Tribunal de grande instance de Lyon, Ordonnance de référé, 21 décembre 2015, n° 15/08319

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Sur la décision

Référence :
TGI Lyon, ord. de référé, 21 déc. 2015, n° 15/08319
Juridiction : Tribunal de grande instance de Lyon
Numéro(s) : 15/08319

Sur les parties

Texte intégral

MINUTE N° :

ORDONNANCE DU : 21 Décembre 2015

DOSSIER N° : 2015/08319

AFFAIRE : S.A.S. DHL INTERNATIONAL EXPRESS, Y Z C/ Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail -CHSCT- de l’établissement CS LYON de la S.A.S. DHL INTERNATIONAL EXPRESS

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LYON

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

PRÉSIDENT : Monsieur Georges PEGEON, Vice-Président

GREFFIER : Madame C D

PARTIES :

DEMANDEURS

La S.A.S. DHL INTERNATIONAL EXPRESS,

dont le siège social est sis […]

en son établissement situé Tour Part-Dieu 129 rue Servient à […],

représentée par Maître E F-G, avocat au barreau de LYON

Monsieur Y Z,

président du CHSCT de l’établissement CS LYON de la S.A.S. DHL INTERNATIONEL EXPRESS,

demeurant Tour Part-Dieu – 129 rue Servient à […]

représenté par Maître E F-G, avocat au barreau de LYON

DEFENDEUR

Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail -CHSCT- de l’établissement CS LYON de la S.A.S. DHL INTERNATIONAL EXPRESS,

dont le siège social est sis Tour Part-Dieu – 129 rue Servient à […]

pris en la personne de son secrétaire Madame A B,

représenté par Maître Jean-Michel PENIN, avocat au barreau de LYON

Débats tenus à l’audience du 23 novembre 2015

Notification le

à :

Maître E F-G de la S.C.P. FROMONT BRIENS – 727,

Me Jean-Michel PENIN – 565

FAITS, PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant acte d’huissier du 9 juillet 2015, la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS et Monsieur Y Z, ès-qualités de président du CHSCT de l’établissement CS Lyon de la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS, ont fait assigner en la forme des référés le CHSCT de l’établissement CS Lyon de la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS pris en la personne de sa secrétaire Madame A B sur le fondement des articles L 4614-12 et L 4614-13 du code du travail aux fins de :

— contester l’expertise sollicitée par le CHSCT dans sa délibération prise à l’issue de sa réunion du 19 mai 2015,

— annuler la dite délibération,

— constater l’abus du CHSCT dans sa désignation du cabinet X,

— laisser à la charge du CHSCT les frais d’avocats exposés pour sa défense.

Il est exposé que le CHSCT de l’établissement CS Lyon de la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS a tenu une réunion ordinaire le 6 novembre 2015, dont l’ordre du jour était notamment : “Vote d’une motion concernant une demande d’expertise sur les risques psychosociaux du Service Clients” .

Les membres du CHSCT ont alors voté la résolution suivante :

Des témoignages des salariés auprès des membres du CHSCT laissent appréhender :

Les membres du CHSCT ont au cours de leurs différentes enquêtes menées dans le cadre de leurs prérogatives définies à l’article L 4612-1 du code du travail, relevé un certain nombre d’indicateurs laissant apercevoir l’émergence d’un risque grave lié à des facteurs psychosociaux

En particulier des témoignages des salariés auprès des membres du CHSCT laissent appréhender :

- une évolution permanente de la charge de travail due aux différentes évolutions de l’organisation et des moyens mis en oeuvre,

- une perte partielle de l’autonomie au travail due à l’évolution du mode d’organisation et planification des activités,

- un soutien spécial parfois défaillant pour les différents salariés,

- une reconnaissance au travail parfois défaillante,

- un management déstabilisé ou déstabilisant,

- absentéisme,

- augmentation anormale du nombre de visites à la médecine du travail, hors visites obligatoires, faisant état d’une dégradation physique et/ou psychologique de la santé des salariés,

- différents témoignages et plaintes des salariés,

- événements graves : dépression, inaptitude,

- entrave au fonctionnement des représentants du personnel FO.

Les membres du CHSCT faisant le constat de ce risque grave lié à des souffrances au travail décident de recourir à l’assistance d’un expert afin de déceler, d’analyser les sources de ces risques psychosociaux et de favoriser la mise à jour de propositions de mesure de prévention.”

L’expert agréé choisi est le cabinet X.

