Tribunal administratif de Toulouse, 24 février 2016, n° 1204959

  • Région·
  • Midi-pyrénées·
  • Marches·
  • Sociétés·
  • Pénalité·
  • Construction métallique·
  • Justice administrative·
  • Décompte général·
  • Retard·
  • Intérêts moratoires

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Toulouse, 24 févr. 2016, n° 1204959
Juridiction : Tribunal administratif de Toulouse
Numéro : 1204959

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE TOULOUSE

N° 1204959

___________

Société SERIN CONSTRUCTIONS METALLIQUES

___________

M. Luc

Rapporteur

___________

Mme Y

Rapporteur public

___________

Audience du 27 janvier 2016

Lecture du 24 février 2016

___________

54-05-04

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Toulouse

(4e Chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2012 et des mémoires enregistrés les 3 juin 2013, 31 mars 2014, 16 septembre 2014 et 13 mars 2015, la société Serin Constructions Métalliques demande au tribunal :

1°) de condamner solidairement la région Midi-Pyrénées et la société de conctruction et gestion Midi-Pyrénées (Cogemip) à lui verser la somme de 1 212 015,64 assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la région Midi-Pyrénées et de la société Cogemip la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— les pénalités de retard appliquées ne tiennent pas compte des reports successifs de délai prévus par les plannings modificatifs ;

— les pénalités devaient être calculées en fonction du planning applicable en fin de chantier, soit à compter du 17 octobre 2008 pour 81 jours de retard ;

— elle n’est pas responsable du retard, ayant respecté les dates d’achèvement de ses propres travaux ;

— on ne peut lui faire payer des pénalités imputables à d’autres membres du groupement auquel elle appartenait ; ce groupement était simplement conjoint et non solidaire ;

— le maître d’ouvrage a appliqué une clé de répartition des pénalités inadaptée et déterminée par l’expertise ordonnée en référé pour le seul lot XXX et qui ne portait donc pas sur ce point ;

— le maître d’ouvrage est responsable d’une partie du retard ;

— le montant des pénalités, qui atteint 92,66 % du montant du marché, est disproportionné ;

— elle a droit à une somme de 333 151 euros au titre des surcoûts causés par la suspension du chantier ;

— un montant de 62 604,80 euros lui est dû au titre de la modification de trois postes de travaux qui ont fait l’objet de devis ;

— une moins value de 15 180 euros lui a été appliquée qui ne la concerne pas ;

— l’indice de révision de prix BT01 est inadapté.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 février 2013, 12 avril 2013, 23 septembre 2013, 3 juin 2014 et 5 novembre 2014, la région Midi-Pyrénées et la société Cogemip concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Serin une somme de 3000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent qu’aucun des moyens soulevés par la société Serin n’est fondé

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code des marchés publics ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Luc, conseiller ;

— les conclusions de Mme Y ;

— les observations de Me Salamand pour la société Serin Constructions Métalliques et celles de Me X pour la région Midi-Pyrénées et la société de Cogemip.

1. Considérant que, par acte d’engagement du 28 novembre 2006, la région Midi-Pyrénées a confié à un groupement conjoint constitué par les société Thomas et Danizan, mandataire, Serin constructions métalliques, Soprema, Smac, XXX, le lot XXX « clos et couvert » de la reconstruction du lycée Gallieni à Toulouse ; que l’acte d’engagement prévoyait la répartition des prestations du lot, d’un montant total de 41 403 683,24 euros TTC, porté par avenants à la somme de 46 462 505,32 euros, en 7 sous-lots, un pour chaque membre du groupement ; que les travaux à réaliser par chacun des membres étaient décrits précisément dans cet acte d’engagement ; que la société de construction et gestion Midi-Pyrénées (Cogemip) était maître d’ouvrage délégué de la région ; que les travaux ont été réceptionnés le 5 juin 2009 avec date d’effet au 5 janvier 2009 ; que la société Serin constructions métalliques a adressé le projet de décompte final de son sous-lot le 10 novembre 2009 et que les décomptes généraux ont été adressés au mandataire du groupement le 15 février 2012 pour chacun des membres, celui de la société Serin faisant apparaître un solde en faveur de la région de 2 967 642,23 euros ; que cette société a adressé un mémoire en réclamation qui a fait l’objet d’une décision implicite de rejet ; qu’elle demande au tribunal de fixer le solde du marché lui restant dû à la somme de 1 212 015,64 euros ;

Sur les pénalités de retard :

