Tribunal de commerce de Paris, 15e chambre, 13 décembre 1996

  • Investissements importants de creation et de publicité·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Volonte de s'inscrire dans le sillage d'autrui·
  • Anteriorite des modèles argues de contrefaçon·
  • Appropriation de l'effort d'autrui·
  • Diversification de son activité·
  • 1) modèles "gilet" et "stella"·
  • Éléments pris en considération·
  • Atteinte à l'image de marque·
  • Copie servile des modèles

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 15e ch., 13 déc. 1996
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19960301
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société ANNE FONTAINE et la société HEDYNA sont2 sociétés qui font fabriquer et vendent des chemisiers pour femme de mêmetype : coloris blanc, tissu coton, dans le même quartier de Paris. Il s’agit donc de concurrents sur la même part de marché. La société ANNE FONTAINE reproche à la société HEDYNA de contrefaire ses modèles, de la copier en tout, décors, vitrines, style, et intente le présent litige en contrefaçon et concurrence déloyale. L’instance est venue à l’audience du 21 JUIN 1996 sur assignation du 24 MAI 1996 mais la présence de la défenderesse n’aété côtée à l audience devant le juge rapporteur que le 30 AOUT 1996, et une reconvocation a été convenue, la défenderesse ne présentant aucune écriture ni pièces pour sa défense. La nouvelle convocation devant le juge rapporteur a eu lieu le 27 SEPTEMBRE 1996 avec échange d’écritures, puis une nouvelle reconvocation a eu lieu pour le 25 OCTOBRE 1996, jour de la clôture des débats. Par acte du 24 MAI 1996 et conclusions du 30 AOUT 1996, 27SEPTEMBRE 1996 et 25 OCTOBRE 1996 la société ANNE FONTAINE demande :

- de dire que les modèles ANAIS, VALY, GILET et AUDE 305 de la société HEDYNAsont des contrefaçons des modèles d’ANNE F et lui font une concurrence déloyale ;

- interdire à la société HEDYNA de fabriquer ou vendre lemodèle VALY, contrefaisant le modèle JULIE d’ANNE F sous astreinte de 1.000, 00 Francs par infraction constatée, ainsi que le modèle AGNES 520et tous les modèles contrefaisants les modèles « SACHA », « STELLA », « JOA 1794 », « LAETITIA piqué », « CARLA », « KAREN », « ELSA » et « AMANDA » appartenant à lasociété ANNE F sous la même astreinte ;

- dire que les modèles de la collection d’ANNE F cités supra sont nouveaux et originaux et dignes d’être protégés par le livre 1 du Code de la Propriété Intellectuelle;

- condamner HEDYNA à 1.500.000, 00 Francs en réparation du préjudice subi du fait des actes contrefaçon et 1.000.000, 00 de Francs pour la concurrence déloyale ;

- ordonner la publication dans 4 publications maximum au choix de la société ANNE FONTAINE et aux frais d’HEDYNA sans que le coûtde chaque insertion n’excède 250.000, 00 Francs Hors Taxes ;

- ordonnerl’exécution provisoire ;

- condamner la société HEDYNA à lui verser 40.000, 00 Francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- condamner la société HEDYNA aux dépens ;

- rejeter des débats les pièces et conclusions tardives de la société HEDYNA et pour non respect du contradictoire. La société HEDYNA par conclusions du 27 OCTOBRE 1996 et courrier du 31 OCTOBRE 1996 demande au Tribunal :

- de dire que la société ANNE FONTAINE est irrecevable et mal fondée en ses demandes, l’en débouter ;

- condamner la société ANNE FONTAINE à lui payer 300.000, 00 Francs en réparation du préjudice subi pour procédure abusive ;

- ordonner l’exécution provisoire ;