“La mission de l’expert aura pour objet :

L’analyse détaillée des situations de travail et des causes des incidents répétés ayant révélé un risque grave pour la santé mentale et physique au travail,

L’information adaptée du CHSCT en matière de prévention des risques psychosociaux,

D’apporter l’aide au CHSCT pour formuler des propositions de mesures curatives et de prévention en matière de santé au travail et de sécurité, ainsi que toutes autre initiatives permettant d’éclairer le CHSCT sur les particularités de ces situations de travail

D’obtenir des informations sur la diffusion du questionnaire qui devait être distribué à l’ensemble des salariés”.

À l’issue de ce vote, Monsieur Y Z Président du CHSCT a indiqué au membres du CHSCT qu’il contestait les risques invoqués et s’étonnait que les membres du CHSCT aient refusé la présence à la réunion du 19 mai 2015 de la directrice des ressources humaines, personne la plus compétente pour leur apporter des réponses sur les risques invoqués.

La SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESSsoutient que la délibération du CHSCT de l’établissement CS Lyon n’entre pas dans le champs d’application de l’article L 4614-12 du code du travail puisqu’il n’existe aucun risque grave constaté dans le périmètre du CHSCT et qu’en tout état de cause elle est injustifiée puisque la mesure d’expertise n’est aucunement nécessaire.

Le CHSCT de l’établissement CS Lyon de la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS estime qu’il rapporte suffisamment la preuve de l’existence d’un risque grave au sens de L 4614-12 du code du travail dans l’établissement et de la nécessité de recourir à une expertise et en conséquence il sollicite le rejet des demandes de la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS.

En tout état de cause, il soutient que cette dernière ne démontre pas l’existence d’un abus du CHSCT dans sa décision du 19 mai 2015 d’avoir recours à un expert et il demande la somme de 3 000 € au titre des honoraires de son avocat.

La SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS maintient ses demandes.

MOTIFS

Il résulte des dispositions de l’article L 4614-12 du code du travail que :

“Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :

1° Lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;

2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l’article L. 4612-8".

Il résulte des conclusions écrites et des débats que la mission d’expertise demandée par le CHSCT de l’établissement CS Lyon de la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS est motivée essentiellement par l’existence alléguée d’un risque lié à la dégradation des conditions de travail consécutive à la mise en ouvre d’un nouveau système d’organisation dénommé GCCU (Global Contact Center Upgrade) et destiné à améliorer la qualité du service client.

L’un des volets de ce projet consiste à faire évoluer le traitement des appels entrants.

Après avoir été informés et consultés en juillet 2012, deux expertises ont été sollicitées par le CHSCT CS LYON, ainsi que par celui de SAINT-DENIS, et confiées au cabinet Idées Consultants qui a déposé un rapport en février 2013 (pièce n° 1 du CHSCT).

Ce rapport a été présenté aux CHSCT ainsi qu’aux CE-CS de deux établissements de LYON et de SAINT-DENIS.

En mai 2013, le CHSCT CS Lyon a décidé l’organisation d’une expertise sur les risques psychosociaux accrus apparus avec le projet GCCU.

En septembre 2013, le CE-CS de Lyon a demandé en référé la suspension du projet GCCU jusqu’à l’achèvement d’une procédure d’information consultation conforme.

Par ordonnance du 2 décembre 2013, le Président du Tribunal a rejeté sa demande.

Le CE-CS de Lyon en a interjeté appel, mais les parties sont parvenues à un accord transactionnel le 24 mars 2014, en vertu duquel la direction de DHL INTERNATIONAL EXPRESS faisait des concessions sur deux problèmes (retrait du décrochage automatique et mise en place du groupe backline intervenant en alternance pour l’entraide).

En contrepartie le CE-CS de Lyon s’est désisté de son appel.

Il est allégué que la deuxième concession concernant l’entraide n’aurait pas été respectée par la direction de DHL, l’ensemble des salariés restant selon le défendeur soumis à une charge de travail estimée trop importante ; la direction de DHL INTERNATIONAL EXPRESS conteste cette allégation ; aucune action n’a été engagée pour faire constater et sanctionner un non respect de la transaction.

Le CHSCT CS Lyon a alors décidé de recourir à une expertise relative aux risques psychosociaux.

La direction de DHL INTERNATIONAL EXPRESS a proposé de ne pas mettre en route cette expertise et de mettre en place des groupes de réflexion avec les salariés afin de réfléchir ensemble aux solutions permettant d’éviter les risques invoqués.

Le CHSCT CS Lyon a accepté cette proposition et des discussions se sont poursuivies jusqu’au début de l’année 2015 sans parvenir à un accord.