2. Considérant que, selon les stipulations de l’article 4-31 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché : « l’entrepreneur subira par jour calendaire de retard dans l’achèvement des travaux, une pénalité égale à 1/1000ème du montant global TTC du marché » ;

3. Considérant que, pour mettre un montant de 4 693 038,75 euros de pénalités à la charge de la société requérante, la région a appliqué, sur la totalité du montant TTC du marché du macro lot XXX, 129 jours de retard et a ensuite réparti la somme sur les différents membres du groupement selon une clé d’imputation qui avait été déterminée, à l’occasion d’un précédent litige portant sur les pénalités de retard intermédiaire appliquées à la société Métalsigma, par une expertise ordonnée en référé et étendue aux autres membres du groupement ; que, toutefois, d’une part, la région ne justifie pas du nombre de jours de retard effectivement imputables à la société Serin, en se fondant sur cette seule expertise qui avait pour objet de répartir une pénalité intermédiaire de 30 jours entre les différents membres du groupement en analysant un total de 75 semaines de retard répertoriés sur le chemin critique, dès lors que les pénalités contestées ne concernent plus le retard intermédiaire de 30 jours mais le retard final de 159 jours constaté à la date de réception des travaux et réduit, par la région, à 129 jours de pénalités ; qu’au demeurant l’expert a déterminé des taux de répartition en prenant en compte l’ensemble des bâtiments, alors que la société Serin n’intervenait que sur une partie d’entre eux et en appliquant une méthode qualifiée par lui de « subjective mais cartésienne » mais qui lui était imposée par les éléments disparates mis à sa disposition ; que la région ne fournit aucun décompte précis des jours de retard indiquant à quelle date, selon le planning d’exécution des travaux, la société Serin aurait dû livrer ses propres prestations et à quelle date elle les a effectivement livrées ; que, d’autre part, la région ne pouvait prendre comme base de calcul des pénalités infligées à la société Serin l’ensemble du montant TTC du marché du macro-lot XXX, et non le seul montant des travaux réalisés par la société Serin, dès lors que l’acte d’engagement du marché avait prévu la répartition des travaux et du montant du marché entre les membres du groupement et que des décomptes généraux ont été établis pour chacun d’entre eux ; qu’ainsi la région a inexactement appliqué les stipulations de l’article 4-31 du cahier des clauses administratives particulières du marché pour calculer les pénalités que devaient supporter la société requérante et ne saurait être regardée comme justifiant de leur montant ; que, par suite, la société Serin est fondée à soutenir que la somme de 4 693 038,75 euros a été déduite, à tort, du décompte général ;

Sur les sujétions imprévues :

4. Considérant que la société Serin soutient qu’elle a dû supporter un surcoût en raison de la découverte de massifs de béton durant les travaux de terrassement qui a entraîné une modification des fondations et l’interruption du chantier ; que, toutefois, elle ne justifie, ni du montant de 333 151 euros qu’elle réclame à ce titre alors que, compte tenu de la phase durant laquelle cette interruption est intervenue, elle n’avait pas commencé ses propres travaux, ni que cette interruption aurait présenté un caractère imprévisible et exceptionnel de nature à justifier, dans le cadre d’un marché à forfait, l’indemnisation des surcoûts allégués au titre des sujétions imprévues ;

Sur les travaux supplémentaires :

5. Considérant que la demande de la société Serin relative à un chéneau de parvis pour 18 500 euros n’est assortie d’aucun élément permettant d’apprécier le bien fondé de cette demande, notamment pas de la production d’un devis accepté ; qu’il y a lieu, par suite, de la rejeter ;

Sur les réfactions de prix :

6. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que les travaux du sous-lot de la société Serin ont été modifiés, par ordre de service n° 186, concernant une sous-couche de désolidarisation plancher Cofradal pour un montant hors taxes de 33 701 euros et, concernant la peinture intumescente de la structure métallique et la réalisation d’une structure au feu, pour un montant de 50 000 euros HT alors que la société Serin soutient, mais sans produire ses devis, que ces modifications de postes n’auraient dû être retenues que pour des montants respectifs de 8 425,35 euros et 13 905 euros ; que les calculs figurant dans les écritures de la société à l’appui de cette prétention ne sont ni exacts, ni intelligibles, ni appuyés de documente probante ou d’un début d’explication permettant au juge d’en apprécier le bien fondé ; qu’ils sont contestés en défense, notamment par la production de l’ordre de service n° 186 et de l’avenant n° 6 qui prennent en compte ces moins-values ; que, au regard de ces éléments, la demande présentée sur ce point doit être rejetée ;

