Tribunal de commerce de Versailles, 10 novembre 2010, n° 2010F01969

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Versailles, 10 nov. 2010, n° 2010F01969
Juridiction : Tribunal de commerce de Versailles
Numéro(s) : 2010F01969

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE COMMERCE

DE VERSAILLES

JUGEMENT DU 10 NOVEMBRE 2010 Décision contradictoire et en premier ressort 1re Chambre

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

N° RG: 2010F01969 STE MAG INDUSTRIES

contre

M. Y G COMMISSAIRE AUX COMPTES TITÜLAIRE DE LA STE MAG INDUSTRIES

[…]

t 0 Nov. 2010 a Ha

CT 7h Dérnonn&

DEMANDEUR

[…] Me C D […] et par Me Richard ESQUIER – […]

DEFENDEURS

M. Y G COMMISSAIRE […] comparant par Me KENBIB de la SCP DELHOMME BREGOU 134 ve […]

M. X F COMMISSAIRE […] comparant par Me E F de la SELARL FOURNIER LA TOURAILLE ET ASSOCIES 2 Passage […]

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats à l’audience publique du 29 Septembre 2010 ont siégé M. André DESRAYAUD, Président de Chambre, M. Luc FRANQUET, Juge et M. G ASSOUAD, Juge assistés de Me Christine MALLET, Greffier d’Audience.

La clôture des débats a été prononcée le même jour pour décision être rendue le 10 Novembre 2010.

Délibéré par les mêmes magistrats , le jugement a été prononcé à l’audience publique du 10 Novembre 2010 par M. André DESRAYAUD Président de Chambre, assisté de Me Sophie GRINGORE, Greffier d’Audience.

Minute signée par M. André DESRAYAUD Président de Chambre et Me Sophie GRINGORE, Greffier d’Audience.

LES FAITS |

La SA MAG INDUSTRIES est une société holding qui détient la majorité des actions composant le capital social de la SAS SOFITEC (96%), de la SAS TECHNI-CONCEPT (96%) et de PLASTICONCEPT (100%).

La SAS SOFITEC exerce depuis 1979 une activité de conception et de commercialisation de produits thermoformés destinés à l’industrie automobile.

Les produits qu’elle conçoit sont fabriqués par la SAS TECHNI-CONCEPT et PLASTICONCEPT, située en SLOVAQUIE, qui les revendent ensuite à la SAS SOFITEC.

La SA MAG INDUSTRIES présente des comptes consolidés depuis l’exercice 2002.

La SA MAG INDUSTRIES dispose depuis lors de deux Commissaires aux Comptes titulaires

— - M. G Y qui était déjà en fonctions en 2002 et qui, suivant mandat donné par l’Assemblée Générale ordinaire du 30 j yum 2003, a été renouvelé pour une nouvelle période de six exercices, soit jusqu’à l’Assemblée appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2008.

Mme H I a été renouvelée en qualité de Commissaire aux Comptes suppléant de la SA MAG INDUSTRIES.

— - M. F X qui, suivant mandat donné par l’Assemblée Générale ordinaire du 20 décembre 2002, a été nouvellement désigné en qualité de Co- Commissaire aux Compte? pour une période de six exercices, soit jusqu’à l’Assemblée Générale qui a statué sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2007 Aux termes de l’Assemblée Générale mixte du 30 juin 2008, le mandat de M. X a été renouvelé pour la durée légale de six: ans, soit jusqu’à l’Assemblée appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2013. .

M. J K (Société EXAFI AUDIT & CONSEILS) a été désigné en qualité de Commissaire aux Comptes suppléant de la SA MAG INDUSTRIES. M. L était responsable comptable et administratif pour l’ensemble des Sociétés du Groupe, à l’exception de PLASTICONCEPT Le 17 mars 2009, M. L a révélé aux dirigeants du Groupe des faits de cavalerie. Depuis le milieu de l’année 2006, ÎA L a transmis aux principales banques du Groupe, la BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE – BPVF et la SOCIETE GENERALE, des bordereaux de LCR et des actes de cession de créances qui faisaient état de créances fictives que la SAS SOFITEC aurait détenu sur PCA. Les banques concernées escomptaient ces créances fictives. Quelques jours avant l’échéance des effets fictifs, M. L adressait aux banques de nouveaux bordereaux de LCR faisant état d’effets tout aussi fictifs, destinés à couvrir le retour des effets impayés, ainsi que le trou de trésorerie qui n’aurait pas manqué d’être révélé à la suite des rejets des précédents effets. Lesdites révélations ont conduit les dirigeants du Groupe à :

— - Licencier M. L,

— - Déposer une plainte pénale,

— Faire réaliser un audit cômptable et financier par un cabinet d’expertise (FRANCE CONSULTANTSD

— - Informer les banques et les commissaires aux comptes.

