CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 91PA01179

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Sur renvoi de : Conseil d'État, 8 mai 1990
Précédents jurisprudentiels : 14 juin 1989 SICOF RJF8/89 n° 996
16 janvier 1990 Sté Forter Wheel Française RJF 3/90 n° 262
CE 10juillet 1985 RJF 10/85 n° 1275
CE 15
CE 15 juin 1988 RJF 8/9-88 n° 984
CE 17
CE 20 octobre 1982 n° 22203
CE 26 juillet 1991 Fontaine à la RJF 91 n° 1206 et 1er juillet 1992 SA Telinor RJF10/92 n° 1404
CE 9 février 1979, n° 9.846 RJF 3/79 n° 173
CE du 23 mai 1990 Entreprise Paris Ouest ( publiée à la RJF 7/90 n° 804

Texte intégral

91PA01179
NATIONAL BANK OF PAKISTAN
LECTURE DU 18 MARS 1993
Conclusions de Monsieur X, Commissaire du Gouvernement
Par jugement du 15 octobre 1991, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la NATIONAL BANK OF PAKISTAN tendant à la décharge des compléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1981 à 1983, suite à la vérification comptable dont elle a fait l’objet en 1985.
La banque relève appel de ce jugement qui a écarté ses prétentions relatives à la déduction des frais de siège et à une provision pour actualisation de créance.
Recevabilité :
Le ministre met en doute la recevabilité de la requête, qu’il estime tardive. Mais la banque verse au dossier une copie de l’accusé réception du jugement qui établit que celui-ci lui a été notifié le 21 octobre 1991. Or, la requête a été enregistrée le 18 décembre, soit avant l’expiration du délai de deux mois.
Sur le fond le litige porte sur les deux chefs de redressement qui ont été retenus par les services fiscaux à savoir :
- d’une part la réintégration en 1981 des charges résultant du paiement de la quote-part des frais due par la succursale à son siège de Karachi au titre des trois années 1978 à 1980 ;
- d’autre part de la réintégration d’une provision constituée par la banque en 1981 pour tenir compte de la dépréciation nominale d’une créance.
I – Sur le premier chef de redressement
La banque a comptabilisé en charges en 1981 une somme de 996.247 F correspondant à sa participation (pour les trois années 1978, 1979 et 1980) aux frais de gestion du siège de la banque, situé à Karachi au Pakistan. Le vérificateur a réintégré cette somme au motif que la banque ne justifiait pas qu’au titre de ces trois exercices le siège pakistanais détenait sur sa succursale française une créance certaine dans son principe et dans son montant. Dans la décision de rejet de la réclamation le directeur régional des impôts a par ailleurs ajouté que des charges dont la constatation a été omise lors d’exercices prescrits ne peuvent être portées en déduction dans les écritures du premier exercice non prescrit (CE 20 octobre 1982 n°22203) en raison des principes de spécialité des exercices et d’intangibilité du bilan d’ouverture.
La contestation de la banque sur ce point pose à juger deux questions :
- la première question est de savoir si elle peut être regardée comme justifiant du caractère certain dans son principe et dans son montant, au titre de chacun des trois exercices 1978, 1979, 1980, de la créance détenue à son égard par le siège pakistanais ;
- au cas où vous répondriez par l’affirmative à cette question il faudra l’interroger sur le point de savoir si l’omission de comptabilisation de la dette pour chacune des trois années (1978, 1979 et 1980) pouvait donner lieu à correction en 1981.
1°) Sur le premier point, à savoir le caractère certain dans son principe et dans son montant de la créance, c’est à la société de justifier de la réalité des frais et charges qu’elle entend porter en déduction du bénéfice imposable en application de l’article 39-1 du code général des impôts. Certes l’article 3-3 de la convention fiscale franco-pakistanaise du 22 juillet 1966 prévoit que : « Dans le calcul des bénéfices d’un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses raisonnablement imputables à cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d’administration ainsi exposés, soit dans l’Etat où est situé cet établissement stable, soit ailleurs ».
Mais cet article s’il peut être regardé comme permettant la déduction de frais exposés pour la gestion du siège au Pakistan, ne saurait pour autant dispenser la société requérante d’apporter les justifications nécessaires à cette déduction. Or en l’espèce la NATIONAL BANK OF PAKISTAN ne justifie en rien, contrairement à ses assertions, que les sommes en cause avaient fait l’objet d’une inscription en comptes de produits à recevoir par le siège de Karachi.
