CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 99PA01043

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : 13 févr. 1980, OPHLM de la Marne c/ Burati, req. n° 11.087
17 déc. 1998 ( req. n° 9800111/6
18 déc. 2002, H X ..., req. n° 240241
22 févr. 1980, Cne de Mercurol, req. n° 13.217
4 déc. 1987, Cne de Ricamarie, req. n° 56.108
CAA Lyon, 28 janv. 1999, S.A. Boutte, req. n° 98LY00536
CAA Nancy du 23 avril 1991, Centre hospitalier de Saint-Dizier ( req. n° 89NC01353
CAA Nantes dans un arrêt du 8 juill. 1992, S.N.C.F. c/ SA Nord-France Entreprise ( req. n° 91NT775
CAA Nantes, Plén., 15 avril 1999
CAA Paris, 11 avril 1991, SNCF c/ Sté ‘ ‘ Solétanche ' ', req. n° 89PA01290
CAA Paris, 29 octobre 1991 SARL " Au Bon Accueil ", req. n° 89PA02560
Cass. com., 14 mars 1972, Epx Guibert c/ Dme Vve Chauvet, D. 1972 p. 547 et 653
Cass. com., 6 oct. 1992, Sté Colas Sud-ouest et a., n° 90-16.755
Cass. crim., 20 nov. 2001, J.-P. Buonanno, n° 00-86.414
CE, 14 déc. 1923, Sté des Grands Moulins de Corbeil, Rec. p. 852
CE, 14 déc. 2001, E. Tête, req. n° 226042
CE, 14 févr. 1890, Roussey, Rec. CE, p. 178
CE, 17 octobre 1997 Banque Industrielle et Mobilière Privée ( BIMP ), req. n° 162597
CE, 26 avril 1963, Dme Lambardo, Rec. C.E., p. 958
CE, 28 avril 1976, Schmitt, Rec. T. p.816
CE, 31 mars 1999, Sté Peller et Sté J.M. Eynaud, req. n° 173990
CE, 4 février 1970, Min. Eqpt c/ SNCF, req. n° 71.905
CE, 7 oct. 1998, Sté OTH Méditerranée, req. n° 156.653
CE, Sect., 22 oct. 1965, Cne de Saint-Lary
CE, sect., 24 févr. 1967, Gonthier:Rec. p. 92
CE sect., 2 juillet 1971, S.N.C.F. c/ Epx Le Piver, Rec. p. 504

Texte intégral

[…]
Requérant : Sté GTM-CI […]
Requérant : Sté Dumez Travaux […]
Requérant : Sté D Travaux […]
Requérant : Sté F […]
Requérant : Sté Bouygues […]
Requérant : Sté Spie Batignolles et […]
Requérant : SNCF
Intimé :
SNCF
Sté Fougerolle-Ballot […]
Requérant : Sté Bec G
Intimé : SNCF
Date de l’audience : 01/04/2004
Président : C. Tricot
Rapporteur : P. Koster *
Au cours des années 1989 et 1990, la SNCF a procédé à un grand nombreux de consultations concernant la construction des infrastructures des lignes T.G.V. des réseaux Nord et Sud-est, ainsi que de l’interconnexion, d’une part, de ces réseaux et, d’autre part, des réseaux Sud-Est, Nord et Atlantique, dont le principe avait été retenu par le Comité interministériel du 9 oct. 1987. Pour la réalisation des travaux nécessaires – infrastructures et ouvrages d’art – 46 marchés ont été conclus, mais dans des conditions telles qu’une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a été ouverte pour déterminer s’il y avait des atteintes à la concurrence.
Au vu des résultats de l’enquête, le Conseil de la concurrence a considéré que 31 entreprises (sur les 53 concernées) s’étaient livrées à des pratiques anticoncurrentielles prohibées en se concertant et en échangeant des informations et leur a infligé des sanctions pécuniaires comprises entre 5.200 F et 148.700.000 F (décision n° 95-D 76 du 29 novembre 1995).
Vingt-quatre (24) de ces entreprises ont formé un recours devant la cour d’appel qui, pour l’essentiel, a confirmé le Conseil par un arrêt du 6 mai 1997 puisqu’elle a annulé sa décision uniquement en ce qu’elle a prononcé une sanction pécuniaire à l’encontre de la Sté Auxiliaire d’Entreprise (S.A.E.).
Mais, au motif que la participation du rapporteur au délibéré du Conseil de la concurrence avait constitué un manquement au procès équitable garanti par l’art. 6 §. 1 de la CEDH, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a annulé l’arrêt et renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée (arrêt du 5 octobre 1999 ([1])).
Entre temps, les 28 mai et 2 juin 1997, la SNCF ([2]) avait introduit devant le T.A. Paris près d’une quarantaine (39) de requêtes aux fins de voir les entreprises ayant participé aux pratiques anticoncurrentielles, condamnées à lui verser une somme totale de l’ordre de 2 à 3 milliards de francs.
Votre précédente audience vous a donné l’occasion d’examiner deux des jugements rendus en première instance,
- le premier, du 17 décembre 1998, relatif au marché conclu avec les sociétés Bouygues, Campenon B C, D T.P., Demathieu & Bard, DTP Terrassement et Nord France Entreprise pour la réalisation du franchissement sur 2.960 mètres du territoire du parc d’attraction Eurodisneyland en coordination avec la société du même nom (lot 43-C) ;
- le second, du 15 décembre 1998, relatif au marché conclu pour l’exécution de travaux de terrassement, drainage et construction d’ouvrages d’art sur une section de 3,9 km de long essentiellement dans la commune de Villecresnes (lot 46-C).
