produits, à savoir des propos racistes réitérés, tenus les 7 février 2008, 30 mai 2008 et 13 juin 2008 en leur présence ; que, par suite, M. X est fondé à soutenir que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la contradiction garanti par les dispositions précitées de l’article R. 2421-11 du code du travail a été méconnu ;

4. Considérant, qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. X est fondé à demander l’annulation de la décision du 12 avril 2012 ayant autorisé son licenciement ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat et de l’URSSAF de la Seine-Maritime la somme que demande M. X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

6. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X la somme demandée par l’URSSAF de la Seine-Maritime au titre des même frais ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 12 avril 2012 par laquelle l’inspecteur du travail de la 6e section de la Seine-Maritime a autorisé le licenciement de M. X est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par l’URSSAF de la Seine-Maritime sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C X, à l’Union pour le recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales de la Seine-Maritime et au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Haute-Normandie.

Délibéré après l’audience du 22 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

M. B, président,

Mme Barray, conseiller,

M. Pertuy, conseiller,

Lu en audience publique le 19 novembre 2013.

Le président-rapporteur, L’assesseur le plus ancien,

P. B C. BARRAY

Le greffier,

C. KOPMELS

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
  2. Code du travail
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