CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 09PA05219

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA Versailles, 23 juin 2011, Mme A, req n° 09VE01803
CE 11 décembre 2006, ANGIOTTI, req n° 284746
CE 12 juillet 1978 Min de l' Education nationale c./Sieur Lamperier n° 9389
CE 16 juin 1979 Min du travail c/ M. Y n° 11552
CE 16 octobre 1987 Hôpital St-Jacques de Dieuze n° 60173
CE 17 décembre 2009, Sté SOGEDAME, req n° 305568
CE 19 février 1996 M. Z n° 12667
CE 21 février 1973 Min de l' Education nationale c./Larribe n° 87152
CE, 3 décembre 2003 Syndicat intercommunal de restauration collective n° 256879
CE 4 février 2008, Département des Hautes Alpes, req n° 300569
CE 9 décembre 2005 Vidot n° 282 525

Texte intégral

09PA05219 Mme B X c/ ministre de la défense
Audience du 17 octobre 2011
Lecture du 21 novembre 2011
CONCLUSIONS de M. Stéphane Dewailly, Rapporteur public
Faits : Mme B X a intégré la marine nationale en septembre 2000 dans le cadre du service volontaire pour une période de deux ans pour y exercer les fonctions de maître d’hôtel et de serveuse au carré des officiers de l’établissement d’aéronautique navale de Dugny-le-Bourget.
En mai 2002, elle réussira le concours d’ouvrier professionnel des services déconcentrés du ministère de la défense et sera nommée sur un emploi d’ouvrier professionnel stagiaire par un arrêté du 22 octobre 2002.
Après avoir été affectée au centre « commandant Millè » puis, à compter de mai 2003, au mess des officiers mariniers du centre « marine Pépinière » de Paris dans un emploi de serveuse.
Le 21 octobre 2003, la CAP décidera de prolonger sa période de stage d’un an en raison d’un rapport de stage concluant qu’ «elle a du mal à adhérer à l’institution » et vraisemblablement avec sa hiérarchie.
A partir du mois de juin 2004, Mme X, alors enceinte, bénéficiera de plusieurs arrêts de travail pour maladie. Elle sera placée en congé maternité à compter du 3 juin 2005, puis en congés parental jusqu’au 30 avril 2006.
Compte tenu de ces éléments, le ministre de la Défense, a estimé que la date théorique de la fin de sa période de stage serait fixée au 5 mars 2006. Mme X reprendra son service le 2 mai 2006.
Le 23 novembre 2006, la CAP centrale n° 16, compétente à l’égard du corps des ouvriers professionnels des services déconcentrés, émettra un avis partagé. Elle sera donc « réputée avoir donné l’avis » (décret n° 82-451 article 32). Ce qui nous permet de dire que la commission a bien été valablement consultée, mais que comme elle n’a adopté aucune position à l’égard de la question qui lui avait été soumise, l’administration peut donc prendre une décision sans que celle-ci puisse être censurée par le juge administratif pour vice de procédure.
Par arrêté du 18 décembre 2006, le ministre de la défense a licencié l’intéressée pour insuffisance professionnelle.
Par une première requête devant le TAP, Mme X a demandé :
- l’annulation de l’arrêté ministériel du 18 décembre 2006 ;
- d’enjoindre au ministre de la défense de la réintégrer et de se prononcer sur sa titularisation dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
-de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;
Par une seconde requête, elle a sollicité que le juge des référés suspende l’exécution de l’arrêté du 18 décembre 2006 par lequel le ministre de la défense a licencié l’intéressée pour insuffisance professionnelle et d’ordonner au ministre de la défense de la réintégrer et de se prononcer sur sa titularisation dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Le juge des référés rejettera sa requête et la formation collégiale du TAP, par un jugement du 3 juin 2009, rejettera la requête de Mme X. Elle interjette régulièrement appel de ce jugement, demandant à la cour de l’annuler et d’annuler aussi la décision attaquée. Elle demande qu’il soit enjoint au ministre de la réintégrer et de la titulariser, sous astreinte, enfin de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles. Elle demande aussi que le blâme du 2 février 2005 évoqué dans la fiche de notation par le défendeur soit déclaré illégal.
Discussion :
1 – Sur la régularité du jugement :
L’appelante explique que le jugement est intervenu au terme d’une procédure irrégulière puisqu’elle n’a pu avoir connaissance des conclusions du rapporteur public avant l’audience malgré sa demande écrite de communication.
