Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 14 septembre 2004, n° 2002/15451

  • Mise en garde contre une éventuelle contrefaçon·
  • Envoi de courriers à la clientèle·
  • Publicité donnée à la procédure·
  • Concurrence déloyale·
  • Brevets français·
  • Action pénale·
  • Contrefaçon·
  • Dénigrement·
  • Non lieu·
  • Sociétés

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le dénigrement se définit comme une affirmation malveillante dirigée contre un concurrent dans le but de lui nuire en jetant le discrédit sur lui-même, le fonctionnement de son entreprise, ses produits ou ses méthodes commerciales. Les courriers envoyés aux clients du concurrent pour les avertir de l’existence d’une demande de brevet susceptible de couvrir le procédé développé par celui-ci constituent une information qui ne présente en elle-même aucun caractère de déloyauté dans la vie des affaires, dès lors qu’elle repose sur un fait exact. En revanche, les propos mettant en garde contre les risques encourus du fait d’actes de contrefaçon ou indiquant qu’une plainte avec constitution de partie civile a été déposée de ce chef aboutissent à jeter l’opprobre sur la société alors même qu’aucune décision judiciaire n’est intervenue.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 14 sept. 2004, n° 02/15451
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 2002/15451
Publication : JCP E, 26, 30 juin 2005, p. 1112-1115 ; PIBD 2005, 803, IIIP-156
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 8 décembre 2006
  • 2005/10518
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : FR0101855 ; FR0202820
Titre du brevet : Procédé d'accès automatisé et sécurisé à des pages Internet, des courriers électroniques ou comptes bancaires ; Procédé d'authentification individuelle sécurisée de connexion à un serveur Internet/Intranet par accès distant furtif
Classification internationale des brevets : G06F ; H04L
Référence INPI : B20040235
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Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS 3e chambre 3e section N°RG: 02/15451

JUGEMENT rendu le 14 Septembre 2004

DEMANDERESSE S.A. OMNISERVICES […] représentée par Me Jean Philippe SAULNIER ARRIGHI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire R146 DEFENDEURS Monsieur Jean-Pierre B Société NET ACCES TECHNOLOGIE […] L 2520 LUXEMBOURG représentés par Me Sarah ATTALI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire D1895 COMPOSITION DU TRIBUNAL Mme B, Vice-Président, signataire de la décision Mme V, Vice-Président Mme R. Vice-Président assistée de Juan RODRIGUEZ, Greffier, signataire de la décision

DEBATS A l’audience du 25 Mai 2004 tenue publiquement

JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoire en premier ressort

FAITS ET PROCEDURE Monsieur B et Madame P sont les inventeurs d’un progiciel nomade d’accès instantané à internet assurant confidentialité et sécurité appelé SW@Pkey. Il s’agit d’un procédé basé sur l’utilisation d’un mini CD au format carte de visite, protégé par un étui de transport métallique conçu spécialement, afin de le protéger de la casse ou des rayures ou encore des marques de doigts. Ce CD embarque une application qui ne sera pas installée sur la machine utilisée mais lue directement à chaque utilisation, puis expulsée de la machine ; elle est donc insensible aux virus. Elle comporte en outre des fonctionnalités de surveillance. Le lancement s’effectue par autorun, c’est à dire que l’utilisateur n’effectue aucune autre opération que de répondre à quelques questions claires ou de saisir un code d’identification à 5 caractères. La possibilité lui est offerte de se connecter grâce à une carte prépayée ou grâce à une connexion déjà installée sur la machine utilisée. Le navigateur est alors appelé, puis apparaît à l’écran dont un bouton permet d’accéder à la boîte E-mail attachée au CD. En fin de session de consultation, l’application efface l’ensemble des traces laissées sur la machine. Monsieur B et Madame P sont titulaires de deux brevets sur le procédé litigieux :

- un brevet déposé le 12 février 2001 avec date de priorité au 20 septembre 2000 enregistré sous le n’ 01 0 1855D et publié sous le n° 2 822 255 intitulé « procédé d’accès automatisé et sécurisé à des pages internet, des courriers électroniques ou de comptes bancaires » ;

- un brevet déposé le 6 mars 2002 avec une priorité au 5 juin 2001 enregistré sous le n° 02 02820 intitulé « Procédé d’authentifïcation individuelle sécurisée de connexion à un serveur internet/intranet par accès distant furtif ». Ce second brevet a été délivré le 5 septembre 2003. Monsieur B expose avoir découvert au mois de février 2002 le lancement par la société OMNISERVICES, sous la dénomination CD ROL, d’un produit similaire à celui qu’ils ont mis au point pour la commercialisation duquel elle est entrée en contact notamment avec METEO FRANCE, RTLN et la société PROSODIE ; Considérant que la société OMNISERVICES violait ainsi ses droits de propriété industrielle, Monsieur B, après avoir vainement pris contact avec celle-ci, a averti les sociétés ci-dessus désignée de l’existence desdits droits. Ces démarches ont entraîné soit la résiliation des contrats conclus, soit le « gel » des négociations.

