CE, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 382005

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Sur la décision

Référence :
CE
Juridiction : Conseil d'État
Précédents jurisprudentiels : 8 février 2012, Omar, 350187
CE 10/9 23 février 2009, Moutterlos, n° 304995
CE 2/7 30 janvier 2012, M. Y, n° 342355
CE 6/2, 19 octobre 1979, Ville de Marseille, n° 09922
CE Ass, 8 avril 2009, Compagnie générale des eaux et commune d'Olivet, n° 271737

Texte intégral

N° 382005 B 3 M. X 5e er 4e sous-sections réunies
Séance du 9 décembre 2015
Lecture du 23 décembre 2015 […].
Conclusions M. Z X, médecin rhumatologue, a exercé au CH de Villeneuve St Georges pendant une longue période, de 1989 à mars 2011, sous différents statuts successifs. En dernier lieu, il a été recruté comme praticien attaché par un contrat signé pour une durée de deux ans du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, puis pour une période de trois ans jusqu’au 31 décembre 2007. Le renouvellement tacite de ce contrat portait ensuite au 31 décembre 2010 la nouvelle échéance de ses relations contractuelles avec l’hôpital. Par lettre du 14 septembre 2010, le directeur du CH a informé le praticien de sa décision de ne pas renouveler le contrat. Le 17 décembre 2010, il a retiré cette décision pour lui substituer une même décision avec effet reporté au 15 mars 2011.
Le recours pour excès de pouvoir de M. X a été rejeté par le TA de Melun et la CAA de Paris.
Les contrats passés avec les praticiens attachés sont régis par l’article R. 6152-610 du CSP. La première question à résoudre pour examiner le pourvoi dans un cadre juridique assuré est de déterminer quelle rédaction de cet article s’applique, puisque celle-ci a été modifiée au 1er octobre 2010 par un décret du 29 septembre 2010 qui ne comporte pas de disposition transitoire. Jusqu’à cette date, l’article disposait que
Les praticiens attachés sont recrutés pour un contrat d’une durée maximale d’un an, renouvelable dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre mois (…) / A l’issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s’effectue par un contrat de trois ans renouvelable de droit, par tacite reconduction »
La passation des contrats successifs de M. X comme praticien attaché s’est coulée dans ce cadre. Certes, le premier contrat a été conclu d’emblée pour une durée de deux ans, mais il s’agissait d’un contrat de régularisation signé en mars 2014 alors que la période qu’il entendait couvrir avait débuté plus d’un an auparavant. A l’issue de cette première période de 24 mois a été signé un contrat de trois ans, regardé comme renouvelable par tacite reconduction, et qu’on a laissé se renouveler effectivement une fois.
Mais le décret du 29 septembre 2010 portant dispositions relatives aux praticiens contractuels, aux assistants, aux praticiens attachés et aux médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes recrutés dans les établissements publics de santé a modifié le quatrième alinéa de l’article pour le rédiger en ces termes : « A l’issue de cette période de vingt-quatre mois, le renouvellement s’effectue par un contrat de trois ans, renouvelable de droit, par décision expresse. A l’issue du contrat triennal, le renouvellement s’effectue par un contrat à durée indéterminé »
La compréhension des dispositions anciennes et nouvelles serait plus immédiate si l’on avait veillé à n’enfermer qu’une idée par phrase, au lieu d’agglutiner plusieurs règles dans une seule phrase, et si l’on avait veillé à usage des virgules plus conformes à la syntaxe.
Toujours est-il qu’il semble bien résulter à tout le moins de cette modification qu’à la période initiale de 24 mois de relations contractuelles, inchangée, ne peut plus succéder qu’un seul contrat de trois ans, et non une suite indéterminée de tels contrats. Ce contrat de trois ans était renouvelable tacitement, mais ne l’est plus : ne peut lui succéder qu’un contrat à durée indéterminée, qui ne naît pas d’une reconduction tacite mais doit être expressément conclu.
Le décret du 29 septembre 2010 ne comporte pas de dispositions transitoires précisant les conditions de son application aux contrats en cours – à la différence de la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique qui tendait elle aussi à introduire la possibilité de CDI mais au sein des 3 FPE, FPT et FPH, auxquelles n’appatiennent pas les praticiens attaqchés malgré leur qualité d’agents publics. Et par une décision du 8 février 2012, Omar, 350187, C, la 5 SSJS a fait application à un contrat en cours de l’ancienne version de l’article R 6152-610. Au contraire, dans la présente affaire, la CAA de Paris, pour statuer sur la requête de M. X, a cité la nouvelle rédaction de ces dispositions.
Certes, la décision Omar paraît en phase avec la décision CE 2/7 30 janvier 2012, M. Y, n°342355, B, par laquelle vous avez jugé que les dispositions des lois des 11 et 26 janvier 1984 qui avaient pour effet d’empêcher la naissance tacite de contrats à durée indéterminée ne s’appliquait pas aux relations ayant uni un agent contractuel à une collectivité territoriale de 1980 à 1999.