Les investigations réalisées par lelCabinet ont mis en évidence que la trésorerie issue des manipulations frauduleuses a été principalement utilisée afin de masquer les pertes de la SAS TECHNI-CONCEPT, selon le schéma suivant :

— - L’escompte par les banques créait un excédent de trésorerie dans les comptes de la SAS SOFITEC ainsi qu’une dette vis-à-vis des banques puisqu’à l’échéance, celle-ci devait rembourser les banques,

' \ t

— L’excédent de trésorerie était transféré à la SAS TECHNI-CONCEPT par le biais d’une surfacturation qui générait une charge à la SAS SOFITEC, – - La charge était éliminée par le débit du compte « Effets à l’encaissement ». A la découverte de ces agissements, les banques ont demandé à la SAS SOFITEC de combler le découvert en compte résultant, soit environ 7,5 millions d’euros. La SAS SOFITECG, puis la SAS TECHNI-CONCEPT ont sollicité et obtenu l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Il incomberait à MM. Y et X de procéder à la certification des comptes sociaux consolidés pour l’exercice 2008.

Les dirigeants de la SA MAG INDUSTRIES ont estimé que la mise en lumière de ces fautes leur interdisait de maintenir la confiance accordée à MM. Y et X. MM. Y et X ayant refusé de démissionner de leur mandat, c’est dans ces conditions que la SA MAG INDUSTRIES sollicite du Tribunal de céans le relèvement judiciaire de MM. Y et X de leurs fonctions de Commissaire aux Comptes, et ce, à effet immédiat et pour la durée restant à courir des mandats respectifs.

D’où l’instance.

LA PROCEDURE ET LES DEMANDES DES PARTIES

Par actes signifiés en date du 29 mars 2010, la SA MAG INDUSRIES a assigné en la forme des référés M. G Y et à M. F X, pris en leur qualité de Commissaires aux Comptes titulaires de la SA MAG INDUSTRIES d’avoir à comparaître le 14 avril 2010 devant le Tribunal de céans en demandant à celui-ci de

Vu les articles L 823-7 et R 823-5 du Code de commerce,

Relever immédiatement M. G Y et M. F X de leurs fonctions de Commissaires aux Comptes titulaires de la SA MAG INDUSTRIES.

Dire que M. G Y sera remplacé pour la durée du mandat de Commissaire aux Comptes restant à courir, c’est-à-dire jusqu’à l’assemblée qui sera appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2008, par Mme H I, Commissaire aux Comptes suppléant.

Dire que M. F X sera remplacé pour la durée du mandat de Commissaire aux Comptes restant à courir, c’est-à-dire jusqu’à l’assemblée qui sera appelée à

statuer sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2013, par M. J K (Société EXAFI AUDIT & CONSEILS), Commissaire aux Comptes suppléant.

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir

Condamner M. G Y et M. F X in solidum à payer à la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

Condamner M. G Y et M. F X in solidum aux dépens.

Par conclusions reçues au Greffe du Tribunal le 6 juillet 2010, M. G Y, Commissaire aux Comptes a demandé au Tribunal de .

Vu les articles L 823-7 et R 823-5 du Code de commerce, Vu les pièces versées aux débats,

W)

Constater qu’il ne peut être imputé aucune faute à M. G Y de nature à entraîner son relèvement.

Constater que la demanderesse ne démontre pas l’existence d’un péril. En conséquence, Dire que l’action en relèvement ne saurait aboutir

Condamner la SA MAG INDUSTRIES à la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC.

Par conclusions récapitulatives n°2 reçues au Greffe du Tribunal le 17 septembre 2010, M. F X, Commissaire aux Comptes, a demandé au Tribunal de

Vu les dispositions de l’article L 823-7 du Code de Commerce, Vu les dispositions de l’article R 823-5 du Code de Commerce,

Constater que la SA MAG INDUSTRIES ne rapporte pas la preuve de la faute commise par M. F X dans l’exercice de ses fonctions de Commissaire aux Comptes titulaire de la SA MAG INDUSTRIES.

En conséquence,

| Débouter la SA MAG INDUSTJRIES de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Condamner la SA MAG INDUSTRIES au paiement de la somme de 2 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC.

Condamner la SA MAG INDUSTRIES aux dépens.