Toutefois, ce premier moyen ne saurait prospérer dès lors que les dispositions du code de justice administrative obligent seulement le RP à communiquer le sens de ses conclusions avant l’audience, afin que les parties puissent présenter des observations ciblées et utiles à la défense de leur cause (article R. 711-3 du code de justice administrative : CE 17 décembre 2009, Sté SOGEDAME, req n° 305568). Rappelons que les conclusions à proprement parler ne sont, comme la note du conseiller rapporteur, pas des documents communicables au sens de la loi du 17 juillet 1978, mais des documents personnels dont la communication ne peut être exigée des parties et qui n’ont d’ailleurs pas à figurer dans le dossier d’instance. Par conséquent, dès lors que comme en l’espèce, le sens des conclusions lui a été communiqué avant l’audience, la procédure suivie en première instance est régulière.
Ce moyen sera écarté.
2 – Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du ministre de la défense du 18 décembre 2006 :
A – Elle estime tout d’abord que la procédure suivie est irrégulière.
A 1 – Rappelons tout d’abord que cette procédure est celle du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 articles 5 et 7. Il y est précisé que sauf dans les cas, où ils prévoient que les personnes recrutées par concours sont immédiatement titularisées, les statuts particuliers des différents corps de fonctionnaires fixent une période probatoire, dite période de stage, avant la titularisation des intéressés. La durée de cette période varie selon les corps (le plus souvent, cette durée est d’un an).
A l’issue de la période de stage, le fonctionnaire stagiaire est :
- soit titularisé,
- soit, si le statut particulier le prévoit, admis à prolonger son stage,
- soit, s’il n’est ni titularisé, ni admis à prolonger son stage, radié des cadres ; s’il possède par ailleurs la qualité de fonctionnaire dans un autre corps, il est réintégré dans son corps d’origine.
En toute hypothèse, le stagiaire a simplement vocation à être titularisé et non un droit à l’être.
Le refus de titularisation à la fin du stage pour inaptitude professionnelle est, dans tous les cas, prononcé par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après consultation de la C.A.P. Cette décision n’est soumise qu’au contrôle restreint du juge (contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation). Exception faite de l’hypothèse dans laquelle vous décideriez d’appliquer le décret du 1er août 1990 relatif au statut des ouvriers d’Etat -considérant que celui de 1994 ne leur est pas applicable- où l’exigence de saisir la CAP ne semble être posée que pour une éventuelle période de prolongation de stage.
En toute hypothèse, il existe une différence juridique importante entre le licenciement en fin de stage entouré d’un minimum de formalisme (pas de communication du dossier, pas de motivation obligatoire, (CE, 3 décembre 2003 Syndicat intercommunal de restauration collective n° 256879) et le licenciement en cours de stage qui suppose le respect de la procédure contradictoire (CE, 16 février 2005, commune d’Olivet ; CE 16 octobre 1987 Hôpital St-Jacques de Dieuze n° 60173 ; CE 21 février 1973 Min de l’Education nationale c./ Larribe n° 87152). A cet égard, il faut noter que :
- lorsque la durée statutaire du stage est écoulée, sans qu’une décision ait été prise, la jurisprudence considère que l’agent conserve la qualité de stagiaire à laquelle il peut être mis fin à tout moment, sans formalisme ;
- la plupart des statuts prévoient une neutralisation partielle des congés maladie, ce qui amène dans certains cas à des décisions de prolongation de stage.
A 2 – En l’espèce, vous savez que Mme X a été nommée dans un emploi d’ouvrier professionnel stagiaire par un arrêté du 22 octobre 2002.
Le 21 octobre 2003, la commission administrative paritaire (CAP) a prolongé sa période de stage d’un an.
A partir du mois de juin 2004, l’appelante a fait l’objet d’arrêts de travail pour maladie, puis, a été placée en congé maternité à compter du 3 juin 2005, avant de prendre un congé parental jusqu’au 30 avril 2006.
Le ministre de la défense a donc repoussé la fin de sa période de stage jusqu’au 5 mars 2006.
Par conséquent, le licenciement prononcé est un licenciement en fin de stage. Rappelons à cette occasion qu’un tel licenciement est fondé sur l’appréciation portée par l’autorité compétente sur l’aptitude d’un agent à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir. Elle se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n’est pas – sauf à revêtir le caractère d’une mesure disciplinaire – au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l’intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, et n’est soumise qu’aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements
En conséquence, vous pourrez écarter les moyens soulevés, l’administration n’avait pas à lui communiquer son dossier (CE 4 février 2008, Département des Hautes Alpes, req n° 300569 ; CE 16 juin 1979 Min du travail c/ M. Y n° 11552), ni à motiver sa décision puisque les motifs en tout état de cause sont indiqués dans les rapports de fin de stage (CE 19 février 1996 M. Z n° 12667), aucun élément précis tenant à la composition de la CAP ou à l’irrégularité de la convocation devant celle-ci n’étant établi.
