CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA05395

  • Fermeture administrative·
  • Police·
  • Golfe·
  • Sanction administrative·
  • Santé publique·
  • Établissement·
  • Boisson·
  • Exploitation·
  • Infraction·
  • Crime

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : 9 mai 2012 ( M Y n° 356977
CE, 22 avril 2008, Sté Sushi, n° 315 461
CE, avis du 6 février 2013, Pesteil, n° 363532
CE dans une formation plus solennelle le 10 octobre 2012 ( SARL Le Madison, n° 345903

Texte intégral

N° 11PA05395
PREFET DE POLICE c/ M. X
Séance du 1er avril 2014
Lecture du 15 avril 2014
CONCLUSIONS de M. ROUSSET, Rapporteur public 1) M. X exploite depuis 30 ans dans le 6° arrondissement, une pizzéria sous l’enseigne « Le Golfe de Naples ».
Le 30 septembre 2010, les services de la police et de l’URSAF ont procédé à un contrôle inopiné de l’établissement
A cette occasion, il a été constaté que 3 salariés, n’étaient pas déclarés à l’ URSSAF .
Le 3 novembre 2010, le préfet de police a informé M. X que ces faits, constitutifs de délits réprimés par le code du travail, étaient de nature à justifier, en application du 3° de l’article L 3332-15 du code de la santé publique (CSP), la fermeture de son établissement pour une durée pouvant aller jusqu’à 6 mois et qu’il était invité, en conséquence, en application de l’article 24 de loi du 12 avril 2000, à faire valoir ses observations. M. X a répondu le 15 novembre 2010 au préfet qu’il ne contestait pas la matérialité des faits reprochés, que toutefois les salariés venaient d’être embauchés et que son épouse avait, dès le 1er octobre demandé à son cabinet comptable de régulariser la situation en établissant les contrats de travail et la déclaration unique à l’embauche.
Les pièces jointes à ce courrier confirment que la régularisation a bien eu lieu .
En revanche, les observations de M. X, qui indique que les dispositions necessaires pour faire établir les contrats ont été prises le 1er octobre, contredisent les énonciations du jugement selon lesquelles les 3 contrats étaient déjà établis et signés les 29 et 30 septembre 2010 quand a eu lieu le contrôle.
Par un arrêté du 14 janvier 2011, le préfet de police a, en application du 3 de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique, ordonné la fermeture pour 21 jours du « Golfe de Naples ».
Le préfet de police fait appel du jugement du 23 novembre 2011 par lequel le TAP a annulé son arrêté.
2) Vous constaterez, tout d’abord, que ce jugement, dont la minute vise et analyse l’ensemble des mémoires n’est entaché d’aucune irrégularité.
3)Vous ne vous arrêterez pas, ensuite, aux développements inopérants du préfet qui vous demande d’annuler le jugement au motif que les premiers juges aurait commis des erreurs de droit .
Rappelons, en effet, que c’est au juge de cassation qu’il appartient selon la formule de René Chapus de « juger le jugement », c’est-à-dire de s’assurer de sa conformité à la règle de droit.
Le juge d’appel, pour sa part, qui se borne à contrôler la régularité formelle et procédurale du jugement, a essentiellement pour mission de rejuger le litige.
Il n’entre donc pas dans votre office de censurer, par l’annulation du jugement attaqué, l’erreur de droit éventuellement commise par le tribunal mais de vérifier, en rejugeant l’affaire, si comme l’ont estimé les premiers juges, l’arrêté du 14 janvier 2011 du préfet de police était illégal.
4) A cet égard, et comme le fait valoir le préfet dans sa requête, il ne nous semble pas que la circonstance, retenue par le tribunal pour annuler l’arrêté, que M. X n’aurait pas eu l’intention de se soustraire à son obligation de déclarer ses trois salariés, était de nature à entacher d’illégalité l’arrêté contesté.
En effet, l’usage des pouvoirs que l’article L 3332-15 du CSP confère au préfet n’est subordonné ni au caractère intentionnel des agissements reprochés ni à une condamnation de l’exploitant mais au seul constat de la matérialité des faits délictueux ( en ce sens CE, 22 avril 2008, Sté Sushi, n° 315 461 ).
5) En revanche, il nous semble que le second motif retenu, à titre surabondant, par les premiers juges et tirés de ce qu’à la date à laquelle la fermeture a été prononcée, les troubles avaient entièrement cessé et n’ étaient pas susceptibles de se reproduire, justifiait l’annulation de l’arrêté contesté.
5-1) Rappelons qu’aux termes de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique, la fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée dans trois hypothèses :
- Pour une durée n’excédant pas six mois, à la suite d’infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements ( 1° du L. 3332-15).
- Pour une durée n’excédant pas deux mois en cas d’atteinte à l’ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, si ces atteintes sont en relation avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation ( 2° du L. 3332-15)
- Enfin pour une durée de six mois en présence d'°actes criminels ou délictueux, prévus par les dispositions pénales en vigueur, si ces crimes et délits sont en relation avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions d’exploitation ( 3° du L. 3332-15).
