Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 16 janvier 2008, 05/17073

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, ch. civ. 3, 16 janv. 2008, n° 05/17073
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 05/17073
Importance : Inédit
Identifiant Légifrance : JURITEXT000019096009

Sur les parties

Texte intégral


3e chambre 3e section

Assignation du :
25 Octobre 2005

JUGEMENT
rendu le 16 Janvier 2008

DEMANDEUR

Monsieur Luc X…


75017 PARIS

représenté par Me François- Henri BLISTENE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 654

DÉFENDERESSE

S. A. R. L. TELE IMAGES
64 rue Pierre Charron
75008 PARIS

représentée par Me Natacha RENAUDIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P. 224

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Elisabeth BELFORT, Vice- Président, signataire de la décision
Agnès THAUNAT, Vice- Président
Michèle PICARD, Vice- Président,

assistée de Marie- Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l’audience du 26 Novembre 2007
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe
Contradictoire
en premier ressort

I- RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Le 7 janvier 2001, Mme B…, gérante de la société TELE IMAGES, demandait à M. X… de réfléchir à un concept d’émission de format court destiné à la chaîne de télévision M6. M. X… lui soumettait alors une idée de série mettant en scène des personnages de 25 / 30 ans parlant au téléphone et intitulée " ALLO ? T’es OU ? ". Après avoir développé oralement son idée lors d’un rendez vous courant février, M. X… remettait, en collaboration avec Mme Alix C…
Y…, à Mme B…, une bible avec présentation des personnages et une continuité dialoguée de 7 minutes.

Une deuxième mouture du projet était effectuée en collaboration avec Florence D… et était remise par courriel le 13 mars 2001 à la société TELE IMAGES, qui versait alors à M. X… la somme de 20. 000 francs à titre d’avance dans l’attente d’une régularisation contractuelle. Un projet de contrat daté du 8 octobre 2001 était refusé par M. X… compte tenu, selon lui, des conditions inacceptables de cession des droits. Le projet n’avait plus de suite.

Au début de l’année 200, M. X… apprenait que la société TELE IMAGES avait mis en production une série de 50 épisodes intitulés « ALLO T OU ».

M. X… contactait alors la société TELE IMAGES ainsi que M. E…, auteur mentionné au générique de l’émission et dirigeant de la société ET ASSOCIES, membre du groupe TELE IMAGES. Ce dernier lui indiquait qu’il n’était que le créateur des personnages et le coauteur des scénarios des pilotes. Les contrats passés entre lui et TELE IMAGES mentionnaient en revanche que Mme F… était l’auteur de l’idée originale.

M. Luc X… estimant être victime d’actes de contrefaçon, faisait assigner la société TELE IMAGES par acte d’huissier délivré le 25 octobre 2005.

Dans ses dernières écritures signifiées le 19 décembre 2006, Luc X… demande au tribunal de juger que la société TELE IMAGES s’est rendue coupable du délit de contrefaçon à son égard, en conséquence de dire qu’il est l’auteur de l’idée originale et de la conceptualisation des personnages de l’oeuvre intitulée « ALLO T OU » diffusée depuis décembre 2005 sur TF1, de la condamner à lui payer la somme de 150. 000 euros à titre de dommages et intérêts, à titre subsidiaire de dire que la société TELE IMAGES a commis une faute engageant sa responsabilité en s’accaparant et en bloquant indûment le projet " ALLO ? T’ES OU ? " le privant d’une chance de trouver un autre producteur, de la condamner à lui payer la somme de 150. 000 euros à titre de dommages et intérêts, de dire que la société TELE IMAGES devra sous astreinte de 1. 000 euros par diffusion contrevenante modifier le générique du film sur tous supports et pour toutes diffusions tant en France qu’à l’étranger et y apporter certaine mentions rectificatives, ordonner l’exécution provisoire de la décision et de la condamner à lui payer la somme de 7. 500 euros en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société TELE IMAGES a signifié ses dernières conclusions le 24 avril 2007. Elle demande au tribunal de dire M. X… irrecevable et mal fondé en se demandes et de l’en débouter, à titre subsidiaire de le débouter de ses demandes faute de caractériser les éléments originaux protégeables par le droit d’auteur qu’il revendique, de dire que la société TELE IMAGES n’a rien emprunté à ses créations, de dire qu’il ne justifie d’aucun préjudice, en conséquence de le débouter de ses demandes, à titre très subsidiaire de dire que M. X… lui a cédé ses droits sur les bibles qu’il a co- écrites et en conséquence de le débouter de ses demandes, et en tout état de cause de le condamner à lui verser la somme de 10. 000 euros en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

II- SUR CE :

* Sur le défaut de preuves :

La société TELE IMAGES fait valoir que M. X… ne produit aux débats aucune preuve de la contrefaçon alléguée et qu’il ne produit notamment pas la série télévisée qui serait contrefaisante.