Enfin si Mme X soutient que la procédure aurait dû être contradictoire, c’est-à-dire qu’elle aurait dû pouvoir présenter ses observations et se faire assister par tout défenseur de son choix en application du principe des droits de la défense, force est de rappeler que le stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire, qui ne lui confère aucun droit à être titularisé. Dans ces conditions, il n’y a pas méconnaissance du principe des droits de la défense (CE 11 décembre 2006, ANGIOTTI, req n° 284746).
Vous ne pourrez donc retenir le moyen tiré du vice de procédure.
B – Sur le moyen tiré du défaut de motivation de l’arrêté querellé :
La requérante, considère que c’est une décision qui est prise en considération de la personne et doit être en conséquence motivée, même si aucune disposition législative ou réglementaire ne le prévoit.
Elle cite alors l’arrêt de la CJCE Heylens du 15 octobre 1987 qui selon elle permet d’établir que dès lors qu’il existe une voie de recours juridictionnelle contre la décision, celle-ci doit être motivée pour que le contrôle du juge puisse être réalisé.
Comme il a été dit, l’arrêté prononçant le licenciement du stagiaire pour insuffisance professionnelle à l’issue du stage n’est une décision au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 (CE 9 décembre 2005 Vidot n° 282 525 et jurisprudence constante).
De surcroît, l’arrêt de la CJCE Heylens du 15 octobre 1987 concernait une décision refusant à un travailleur ressortissant d’un autre état membre pour la reconnaissance des diplômes. Il ne concerne à l’évidence ici pas notre sujet. De surcroît, nous rappellerons que les principes du droit communautaire tels qu’ils sont dégagés par cette même jurisprudence ne sont pas directement applicable au droit interne hormis les hypothèses qu’ils visent et lorsque le sujet est d’ordre communautaire. Ce n’est pas le cas en l’espèce.
Le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.
C – Sur la légalité interne : Mme X fait valoir que la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle n’est pas fondée sur sa manière de servir, constitue en réalité une sanction déguisée, est entachée d’un détournement de pouvoir, puisque le conseil de discipline aurait du être saisi et d’erreur manifeste d’appréciation.
La lecture des pièces du dossier permet de tenir pour établis certains faits :
- le rapport de fin de stage du 7 octobre 2003 mentionne: « manque de relationnel dans l’exercice de sa fonction. Elle a également beaucoup de problèmes avec la hiérarchie encadrante, n’exécutant que peu ou pas les ordres reçus. (…) » ;
- une fiche de notation pour l’année 2003 qui l’incite « à se reprendre pour pérenniser son emploi » ;
- un courrier du 17 décembre 2003 du maître principal, président du mess des officiers mariniers, adressé au commandant du centre marine Pépinière dans lequel sont soulignés le «manque d’assiduité » ainsi que des « retards fréquents et non justifiés » ;
- ces éléments seront repris en 2004 : dans le pré-rapport de fin de stage du 14 juin, dans cinq rapports mentionnant des absences sans justification ou encore dans un rapport du 2 septembre 2004 : « la qualité des services reste insuffisante du fait d’absences régulières et bien souvent injustifiées qui portent préjudice au bon fonctionnement de son service » ; une notation avec des appréciations négatives cette même année ; un blâme en février pour falsification de documents ;
- en 2005, un nouveau blâme pour des absences irrégulières et la relation de propos calomnieux envers les agents chargés de la gestion du personnel ;
- enfin un rapport du 10 août 2006 qui émet un avis très défavorable à sa titularisation ;
Or, cet ensemble d’éléments et notamment les difficultés relationnelles sont un des éléments de contexte pouvant être pris en considération (CE 12 juillet 1978 Min de l’Education nationale c./ Sieur Lamperier n° 9389), les absences lorsqu’elles ne sont pas justifiées (CAA Versailles, 23 juin 2011, Mme A, req n° 09VE01803), dès lors qu’en tout état de cause les faits sont matériellement et objectivement établis, ce qui n’est pas sérieusement contesté, même si une certaine qualité de travail a été décelée au cours de cette période, avec des appréciations favorables notamment de collègues de travail et de deux officiers et devait servir à apprécier la manière de servir l’institution depuis 2003.
Certes, elle explique que les conflits ont pour origine le tabagisme sévissant dans le mess des officiers tandis qu’elle était enceinte et craignait pour la santé de son enfant. Toutefois, elle ne produit aucun certificat médical corroborant cette situation, ni le stress dont elle s’est dit victime. Aucun élément précis et circonstancié tendant à démontrer qu’elle serait victime de racisme ou de sexisme n’est rapporté.
Vous ne pourrez donc conclure que le ministre s’est fondé sur des faits matériellement exacts et en outre écarter le moyen tiré du détournement de pouvoir.
PCMNC au rejet de la requête dans toutes ses conclusions.
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