*
Nous allons aujourd’hui examiner deux autres jugements.
Section 21 du TGV Rhône-Alpes. Le premier jugement a été lu 17 déc. 1998 (req. n° 9800111/6). Il concerne le marché conclu le 19 juillet 1990 avec les Sté Dumez TP, Bouygues, Bec G, GTM, D TP, F G et Spie Batignolles pour la réalisation des travaux afférents à la section 21 du TGV Rhône Alpes.
Ce marché est le plus important de l’opération non seulement du fait de la longueur de voies concernée – 73 Km entre Diemoz et Saint-Marcel-les-Valences –, mais aussi parce qu’il a fallu, en outre, réaliser 2 tunnels, 5 viaducs et 106 ouvrages d’art courants. Il a d’ailleurs été divisé en 10 lots. Ajoutons que, conclu pour le prix de 2.335.000.000 F h.t., il a aussi, par ailleurs, fait l’objet d’un financement original. Le marché qui a été modifié par 52 avenants, a fait l’objet de réceptions échelonnées entre 1992 et 1994. Le décompte général et définitif a été signé le 29 avril 1994.
Par son jugement du 17 déc. 1998, le T.A. Paris a déclaré les entreprises membres du groupement solidairement responsables des conséquences dommageables subies par la SNCF résultant du dol commis lors de la passation du marché (art. 1er) et, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de la SNCF, ordonné qu’il soit procédé à une expertise en vue de déterminer le montant du surcoût entre le prix payé par l’établissement public et le prix qui aurait été payé s’il avait été déterminé par le libre jeu de la concurrence (art. 2).
C’est de ce jugement que font appel toutes les entreprises du groupement par des requêtes que vous pourrez joindre pour y statuer par un même arrêt.
‘‘Hors Lot 39-16'' du TGV Nord. Le second jugement – du 15 décembre 1998 – concerne le ‘‘Hors Lot 39-16'' du TGV Nord qui a été confié à un groupement conduit par la société Léon Ballot BTP – aux droits de laquelle est venue la Société Fougerolle Ballot – par un marché signé le 16 janvier 1991. Le T.A. Paris ayant rejeté les conclusions de la SNCF tendant à la condamnation du mandataire du groupement à lui verser une somme de 966.200 F en réparation du préjudice, c’est l’établissement public qui a fait appel.
*
Nonobstant la circonstance que vous devrez statuer sur les deux affaires par des arrêts distincts, nous nous proposons d’examiner toutes ces requêtes ensemble en commençant, comme il se doit, par la légalité externe (régularité) des jugements attaqués. Nous nous occuperons ensuite de leur légalité interne (bien-fondé).
1. Sur la régularité des jugements attaqués.
Nous examinerons successivement :
- la compétence juridictionnelle ;
- la recevabilité de la demande de la SNCF en première instance ;
- la régularité de la procédure ;
- enfin, les moyens mettant en cause la motivation du jugement.
1.2. Sur la compétence juridictionnelle.
Compétence de la juridiction administrative. Lors de votre précédente audience nous vous avons dit pourquoi, selon nous, la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige.
Nous vous rappellerons les grandes lignes de notre raisonnement.
S’il est incontestable que les actes mis en cause (entente) et regardés comme frauduleux ont été commis avant la signature des marchés, les manœuvres dolosives n’ont produit leurs effets que parce qu’elles ont vicié le consentement de la SNCF tel qu’il s’est exprimé dans et par la signature des marchés litigieux. Nous en tirons deux conséquences :
1° Puisque ces manœuvres ont eu pour effet et même pour objet de vicier le consentement de la SNCF, du fait du caractère attractif du contrat, le contentieux est nécessairement un contentieux contractuel ([3]). Il ne (re)deviendrait d’ailleurs pas non contractuel (quasi-délictuel) si le contrat avait été entaché de nullité ([4]).
2° Ces contrats sont des contrats administratifs dont le contentieux relève de la seule compétence de la juridiction administrative à la fois parce que les travaux constituent des travaux publics pour avoir été effectués pour une personne publique dans l’intérêt du service public ([5]) et parce qu’en vertu des dispositions de l’art. 20 de la loi d’orientation des transports intérieurs (n° 82-1153) du 30 décembre 1982 : « Les biens immobiliers affectés au service public du transport ferroviaire et aménagés spécialement à cette fin ont le caractère de domaine public » et que le contentieux des travaux effectués sur le domaine public relève de la compétence des juridictions administratives ([6])
Compétence territoriale du T.A. Paris. Plus délicat est le moyen tiré de l’incompétence territorial du T.A. Paris. Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2002-547 du 19 avr. 2002, la compétence territoriale des tribunaux administratifs n’est plus d’ordre public – ainsi qu’il ressort notamment des modifications apportées au 2e al. de l’art. R. 312-2 du CJA ([7]). Vous n’examinez donc la compétence territoriale du tribunal que si le moyen tiré de son incompétence est soulevé et s’il avait déjà été soulevé en première instance.
C’est la raison pour laquelle nous n’avions pas pu éviter de nous prononcer sur la question lorsque nous avions analysé les requêtes dirigées contre le jugement du 15 décembre 1998 statuant sur le marché conclu pour l’exécution des travaux relatifs au lot 46-C exécutés entre Limeil-Brevannes et Marolles-en-Brie.
La question de la compétence du T.A. Paris est soulevée, à propos du marché relatif à la section 21, par la Sté D TP qui l’avait déjà fait en première instance.