Le 4 mars 2002, Monsieur BRISS A a déposé plainte contre X entre les mains du Doyen des juges d’instruction de ce siège pour contrefaçon de droits d’auteur et abus de confiance, qui a abouti à une ordonnance de non lieu rendue le

26 juin 2003, confirmée par arrêt de la Cour d’Appel de Paris en date du 22 janvier 2004. Par actes des 5 et 8 juillet 2002, la société OMINISERVICES a assigné en référé Monsieur B et la société NET ACCESS TECHNOLOGY aux fins notamment de voir constater que les démarches entreprises envers ses clients constituaient des actes de concurrence déloyale par dénigrement et d’en obtenir l’interdiction sous astreinte. Par ordonnance en date du 22 juillet 2002, le juge des référés à débouté la société OMNISERVICES de l’ensemble de ses demandes. Par assignation en date du 21 août 2002, la société OMNISERVICES a saisi ce tribunal d’une action en nullité de brevet pour insuffisance de description et en concurrence déloyale par dénigrement. Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 26 avril 2004, la société OMNISERVICES, abandonnant expressément sa demande relative à la validité du titre de propriété industrielle au motif invoqué de ce que la décision de non lieu consacrerait définitivement l’absence de tout grief de contrefaçon, demande de :

- dire que les agissements de dénigrement de Monsieur B constituent des actes de concurrence déloyale. En conséquence :

- ordonner la cessation desdits actes sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée ;

- condamner solidairement Monsieur B et la société NET ACCESS TECHNOLOGIE au paiement de la somme de 900 000 euros sauf à parfaire au titre de la réparation de son préjudice ;

- débouter Monsieur B et la société NET ACCESS TECHNOLOGY de leurs demandes, fins et conclusions ;

- les condamner solidairement aux entiers dépens et au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure civile. Les défendeurs ont conclu en dernier état le 19 avril 2004 au débouté de l’ensemble des demandes. Reconventionnellement, ils sollicitent l’allocation de la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts du chef de concurrence déloyale et celle de 10 000 € pour procédure abusive outre le, prononcé d’une amende civile de 1 500 €, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.' Ils demandent de condamner la demanderesse aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de leur conseil et sa condamnation au paiement de la somme de 10 000 € au titre de leurs frais non taxables. L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2004.

MOTIFS DE LA DÉCISION

II sera donné acte à la société OMNISERVICES de ce qu’elle renonce à sa demande de nullité du brevet pour insuffisance de description. A l’appui du grief de concurrence déloyale, cette société expose qu’à partir de février 2002, Monsieur B, se disant lié à la société NET ACCESS TECHNOLOGY, s’est adressée à ses clients, partenaires et contacts aux fins de les informer de « prétendus » droits de propriété intellectuelle sur le procédé CD ROL en leur mentionnant en outre de ce qu’elle faisait l’objet d’une plainte pénale et que suite à ces manoeuvres, ces clients ont décidé de reconsidérer leur collaboration avec elle, cette situation ayant abouti à mettre la société en péril. La société OMNISERVICES reproche à Monsieur B d’avoir :

- le 20 juin 2002 adressé un courriel à la société RTLNet dans lequel il a crû devoir tenter de mêler la société OMNISERVICES et un de ses actionnaires, la société COFIC, à la procédure de plainte avec constitution de partie civile pour contrefaçon et abus de confiance déposée en mars 2002 ;

- le 31 mai 2002, transmis une lettre à la société METEO FRANCE dans lequel ont peut lire : « Aux termes du Code de la Propriété Intellectuelle, toute recette »contrefactante« est passible de saisie. La complicité ou le recel de contrefaçon sont également condamnables. Les recettes de service que vous pourriez attendre d’une telle opération pourraient donc être gravement compromises ».