Par conclusions déposées pour: la plaidoirie collégiale le 29 septembre 2010, la SA MAG INDUSTRIES a demandé au Tribunal de

Vu les articles L 823-7 et R 823-5 du Code de commerce,

Constater que MM. Y et X ont commis des fautes dans l’exercice de leur mission de Commissaires aux Comptes titulaires de la SA MAG INDUSTRIES au titre des exercices clos le 31 décembreT2006 et le 31 décembre 2007

| Relever immédiatement MM. Y et X de leurs fonctions de Commissaires aux Comptes titulaire de la SA MAG INDUSTRIES.

Dire que M. G Y sera remplacé pour la durée du mandat de Commissaire aux Comptes restant à courir, c’est-à-dire jusqu’à l’assemblée qui sera appelée à statuer sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2008, par Mme H I, Commissaire aux Ccî’amptes suppléant.

Dire que M. F X sera remplacé pour la durée du mandat de Commissaire aux Comptes restant à courir, c’est-à-dire jusqu’à l’assemblée qui sera appelée à statuer sur les comptes de l’exerciçe clos le 31 décembre 2013, par M. J K (Société EXAFI AUDIT & CONSEILS), Commissaire aux Comptes suppléant.

Ordonner l’exécution provisoire de La décision à intervenir

Condamner M. G Y et M. F X in solidum à payer à la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

Condamner M. G Y et M. F X in solidum aux dépens.

Les parties, toutes présentes, ont plaidé devant le Tribunal en formation collégiale à l’audience du 29 septembre 2010. En préalable à leurs plaidoiries, les parties ont déclaré que leurs dernières conclusions reprennent l’ensemble de leurs demandes et argumentations.

A l’issue des plaidoiries, le Tribunal a prononcé la clôture des débats, désigné un Juge rapporteur et mis l’affaire en délibéré.

ARGUMENTS ET MOYENS DES PARTIES

MAG INDUSTRIES rappelle la mission du commissaire aux comptes en se fondant sur les dispositions de l’article L 823-10 du Code de commerce. Le commissaire aux comptes est investi d’une mission de surveillance et de certification des comptes.

MAG INDUSTRIES précise que, lorsque deux commissaires aux comptes titulaires sont désignés, il appartient à ceux-ci de se livrer « ensemble à un examen contradictoire des conditions et des modalités d’établissement des comptes », en vertu des dispositions de l’article L 823-15 du Code de commerce. Ils remplissent la même mission et sont co-responsables des tâches effectuées.

Se fondant sur les dispositions des articles L 823-7 et R 823-5 du Code de commerce, MAG INDUSTRIES poursuit qu’en cas de faute commise par le commissaire aux comptes, la sanction immédiate est le relèvement de ses fonctions. Cette sanction est justifiée dès lors que ce dernier a commis une faute simple de nature à détruire la confiance placée en lui en tant que juge des comptes. Lorsque la faute est une inaction, elle s’apprécie au regard des diligences qu’un professionnel normalement compétent et diligent aurait accomplies.

MAG INDUSTRIES soutient que le relèvement des fonctions est ordonné, en l’absence de toute mauvaise foi, dans le cas où le commissaire aux comptes .

— - A effectué des investigations trop superficielles qui ne lui ont pas permis de mettre à jour des anomalies comptables qu’un praticien averti aurait dû découvrir,

— S’est abstenu de procéder aux contrôles nécessaires à l’identification d’écritures irrégulières qui ne devaient pas échapper à sa vigilance,

— A omis de procéder aux vérifications complémentaires que devaient lui suggérer d’importants écarts constatés sur un compte fournisseur, dus à des détournements au préjudice de la société contrôlée.

La négligence et/ou l’intervention lacunaire du commissaire aux comptes entraînent une perte de confiance qui justifie que ce dernier soit relevé de ses fonctions.

MAG INDUSTRIES expose que durant toute la période des agissements frauduleux de M. L, de juillet 2006 à mars 2009, les comptes sociaux de SOFITEC et de TECHNI-CONCEPT examinés par M. Y, soit les comptes des exercices 2006 et 2007, ont fait l’objet d’une certification sans réserve de leur part. La découverte de ces agissements a fait apparaître que ces comptes ne donnaient pas une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, ni de la situation financière de cette société ou du groupe. Cette réalité n’est pas contestée.