Pour toute justification des contributions la société ne produit que des notes de débit certifiées par un commissaire aux comptes pakistanais et sur l’authenticité desquelles on peut avoir quelques hésitations. Il ressort cependant de ces documents qui sont datés respectivement des 30 mai 1979, 12juin 1980 et 5 juillet 1981 (et sont signés par les responsables financiers du siège de Karachi) que la succursale française était redevable d’une contribution de :
636.867 roupies pakistanaises en 1978 675.923 roupies pakistanaises en 1979 402.490 roupies pakistanaises en 1980.
Comme par ailleurs les services fiscaux ne contestent pas le paiement en 1981 d’une somme de 1.715.280 roupies pakistanaises (correspondant au total de ces trois contributions) au siège de Karachi, il nous semble que vous devez admettre la réalité de la créance détenue par le siège sur la succursale au titre de chacun des trois exercices.
L’administration fait toutefois remarquer que la déduction des frais afférents aux exercices 1978 à 1980 a été effectuée en retenant un taux de change de 0,581 proche du cours de l’année 1981 et non les taux relatifs aux exercices considérés (respectivement 0,425; 0,409; 0,462) et elle soutient donc que les frais comptabilisés ont été majorés de 263.176 F.
Dans son mémoire en réplique la banque admet cette surévaluation et limite en conséquence ses conclusions à fin de réduction à la somme de 733.721 F.
2°) C’est donc dans la limite de ses conclusions qu’il faut apprécier si la banque pouvait déduire cette somme de ses résultats imposables en 1981. Le tribunal administratif a répondu, en première instance par la négative au motif qu’à la date à laquelle la société requérante a constaté l’exagération qui, affectait les bases de son imposition au titre des exercices 1978, 1979 et 1980, le délai dont elle disposait, en vertu de l’article 1932 du code général des impôts alors en vigueur, pour contester cette imposition n’était pas expiré et qu’il lui appartenait de demander la réparation de son erreur en présentant une réclamation au directeur des services fiscaux.
Le tribunal administratif a ainsi repris une jurisprudence (classique) selon laquelle la surestimation du résultat d’un exercice, à la suite d’erreurs comptables, ne peut être corrigée dans le bilan de clôture des exercices suivants dès lors qu’à la date à laquelle l’entreprise a constaté son erreur elle pouvait encore présenter une réclamation (permettant de rectifier cette erreur) : cf. CE2octobre 1981 RJF 11/81 n°950 ; CE 17 mai 1982 RJF7/82 n°639; CE 15 mai 1985 RJF 7/85 n° 1019 ; CE 10juillet 1985 RJF 10/85 n° 1275.
De fait en 1981, au moment où en payant la contribution due à raison des trois années 1978 à 1980 la société a « réalisé » son erreur, il était encore temps pour elle de présenter une réclamation, puisque comme vous le savez le délai de réclamation expire, en matière d’impôt sur les sociétés le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle. (cf. ancien article 1932 du code général des impôts).