Aux termes du 2nd al. de l’art. R. 55 du C. TACAA alors en vigueur et applicable aux litiges relatifs aux marchés, contrats, quasi-contrats ou concessions, « si l’intérêt public ne s’y oppose pas, les parties peuvent, soit dans le contrat primitif, soit dans un avenant antérieur à la naissance du litige, convenir que leurs différends seront soumis à un tribunal administratif autre que celui qui serait compétent en vertu des dispositions de l’alinéa précédent » – qui est, en principe, celui dans le ressort duquel le contrat litigieux est exécuté.
Pour les premiers juges, il a été possible de faire application de ces dispositions et d’admettre que, quel que soit le lieu d’exécution du marché, le T.A. Paris était compétent.
Leur argumentation est la suivante : il existe à l’art. 50 du cahier des clauses et conditions générales (CCCG) applicables aux marchés de travaux de la SNCF (auquel se réfère le marché dont s’agit) une stipulation prévoyant que les différends survenant entre la SNCF et son cocontractant seront portés devant le ‘‘tribunal de commerce de Paris''. Cette mention a été barrée et remplacée par la mention manuscrite « les tribunaux de Paris ». Pour le Tribunal, la clause d’attribution dérogatoire ainsi portée par mention manuscrite sur le cahier n’est pas opposable en l’absence de paraphe apposé dans la marge ([8]) ; en revanche, il ressortirait clairement de la mention initiale, opposable aux parties, que la compétence territoriale a été attribuée à Paris.
Nous pensons, comme les premiers juges, qu’en l’absence de paraphe apposé dans la marge, la clause d’attribution dérogatoire portée par mention manuscrite sur le CCCG ne peut être regardée comme exprimant une commune volonté de déroger à la compétence territoriale normale.
Par contre, il nous paraît difficile d’admettre que la mention initiale, donnant compétence au tribunal de commerce de Paris, ait pu se lire comme donnant implicitement compétence au Tribunal administratif de Paris. En effet, s’agissant d’une disposition dérogatoire, le 2e alinéa de l’art. R 55 devait s’interpréter strictement. Ainsi, à notre sens, l’accord pour que le litige soit porté devant le T.A. Paris ne pouvait être regardé comme établi que s’il était exprès et formalisé dans le contrat primitif ou dans un avenant antérieur à la naissance du litige. En tout état de cause, en l’absence d’avenant, une mention concernant le Tribunal de commerce de Paris ne pouvait s’interpréter de plano comme manifestant une commune intention de voir les litiges portés devant le T.A. Paris. C’est d’ailleurs l’interprétation qui avait été faite par la CAA Nantes dans un arrêt du 8 juill. 1992, S.N.C.F. c/ SA Nord-France Entreprise (req. n° 91NT775, Rec. T. p. 846-1120).
Dans la seule affaire déjà audiencée dans laquelle la question avait été soulevée, nous vous avions invités à retenir la compétence du T.A. Paris parce que l’art. R. 55 du C. TACAA précisait que le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel l’autorité publique contractante lorsque l’exécution du contrat s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif et que, précisément, l’exécution du marché s’était poursuivie à la fois dans le département de l’Essonne et du Val-de-Marne.
Mais dans la première des deux affaires examinées aujourd’hui – celle relative au secteur 21 – les 73 Km de voie sont intégralement situés dans les départements de l’Isère et de la Drôme, qui sont l’un et l’autre dans le ressort de compétence territoriale du T.A. de Grenoble.
Sur la base de ces observations, nous avions initialement pensé vous inviter à annuler le jugement et, faisant application des dispositions du 2e al. de l’art. R. 351-3 du CJA, à transmettre sans délai le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat pour qu’il règle la question de compétence.
Mais il s’agit d’un marché qui a été signé il y a près de 14 ans et dont le DGD fêtera son 10e anniversaire à la fin du mois (signature le 29 avril 1994). De ce fait et alors, en outre, que l’appel du jugement attend d’être jugé depuis 4 ans, la solution peut paraître peu opportune.
En outre, vous pourriez être sensible au fait que si la Sté D TP conteste la compétence du T.A. Paris, aucune des autres entreprises en cause ne l’a fait et, sur la base de cette observation, retenir que, puisqu’à l’égard de ces dernières le T.A. Paris pouvait sans irrégularité se regarder comme étant compétence pour statuer sur le litige, du fait du lien existant entre ces entreprises et la Sté D TP, il l’était aussi pour statuer sur les conclusions de cette dernière.
Nous vous proposons, donc, de faire application d’une jurisprudence de la CAA Nancy du 23 avril 1991, Centre hospitalier de Saint-Dizier (req. n° 89NC01353) mais dans une situation « miroir » : dans cette affaire, la CAA Nancy avait refusé de faire application des règles permettant de déroger à la compétence territoriale car l’application de cette réglementation ferait obstacle à ce que la même juridiction puisse conserver la responsabilité de l’ensemble des constructeurs et à ce qu’une condamnation solidaire puisse le cas échéant être prononcée. S’il s’agit d’une situation « miroir », c’est parce que nous ne vous proposons pas d’écarter la dérogation au profit de la règle mais, au contraire, d’écarter la règle au profit de la dérogation non contestée par l’ensemble des autres membres du groupement.
L’intérêt d’une bonne administration de la justice et plus encore, peut être, des entreprises concernées qui pourraient préférer diminuer le délai de jugement et, du même coup, le poids des intérêts capitalisés nous incite à vous proposer cette solution dont nous n’ignorons pas le caractère particulièrement novateur mais rendue possible par la disparition du caractère d’ordre public de la compétence territoriale des tribunaux administratifs.
