Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 3e section, 24 novembre 2003, n° 02/04530

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. 3e sect., 24 nov. 2003, n° 02/04530
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 02/04530

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1re chambre 3e section

N° RG : 02/04530

N° MINUTE : 5

Assignation du :

01 Mars 2002

après expertise de :

Pr B C

Service de Chirurgie Orthopédique

[…]

[…]

[…]

Expéditions

exécutoires

délivrées le :

JUGEMENT

rendu le 24 Novembre 2003

DEMANDERESSE

Madame D E épouse X

[…]

[…]

représentée par la SCP LETU – CAYLA & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P 120

DÉFENDEURS

Monsieur F Y

[…]

[…]

représenté par la SCP ALRIQ BURGOT CHAUVET, avocats au barreau de PARIS, vestiaire R1230

Société LE SOU MEDICAL

[…]

[…]

représenté par Me Claude-Albert CHAUVET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R1230

[…]

[…]

[…]

non représentée

G H en sa qualité de Mutuelle de Prévoyance de G I,

[…]

non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors du délibéré :

O P, Vice – Président

F J, Premier-Juge

[…], Juge

Lors du prononcé du jugement :

K L, Vice-Président

F J, Premier-Juge

[…], Juge

GREFFIER

M N

DÉBATS

A l’audience du 19 Mai 2003 tenue publiquement

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 24 Novembre 2003.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Réputé contradictoire

en premier ressort

Sous la rédaction de O P

EXPOSE DU LITIGE

Madame D X qui souffrait des pieds depuis plusieurs années a consulté de nouveau le Docteur Y , attaché de consultation de podologie des hôpitaux de Paris, en mars 1995, lequel lui a prescrit un traitement médical et podologique ; devant l’échec de ce traitement, le Docteur Y a proposé à la patiente une opération chirurgicale qui s’est déroulée le 18/07/1995, consistant en :

1) sur les deux pieds, une résection de la première phalange du gros orteil pour traiter l’hallux valgus (opération de Keller-Brandes),

2) du côté droit, une résection de la base de la première phalange du 2e et du 3e orteil,

3) une arthroplastie au niveau du pied gauche dans l’interphalangienne proximale du 2e et du 3e orteil,

4) des deux côtés, un allongement tendineux de l’appareil extenseur du 2e, 3e, 4e et 5e orteil ;

Devant la persistance de douleurs importantes et l’absence de résultat satisfaisant due à la déformation du pied droit, la patiente a consulté plusieurs autres praticiens après que le Docteur Y lui eut dit à la dernière consultation que le traitement de cette complication dépassait ses possibilités ;

Madame D X a alors consulté le Docteur Z qui a confirmé les déformations et qui lui a proposé une nouvelle intervention chirurgicale sur le pied droit, laquelle a été réalisée à la Clinique Jouvenet le 20/07/1998, consistant à transplanter différents muscles pour réaligner le gros orteil – réalignement maintenu par une broche centro-médullaire – et en des ostéotomies des têtes métatarsiennes du 2e et du 3e rayon ; il a été également découvert un névrome dans le 2e et le 3e espace, névromes qui ont été réséqués ;

Se plaignant de préjudices liés à ces interventions et invoquant les fautes contractuelles commises par le Docteur Y dans l’exécution des soins, Madame D X, sur la base d’un rapport d’expertise déposé le 12/11/1999 par le Professeur C, nommé par ordonnance de référé du 11/06/1999, a, par acte d’huissier des 28/02 et 01/03/2002, assigné devant ce Tribunal le Docteur Y et le SOU MÉDICAL son assureur, en présence de la Fédération Mutualiste Parisienne et de la G H, demandant que le médecin et l’assureur soient condamnés in solidum et avec exécution provisoire à lui payer les sommes de 15.837,37 Euros pour le préjudice soumis au recours des organismes sociaux, 8.855 Euros au titre du préjudice personnel, outre celle de 1.000 སྒྱuros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La Fédération Mutualiste Parisienne et la G H n’ont pas constitué avocat, bien que régulièrement assignés ;

Le Docteur Y et le SOU MÉDICAL contestent toute responsabilité dans la survenue des complications dont a été victime Madame D X et concluent au débouté des demandes ; subsidiairement, ils demandent au Tribunal de réduire sensiblement l’indemnisation du préjudice ;

Il est référence pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières écritures en date des :

— Madame D X : 03/03/2003

— Docteur Y et SOU MÉDICAL : 08/08/2002

L’ordonnance de clôture est en date du 17/03/2003 ;

[…]

MOTIFS

I- SUR LA RESPONSABILITÉ :

Madame D X, se fondant sur les conclusions d’un rapport amiable établi non contradictoirement par le Docteur A, reproche au Docteur Y :

— d’avoir utilisé une technique chirurgicale inadaptée et abandonnée actuellement,