MAG INDUSTRIES affirme que MM. Y et X auraient dû découvrir les anomalies affectant les comptes de MAG INDUSTRIES ainsi que les comptes consolidés du groupe, s’ils avaient effectué les contrôles relevant de leur mission. Tel n’a pas été le cas, et de nombreuses fautes leur incombent %{

1/ MM. Y et X n’oLt pas vérifié la cohérence du compte « Achats de marchandises » de SOFITEC avec le compte « Vente de marchandises » de TECHNI- CONCEPT

TECHNI-CONCEPT vendait la totalité de sa production à SOFITEC laquelle se fournissait essentiellement auprès de TECHNI-CONCEPT

MM. Y et X auraient dû procéder à la réconciliation du chiffre d’affaires de l’une (TECHNI-CONCEPT) avec les achats de l’autre (SOFITEC), ce qu’ils n’ont manifestement pas fait.

Il leur incombait, dans le cadre de la validation de la liasse des comptes consolidés, de valider les écritures d’élimination entre achats effectués par SOFITEC auprès de TECHNI-CONCEPT et les venr{es corrélatives effectuées par cette dernière à SOFITEC. !

Le rapport d’audit de la Société FRANCE CONSULTANTS mentionne un montant d'« achat de marchandises » de SOFITEC à hauteur de 12 995 950 €, à comparer aux ventes de TECHNI-CONCEPT à h’auteur de 15 548 839 €.

Ils étaient donc en mesure de découvrir ces anomalies.

MM. Y et X ayant c’prtîfié sans réserve les comptes consolidés de MAG INDUSTRIES pour les exercices 2006 et 2007, cette dernière affirme qu’ils ont commis une faute.

2/ MM. Y et X ont fait preuve d’incurie aggravée dans l’exercice de leur mission

MM. Y et X ne faisaient qu’entériner les comptes qui leur étaient soumis par M. L, en se limitant à un examen superficiel de quelques soldes comptables, sans procéder aux diligences minimales que leurs missions exigeaient. Ainsi, l’écart entre le compte 60 7q00 « achats de marchandises » chez SOFITEC et le compte 70 1000 « vente de marchandises » chez TECHNI-CONCEPT n’a fait l’objet d’aucune réserve ou interrogation.{1

Concernant les justifications aèpoflées par MM. Y et X, MAG INDUSTRIES affirme qu’elles sont dénuées de pertinence.

MAG INDUSTRIES soutient que M. Y ne peut pas prétendre que les manipulations opérées par M. L pour masquer ses agissements auraient rendu la fraude insoupçonnable malgré les contrôles d’usage auxquels il déclare avoir procédé.

MAG INDUSTRIES souligne que plusieurs anomalies graves – motifs explicites des causes de rejet des effets lisibles sur les relevés bancaires remis dans le cadre des opérations d’audit, montant exorbitant des effets fictifs rejetés, montant des effets remis à l’encaissement supérieur| au chiffre d’affaires, existence de nombreux effets escomptés revenus impayés, distorsion entre les ventes de TECHNI-CONCEPT et les achats de SOFITEC, surfacturation des achats de SOFITEC -.- apparaissent à « l’œil nu» dans les documents qui ont été soumis à l’appréciation des commissaires aux comptes. Le rapport d’audit démontre que MM. Y et X disposaient de l’information, mais ils n’ont rien vu, rien contrôlé.

Ces négligences ont eu pour conséquence que tant MAG INDUSTRIES que les tiers, se sont fondés sur une situation comptable de cette société qui ne traduisait pas une image fidèle des comptes et de la situation financière de cette société. De tels manquements ne permettent plus à MAG INDUSTRIES de maintenir la confiance qu’elle avait initialement accordée à MM. Y et X

MAG INDUSTRIES ajoute que les fautes commises par MM. Y et X se rattachent à l’exercice de leurs Ènctions de commissaires aux comptes de MAG INDUSTRIES, et eu égard aux fautes qu’ils ont commises et à leur caractère répété sur plusieurs années, ils ne pem+vent prétendre pouvoir continuer à exercer leurs

fonctions. ' Ÿ

Ils ajoutent que M. Y leur reproche de ne pas caractériser ce qui pourrait être concrètement le péril en l’espèce. Or, la démonstration d’un péril n’est pas requise par l’article L 823-7 du Code de commerce au titre des conditions nécessaires à l’action en relèvement, seule la démonstration d’une faute étant exigée.

M. Y réplique que le commissaire aux comptes certifie les comptes de la société et cette mission nécessite son maintien en fonction dans la durée. C’est pour garantir l’indépendance du professionnel que le relèvement doit correspondre à l’impossibilité de poursuivre la mission du fait °

— d’une faute volontaire,

— d’une incurie.