Mais cette jurisprudence ne pouvait faire obstacle à ce que, en 1985, au moment du contrôle, la société invoque, pour s’opposer aux redressements envisagés le principe de l’intangibilité du bilan d’ouverture du dernier exercice non prescrit. La jurisprudence que nous venons d’évoquer (dont s’est inspiré le tribunal) s’oppose à la correction des erreurs comptables sur un exercice suivant lorsque cet exercice suivant n’est pas le premier exercice non couvert par la prescription (voyez en ce sens la décision du 2 octobre 1981 que nous avons citée aux conclusions du Président Rivière). Cette condition qui figure en toutes lettres dans la décision du 2 octobre 1981 n’est pas reprise par la rédaction ultérieure des autres arrêts mais cela ne signifie pas qu’elle ait été abandonnée. En effet lorsque comme c’est le cas en l’espèce l’administration prend l’initiative de rectifier des écritures comptables d’un contribuable elle est liée par l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, qui est déterminé par référence au premier acte interruptif de prescription (cf. décision de plénière du 14 juin 1989 SICOF RJF8/89 n° 996). En l’occurrence les redressements ont été notifiés en octobre 1985 et par conséquent le premier exercice non prescrit était l’exercice qui s’est ouvert au 1er janvier 1981 ; et les écritures du bilan d’ouverture de cet exercice étaient donc devenues intangibles. Le paiement des frais de siège intervenu au cours de cet exercice n’a donc pas été compensé par l’extinction d’une dette correspondante puisque la banque avait omis de comptabiliser cette dette vis-à-vis du siège ; et comme cette omission était devenue définitive lors du contrôle le paiement en question a nécessairement généré une réduction de l’actif net sur laquelle il n’est plus possible de revenir. Le raisonnement que nous venons de reprendre a été exposé par le commissaire du Gouvernement Verny dans une décision du 25janvier 1984 (RJF 3/84 n° 274) par laquelle le Conseil d’Etat a posé le principe qu’une entreprise peut passer en charges, au cours du premier exercice non prescrit, des sommes correspondant au règlement de dettes contractées antérieurement mais non comptabilisées. Et vous trouverez plusieurs décisions récentes en faisant application : voyez par exemple une décision du CE 26 juillet 1991 Fontaine à la RJF 91 n°1206 et 1er juillet 1992 SA Telinor RJF10/92 n°1404).
Le fait que l’administration ne puisse plus rectifier les écritures du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit a donc pour conséquence qu’elle ne peut invoquer le défaut de réclamation en temps utile. Ce n’est que lorsque l’entreprise a réglé des charges (correspondant à une dette non comptabilisée) au cours d’un exercice autre que le premier exercice non prescrit par exemple dans le cas qui nous intéresse si le paiement était intervenu en 1982) que l’administration et le juge peuvent valablement opposer au contribuable l’absence de toute réclamation tendant à obtenir une rectification des résultats de l’exercice au cours duquel la dette aurait dû être comptabilisée. En effet dans ce cas le bilan d’ouverture de l’exercice au cours duquel intervient le paiement est encore susceptible de modifications et l’administration peut donc utilement faire valoir que la dette omise aurait dû y figurer ; et que si elle n’y figure pas c’est à défaut d’une réclamation en temps utile du contribuable.
Si vous nous suivez vous constaterez sans grande difficulté qu’en l’espèce les conditions nécessaires à l’application du principe d’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit sont en l’espèce réunies :
- la correction porte bien sur une écriture de bilan individualisée, et non sur une écriture fongible (cf. en ce sens SA Telinor du 1er juillet 1992 déjà cité). Il ne nous semble pas douteux que la quote-part des frais de gestion du siège aurait dû figurer comme dette à l’égard de celui-ci à la clôture de chacun des exercices clos en 1978, 1979 et 1980 ;
- par ailleurs cette omission de comptabilisation de la dette résulte bien d’une erreur comptable : vous écarterez comme inopérante l’argumentation du ministre en défense selon laquelle en choisissant en 1981 de passer en charge le paiement effectué au lieu de présenter une réclamation visant à la rectification des comptes antérieurs la banque aurait pris une décision de gestion irrégulière. En effet c’est à la date de l’omission de comptabilisation (et donc à la clôture de chacun des trois exercices 1978, 1979 et 1980) qu’il faut se placer pour apprécier si cette omission procède d’une erreur ou d’un choix délibéré. Nous vous proposons donc de donner satisfaction à la banque sur ce point du litige.
II – Le deuxième point en litige est relatif à la provision qu’a constituée la banque en 1981 pour tenir compte de la dépréciation de la créance qu’elle détenait à l’égard de Socrédit.
Il se trouve en effet que la banque du Pakistan avait accordé des prêts pour un montant de près de 27 millions de francs à la banque GADIC dont les activités furent reprises (après sa liquidation de biens en septembre 1980) par la société de crédit et de banque de Monaco (Socrédit).
Un accord fut passé en janvier 1981 entre la NATIONAL BANK et Socrédit. D’après cet accord la banque abandonnait ses créances mais en contrepartie bénéficiait d’un plan de remboursement, qui prévoyait notamment que Socrédit lui reverserait la somme de 10 millions de francs sans intérêts à l’échéance d’une période de sept ans (à compter de la date de prise de contrôle de GADIC par Socrédit).