Cependant, le silence de la loi nouvelle ou du règlement nouveau n’interdit pas de l’interpréter comme s’appliquant même aux contrats en cours. Les critères d’une telle interprétation ont été dégagés par CE Ass, 8 avril 2009, Compagnie générale des eaux et commune d’Olivet, n°271737, et la décision Y en a seuement fait appication dans le domaine particulier des relations entre un employeur public et son agent contractuel. Vous avez ainsi indiqué que dans le cas où une loi n’a pas expressément prévu, sous réserve, le cas échéant, de mesures transitoires, l’application des normes nouvelles qu’elle édicte à une situation contractuelle en cours à la date de son entrée en vigueur, la loi ne peut être interprétée comme autorisant implicitement une telle application de ses dispositions que si un motif d’intérêt général suffisant, lié à un impératif d’ordre public, le justifie, et que s’il n’est pas dès lors porté une atteinte excessive à la liberté contractuelle. Pour les contrats administratifs, l’existence d’un tel motif d’intérêt général s’apprécie en tenant compte des règles applicables à ces contrats, notamment du principe de mutabilité.
Or, en l’espèce, ces conditions paraissent remplies, au contraire du cas jugé par la décision Y.
En effet, la modification de l’article R6152-610 a été modifié par le décret du 29 septembre 2010 afin de mettre en œuvre la Directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée. La directive oblige les EM à mettre en œuvre les objectifs de l’accord cadre. Celui-ci comporte une clause 5 relative aux Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive des CDD, selon laquelle les EM introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:
a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;
b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;
c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.
Si l’ancienne version de l’article R6152-610 restait applicable aux contrats en cours à la date d’entrée en vigueur du décret du 29 septembre 2010, certains praticiens attachés resteraient liés à leur employeur, sans que celui-ci ait à jusitifer de raisons obketives qui le justifieraient, par des CDD indéfiniment renouvelables sans limitation ni de la durée maximale totale de ces CDD combinés, ni du nombre de renouvellements de ces CDD. Une interprétation du décret en ce sens heuterait ainsi directement les obligations résultant pour la France de la directive, et, par voie de conséquence, d’une exigence de portée constitutionnelle résultant de l’article 88-1 de la Constitution tel qu’interprété par la jp du CC.
Par ailleurs, l’application des dispositions nouvelles aux contrats en cours au 1er octobre 2010 ne porte pas une atteinte excessive à la liberté contractuelle. Elle prive certes les titulaires de ces contrats de la possibilité d’un renouvellement tacite, en ne permettant plus que le renouvellement express, mais elle leur donne accès à un CDI à la suite de leur CDD de 3 ans.
2/ Or, et l’on en vient au point déterminant du litige en cassation, avant comme après la modification apportée par le décret du 29 septembre 2010, le renouvellement du CDD de 3 ans, que ce soit par tacite reconduction, dans la rédaction ancienne, ou par reconduction expressse, dans la nouvelle réaction, est dit « de droit ».
Dans la présente affaire, pour écarter un moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision expresse de non-renouvellement du contrat, la CAA de Paris s’en est tenue à la jurisprudence constante, rappelée notamment récemment par CE 10/9 23 février 2009, Moutterlos, n°304995, B, à propos de l’obligation de motivation, selon laquelle un agent dont le contrat est arrivé à échéance n’a aucun droit au renouvellement de celui-ci.
Ce faisant, la cour n’a tenu aucun compte de la disposition de l’article R6125-610 selon laquelle le contrat conclu pour 3 ans est « renouvelable de droit ». Il n’est pourtant pas malaisé de donner un sens et une portée à cette précision expresse. Son sens est d’introduire une exception au principe jurisprudentiel classique. La portée de cette exception tient au moins au formalisme de la décision de ne pas renouveler le contrat. Si le renouvellement du contrat est devenu un droit, alors la décision expresse de ne pas le renouveler devra être motivée, en application de la loi du 11 juillet 1979, puisqu’elle équivaut à refuser un avantage dont l’attribution constitue un droit pour celui qui remplit les conditions légales pour l’obtenir, cas de figure prévu à l’antépénultième alinéa de l’article 1er, ou, bien, si le non renouvellement résulte de l’inaction de l’employeur, celui-ci sera-t-il tenu de communiquer les motifs de cette décision si l’intéressé les luis demande dans le délai de recours contentieux, en application de l’article 5.
En outre, la notion d’un renouvellement de droit paraît nécessairement faire sortir cette décision du domaine du pouvoir discrétionnaire de l’administration. Tant que le renouvellement est discrétionnaire, l’employeur doit seulement s’abstenir de refuser de renouveler pour des motifs étrangers à l’intérêt du service et en justifier au besoin devant le juge (CE 6 / 2, 19 octobre 1979, Ville de Marseille, n°09922, B). Puisque le renouvellement devient un droit, les motifs possibles de non renouvellement doivent nécessairement devenir plus restreints. Le droit d’un agent au renouvellement de son contrat étant comparable au droit d’un agent à la poursuite de son contrat, les motifs admissibles pour justifier la décision de ne pas le renouveler devraient être les mmes que ceux qui peuvent justifier de l’interrompre par un licenciement.
Au bénéfice de ces précision, vous devrier accueillir le moyen tiré de l’erreur de droit commise par la CAA en n’interprétant pas l’article R6125-610 CSP comme instituant un droit au renouvellement du contrat des intéréssés
Et PCM :
annulation de l’arrêt attaqué, et renvoi de l’affaire à la cour administrative d’appel de Paris.
3000 euros à la charge du CH de Villeneuve St Georges à verser à M. X L761-1.

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