Seule peut justifier le relèvement, la faute commise de mauvaise foi ou celle qui révèle soit un manquement délibéré du commissaire aux comptes aux obligations tant légales que réglementaires ou déontologiques régissant la profession, soit son incurie.

M. Y rappelle son absence de participation à la fraude. En effet, afin de masquer les pertes de TECHNI-CONCEPT, M. L émettait au nom de SOFITEC de faux bordereaux de remises en banque d’effets de commerce pour les présenter à l’escompte. Ces opérations étaient effectuées par ses soins, alors qu’il ne détenait pas la signature bancaire, et il pratiquait également une surfacturation au profit de TECHNI-CONCEPT Afin de masquer ses manœuvres, M. L procédait aux soldes des comptes et produisait deux jeux d’éditions comptables différents. Le montage était d’une telle sophistication que seuls les aveux de ce dernier ont permis de le déceler.

M. Y affirme que la fraude n’était pas détectable dans le cadre de diligences normales du commissaire aux comptes, telles qu’elles sont prévues par les Normes d’Exercice Professionnel (NEP), puisque les soldes en fin d’exercice étaient tous justifiés.

M. Y rappelle que le commissaire aux comptes n’est tenu qu’à une obligation de moyens et que la certification des comptes n’est jamais un gage absolu de l’absence de détournements ou de fraudes.

M. Y affirme que la demande exprimée est insuffisante à remplir les conditions légales du relèvement.

M. Y répond ensuite aux griefs formulés par la demanderesse, en l’occurrence la vérification de la cohérence des comptes achats SOFITEC / ventes TECHNI- CONCEPT

M. Y explique que dans le grand livre du compte 607, les écritures de maquillage ne sont pas décelables et ce grand livre ne présentait aucune anomalie. M. L est parvenu à manipuler le logiciel comptable SAGE et a réussi à produire deux jeux d’édition comptables différents.

M. Y ajoute que le compte fournisseur TECHNI-CONCEPT ne comportait aucune anomalie puisque ni la fraude, ni son maquillage ne transitaient par ce compte. Par ailleurs, outre le fait que les comptes consolidés étaient établis par un expert- comptable depuis 2002, il est patent que le compte 607 tenu chez SOFITEC enregistrait les achats auprès de TECHNI-CONCEPT mais aussi les achats auprès d’autres fournisseurs : la réciprocité n’apparaissait pas en ligne directe. C’est M. L qui se chargeait d’établir les tableaux de cadrage. Dès lors que la réciprocité au niveau des comptes tiers (fournisseur TECHNI-CONCEPT / client SOFITEC) était vérifiée et que le cadrage était bien établi, M. Y soutient qu’il n’avait aucune raison de pousser plus loin les investigations.

M. Y conclut que la preuve d’une faute particulière en relèvement n’étant pas établie par la demanderesse son action ne saurait prospérer. Les seuls faits allégués sont insuffisants pour empêcher la continuation de la mission et former la faute invalidante qui seule aurait ici un intérêt, étant rappelé que la certification des comptes n’est pas un gage absolu de l’absence de détournements ou de fraudes.

Il n’est démontré ni intention de nuùire à la société contrôlée, ni manquement au devoir de contrôle et de vigilance. Le prétendu manque de confiance à l’égard de M. Y, commissaire aux comptes depuis 31 ans de SOFITEC et depuis plus de vingt ans de TECHNI-CONCEPT est inopérant au regard de l’exigence de motifs objectifs. Au-delà des arguments finvoqués, la réalité est qu’aucun péril dû à l’incurie notoire du commissaire aux comptes ne peut être relevé, alors que ce serait la seule raison qui pourrait conduire à faire exception, par un relèvement nécessaire, à l’intangibilité de la durée de cette mission légale de certification.