Le tribunal constate que la société TELE IMAGES produit un enregistrement des émissions ALLO T OU arguées de contrefaçon. Cette demande est en conséquence sans objet.

* Sur la contrefaçon :

M. X… fait valoir que les similitudes et ressemblances sont flagrantes entre la bible remise par lui et la série de TF1 et notamment le titre, le concept de personnages parlant exclusivement au téléphone et le format.

La société TELE IMAGES soutient que le concept n’est pas susceptible de protection, que le format, soit la durée de l’émission, est courant et que le titre a été trouvé par Mme B…, qu’il n’est pas original et qu’il n’était pas nouveau dans le domaine audiovisuel puisqu’il avait été déposé comme marque par la société COYOTE CONSEIL.

Il résulte des débats et des pièces que le format de l’émission résultait de la commande de Mme B… de sorte que M. X… ne peut en revendiquer la protection.

Pour ce qui est du concept, soit des personnages parlant exclusivement au téléphone, ce concept n’est pas protégeable, les idées étant de libre parcours.

Enfin pour ce qui est du titre, le tribunal relève que le titre " ALLO ? T’ES OU ? « et le titre » ALLO T OU " sont quasi identiques, qu’ils se prononcent en effet de la même façon, qu’ils ont le même sens et que seule l’orthographe diffère légèrement. Les pièces produites font ressortir que l’idée de mettre en scène des personnages récurrents ne se parlant qu’au téléphone est une idée de M. X… et non de Mme B… et en conséquence que le titre de l’émission est vraisemblablement sa création. Aucun document ne mentionne que Mme B… aurait de quelque manière que ce soit participé à l’élaboration du concept et donc du titre. Enfin le tribunal souligne que ce titre apparaît dans la bible, première et deuxième mouture, élaborée par M. X… et donc qu’il a été divulgué sous son nom, créant ainsi une présomption de titularité qui n’est renversée par aucune pièce.

L’originalité du titre n’est pas contestable. D’une part, il est nouveau contrairement à ce que soutient la société TELE IMAGES, la marque déposée par la société COYOTE CONSEIL étant " T’ES OU ? "', expression conceptuellement différente de celle du titre de l’émission. D’autre part, si l’expression est une expression courante et particulièrement utilisée depuis l’apparition des téléphones portables, elle demeure originale pour désigner une émission de télévision.

Aux termes des dispositions de l’article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle « Le titre d’une oeuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’oeuvre elle- même. (…) ».

Il convient en conséquence de constater que la société TELE IMAGES a commis des actes de contrefaçon en utilisant l’expression « ALLO T OU » comme titre d’une émission de télévision au préjudice de son auteur, M. Luc X….

* Sur les mesures réparatrices :

M. X… sollicite le paiement de la somme de 150. 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que la modification du générique sous astreinte.

Le tribunal relève que M. X… a subi un préjudice de notoriété du fait de ces agissements et estime ce préjudice à la somme de 30. 000 euros.

Il sera par ailleurs ordonné à la société TELE IMAGES de rectifier le générique du programme dans les termes du dispositif de cette décision.

* Sur l’exécution provisoire :

L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire et nécessaire pour faire cesser le trouble né de la contrefaçon.

Il convient en conséquence de l’ordonner.

* Sur l’article 700 :

M. X… sollicite le paiement de la somme de 7. 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 7. 500 euros de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,
Statuant en premier ressort, par jugement contradictoire remis au greffe,

Dit que la société TELE IMAGES a commis des actes de contrefaçon en faisant usage sans autorisation du titre « ALLO T OU » pour désigner un émission de télévision au préjudice de son auteur M. Luc X…,

Condamne la société TELE IMAGES à payer à Luc X… la somme de 30. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

Ordonne à la société TELE IMAGES d’ajouter au générique de l’émission litigieuse la mention « Titre original de M. Luc X… » ou, à défaut, de modifier le titre de son émission et ce sous astreinte de 1. 000 euros par jour de retard passé le délai de 6 mois après la signification de la présente décision,

Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ainsi ordonnées en application de l’article 35 de la loi du 9 juillet 1991,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,

Condamne la société TELE IMAGES à payer à M. Luc X… la somme de 7. 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la société TELE IMAGES aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 16 Janvier 2008

Le Greffier Le Président

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Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 16 janvier 2008, 05/17073