— de n’avoir pas les compétences chirurgicales pour effectuer les actes considérés, ce qu’elle n’a pas perçu dans la mesure où le médecin indiquait sur les ordonnances qu’il était spécialiste des maladies et de la chirurgie des pieds,

— d’avoir dû être réopérée avec toutes les conséquences que cela comporte,

— un défaut d’information ;

Il convient tout d’abord d’observer que les complications survenues à la suite de l’intervention du Docteur Y concernent uniquement le pied droit et sont en relation avec :

1) la résection de la première phalange du gros orteil pour traiter l’hallux valgus (opération de Keller-Brandes) ; la complication survenue progressivement après l’opération consiste en une hypercorrection de la déformation,

2) la résection de la base de la première phalange du 2e et du 3e orteil ; des déformations récidivantes du 3è orteil sont survenues ;

Les autres gestes opératoires ne sont pas critiqués ;

L’expert judiciaire considère en premier lieu qu’étant donné l’importance des déformations au niveau du pied et l’échec des traitements préalablement utilisés, il est évident qu’un traitement chirurgical s’imposait ;

Le Professeur C n’émet par ailleurs aucune réserve quant à la qualification technique du Docteur Y au regard des actes pratiqués, celui-ci ayant indiqué qu’il effectuait chaque année environ 750 interventions de l’avant-pied ; il en résulte que l’intervention dont s’agit ne nécessitait pas de recourir à un chirurgien orthopédique ;

En ce qui concerne le premier geste opératoire sur le gros orteil droit, consistant en la résection de la première phalange du gros orteil pour traiter l’hallux valgus, l’expert considère d’une part que la technique KELLER choisie par le Docteur Y est pratiquée régulièrement depuis 1904 et était encore pratiquée en 1995 par de nombreux chirurgiens orthopédistes et d’autre part que rien n’indique au vu des radiographies post opératoires que la technique a été mal mise en oeuvre par le Docteur Y ;

Sur ce point, l’avis contraire du Docteur A produit par la demanderesse ne saurait remettre en cause l’avis d’un expert spécialiste en chirurgie orthopédique ;

Selon le Professeur C la complication apparue progressivement après l’opération consistant en une hypercorrection de la déformation, est connue dans la littérature et se retrouve dans 1 à 3% des cas ; il est difficile de savoir la pathogénie exacte de cette hypercorrection ;

Aucune faute technique n’apparaît donc établie à l’encontre du Docteur Y s’agissant du premier geste opératoire ;

En ce qui concerne le deuxième geste opératoire consistant en la résection de la base de la première phalange du 2e et du 3e orteil, l’expert indique que le Docteur Y a utilisé la technique la plus ancienne et qu’en 1995 cette technique était encore pratiquée assez régulièrement, bien qu’il existât d’autres techniques sur lesquels l’expert ne donne aucune précision ;

Le Professeur C explique la déformation survenue par “une résection peut-être un peu trop importante de la première phalange de ce rayon” ;

En énonçant dans sa conclusion “qu’il n’y a pas eu d’erreur majeur “ de la part du Docteur Y, l’expert reconnaît tacitement qu’il ya tout de même eu une erreur technique commise par le médecin ;

Madame D X reproche par ailleurs au défendeur un défaut d’information sur ses qualifications précises et sur les choix thérapeutiques possibles, la seule explication donnée par le praticien étant “qu’il fallait couper quelque chose” ;

Ce grief ne paraît cependant pas déterminant en l’espèce pour les motifs suivants :

Le Docteur Y est attaché de consultation de podologie des hôpitaux de Paris ; Madame D X en était pleinement informée puisqu’elle l’a consulté à plusieurs reprises et qu’elle a pu lire le papier à en-tête du médecin ; en tout état de cause, l’expert ne remet pas en cause sa compétence pour accomplir l’intervention litigieuse ;

L’expert confirme qu’il n’y avait pas d’autre choix que l’intervention chirurgicale en raison de l’échec des traitements médical et podologique et que le choix des techniques opératoires utilisées n’est pas critiquable ; en outre, il n’est nullement établi que l’emploi de techniques plus modernes aurait permis d’éviter les complications survenues ;

Aussi, Madame X ne démontre-t-elle pas que si au lieu de s’être exprimé simplement ainsi qu’il l’a fait, le Docteur Y lui avait fait un exposé complet des différentes techniques opératoires et lui avait expliqué en des termes plus techniques mais sans doute moins compréhensibles, en quoi l’intervention allait consister, elle aurait refusé ladite intervention ;

Il y a donc lieu de ne retenir la responsabilité du Docteur Y que pour les conséquences dommageables de la résection de la base de la première phalange du 2e et du 3e orteil du pied droit, à savoir les déformations récidivantes de ce dernier ;

Le SOU MEDICAL qui ne dénie pas sa garantie au Docteur Y, sera condamné in solidum avec celui-ci à indemniser la demanderesse ;