5-2) Par deux arrêts et un avis récent, le CE est venu clarifier le régime juridique des mesures de fermeture administrative prises par les préfets en application de l’article L. 3332-15 du CSP .
a) Saisi dans le cadre d’une demande de QPC transmise par votre cour , le Ce a jugé par un arrêt 9 mai 2012 (M Y n°356977 )que « lors lorsqu’elle est ordonnée en application du 3 de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique, , la fermeture du débit a pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l’établissement, indépendamment de toute recherche de responsabilité de l’exploitant et qu’une telle mesure doit être regardée en conséquence, non comme une sanction présentant le caractère d’une punition, mais comme une mesure de police ».
Ce principe selon lequel une fermeture administrative prise en cas de commission d’un crime ou d’un délit en relation avec l’exploitation ou la fréquentation d’un débit de boissons constitue une mesure de police administrative et non une sanction administrative, a été réaffirmée par le CE dans une formation plus solennelle le 10 octobre 2012 ( SARL Le Madison, n°345903, B)
Enfin répondant à une demande d’avis du TA de Poitiers, le CE a confirmé que, de manière générale, les mesures de fermeture prononcées en application de l’article L.3332-15 du code de la santé publique – que ce soit sur le fondement du 1., du 2. ou du 3 constituent des mesures de police et que les recours dirigés contre ces décisions ont toujours le caractère de recours pour excès de pouvoir ( CE, avis du 6 février 2013, Pesteil, n°363532, B).
5-3) Pour en revenir à notre affaire, vous observerez au préalable que la fermeture administrative en litige a été prise en application du 3° de l’article L. 3332-15 du CSP mais pour une durée de 21 jours et sans annulation du permis d’exploitation alors que si l’on suit l’interprétation que Fabienne Lambolez faisait du paragraphe de cet article dans ses conclusions sous l’ avis Pesteil, la fermeture ordonnée sur ce fondement le serait toujours pour une durée de 6 mois et entraînerait de plein droit l’annulation du permis d’exploitation.
Tout ne semble donc pas encore clarifié sur le régime applicable aux fermetures administratives prises en en cas d’ actes criminels ou délictueux.
Ce qui, en revanche, est certain, compte tenu de la jurisprudence qui vient d’être exposée, c’est que les fermetures prises en application du 3° de l’article L. 3332-15 du CSP sont des mesures de police administrative qui, pour être légales, doivent avoir pour but non de sanctionner ou punir l’exploitant pour les crimes ou délits qu’il a commis mais d’éviter que perdurent ou se renouvellent au sein de l’établissement les désordres liés à ces crimes ou délits .
Cette jurisprudence rend selon nous caduque la solution retenue par le CE dans un arrêt non fiché du 2 décembre 1992, cité par le préfet de police ( 115 806 MINISTRE DE L’INTERIEUR) qui jugeait, sur la base de l’ancien article 62 du code des débits de boissons, que les régularisations opérées par l’exploitant postérieurement aux infractions qu’il avait commises ne faisaient pas obstacles à ce que le préfet prononce des mesures de fermeture administrative du débit de boissons
A cet égard, vous noterez que M. Z, qui concluait dans cette affaire, justifiait cette solution par le fait « que lorsque la mesure est prise en vue de préserver l’ordre,, la santé ou la tranquillité publique, c’est alors purement une mesure de police, qui ne peut tendre à faire cesser un trouble passé . Mais dès lors que l’autorité agit à la suite d’infractions, elle exerce un pouvoir de sanction administrative qui ne nécessite pas que l’infraction présente un caractère continu ».
Toutefois, ainsi que nous l’avons exposé, la position exprimée par M. Z n’est plus conforme à la jurisprudence actuelle du CE.
5-4) Or en l’espèce, il est établi par les pièces du dossier que le 14 janvier 2011 , lorsqu’a été prononcée la fermeture pour 21 jours du « Golfe de Naples », l’ établissement n’était plus en infraction depuis plus de 3 mois avec la réglementation du travail .
Par ailleurs, le préfet n’ a fait état, ni devant le tribunal ni devant la cour , d’éléments laissant supposer qu’ il existait un risque pour que les manquements constatés le 30 septembre 2010 se reproduisent, étant précisé que M. X fait valoir, sans que cela soit contesté qu’en trois décennies d’exploitation du « Golfe de Naples », il n’a jamais enfreint ces réglementations .
En réalité, lorsqu’il a ordonné le 14 janvier 2011 la fermeture de la pizzéria, le préfet de police n’entendait pas prévenir la continuation ou le retour de désordres liés aux infractions constatés le 30 septembre 2010 mais bien infliger à l’ exploitant de l’établissement une sanction administrative.
Vous confirmerez, par conséquent, par ce seul motif, le jugement attaqué et l’annulation de cette mesure de fermeture administrative qui ne pouvait se substituer légalement aux sanctions pénales qu’encourait M. A à la suite des infractions commises le 30 septembre 2010 ( voyez dans le même sens l’arrêt Société Sotref (N° 12PA04250) rendu par votre chambre le 31 décembre 2013 ).
PCMNC
Au rejet de la requête
A ce que l’Etat verse à M. A une somme de 1000 euros au titre de l’article L 761-1 du CJA.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA05395