CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 01PA03795

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA de NANCY ( arrêt du 9 mai 1996 Mme Y, n° 94NC00774
CE 10 janvier 2000 Boualaoui L p.18

Texte intégral

RAPPORTEUR : A.VINCELET
REQUETE : 01PA03795
REQUERANT : Ministre de l’équipement c/ M. et Mme X M. X a conclu le 23 janvier 1987 un contrat de location d’un appartement de cinq pièces situé à Vitry-sur-Seine ( Val-de-Marne) avec la sté anonyme d’HLM Travail et Propriété, aux droits de laquelle est ultérieurement venue la SCIC Habitat Ile-de-France. Le cotitulaire du bail était Mme Z X, alors épouse de l’intéressé. Ce dernier a continué à occuper le logement après la séparation du couple et y habite avec sa nouvelle épouse et leurs cinq enfants nés entre 1985 et 1995. M. X est bénéficiaire de l’APL, l’allocation qu’il percevait couvrant l’intégralité de son loyer et une fraction des charges locatives. Mais, en conflit avec son bailleur auquel il reproche de ne pas correctement exécuter les obligations du contrat qui les lie, il a résisté au paiement de la fraction des charges locatives qu’il doit normalement supporter. Le bailleur a réagi en s’efforçant de faire jouer la clause résolutoire du contrat de location mais ne semble pas avoir eu beaucoup de succès auprès du juge judiciaire. Toutefois, il a également saisi la SDAPL du VDM et, à l’issue d’une procédure sur laquelle nous reviendrons, a été mieux entendu puisque cette autorité, réunie le 30 août 1999, a fini par suspendre le versement de l’APL de M. X.
L’ampliation de la décision ainsi prise, signée le 20 septembre 1999, a été initialement notifiée à l’intéressé dans des conditions obscures et ce dernier n’en a eu connaissance que le 24 décembre 1999 lorsque il est allé s’inquiéter auprès de la CAF de l’absence de paiement de son APL du mois de novembre 1999 et qu’un agent de la caisse lui en a remis une copie. Le 8 février 2000, M. X a saisi la SDAPL d’un recours gracieux qui est demeuré sans réponse. Mais, avant l’expiration du délai de recours contentieux, il a également demandé le 17 février 2000 à bénéficier de l’aide juridictionnelle. Le BAJ la lui a accordée le 19 mai 2000 et le conseil désigné a présenté un REP dirigé contre la décision en date du 30 août 1999, enregistré au greffe du TAM le 13 juillet 2000.
En dépit d’une mise en demeure, le préfet n’a pas daigné défendre en première instance et, par un jugement lu le 19 juin 2001, le TA a annulé la décision attaquée. C’est le ministre de l’équipement, des transports et du logement qui relève régulièrement appel.
Peut-être agacés par l’inertie de l’Etat en première instance, les premiers juges ont été sévères pour l’administration.
La décision de la SDAPL, très sommairement motivée, se borne à constater « que le loyer n’est pas payé » pour suspendre le versement de l’APL. Cette motivation bâclée a fourni au requérant un moyen tiré de ce qu’en réalité il n’était redevable d’aucun loyer puisque son APL était supérieure à ce dernier. A défaut de défense, les premiers juges ont pris le requérant au mot et ont censuré la décision attaquée comme entachée d’une erreur de fait.
Mais ils ont cru bon de s’affranchir du principe de l’économie des moyens pour retenir un deuxième motif d’annulation constitué par un vice de procédure. Après avoir cité intégralement le tortueux article R.351-30 du CCH, ils ont estimé « qu’à supposer que la décision de suspension ait été en réalité motivée par le défaut de paiement des charges locatives, il ne ressort d’aucune pièce du dossier que la procédure prévue par les dispositions précitées (…) qui prévoient (…) soit le renvoi du dossier au bailleur aux fins de mise en place d’un plan d’apurement de la dette, soit la saisine directe d’un fonds local d’aide au logement, a été suivie ». Nous avons lu et relu l’unique mémoire de première instance de M. X sans y trouver ce moyen qui a été à notre sens irrégulièrement soulevé d’office, toutefois le min ne critique pas la régularité du jugement.
Nous sommes assez d’accord avec l’auteur du recours pour estimer qu’en réalité aucune erreur de fait n’a été commise : la SDAPL a très maladroitement rédigé la décision attaquée mais il est évident qu’elle a entendu se fonder sur l’absence de paiement d’une fraction des charges locatives et ne s’est pas trompée sur la nature de l’impayé ayant motivé sa saisine, surtout que c’était la troisième fois qu’elle examinait le dossier de M. X. Le premier motif d’annulation a donc été retenu à tort.