- condamner la société ANNE FONTAINE à lui payer 50.000, 00 Francs hors taxes au

titre de l’article 700 du Nouveau Code deProcédure civile. Les dépens étant requis. La société ANNE FONTAINE expose qu’elle conçoit, fabrique et commercialise des vêtements de prêt à porter pour femme et spécialement des chemisiers blancs. Elle a acquis une renommée certaine en ce domaine. Elle a constaté et fait saisir divers modèles contrefaisants chez la société HEDYNA. Quatre modèles ont été saisis. Le modèle KAREN d’ANNE F correspond au modèle ANAIS chez HEDYNA,de même ELSA est contrefait par VALY, AMANDA par le modèle GILET, CARLA est contrefait par AUDE 305. En outre la société ANNE FONTAINE revendique 5 autres modèles : Julie plissé, STELLA, SACHA, LAETITIA, JOA 1974 qui ont également été contrefaits par la société HEDYNA. Tous ces modèles ont été créés par la société ANNE FONTAINE et commercialisés antérieurement à ceux de la société HEDYNA. La styliste est salariée de la société ANNE FONTAINE. Ils sont originaux par des détails de couture qui se remarquent (cols, poignets, tissus contrastés, etc…). Il y a effort créateur incontestable. Aucune antériorité n’est apportée. Sur l’antériorité, toutes les dates de commercialisation de la société HEDYNA sont postérieures à celles de la société ANNE FONTAINE. Il y a volonté délibéré de copier les modèles et le tissu, le style même d’ANNE F est copié. Il y a concurrence déloyale par copie servile de nombreux modèles, de la part d’un professionnel de la mode qui est un concurrent direct, ainsi que par moindre prix, résultant du jeu d’investissement nécessaire puisque HEDYNA copie ANNE F sans bourse délier et reproduit des modèles dans une qualité inférieure. Il a été en outre constaté par huissier que même les vitrines et les publicités sont copiées, de même le type d’étiquettes. La société HEDYNAcherche à parasiter entièrement la société ANNE FONTAINE et a ainsi multiplié son chiffre d’affaires par 5 grâce à ce parasitisme. Sur le préjudice La société ANNE FONTAINE souligne qu’elle engage chaque année 750.000,00 Francs de frais de salaires, 350.000, 00 Francs de collection et 270.000, 00 Francs de publication et promotion, soit 70.000, 00 Francs par modèle. 9 modèles copiés – 630.000, 00 Francs au titre des frais de création. En outre les modèles ont été dévalorisés et vulgarisés par leur répétition en moindre qualité. C’est pourquoi la société ANNE FONTAINE évalue son dommageà 1.500.000, 00 Francs au titre de la contrefaçon. Au moins 1600 piècescontrefaisantes ont été divulguées mais le nombre exact n’est pas connu. La société HEDYNA prospère sur le dos de la société ANNE FONTAINE. La société HEDYNA oppose qu’elle est spécialisée dans la création et la fabrication de chemisiers blancs classiques comme l’exigent les tendances de la mode. La société ANNE FONTAINE tente de se créer un monopole artificiel dans cesecteur du chemisier pour femmes. La société HEDYNA a déposé plainte le24 OCTOBRE 1996 concernant un modèle STELLA, qui constitue une fausse pièce susceptible de tromper le Tribunal sur le débat.

Il faut surseoir à statuer. En outre la société ANNE FONTAINE est irrecevable en l’absence de titularité des droits de création. La société ANNE FONTAINE travaille « à façon » pour d’autres sociétés et s’inspire de leurs modèles. Il y a confusion sur la société demanderesse qui aurait plusieurs sièges sociaux. Il est trèsdifficile de déterminer avec précision quelle est la personne morale qui adiligenté les opérations (sic). Les bulletins de salaire de Madame A devront être rejetés faute de porter le n de RCS de la société ANNE FONTAINE. Sur les modèles C’est la société HEDYNA qui a introduiten 1993 le plissé dans ses modèles en l’incorporant dans diverses parties de ses vêtements. Les différences entre les chemisiers d’ANNE F et d’HEDYNA s’imposent d’elles-mêmes. Certains détails, très nombreux, appartiennent au domaine public. Les modèles revendiqués sont mal déterminés,le modèle STELLA est un faux ; les tissus employés le sont par tous les fabricants de chemisiers. Sur l’agencement des magasins Les concepts dumagasin et du chemisier blanc sont très courants et très répandus, de mêmela décoration florale. Sur l’étiquette ovale HEDYNA utilise une étiquette avec une frise à l’ancienne qui s’inspire des griffes « couture ». Il ya de nombreuses différences avec celle de la société ANNE FONTAINE. Le préjudice causé par une procédure abusive et vexatoire doit être réparé.