C’est dans ces conditions que la NATIONAL BANK a constitué une provision de 5,5 millions de francs, destinée à tenir compte, selon elle, de la dépréciation affectant la valeur nominale de ce prêt, en raison du long délai devant s’écouler jusqu’à son remboursement et de l’absence d’intérêts à percevoir durant cette période.
Mais la possibilité de « provisionner » la dépréciation des créances à long terme est soumise à des conditions qui ont été définies par une décision du CE du 23 mai 1990 Entreprise Paris Ouest (publiée à la RJF 7/90 n°804, décision confirmant un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 16 janvier 1990 Sté Forter Wheel Française RJF 3/90 n°262). La seule circonstance qu’il y ait un long délai jusqu’au remboursement de la créance et que celle-ci ne soit pas productive d’intérêts ne suffit pas à justifier la constitution d’une provision sur le fondement de l’article 39-1-5°. Il faut pour que l’entreprise puisse constituer une telle provision que la dépréciation ne soit pas simplement latente et que la société justifie de circonstance rendant probable la cession de la créance avant la date d’échéance, pour un prix inférieur à la valeur nominale A défaut de justifier d’une valeur probable de réalisation de ces prêts inférieurs à cette valeur nominale, la NATIONAL BANK n’était donc pas en droit de constituer cette provision de 5,5 millions de francs.
La contestation de la NATIONAL BANK n’est donc pas fondée au regard de la loi fiscale. La banque fait cependant valoir que dans le cadre d’un précédent contrôle (une vérification sur pièces) l’administration lui avait déjà notifié ce redressement qui a par la suite été abandonné.
Et la société produit :
- d’une part une notification en date du 11 octobre 1984 par laquelle M. Y, inspecteur au centre des impôts du 8e arrondissement l’a informé d’un redressement résultant de la réintégration de la provision ;
- d’autre part un courrier en date du 9 janvier 1985 (qui est une réponse aux observations du contribuable) par lequel le même inspecteur l’informe de ce qu’il a tenu compte des observations du contribuable et a en conséquence abandonné le redressement.
Mais ce courrier du 9 janvier 1985 comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale et la banque n’est donc pas fondée à s’en prévaloir au titre de l’article L.80 A du livre des procédures fiscales.
Par une décision du 9 mai 1990 que vous trouverez à la RJF de juillet 1990 au n°843 le Conseil d’Etat a jugé qu’une décision de dégrèvement, prise sur réclamation du contribuable ne peut être regardée comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale, lorsqu’elle ne comporte aucune motivation. Dans le pied d’arrêt le commentateur de la revue rappelle la jurisprudence du Conseil qui refuse de considérer comme valant interprétation formelle le fait de mettre en recouvrement l’imposition primitive conformément à la déclaration même si se trouve jointe à celle-ci une note explicative (en ce sens CE 15 juin 1988 RJF 8/9-88 n°984). Et le commentateur ajoute : du reste, en l’absence de motivation expresse, il est impossible de savoir si la décision du service n’a pas été prise à la suite d’une simple appréciation de la situation du contribuable, invocable seulement sur le terrain de l’article L.80 B du livre des procédures fiscales (cf. avant l’entrée en vigueur de cet article : CE 9 février 1979, n°9.846 RJF 3/79 n°173) invoqué par la banque. Il vous faut transposer ces principes à notre cas d’espèce.
La lettre du 9 janvier 1985 par laquelle le vérificateur a informé la banque qu’il abandonnait le redressement ne comporte aucune motivation expresse. La circonstance que figure sur ce courrier du 9 janvier 1985 la mention préimprimée de toutes les réponses aux observations du contribuable « pour tenir compte de vos observations » ne saurait signifier que le vérificateur a fait sienne l’interprétation que donnait le contribuable des textes dans ses observations. L’abandon du redressement peut en effet résulter d’une appréciation de la situation de fait et en l’espèce l’article L.80 B qui n’était pas en vigueur au moment des faits n’est même pas invoqué par la banque. Il vous faut donc confirmer le redressement sur provision.
Par ces motifs nous concluons :
1°) à la décharge de l’impôt sur les sociétés auquel a été assujettie la NATIONAL BANK OF PAKISTAN à concurrence d’une réduction de la base imposable en 1981 de 733.071 F (et à la réformation du jugement du tribunal administratif en ce qu’il a de contraire).
2°) au rejet du surplus des conclusions de la requête.

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