S’agissant du second, le min fait ce que le préfet aurait dû faire et vous expose les différentes étapes de la procédure suivie en application de l’article R.351-30 du CCH. Il vous explique que la SDAPL a été saisie par le bailleur le 16 mars 1998, alors que l’impayé de charges locatives s’élevait à 6 105, 88 F. Le 25 août 1988, la SDAPL s’est réunie une première fois pour décider de maintenir l’APL jusqu’au 28 février 1999 en invitant M. X à prendre contact avec les services sociaux pour constituer un dossier de fonds de solidarité pour le logement. Elle s’est réunie une deuxième fois le 16 février 1999 pour décider de maintenir l’APL jusqu’au 31 août 1999 en réitérant son invitation à l’allocataire. D’après le ministre, c’est aussi à défaut de réception d’un plan d’apurement de la dette que la suspension a finalement été décidée le 30 août 1999.
Le TA a donc eu tort d’affirmer que la SDAPL n’avait pas respecté les dispositions de procédure de l’article R.351-30 du CCH puisqu’elle a suivi l’une des deux voies qui s’offraient à elle : le renvoi du dossier au bailleur pour mettre en place un plan d’apurement de la dette.
Aucun des deux motifs d’annulation n’étant fondé, vous serez conduits, dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, à examiner les autres moyens soulevés par M. X pour vérifier si l’un d’entre eux n’est pas de nature à justifier l’annulation prononcée par les premiers juges.
Tel est selon nous le cas en l’espèce et nous allons vous inviter à confirmer celle-ci.
A défaut de réception d’un plan d’apurement de la dette, la SDAPL, après mise en demeure du bailleur, peut suspendre le versement de l’APL. Ce pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article R.351-30 du CCH s’exerce sous le contrôle restreint du juge administratif comme l’ont jugé les CAA de NANCY ( arrêt du 9 mai 1996 Mme Y, n°94NC00774, mentionné aux T du L) et de MARSEILLE ( arrêt du 24 février 1998 Min de l’équipement et du logement c/ M. Jougla n°96MA02760).
Or, en l’espèce, M. X père de cinq enfants mineurs à la date de la décision attaquée, semble également héberger deux personnes âgées respectivement de 84 et 90 ans, comme il le faisait valoir dans son recours gracieux à la SDAPL. D’après les pièces figurant dans le DPI, l’intéressé, né en 1944, est inscrit à l’ANPE depuis le 22 janvier 1996 et ne percevait comme revenu qu’une allocation de solidarité spécifique dont le montant était de 2 606,17 F au mois de janvier 2000. D’après la déclaration de revenus de l’année 1998, les revenus du foyer fiscal n’étaient que de 30 169 F.
Nous vous l’avons dit, le loyer du logement était couvert par l’APL et l’impayé de charges locatives n’atteignait que la somme de 8 513, 10 F au mois d’août 1999. Or la décision de la SDAPL a pour conséquence de fragiliser considérablement la situation de cette famille qui, privée de l’APL, ne pourra pas faire face au paiement d’un loyer supérieur à 3 000 F, sans compter les charges locatives. A plus ou moins brève échéance, un arriéré de loyers risque de s’accumuler à la suite de la décision de la SDAPL et le bailleur pourra faire jouer la clause résolutoire du bail sans que M. X n’ait les moyens de l’empêcher en soldant sa dette. Nous ne sommes pas convaincus qu’il entre dans la mission de la SDAPL de concourir ainsi à la précarisation du logement d’une famille nombreuse et défavorisée alors que le bailleur ne semble guère faire d’efforts pour régler le conflit qui l’oppose à son locataire.
Qu’il nous soit également permis d’exprimer l’idée que ce dossier laisse la très désagréable impression que le bailleur s’efforce de se débarrasser d’un locataire pugnace confronté à une situation de vétusté de son logement et qui se bat pour faire valoir ses droits à disposer d’un logement décent.
Nous pensons donc que la décision de la SDAPL est entachée d’une EMA et que les premiers juges ont eu raison de l’annuler. Si vous nous suivez, vous rejetterez donc le recours du ministre.
Vous rejetterez également les conclusions indemnitaires de M. X car, comme l’a jugé le TA, elles n’ont pas été précédées d’une réclamation préalable liant le contentieux.
Enfin, s’agissant des conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles formulées par le premier avocat de l’intimé, M. X bénéficie de l’aide juridictionnelle, n’établit pas avoir supporté personnellement de tels frais et son avocat n’a pas demandé la condamnation de la partie adverse à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu’il aurait réclamée à son client si celui-ci n’avait pas bénéficié d’une aide juridictionnelle totale. Ses conclusions sont dès lors irrecevables ( CE 10 janvier 2000 Boualaoui L p.18 ).
PCMNC au rejet du recours du ministre et des conclusions présentées en appel par M. X.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de la construction et de l'habitation.
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