1.2. Recevabilité de la demande de la SNCF
L’art. 5 de la loi n° 97-135 du 13 févr. 1997 portant création de l’établissement public ‘‘Réseau ferrée de France'' a apporté en pleine propriété à cet établissement l’ensemble des biens constitutifs de l’infrastructure gérée par la SNCF avec effet au 1er janvier 1997. Ce même article précise que ‘‘Réseau ferrée de France'' est « substitué à la SNCF pour les droits et obligations liés aux biens qui lui sont apportés ».
En résulte-t-il que la SNCF n’avait plus qualité pour agir comme le soutiennent les entreprises ? Nous vous avons dit, lors de votre précédente audience, que nous ne le pensions pas pour deux raisons :
- D’abord parce que l’entente au détriment de la SNCF a été constatée par la décision n° 95-C-76 du Conseil de la concurrence en date du 29 nov. 1995 relative à des pratiques constatées à l’occasion de marchés de grands travaux dans le secteur du génie civil, c’est-à-dire bien avant la date fatidique du 1er janvier 1997 – comme les premiers juges l’ont parfaitement jugé ;
- Ensuite, parce que dans le cas d’une transmission de propriété, le maître d’ouvrage initial ne perd pas automatiquement la faculté d’exercer toutes actions en justice. Tout au contraire il conserve celles qui présentent pour lui un intérêt direct et certain dès lors que l’action en question tend à la réparation d’un préjudice non concerné par le transfert. Voyez en ce sens CE, 7 oct. 1998, Sté OTH Méditerranée, req. n° 156.653, Rec. T. p. 1026. Cette jurisprudence nous semble devoir s’appliquer dès lors que l’art. 5 de la loi n° 97-135 du 13 févr. 1997 ne peut se lire comme l’interdisant évidemment. En l’occurrence, la SNCF qui a supporté le surprix a seule un intérêt à en obtenir la restitution.
Vous écarterez donc ce moyen.
1.3. Sur la procédure contentieuse.
1.3.1. Communication tardive de mémoires. Les requérants se plaignent de ce qu’ils ont reçu communication de mémoires en défense après la lecture du jugement – ce qui rend évidemment assez difficile d’y répondre utilement.
Mais l’absence de communication de mémoires ou de documents ne vicie pas la procédure lorsque les productions en cause ne contiennent aucun élément nouveau ([9]) ou lorsque le juge n’a pas fondé sa décision sur les moyens qui y sont spécifiquement développés ([10]). Or, précisément, la lecture du jugement attaqué ne fait pas apparaître que les premiers juges se seraient prononcés au vu d’éléments ou de moyens nouveaux spécifiquement développés dans les mémoires tardifs. Nous vous proposons donc d’écarter le moyen comme inopérant.
1.3.2. Droit à un procès équitable (CEDH, art. 6 §. 1). Plusieurs des sociétés mises en cause ont demandé la communication de différents documents. Le jugement serait entaché d’irrégularité pour n’avoir pas mentionné l’existence de ces demandes et, encore plus, pour n’y avoir pas répondu.
Il nous semble cependant que vous ne pourrez voir là une quelconque irrégularité. En effet, selon la formule traditionnelle, il appartient au juge administratif qui dirige l’instruction, d’apprécier s’il est utile, pour la solution du litige dont il est saisi, de faire produire certaines pièces dont la communication est demandée par les parties ([11]). S’il estime que le dossier contient tous les éléments d’information nécessaires pour statuer en connaissance de cause sur le litige qui lui est soumis, il peut sans irrégularité rejeter des conclusions tendant à ce qu’il ordonne, par exemple, la production du dossier de l’administration (CE, 17 octobre 1997 Banque Industrielle et Mobilière Privée (BIMP), req. n° 162597) ou un rapport de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes établi à la suite de l’enquête sur des pratiques discriminatoires (CE, 31 mars 1999, Sté Peller et Sté J.M. Eynaud, req. n° 173990).
Et précisément, parce qu’il dirige seul l’instruction des affaires dont il est saisi, le juge n’est pas tenu de répondre à des demandes portant sur les mesures à prendre dans le cadre de l’instruction de l’affaire (CE, 14 déc. 2001, E. Tête, req. n° 226042 ; – 18 déc. 2002, H X…, req. n° 240241). Ainsi le silence du jugement sur les demandes ne l’entache d’irrégularité.
Ajoutons, pour faire bonne mesure, que ce n’est que lorsqu’il a épuisé sa compétence en statuant par un jugement définitif sur la requête que le juge ne peut plus répondre à une demande de production et de communication de documents. Au stade du jugement avant dire droit, l’instruction se poursuit et il a encore la possible de changer d’avis s’il apparaît qu’une demande doit être satisfaite pour la solution du litige.
Nous pensons donc que vous devrez écarter aussi ce moyen.
1.4. Visas.
La Sté BEC G soutient que le jugement du 17 déc. 1998 serait irrégulier parce qu’il ne vise pas l’ensemble des mémoires. Mais elle confond la minute – qui doit viser l’ensemble des mémoires pour autant qu’ils ont servi de support aux analyses auxquelles s’est livré le tribunal – et l’expédition qui n’a pas à être exhaustive. Voir V° Jugement, n° 71, in RDCA 1.5. Motivation.
1.5.1. Contrariété des motifs Les premiers juges semblent s’être situés à la fois sur le terrain quasi délictuel et sur le terrain contractuel. Mais, ainsi que nous l’avons rappelé en commençant l’exposé de nos conclusions, ceci est impossible car, compte tenu du caractère attractif des contrats, lorsque le litige est contractuel, aucune des parties ne peut saisir le juge administratif sur un autre terrain.