M. X réplique à son tour que les commissaires aux comptes sont tenus à une obligation de moyens et non de résultats, et qu’ils sont nommés pour six exercices. M. X poursuit que la démonstration d’une faute doit être apportée à l’appui de toute demande de relèvement de fonction de commissaire aux comptes. Il ajoute que selon MAG INDUSTRIES apparaissaient dans ses comptes de nombreuses anomalies qui auraieq’t dû alerter les commissaires aux comptes – - Les opérations de surfacturration de TECHNI-CONCEPT à l’égard de SOFITEC, qui nécessitaient en fin d’exercice, la constitution d’écritures d’avoirs dans les comptes de SOFITEC ou de diminution des achats pour plusieurs millions, – - Les écarts entre les achats de SOFITEC et les ventes de TECHNI-CONCEPT, qu’un rapprochement aurait révélé. Mais il apparaît que la réalité des c!hoses est très éloignée de l’argumentaire développé par MAG INDUSTRIES. . En premier lieu, M. X n’est co-commissaire aux comptes que de MAG INDUSTRIES. Cette dernière étant une holding, la mission de M. X est de procéder à la certification des comptes consolidés de cette société uniquement. En deuxième lieu, M. X devait valider – - Le périmètre de consolidation, Les règles et les méthodes validées par le groupe, Le retraitement et l’élimination des opérations réciproques identifiées, Le passage des comptes inbividuels aux comptes consolidés, – - L’état financier consolidé. La mission de M. X consisté en une reprise des comptes individuels des entités consolidées. . Contrairement aux affirmations de MAG INDUSTRIES, M. X affirme que la NEP- 100 applicable en l’espèce, préconise : « En fonction de son appréciation des travaux réalisés par les autres commissaires aux comptes et des conclusions auxquelles ces derniers ont abouti, chaque commissaire aux comptes détermine s’il convient de mettre en œuvre des procédures supplémentaires ». En l’espèce, il apparaît que M. Y commissaire aux comptes de SOFITEC et de TECHNI-CONCEPT a réalisé ses diligences, qu’il a ensuite rendu compte à M. X, et qu’aucune anomalie n’est apparue. M. X affirme qu’il n’a jamais été en possession des éléments qui lui auraient permis de découvrir les agissements frauduleux par M. L. En troisième lieu, M. X s’étonne des termes du rapport d’audit non signé et non contradictoire qui énonce « M. X aurait lui aussi dû procéder à l’occasion de la certification des comptes consolidés à ce rapprochement des comptes ». M. X souligne que ce travail a été effectué sur la base des éléments fournis par M. Z, expert comptable chargé de l’établissement des comptes consolidés, depuis 2002. En quatrième lieu, M. X soutient que sur le grand livre du compte 607 les écritures de maquillage réalisées |par M. L n’apparaissent pas. De toute évidence, M. L a réussi à produire deux jeux d’éditions comptables. M. X ajoute qu’il semble que M. Y, intervenant pour SOFITEC et TECHNI-CONCEPT, n’ait jamais eu en main les éléments qui lui auraient permis de découvrir quoi que ce soit, et dans son cas, intervenant en bout de chaîne il se trouvait dans l’impossibilité de découvrir les anomalies. &

En cinquième lieu, M. X expose que dans sa lettre de mission du 28 mai 2006, il est précisé qu’il revient aux organes de direction de définir, de mettre en œuvre et de superviser un système de contrôle interne approprié. En l’espèce, il semble qu’aucun contrôle n’ait été mis en place, et que M. L ait eu, pendant plusieurs années tous pouvoirs au sein des différentes sociétés.

M. X affirme que le moindre commencement de preuve de la prétendue faute qu’il aurait pu commettre n’est pas démontré.

Il demande donc que MAG INDUSTRIES soit déboutée de l’ensemble de ses demandes.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale Attendu que MAG INDUSTRIES affirme que MM. Y et X ont commis de

nombreuses fautes dans l’exercice de leurs missions de Commissaires aux Comptes titulaires de MAG INDUSTRIES au titre des exercices clos le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2007 , qu’à ce titre, elle sollicite qu’ils soient relevés immédiatement de leurs fonctions de Commissaires aux Comptes titulaires de la dite Société , que la demande est faite au visa de l’article L 823-7 du Code de commerce qui dispose :

« En cas de faute ou d’empêchement, les commissaires aux comptes peuvent, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, être relevés de leurs fonctions avant l’expiration normale de celles-ci, sur décision de justice, à la demande de l’organe collégial chargé de l’administration, de l’organe chargé de la direction, d’un ou plusieurs actionnaires ou associés représentant au moins 5% du capital social, » ,

Attendu que le commissaire aux comptes certifie les comptes de la société et que cette mission, principalement vis-à-vis des tiers, nécessite son maintien en fonction dans la durée , que l’efficacité du contrôle légal suppose donc que le commissaire aux comptes puisse intervenir sur une période suffisamment longue , que c’est en raison de la nécessaire protection de l’indépendance du commissaire aux comptes que le relèvement de fonction n’est pas à discrétion et ne peut être envisagé qu’à titre exceptionnel, au regard du danger qu’il y aurait pour la société à le laisser continuer sa mission , que c’est pour garantir l’indépendance du professionnel que le relèvement doit donc correspondre à l’impossibilité de poursuivre la mission du fait d’une faute volontaire ou d’une incurie ;