7. Considérant que la région a appliqué une réfaction de prix de 15 180 euros pour préjudice « fondation » ; qu’en se bornant à indiquer qu’un rapport d’expertise avait imputé à la société Serin une responsabilité de 1 à 3 % dans ce préjudice évalué à 506 000 euros et relatif aux fondations, la région ne peut être regardée comme justifiant de cette réfaction ;

Sur l’application de l’indice BT 01 :

8. Considérant que la société Serin soutient que l’indice BT 01 retenu pour l’indexation du prix de marché était inadapté à la nature de ses prestations dès lors qu’il regroupe indistinctement tous les corps d’état ; que le cahier des clauses administratives particulières prévoyait à l’article 3.53 l’index de référence de chaque lot ; que le lot XXX avait pour indice de référence l’indice BT 01 tous corps d’état ; que, compte tenu de la diversité des travaux compris dans ce lot, la région pouvait, à bon droit, retenir ledit indice comme indice de révision des prix de ce macro-lot et n’était pas tenue de prévoir un indice différent pour la révision des prix de chacun des sous-lots attribués aux membres du groupement ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le montant du décompte général et définitif du marché doit être fixé à la somme de (- 2 967 642,23 euros + 4 693 038,75 euros + 15 180 euros) 1 740 576,52 euros ; que, dès lors, la société Serin est fondée à demander la condamnation de la région, maître d’ouvrage, et de la société Cogemip, maître d’ouvrage délégué, dont il n’est pas contesté que son mandat lui confiait la mission de notifier le décompte et de payer le solde des marchés, à lui verser la somme de 1 212 015,64 euros à laquelle elle a chiffré ses conclusions ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

10. Considérant qu’aux termes de l’article 3.4.6. du cahier des clauses administratives particulières du marché « Les règlements (…) s’effectueront dans les conditions fixées à l’article 96 du code des marchés publics, soit dans un délai maximum de 45 jours)./ Le taux des intérêts moratoires applicable au marché est le taux de l’intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points » ; que, selon l’article 96 du code des marchés publics, applicable en l’espèce, le délai global de paiement d’un marché public ne peut excéder 45 jours et que le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d’intérêts moratoires à compter du jour suivant l’expiration du délai ; que le point de départ du délai de paiement doit être fixé à la date à laquelle la réclamation que l’entrepreneur a introduite contre le décompte général a été reçue ; qu’il résulte de l’instruction que, par réclamation du 20 mars 2012 remis le même jour, la société Serin a refusé d’accepter les termes du décompte général et a transmis un mémoire en réclamation ; qu’il s’ensuit que la société a droit au versement des intérêts moratoires sur la base du taux d’intérêt légal en vigueur à la date du 4 mai 2012, date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, majoré de deux points ainsi qu’il résulte des stipulations précitées du cahier des clauses administratives particulières du marché ;

11. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d’une année ; qu’en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu’à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la société Serin a conclu à la capitalisation des intérêts dans sa demande enregistrée au greffe le 14 novembre 2012 ; que, par suite, la société Serin a droit à la capitalisation des intérêts au 4 mai 2013 et à chaque échéance annuelle à partir de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le tribunal mette à la charge de la société Serin, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la région Midi-Pyrénées et la société Cogemip demandent au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la région Midi-Pyrénées et de la société Cogemip le paiement à la société Serin d’une somme de 1 200 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La région Midi-Pyrénées et la société Cogemip sont condamnées solidairement à verser à la société Serin la somme de 1 212 015,64 euros. Cette somme sera assortie des intérêts moratoires à compter du 4 mai 2012. Les intérêts échus à la date du 4 mai 2013 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter de cette date et à chaque échéance annuelle.

Article 2 : La région Midi-Pyrénées et la société Cogemip verseront à la société Serin une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Serin Constructions Métalliques, à la région Midi-Pyrénées et à la société Cogemip.

Délibéré après l’audience du 27 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

M. Lerner, président,

M. Le Guillou, conseiller,

M. Luc, conseiller.

Lu en audience publique, le 24 février 2016.

Le rapporteur, Le président,

C. LUC P. LERNER

Le greffier,

F. LE GUIELLAN

La République mande et ordonne au préfet de la région Midi-Pyrénées Languedoc Roussillon, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme ;

Le greffier en chef,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Toulouse, 24 février 2016, n° 1204959