Ceci dit, le dispositif du jugement ne se prononce pas sur la cause juridique de la demande et les motifs qui en sont le soutien nécessaire ne permettent pas de penser que le Tribunal aurait entendu écarter la responsabilité contractuelle des entreprises ou de faire droit aux demandes de la S.N.C.F. sur un autre fondement que celui du contrat – alors surtout que l’instruction est en cours ! Nous vous proposons donc d’écarter aussi ce moyen comme manquant en fait.
1.5.2. Insuffisance de motivation. A notre sens, le moyen doit être écarté. Dans les deux jugements que nous examinons aujourd’hui les premiers juges ont clairement et suffisamment indiqué pourquoi ils avaient retenu la compétence juridictionnelle et écarté la fin de non-recevoir tiré du défaut d’intérêt à agir de la SNCF.
De même, la référence à l’arrêt de la C.A. de Paris du 6 mai 1997 qui a fait l’objet d’une publication au B.O. de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 8 juillet 1997 (p. 440) et qui concerne directement les parties en litige semble une motivation suffisante s’agissant d’établir l’existence d’une entente entre les entreprises du BTP pour l’attribution des marchés pour la construction des lignes T.G.V.
Au surplus, rappelons – au risque de nous répéter – que le jugement attaqué est un jugement avant dire droit. Il n’a donc pas à répondre à tous les moyens soulevés par les requérants ainsi que le jugement du 17 déc. 1998 le rappelle d’ailleurs expressément dans son art. 5. Ce type de jugement est suffisamment motivé lorsque le dispositif trouve un fondement suffisant dans les motifs développés – et suffisamment développés. Tel est le cas dans notre affaire.
Si vous nous avez suivi jusqu’ici vous écarterez tous les moyens mettant en cause la régularité des jugements, soit comme inopérants, soit comme manquant en fait ou non fondés.
2. Sur le bien-fondé.
Sur le fond, parce que les deux affaires examinées aujourd’hui se présentent dans les mêmes termes que celles appelées à votre précédente audience, vous devrez successivement vous demander s’il existe un dol et, si vous estimez que tel est le cas, quelles en sont les conséquences compte tenu des diverses objections soulevées par les entreprises.
2.1. Existence du dol.
2.1.1. Entente illégale. Existe-t-il une entente entre les majors du BTP ? Si la question se pose, c’est pour deux raisons :
- D’abord parce que l’argumentation développée par certains requérants laisse songeur. Lors de votre précédente audience, nous avions vu qu’une des entreprises en cause – la Sté D T.P. – soutenait successivement et sans transition que la concurrence avait été « réelle et effective » et que la S.N.C.F. était parfaitement au courant (« pleinement consciente ») des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre ; c’est la Sté GTM-CI qui se livre à ce même exercice périlleux ([12]).
- Ensuite, parce que, du fait de la cassation de l’arrêt de la C.A. de Paris pour ne pas avoir censuré l’irrégularité formelle de la décision du Conseil de la concurrence, il n’est pas possible de retenir l’autorité de la chose jugée – dont la S.N.C.F. se prévaut indûment.
C’est cependant sans hésitation que nous vous avons proposé de juger que l’entente était établie par les aveux imprudents des sociétés requérantes qui, loin d’en contester l’existence, soutiennent qu’elle était parfaitement connue de la S.N.C.F. et, surtout, par l’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dont les P.V. de constat et d’audition font foi jusqu’à preuve contraire (Cass. com., 6 oct. 1992, Sté Colas Sud-ouest et a., n° 90-16.755, Bull civ. IV, n° 294 ; Cass. crim., 20 nov. 2001, J.-P. Buonanno, n° 00-86.414). Sans doute ces P.V. ne figurent-ils pas dans les dossiers, mais il n’est ni établi, ni même allégué que la synthèse détaillée qu’en donne la décision du Conseil de la concurrence serait déformée ou entachée de contrevérités.
Le réexamen de la question pour l’audience d’aujourd’hui pas plus que les notes en délibéré dont nous avons été destinataire ne nous ont incité à revoir notre analyse. Au contraire ! Ajoutons que, sur renvoi de la Cour de cassation, la C.A. de Paris a rendu le 14 janvier 2003 un arrêt qui confirme l’analyse qui avait été faite par le Conseil de la concurrence et par le précédent arrêt de la Cour – à savoir l’existence d’ententes au détriment de la S.N.C.F. – et inflige des amendes d’un montant assez comparable.
Les faits sont têtus et il faut en tenir compte.
2.1.2. Dol. Ainsi qu’il est précisé à l’art. 1109 du code civil, il n’y a pas consentement si celui-ci n’a été donné que par erreur, ou lorsqu’il a été « extorqué par violence ou surpris par dol ». Pour être constitutive d’un dol, l’entente doit donc avoir constitué une manœuvre qui a « surpris » le consentement de la SNCF et l’a amenée à conclure les marchés dans des conditions qu’elle n’aurait pas acceptées si elle n’avait pas été victime des agissements concertés des entreprises du BTP.
Tel a été incontestablement le cas et les sociétés requérantes qui le contestent, n’apportent aucun élément de nature à établir que pour la S.N.C.F. le fait de ne pouvoir faire jouer la libre concurrence est resté sans conséquence. Et comment le pourraient-elles alors qu’il ressort évidemment de l’instruction que l’entente a eu pour objet de contraindre la S.N.C.F. à conclure les marchés pour un prix supérieur à celui qu’elle aurait obtenu si la libre concurrence avait pu jouer.
Sur ce point nous voudrions éclairer le fond de notre pensée.