Attendu qu’une faute simple, réalisée sans mauvaise foi, s’avère insuffisante pour ordonner la relève du commissaire aux comptes qui en est l’auteur ; que seule peut justifier le relèvement, la faute commise de mauvaise foi ou celle qui révèle un manquement délibéré du commissaire aux comptes aux obligations tant légales que réglementaires ou déontologiques régissant sa profession, soit son incurie , que l’incurie est un manque total de soin ou d’application dans l’exercice d’une fonction ou dans l’exécution d’une tâche, qu’il s’agit d’une négligence grave ,

Attendu que la faute justifiant le relèvement de fonctions doit présenter des caractères particuliers qui la distinguent de la faute simple qui engage la responsabilité civile professionnelle , que les erreurs d’appréciation commises, exclusives de mauvaise foi, ne constituent pas une faute justifiant le relèvement ,

Attendu le commissaire aux comptes n’est tenu qu’à une obligation de moyens , qu’il ne peut obtenir, aux termes de ses travaux, qu’une assurance raisonnable que les comptes pris dans leur ensemble ne comportent pas d’anomalies significatives ; qu’il ne peut en raison des moyens limités dont il dispose, offrir à ceux qu’il a mission d’informer la certitude absolue que tout est parfaitement correct dans le fonctionnement de la société et en particulier que toutes les opérations comptables

sont exactes ; 97

|

Attendu qu’il sera rappelé qu’il revient aux organes de direction de la société de définir, de mettre en œuvre et de superviser un système de contrôle interne approprié, ainsi que de mettre en place des mesures de sauvegarde des actifs, de préventions et de détection des irrégularités et des fraudes ; que la direction de la société est donc responsable de la mise en œuvre desdites mesures, que la Norme d’Exercice Professionnel (NEP) régissant la profession de commissaires aux comptes n’impose pas à ceux-ci de mettre en place des procédures de contrôle destinées à détecter la fraude, puisque cette mission est dévolue à la direction de l’entreprise , que le commissaire aux comptes ne saurŸit être tenu responsable de plein droit de toutes les irrégularités commises dans la société qu’il contrôle ,

Attendu que le sujet au fond n’est |pas de savoir si le commissaire aux comptes a été, comme les dirigeants, trompé mais de savoir s’il a fait des diligences normées, lui permettant de certifier les comptes, par le biais d’une assurance raisonnable grâce à des sondages , que le commissaire aux comptes est dans l’impossibilité de tout contrôler , que c’est la raison pour laquelle sa démarche repose sur une sélection des diligences à mettre en œuvre en fonction des risques et selon une méthode de sondage , que selon les normes pËofessionnelles, le commissaire aux comptes adapte ses contrôles selon l’approche desrisques ,

aux comptes de MAG INDUSTRIES , qu’ils effectuaient leurs missions sur la base des éléments fournis par M. Z, expert comptable chargé de l’établissement des comptes consolidés de MAG INDUSTRIES depuis l’année 2002 , qu’il n’y avait donc pas lieu de mettre en place un contrôle renforcé , que leurs missions consistaient principalement en la reprise des comptes individuels des entités consolidées et à la vérification de la cohérence d’ensemble des comptes consolidés ,

Attendu que MM. Y et A sont intervenus en tant que co-commissaires

Attendu qu’il n’est pas contestafi?le que les commissaires aux comptes ont bien effectués les diligences normées, en ce sens qu’ils ont validé – - Le périmètre de consolidation, Les règles et les méthodes comptables arrêtées par le Groupe, Le retraitement et les éliminations des opérations réciproques identifiées, Le passage des comptes inHividuels aux comptes consolidés, Le bilan et le compte de résultat consolidés ,

Attendu que MAG INDUSTRIES fait, en premier lieu, grief aux commissaires aux comptes de n’avoir pas vérifié la cohérence des comptes achats SOFITEC / ventes TÉECNI-CONCEPT , Mais attendu que dans le grand livre du compte 607, remis aux commissaires aux comptes les écritures de maquillage n’étaient pas décelables et que ce grand livre ne présentait aucune anomalie , que | M. L avait réussi à produire deux jeux d’éditions comptables différents , que le compte fournisseur TECHNI-CONCEPT ne comportait aucune anomalie puisqve ni la fraude, ni son maquillage ne transitait par ce compte ; que le compte 607 tenu chez SOFITEC enregistrait les achats auprès de TECHNI-CONCEPT mais aussi les achats auprès d’autres fournisseurs la réciprocité n’apparaissait pas en ligne directe |; que c’est M. L qui se chargeait d’établir les tableaux de cadrage ; que dès lors que la réciprocité au niveau des comptes tiers (fournisseur TECHNI-CONCEPT / client SOFITEC) était vérifiée et que le cadrage était bien établi, les commissaires aux comptes n’avaient aucune raison de pousser plus loin leurs investigations ; '