DECISION I – SUR LA PROPRIETE, L’ANTERIORITE, L’ORIGINALITE

Ayant examiné les conditions dans lesquelles les modèles de la société ANNEFONTAINE sont créés, dira que la société ANNE FONTAINE est propriétaire deses modèles. Ayant examiné modèle par modèle les dates de commercialisation des chemisiers reprochés par rapport à ceux revendiqués, dira que toutes les dates de la société HEDYNA sont postérieures à celles de la société ANNE FONTAINE et que la société ANNE FONTAINE a, en tous points, l’antériorité. Sur l’originalité Après avoir examiné tous les modèles dira que 7 d’entre eux présentent les caractéristiques de création nécessaires pour être dits originaux. Les 2 qui ne présentent pas ce caractère sont le modèle GILET et le modèle STELLA, chemisiers dont le patronage est banal, sans création particulière dans la forme ou le tissu. Tous les autres seront dits protégeables au titre de la Propriété Intellectuelle. Après comparaison avec les modèles saisis ou achetés de la société HEDYNA, il

apparaitque les modèles HEDYNA sont soit des copies serviles soit d’inspiration directe des modèles d’ANNE F. Il en est de même des photos de vitrine prises par huissier et d’une série de photos publicitaires. La société HEDYNA se situe bien dans le sillage de la société ANNE FONTAINE en copiant ses modèles et son style. Il y a donc contrefaçon pour 7 modèles et parasitisme pour l’ensemble des actions. II – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE

Le fait de vendre des copies serviles à moindre prix, dans une boutique proche de la société ANNE FONTAINE, en ne faisant que suivre le créateur d’un style de vêtement est également un acte de concurrence déloyale aggravé par le fait qu’HEDYNA ne vend que ce genre de chemisiers, n’ayant rien cherché d’autre pour agrandir son activité économique. III – SUR LE PREJUDICE

Attendu que l’importance du pillage justifie une condamnation qui puisse en partie restituer à la société ANNE FONTAINE les investissements faits pour créer et promouvoir ses modèles et l’atteinte à son image sur le marché des chemisiers blancs qui commençait à être bien établie, l’usure provoquée par les copies et le parasitisme faisant prospérer HEDYNA, ne pouvant manquer d’aliéner à la société ANNE FONTAINE une part de clientèle et d’amener un discrédit sur ses créations, Condamnera la société HEDYNA à payer à la société ANNE FONTAINE 1.600.000 F de dommageset intérêts à titre forfaitaire sur toutes les bases de préjudice ensemble, car les dommages et intérêts doivent représenter l’ampleur de la copie etla volonté de prendre une place indue sur le marché en se servant du travail d’un autre, et statuera sur les autres demandes dans le termes ci-après. IV – SUR L’EXECUTION PROVISOIRE

Attendu que le Tribunal l’estime nécessaire, vu la nature de l’affaire, il y a lieu de l’ordonner, sauf sur la publication, sans constitution de garantie à hauteur de 1.000.000, 00 de Francs et avec caution bancaire à hauteur de 600.000, 00 Francs. V – SUR L’ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Attendu que la société ANNE FONTAINE a dû pour faire reconnaitre ses droits exposer des frais, non compris dans les dépens, qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ; Qu’il est justifié de lui allouer, par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une indemnité de 50.000, 00 Francs.

PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort, Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer, la preuve de l’instruction pénale n’étant pas apportée. Dit que la société ANNE FONTAINE est propriétaire de sept modèles revendiqués au titrede la Propriété Intellectuelle. Dit que les neuf modèles, la publicité,les vitrines et les étiquettes sont des actes de parasitisme. Dit que la société HEDYNA, enseigne RAYURE, s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon et de concurrence déloyale. La condamne forfaitairement, vu l’ampleur du parasitisme, à UN MILLION SIX CENT FRANCS de dommages et intérêts afin de compenser le préjudice subi par la société ANNE FONTAINE qui a lancé cette ligne de chemisiers et pouvait espérer rester propriétaire de ses créations et less exploiter librement, soulignant que le pillage d’une multitude des modèles constitue une destruction à moyen terme de la crédibilité du premier créateur, qu’il convient de stopper par des dommages et intérêts dissuasifs. Interdit à la société HEDYNA, enseigne RAYURE, la fabrication ou la vente des neuf modèles de chemisiers contrefaisants VALY, AGNES 520, SACHA, STELLA, JOA 1794, LAETITIA piqué, CARLA, KAREN, ELSA et AMANDA sous astreinte de MILLE FRANCS par infraction constatée. Ordonne la publication dans quatre journaux maximum pour une somme maximum totale de DEUX CENT MILLE FRANCS, sans exécution provisoire. Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires Ordonne l’exécution provisoire, sauf sur la publication, sans constitution de garantie à hauteur de UN MILLION DE FRANCS et avec caution bancaire à hauteur de SIX CENT MILLE FRANCS. Condamne la société HEDYNA, enseigne RAYURE, à payer à la société ANNE FONTAINE la somme de CINQUANTE MILLE FRANCS au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 279, 85 Francs TTC (app. 5, 25 ; aff 42.00 ; émol 184.80 ; TVA 47.80).

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