Nous ne considérons pas qu’une entente soit par elle-même et, en quelque sorte a priori, toujours constitutive d’un dol. En revanche, lorsqu’il ressort des P.V. d’audition des responsables des entreprises concernées et des constatations de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes que l’entente a eu pour objet de lier la S.N.C.F. et de la priver des avantages d’une libre concurrence, il nous paraît possible et même nécessaire d’affirmer qu’en dernière analyse le dol est l’objet même – la raison d’être – de l’entente.
Mais le consentement de la S.N.C.F. a-t-il été surpris ? En d’autres termes, peut-on passer de l’entente à finalité dolosive au dol avéré et établi par ses effets ?
Les premiers juges ont rapproché la date de la signature du marché de celle de l’ordonnance du 18 septembre 1990 par laquelle le vice-président délégué par le président du T.G.I. de Nanterre a autorisé l’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Parce que le marché relatif à la section 21 du TGV Sud-Est a été signé le 19 juillet 1990, c’est-à-dire avant qu’ait été prise ladite ordonnance, ils ont admis que son attribution n’avait été consentie qu’à la faveur de manœuvres constitutives d’un dol. En revanche, dans l’affaire relative au marché « hors lot 39-16 » du TGV Nord, ils ont considéré que la S.N.C.F. ne pouvait pas soutenir que son consentement avait été obtenu par des manœuvres dès lors que le marché avait été signé le 16 janvier 1991, c’est-à-dire après qu’elle eût pris connaissance de l’ordonnance à laquelle nous venons de faire allusion.
Mais si l’ordonnance fait état d’ « indices précis, graves et concordants laissant présumer … des pratiques anticoncurrentielles », une supposition n’a jamais constitué une certitude et encore moins une preuve. Tant que la preuve de l’existence des pratiques n’avait pas été apportée, la présomption d’innocence interdisait à la S.N.C.F. d’opposer aux entreprises candidates des pratiques anticoncurrentielles supposées ou, a fortiori, de refuser de conclure les marchés avec les entreprises ou groupements d’entreprises les mieux disantes.
Ainsi le raisonnement qui sous-tend les jugements du 17 décembre 1998 (lot 43 C) et du 15 décembre 1998 (lot 46 C) méconnaît non seulement la portée juridique de l’ordonnance autorisant les investigations de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), mais aussi les contraintes auxquelles la S.N.C.F. n’avait pas la possibilité de se soustraire ([13]) et qui accentuaient sa situation de faiblesse.
Les deux affaires examinées aujourd’hui se présentent exactement dans les mêmes termes que les affaires déjà jugées. Comme nous l’avons déjà fait nous vous proposons de dire que le dol doit être regardé comme établi.
2.2. Conséquences du dol.
Ainsi que le soulignent – un peu ingénument – les entreprises, la S.N.C.F. a une grande maîtrise du type de marché ici en cause et, de ce fait, on ne voit pas ce qui aurait pu expliquer les surcoûts payés sinon les manœuvres la privant de repères et de termes de comparaison valables. Or, le rapport de la Cour des comptes est formel en ce qu’il regarde comme établie l’existence d’un préjudice financier directement lié aux manœuvres dolosives.
Le seul problème n’est pas de savoir s’il y a eu dol – cela relève pour nous de l’évidence -, mais de déterminer l’étendue de ses conséquences compte tenu, notamment, des négociations qui ont précédé la signature. Et c’est précisément l’objet de l’expertise que de le définir exactement.
Les ententes ont eu pour objet et pour effet de priver la S.N.C.F. des avantages liés à la libre concurrence. Pour échapper à une condamnation les entreprises se prévalent de :
- la prescription visée à l’art. 1304 C. Civ. qui rendrait son action irrecevable ;
- du caractère définitif des décomptes généraux établis après l’exécution des travaux ;
- de diverses causes d’exonération et, notamment, de la faute de la S.N.C.F. qui aurait collaboré à son propre malheur, voire même qui en serait l’auteur unique.
2.2.1. Prescription de la nullité des marchés. Les sociétés requérantes se prévalent de l’art. 1304 du code civil ([14]).
Mais par sa décision du 14 déc. 1923, Grands Moulins de Corbeil (Rec., p. 852), le Cons. d’Etat a jugé que les manœuvres dolosives entraînent la résolution du contrat s’il est prouvé que, sans elles, l’autre partie n’aurait pas contracté et que, par contre, elles ne donnent lieu qu’à des dommages-intérêts au profit du contractant qui en a subi les effets lorsque, sans être la cause déterminante de sa volonté, elles ont eu pour résultat de l’amener à accepter des conditions plus onéreuses que celles auxquelles il aurait dû normalement souscrire et de lui causer ainsi un préjudice dont il est fondé à demander réparation.
En l’espèce, la S.N.C.F. a justement considéré que la fraude n’avait eu d’incidence que sur le prix et, pour ce motif, n’a demandé que la condamnation des auteurs du dol à des dommages-intérêts consistant dans la restitution de l’excédent de prix.
Nous sommes donc, en tout état de cause, hors du champ d’application de l’art. 1304 du code civil et le moyen doit donc être écarté comme inopérant.
2.2.2. Opposabilité du décompte général et définitif. La S.N.C.F., suivie en cela par les premiers juges, a considéré que les sociétés défenderesses ne sauraient utilement se prévaloir de l’intangibilité du D.G.D. qui ne serait pas remis en cause.
Cette analyse est erronée.