II SUR LE PRÉJUDICE

1) Préjudice soumis à recours

Frais médicaux :

Madame D X justifie de frais médicaux et hospitaliers restés sa charge à hauteur de 452,68 སྒྱuros, ainsi que de frais de chaussures spécialement adaptées pour 444,69 སྒྱuros ;

ITT 3 mois + 2 mois et 22 jours :

Madame D X a été arrêtée du 17/07 au 17/10/1995 ; cependant l’expert n’a pas tenu compte de la période d’ITT qu’aurait de toute façon subie la patiente, même si l’intervention s’était déroulée sans complications ;

Eu égard au caractère relativement invalidant de l’intervention qui portait sur les deux pieds et également au fait que les séquelles concernant le gros orteil droit ne sont pas imputables au Docteur Y, il convient de retenir une période d’un mois à la charge du Docteur Y ;

Madame D X percevait un salaire de 16.700 Frs dans les mois précédant l’intervention ; il y a lieu de fixer à ce montant le préjudice subi, soit 2.546,12 སྒྱuros ;

La demanderesse ne justifie pas d’une perte de revenus consécutive à la période d’ITT liée à la seconde opération de 1998, la preuve n’étant pas formellement rapportée que la baisse des résultats de la société ATLANTA, gérée par un tiers, serait en relation directe avec son incapacité de travail ;

IPP 3% :

Bien que l’expert soit taisant sur ce point, la totalité du déficit fonctionnel retenu par lui peut être imputée aux conséquences dommageables de la résection de la base de la première phalange du 2e et du 3e orteil du pied droit, puisque l’opération du Docteur Z a résolu la complication survenue sur le gros orteil ;

En réparation de ce préjudice, il sera alloué à Madame D X la somme de 2.300 སྒྱuros qu’elle réclame et qui n’est pas excessive ;

2) Préjudice personnel

Gène dans la vie courante pendant la période d’ITT

En réparation des troubles dans la vie quotidienne subis par Madame D X pendant la période d’ITT de presque six mois, il sera alloué à celle-ci une somme de 3.000 སྒྱuros compte tenu de ce que la responsabilité du défendeur n’est que partielle et limitée aux conséquences dommageables de la résection de la base de la première phalange du 2e et du 3e orteil du pied droit ;

Pretium doloris :

L’expert a chiffré à 3/7 le quantum doloris global ;

Il sera alloué de ce chef à Madame D X une somme de 1.600 སྒྱuros compte tenu de ce que la responsabilité du défendeur n’est que partielle, comme indiqué ci-avant ;

Préjudice esthétique :

Une somme de 500 སྒྱuros sera allouée à la demanderesse en réparation de ce préjudice chiffré par l’expert à 1/7, pour le même motif que précédemment, étant rappelé en outre qu’une intervention sans séquelles aurait tout de même laissé des cicatrices ;

Préjudice d’agrément

La limitation du périmètre de marche de Madame X justifie l’allocation d’une somme de 1.500 སྒྱuros au titre du préjudice d’agrément ;

*****

**

Il revient en conséquence à Madame D X, au titre de la réparation des préjudices soumis au recours des organismes sociaux, la somme de 5.743,49 སྒྱuros et au titre de la réparation de ses préjudices personnels, celle de 6.600 སྒྱuros ;

L’exécution provisoire du présent jugement, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée eu égard à l’ancienneté relative des faits ;

Les entiers dépens de l’instance, frais d’expertise inclus, seront mis à la charge du Docteur Y et de son assureur le SOU MÉDICAL, ainsi que le paiement à Madame D X de la somme de 1.000 སྒྱuros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, dont elle a légitimement sollicité l’application;

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL

Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

Déclare le Docteur Y responsable des conséquences dommageables de la résection de la base de la première phalange du 2e et du 3e orteil du pied droit, pratiquée sur la personne de Madame D X le 18/07/1995,

Condamne in solidum le Docteur Y et le SOU MÉDICAL à payer à Madame D X la somme de 5.743,49 སྒྱuros (CINQ MILLE SEPT CENT QUARANTE TROIS EUROS ET QUARANTE NEUF CENTIMES) au titre de la réparation des préjudices soumis au recours des organismes sociaux, et celle de 6.600 སྒྱuros (SIX MILLE SIX CENTS EUROS) au titre de la réparation de ses préjudices personnels,

Déclare le jugement opposable à la Fédération Mutualiste Parisienne et à la G H,

Déboute Madame D X du surplus de ses demandes,

Ordonne l’exécution provisoire,

Condamne in solidum le Docteur Y et le SOU MÉDICAL aux entiers dépens de l’instance, frais d’expertise inclus, ainsi qu’au paiement à Madame D X d’une somme de 1.000 སྒྱuros (MILLE EUROS) en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Fait et jugé à Paris le 24 Novembre 2003

La Greffière

K. N

Pour le Président empêché

F. P

L. TARDIF

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