Attendu que MAG INDUSTRIES (fait, en second lieu, grief aux commissaires aux comptes de n’avoir pas effectué d’analyse des comptes bancaires ;

Mais que la demanderesse ne peut sérieusement soutenir que les rapprochements bancaires n’ont pas été effectués, qu’en effet sont versés aux débats les documents établissant que lesdits rapprochements ont été effectués sur l’exercice 2007 , qu’il apparaît que le dénouement des sommes en rapprochement a été étudié et que ces rapprochements ne permettent pas de déceler des anomalies puisqu’ils n’ont pas été affectés par les manœuvres de M. L ; que les liquidités en comptabilité et celles annoncées par les banques étaient concordantes, que M. L maquillait les opérations comptables et qu’il opérait de telle sorte que les commissaires aux comptes, bien que procédant à la technique de rapprochement de banque ne pouvaient être incités à aller au-delà puisque le relevé bancaire de fin de mois ne les faisait pas apparaître ,

Attendu que les analyses approfondies ne sont pas, contrairement à ce que soutient MAG INDUSTRIES, une règle élémentaire de la démarche d’audit, mais des diligences fonction des risques constatés ,

Attendu que, dans les Sociétés contrôlées, aucun élément ne justifiait une vérification spécifique des relevés bancaires puisque la procédure de contrôle interne telle qu’auditée apparaissait suffisant et jugée sans risque , que la procédure de trésorerie avait été auditée et jugée sans risque ; que, d’une part, celle-ci était suivie personnellement par Mme B, Présidente de SOFITEC et supérieure hiérarchique directe de M. L, seule titulaire de la signature tel que cela ressort du Manuel Qualité de SOFITEC et des circularisations auprès des banques , qu’à juste titre, il avait été considéré que les risques étaient limités car M. L était supervisé directement par Mme B , que d’autre part, il était difficilement envisageable de concevoir que la BPROP serait défaillante, à ce point, dans ses propres contrôles et continuerait à accepter pendant plus de deux ans des effets à l’encaissement, non revêtus d’une signature, sans la moindre vérification ,

Attendu que de ce qui précède, le manque de confiance allégué à l’égard des commissaires aux comptes est inopérant au regard de l’exigence de motifs objectifs , qu’il est démontré ni l’intention de nuire, ni un manquement délibéré de ceux-ci aux obligations tant légales que réglementaires ou déontologiques régissant la profession de commissaire aux comptes , qu’aucun péril dû à l’incurie notoire alléguée à l’encontre des commissaires aux comptes ne peut être relevé, alors que ce serait la seule raison qui pourrait conduire à faire exception, par un relèvement nécessaire, à l’intangibilité de la durée de la mission légale de certification ,

Attendu qu’en conséquence, le Tribunal déboutera MAG INDUSTRIES de sa demande de relèvement judiciaire de M. Y et de M. X, commissaires aux comptes titulaires de MAG INDUSTRIES ;

Sur l’application de l’article 700 du CPC Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Y et de M. X

la totalité des frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer pour faire valoir leur cause en justice, que le Tribunal condamnera la SA MAG INDUSTRIES à payer à M. Y et à M. X la somme de 1 500 €, à chacun, au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ;

Sur l’exécution provisoire Attendu que le Tribunal, statuant en la forme des référés, rappelera que l’exécution provisoire est de droit ;

Sur les dépens Attendu que les dépens seront mis à la charge de la SA MAG INDUSTRIES qui

succombera en l’instance. . ÿ (D

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL |

Déboute la SA MAG INDUSTRIEÎS de sa demande de relèvement judiciaire de M. G Y et de M. F X, commissaires aux comptes titulaires de la SA MAG INDUSTRIES.

Condamne la SA MAG INDUSTRIES à payer à M. G Y et à M. F X la somme de mille cinq cents euros (1 500 €), à chacun, au titre des dispositions de l’article 700 du CPG.

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

Condamne la SA MAG INDUSTRIES à payer les dépens, dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de quatre vith treize euros vingt neuf centimes (93,29 € TTC).

[…],

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Tribunal de commerce de Versailles, 10 novembre 2010, n° 2010F01969