Il est constant que l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors du décompte définitif détermine les droits définitifs des parties. Ce décompte qui est établi, notamment et essentiellement, à partir des prix de base détermine les droits et obligations des parties. Ainsi, même si l’action intentée par la SNCF tend à la seule réparation du préjudice résultant du vice de consentement – et précisément pour cette raison -, elle débouche nécessairement, en dernière analyse, sur une modification du prix du marché tel que retenu pour l’établissement du décompte. Or, selon un principe bien connu pour être quasi systématiquement rappelé par la jurisprudence, dès qu’il a été approuvé et signé sans réserve, décompte est définitif et « interdit toute réclamation ultérieure des parties à l’égard de leur cocontractant en dehors des cas de fraude ou du cas où l’une ou l’autre des parties aurait sollicité la rectification d’une erreur ou d’une omission dans les conditions limitativement énumérées par l’art. 541 de l’ancien CPC » ([15]). Aujourd’hui la référence à l’art. 541 de l’ancien CPC n’étant plus possible, la jurisprudence en a repris le contenu : le décompte ne peut être remis en cause qu’en cas de fraude, d’erreur ou d’omission matérielle ou de double emploi ([16]). Et même si les application positive sont – heureusement – rares, la jurisprudence considère qu’il n’est pas possible de se prévaloir d’un décompte établi sur la base de manœuvres frauduleuses ([17]).
Si, à la date de la signature du décompte, la S.N.C.F. ignorait l’existence de manoeuvres frauduleuses sur des éléments constitutifs de ce décompte ayant eu pour résultat de l’amener à accepter des conditions plus onéreuses que celles auxquelles elle aurait dû normalement souscrire, elle peut le remettre en question sur le fondement du principe indiqué à l’instant. En revanche, si à la date à laquelle elle a signé le décompte, elle connaissait l’existence de la fraude et son objet, elle ne peut se prévaloir de l’ignorance de l’existence d’une fraude pour remettre le décompte en question.
Puisque l’entente formée à son détriment a été constatée par la décision 95-D-76 du Conseil de la concurrence en date du 29 nov. 1995, dans les deux affaires examinées aujourd’hui, la S.N.C.F. a signé le décompte dans l’ignorance de ce que le prix fixé n’avait été arrêté qu’à la faveur du dol dont les entreprises s’étaient rendues coupables.
Rappelons, en effet, que les décomptes généraux et définitifs ont été signés par la S.N.C.F. respectivement, le 29 avril 1994 pour le marché conclu pour l’exécution des travaux afférents à la section 21 du TGV Rhône-Alpes, etle 28 mai 1993 pour celui conclu pour l’exécution des travaux afférents au marché ‘‘Hors Lot 39-16'' du TGV Nord.
2.2.3. Causes d’exonération. Deux causes d’exonération sont soulevées devant vous : l’absence de participation aux manœuvres frauduleuses et la faute de la victime.
Ainsi que nous vous l’avons dit en commençant, les deux tiers des entreprises concernées par l’attribution des marchés ont participé aux manœuvres frauduleuses (31 sur 53). Un tiers du total a donc été mis hors de cause. En outre, certaines de celles qui ont participé aux manœuvres en participant à simulacre d’offre pour l’attribution d’un marché, peuvent n’avoir rien fait de tel s’agissant du marché à l’exécution duquel elles ont participé.
Tel serait le cas de la Sté F qui demande le rejet des conclusions dirigées contre elle et, subsidiairement, à être garantie par les autres entreprises du groupement.
Mais, dès lors que l’attribution d’un marché a été viciée par des manœuvres frauduleuses, tous ceux qui en ont profité en doivent réparation – quitte à se retourner ensuite contre les autres membres du groupement dans le cadre d’un appel en garantie qui, pour pouvoir prospérer, doit être formé devant le Tribunal.
En tout état de cause, dès lors que l’entreprise fait partie du groupement attributaire de tel ou tel marché précis, le moyen qu’elle tire de l’absence de participation personnelle aux manœuvres frauduleuses mises en œuvre pour son attribution nous semble devoir être écarté comme inopérant.
Vous écarterez aussi pour le même motif, le moyen tiré de la faute commise par la victime. En effet, même si la S.N.C.F. avait été imprudente ou négligente cela resterait sans incidence dès lors, du moins, qu’elle demande uniquement la restitution du surprix qui est égal à la différence entre le prix qui aurait été payé – compte tenu de la marge habituellement pratiquée pour risques et bénéfices dans les marchés publics de travaux lorsque la concurrence est réelle – et celui qui a été définitivement arrêté après les négociations, à l’exclusion des frais et charges induits telles les charges financières que la S.N.C.F. a pu, le cas échéant, supporter. Le surprix ainsi défini correspond à concurrence de son montant à un enrichissement sans cause des entreprises et tenir compte de l’imprudence ou de la négligence éventuelles de la S.N.C.F., reviendrait à dire que lorsque la victime contribue à son propre malheur, le coupable – le fraudeur / voleur – a le droit de garder une partie de son butin. Vous devrez écarter une telle possibilité à laquelle nous ne voyons – pas plus que les entreprises dont les notes en délibéré sont bien silencieuses sur ce point – aucune justification de quelque nature que ce soit.
Par l’ensemble de ces motifs, nous concluons
- au rejet des conclusions tendant à l’annulation du jugement du 17 déc. 1998 relatif à la section 21 du TGV Rhône-Alpes ;
- à l’annulation du jugement du 15 déc. 1998 relatif au marché ‘‘Hors Lot 39-16'' du TGV Nord et à ce que, avant de statuer sur les conclusions de la SNCF tendant à la condamnation du groupement mené par la Sté Léon Ballot BTP – au droit de laquelle est venue la Sté Fougerolle Ballot BTP, vous ordonniez qu’il soit procédé à une expertise en vue de déterminer le montant du préjudice subi par la S.N.C.F., qui correspond au surcoût entre le prix payé par l’établissement public et le prix qui aurait été payé s’il avait été déterminé par le libre jeu de la concurrence et qui a donc, de ce fait, constitué un enrichissement sans cause des entreprises titulaires du marché. Si vous nous suivez, vous surseoirez à statuer sur l’ensemble des droits et moyens pour qu’il y soit statué au vu des conclusions de l’expert.