- provoqué la résiliation du contrat qui la liait à la société PROSODIE qui, par courrier en date du 11 juin 2002, lui a indiqué que cette décision était motivée par le fait que cette société ne voulait pas être « associée à une action en contestation de brevet de quelque manière que ce soit ». Le dénigrement se définit, ainsi que le rappelle la demanderesse, comme une affirmation malveillante dirigée contre un concurrent dans le but de lui nuire en jetant le discrédit sur lui-même, le fonctionnement de son entreprise, ses produits ou ses méthodes commerciales ; Force est de constater en premier lieu que la société OMNISERVICES ne justifie par aucune pièce de la teneur du courrier que les défendeurs auraient adressé à la société PROSODIE, teneur qui ne peut s’inférer de la lettre ci-dessus visée, laquelle ne mentionne que de manière secondaire son souci de ne pas être associée à une action en contrefaçon de brevet mais motive la résiliation du contrat par son insatisfaction quant aux performances techniques du procédé proposé, performances non améliorées en dépit d’une mise en demeure ;

Aucune faute constitutive de dénigrement ne peut dès lors être relevée à rencontre des défendeurs dans ce cas ; La lecture des différents courriers adressés par Monsieur B à la société METEO FRANCE et RTLNet, clients de la société OMNISERVICES, montrent qu’ils

avaient prioritairement pour objet d’avertir ceux-ci de l’existence d’une demande de brevet susceptible de couvrir le procédé CD Roi développé par cette société ;

Cette information ne présente en elle-même aucun caractère de déloyauté dans la vie des affaires dès lors qu’elle repose sur un fait exact en lui même et que par son refus de communiquer à Monsieur B, qui lui en avait fait la demande préalable, les éléments permettant d’opérer une comparaison entre les procédés en présence, celui-ci était fondé à estimer que ses droits se trouvaient en péril ; II en va autrement des propos développés par Monsieur B consistant à mettre ces sociétés en garde contre les risques encourus du fait d’actes de contrefaçon (METEO FRANCE) ou indiquant qu’une plainte avec constitution de partie civile a été déposée de ce chef dans laquelle la société OMNISERVICES serait impliquée (RTL NET), qui aboutissent à jeter l’opprobre sur elle alors même qu’aucune décision judiciaire n’est intervenue. Ces faits ont causé à la société OMNISERVICES un préjudice, qui, s’il n’est pas justifié en termes de perte de chiffre d’affaires, consiste à tout le moins en un déficit d’image envers la clientèle ; Ce préjudice sera intégralement réparé par l’allocation de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts. Il sera fait droit à la mesure d’interdiction sollicitée selon les modalités précisées au dispositif. La société NET ACCESS TECHNOLOGY sera mise hors de cause dès lors qu’il n’apparaît pas qu’elle ait d’une quelconque manière participé aux actes jugés fautifs. La demande principale étant partiellement reconnue fondée, la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée de même que la demande d’amende civile. Sur la demande reconventionnelle en concurrence déloyale : Monsieur B fonde sa demande à ce titre sur le fait que la société OMNISERVICES a tenté de s’approprier et de tirer profit d’une invention dont elle n’est pas l’auteur, l’empêchant durablement de bénéficier du fruit de ses propres recherches protégées par un brevet. Ce grief recouvre les éléments constitutifs du délit de contrefaçon pour lequel Monsieur B a déposé plainte avec constitution de partie civile, procédure qui a fait l’objet d’un arrêt de non-lieu, l’affaire étant actuellement pendante devant la Cour de Cassation du fait du pourvoi formé par l’intéressé le 12 février 2004. Il s’en suit que cette demande est irrecevable en application des dispositions de l’article 4 du code de Procédure Pénale.

Monsieur B supportera la charge des dépens de l’instance et sera en outre condamné à payer à la société OMNISERVICES la somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS Le Tribunal, Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
-Donne acte à la société OMNISERVICES de ce qu’elle renonce à sa demande en nullité de brevet pour insuffisance de description.

- Dit que les courriers adressés par Monsieur B à la société RTLNet et à la société METEO FRANCE dans lesquels Monsieur B indique explicitement ou implicitement que la société OMNISERVICES développe un produit contrefaisant et est susceptible de faire l’objet de poursuites pénales, constituent des actes de concurrence déloyale par dénigrement d’un concurrent.

- Déboute la société OMNISERVICES du surplus de sa demande.

- Mets hors de cause la société NET ACCESS TECHNOLOGY.

- Enjoint à Monsieur B de cesser toute intervention dénigrante envers les clients de la société OMNISERVICES sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision.

- Condamne Monsieur B à payer à la société OMN’SERVICES la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.

- Déboute Monsieur B et la société NET ACCESS TECHNOLOGY de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et de leur demande tendant au prononcé d’une amende civile.

- Déclare irrecevable la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

- Condamne Monsieur B à payer à la société OMNISERVICES la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

- Le condamne aux entiers dépens de l’instance.

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