Le système GCCU avait commencé à être mis en oeuvre progressivement à compter du 28 juin 2014.

Ce contexte étant fixé, il convient de rappeler que la mise en place du GCCU au sein de l’établissement lyonnais DHL INTERNATIONALEXPRESS, peut justifier une mesure d’expertise pourvu que la recherche de l’existence de risques psychosociaux susceptible d’avoir des conséquences négatives sur la santé des salariés s’appuie sur des faits objectifs avérés et circonstanciés, et non sur un sentiment diffus de mal-être.

Une demande d’expertise ne peut davantage être motivée par une remise en cause de la politique générale ou manageriale de l’entreprise.

La lecture des pièces produites par le CHSCT ne permet pas d’établir la réalité des risques invoqués, dont l’existence est du reste contestée par la direction de DHL, soit :

“Evolution permanente de la charge de travail due aux différentes évolutions de l’organisation et des moyens mis en oeuvre, perte partielle de l’autonomie au travail due à l’évolution du mode d’organisation et planification des activités, soutien spécial parfois défaillant pour les différents salariés, une reconnaissance au travail parfois défaillante, un management déstabilisé ou déstabilisant, absentéisme, augmentation anormale du nombre de visites à la médecine du travail, hors visites obligatoires, faisant état d’une dégradation physique et/ou psychologique de la santé des salariés, différents témoignages et plaintes des salariés, événements graves : dépression, inaptitude”.

Au contraire, et alors que le système GCCU a commencé à être mis en place à partir du 28 juin 2014, DHL INTERNATIONAL EXPRESS démontre une baisse du taux d’absentéisme dans l’établissement entre mai 2014 (8%) et avril 2015 (5,6%), une absence d’accident de travail en 2014, aucune maladie professionnelle déclarée depuis 2012, une diminution du nombre de visites médicales : entre 2012 et 2014 – 28,57%, absence de plainte de salarié liée à une situation de stress, de dépression, angoisse ou fatigue, deux démissions en trois ans sans lien avec les conditions de travail, le document d’évaluation des risques professionnels sur l’établissement CS LYON fait état pour 2015 d’un taux de risque de 1,08%, soit un risque très faible (pièces 10 à 17).

DHL INTERNATIONAL EXPRESS n’est pas resté inerte en mettant en place pour les salariés un centre d’écoute psychologique (pièce 18).

Enfin, il convient de rappeler une des conclusions de l’expert Idées Consultants dans son rapport de février 2013 (pièce n° 1 du CHSCT) : “Chacune des composantes du projet GCCU n’accroît pas de manière significative les exigences quantitatives et qualitatives du travail des conseillers”.

En ce qui concerne le projet également invoqué concernant les conditions d’attribution de la prime de performance, s’il semble à ce sujet exister un contentieux, il n’est cependant pas prouvé que cela entraînerait un risque grave pour la santé des salariés.

Enfin, il est invoqué une entrave au fonctionnement des représentants du personnel FO ; ceci n’est en rien susceptible d’entraîner un risque psychosocial pour les salariés.

En conséquence, en l’absence de témoignages ou autres moyens probants permettant d’établir l’existence de faits objectifs avérés et circonstanciés ayant des conséquences négatives graves sur la santé des salariés, il convient de faire droit à la demande de DHL INTERNATIONAL EXPRESS tendant à l’annulation la délibération du CHSCT de l’établissement CS Lyon de la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS du 19 mai 2015 ayant décidé d’une expertise.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande d’annuler sa délibération du 19 mai 2015, en ce qu’elle a décidé de recourir à une expertise confiée à X.

En l’absence d’abus caractérisé du CHSCT, l’employeur est tenu en application de l’article L 1614-13 du code du travail de supporter les frais de la présente instance.

Il y a lieu en application de l’article 700 du code de procédure civile de condamner DHL INTERNATIONAL EXPRESS à payer au CHSCT de l’établissement CS Lyon de la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS au titre des frais non inclus dans les dépens la somme de 3 000 € (facture pièce n° 48).

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en la forme des référés, par ordonnance contradictoire susceptible d’appel,

ANNULONS la délibération du CHSCT de l’établissement CS Lyon de la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS du 19 mai 2015 en ce qu’elle a décidé de recourir à une expertise confiée à X.

CONDAMNONS la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS à payer au CHSCT la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNONS la SAS DHL INTERNATIONAL EXPRESS aux dépens.

Ainsi prononcé par Monsieur Georges PEGEON, Vice-Président, assisté de Madame C D.

En foi de quoi, le Président et le greffier ont signé la présente ordonnance.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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