Dans ces deux affaires, les entreprises étant les parties perdantes, nous vous proposons de les condamner, chacune, à verser à la S.N.C.F. la somme de 7.500 € au titre des frais irrépétibles.
Tel est le sens de nos conclusions sur ces deux affaires.
----------------------- [1] Bull. IV, n° 158, D. 2000, n° 2, p.9 note M-L. Noboyet, JCP Ed G, 2000 7/8 p. 309 note E. Cadou [2] Selon les déclarations de son président, L. Gallois, (La vi⁥畤爠楡끮[…]摡業e du rail n° 2600 du 11 juin 1997), la SNCF attendait l’arrêt de la C.A. de Paris (et, peut-être aussi, d’avoir procédé à une évaluation de coût de la fraude) avant de saisir la juridiction administrative.
Dans son rapport annuel rendu public en octobre 1996, la Cour des comptes avait évalué le surcoût des travaux de réalisation de cette ligne résultant des pratiques anticoncurrentielles à 750 MF.
[3] CE, 13 déc. 1972, Cie d’assurances maritimes, aériennes et terrestres (CAMAT) et a., Rec. p. 805 ; – 1er déc. 1976, Berezowski: Rec. p. 521 ; – 17 mai 1982, Sté du Parking de la Concorde, Rec. p. 669 ; 30 mai 1986, Min. PTT c. Sté SALEG, Rec. p. 153; X 1986, p. 466 note J.C. ; Trib. Confl. du 12 février 2001, Cne de Courdimanche et Cie Groupama Ile-de-France c/ Agent judiciaire du Trésor, req. n° 3.243 [4] CE, 14 déc. 1923, Sté des Grands Moulins de Corbeil, Rec. p. 852 ; – Sect., 26 mars 1965, […] [5] CE sect., 2 juillet 1971, S.N.C.F. c/ Epx Le Piver, Rec. p. 504 et la jurisprudence est constante : CAA Paris, 11 avril 1991, SNCF c/ Sté ‘‘Solétanche'', req. n° 89PA01290 ; CAA Lyon, 28 janv. 1999, S.A. Boutte, req. n° 98LY00536 ; CAA Nantes, Plén., 15 avril 1999, Sté ‘‘Mammoet Stoof Vof'', req. […] ; CAA Paris, 29 juin 1999, […], […] [6] CE, 4 février 1970, Min. Eqpt c/ SNCF, req. n° 71.905 [7] « Lorsqu’il n’a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l’article R. 351-3 et que le moyen tiré de l’incompétence territoriale du tribunal administratif n’a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l’instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d’office par le juge d’appel ou de cassation. » [8] Dans le cas contraire – si elle avait pu être regardée comme valable – elle aurait pu / du être interprétée comme donnant compétence au T.A. Paris. En ce sens CE, 28 avril 1976, Schmitt, Rec. T. p.816) [9] CE, sect., 24 févr. 1967, Gonthier: Rec. p. 92, X 1967, p. 310; – 5 janv. 1973, Paisnel: Rec. T., p. 1079; – Sect., 23 janv. 1981, Coudert: Rec. p.23; – 27 nov. 1987, Synd. des industriels fabricants de pâtes alimentaires, Rec. C.E. p. 388 ; – Sect., 23 déc. 1988, Dpt du Tarn c/ Barbut, Rec. p. 466 ; – 21 juin 1995, S.A. Société financière de gestion et d’investissements (Sofige), Rec. p. 252 [10] CE, 3 janv.1968, Lebreton, p.8; – 5 juill.1972, Gay, p.519 ; – 27 oct. 1999, Couland, req. […] [11] CE, 26 avril 1963, Dme Lambardo, Rec. C.E., p. 958; – 19 juin 1970, Berrogain, Rec. C.E. T. p. 1157 ; – 8 mai 1974, Giraud et Y, A.J.D.A. 1974, p. 389 concl. M. I-J ; CAA Paris, 29 octobre 1991 SARL « Au Bon Accueil », req. n° 89PA02560 ; C.A.A. Lyon, 7 juillet 1995, […], Rec. […].
[12] Requête d’appel, p. 12 [13] Sur ce point, voir le Rapport public de la Cour des comptes 1996, p. 244 [14] « Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. / Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts. » [15] CE, Sect., 22 oct. 1965, Cne de Saint-Lary (Htes-Pyrénées) c/ Sté techn. Industrielle de matériel d’entreprise, Rec. 546 ; – 10 déc. 1969, Cne de Saint-Mandrier (Var), Rec. p. 571 ; – 13 févr. 1980, OPHLM de la Marne c/ Burati, req. n° 11.087 ; – 22 févr. 1980, Cne de Mercurol, req. n° 13.217 ; – 4 déc. 1987, Cne de Ricamarie, req. n° 56.108 et jurisprudence constante [16] CAA Lyon, 13 déc. 2000, Synd. mixte d’aménagement rural de la Drome, req. […] [17] CE , 14 févr. 1890, Roussey, Rec. CE , p. 178 concl. Jagerschmidt ; – 2 déc. 1964, A, Rec. p. 939. La jurisprudence de la Cour de cassation semble dans le même sens (Cass. com., 14 mars 1972, Epx Guibert c/ Dme Vve Chauvet, D. 1972 p. 547 et 653 note J. Ghestin.

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CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 99PA01043