CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA01090

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 14 février 2013
Précédents jurisprudentiels : CE, 23.01.2012, n° 348861
CE, 29.07.1998, M. Z, n° 169067
CE, du 7 avril 2006, Préfet du Val-d' Oise c/ Mme C 274713

Texte intégral

13PA01090 M. X
Audience du 18 octobre 2013
Lecture du 8 novembre 2013
CONCLUSIONS (extraits) de M. Laurent Boissy, Rapporteur public 1. M. X, de nationalité marocaine, est entré régulièrement en France le 15 septembre 2008 sous couvert d’un permis de séjour de longue durée délivré par les autorités italiennes et valable jusqu’au 5 novembre 2011. Il a obtenu en France un titre de séjour portant la mention « salarié » valable du 16 septembre 2008 au 15 septembre 2009 pour travailler au sein de la société Basmala en qualité de serveur. Ce contrat à durée indéterminée, qui a pris effet le 1er décembre 2008, prévoyait une période d’essai d’une durée d’un mois jusqu’au 31 décembre 2008. M. X a toutefois été rapidement licencié à l’issue de sa période d’essai. Sans emploi, semble-t-il en 2009, il a ensuite bénéficié, entre avril et juin 2010, d’un contrat à durée déterminée en qualité d’agent de propreté et d’un autre, en qualité de plombier chauffagiste entre juillet et septembre 2010. A compter de novembre 2010, il a été salarié temporaire et, à ce titre, a exercé plusieurs emplois (agent de traitement monocolis, préparateur de commande, de chauffeur poids lourd, manœuvre).
Le 8 septembre 2009, M. X a demandé le renouvellement de sa carte de séjour. Il a alors été mis en possession de récépissés régulièrement renouvelés. Mais, par un arrêté du 20 avril 2012, le préfet de la Seine-et-Marne a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire et a assorti cette décision d’une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination de la reconduite.
Par un jugement du 15 février 2013, dont M. X relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande tendant à l’annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, vous écarterez le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté contesté, M. Y. Ce dernier bénéficie en effet d’une délégation de signature consentie par le préfet de la Seine-et-Marne en vertu d’un arrêté du 6 juin 2011 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture.
3. M. X soutient, en deuxième lieu, que le préfet de Seine-et-Marne a commis une erreur de droit en refusant de lui renouveler sa carte de séjour sans examiner ses « droits aux indemnités de Pole emploi ».
Pour bien comprendre la portée d’un tel moyen, qu’il vous faudra légèrement requalifier, il est au préalable nécessaire de se pencher sur l’articulation des législations relatives aux étrangers contenues dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et le code du travail.
En application des dispositions combinées du 1° de l’article L. 313-10 du CESEDA et du 6° de l’article R. 5221-3 du code du travail, un étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la « mention salarié », d’une durée d’un an, est également réputé disposer d’une autorisation de travail d’une même durée.
En principe, cette autorisation de travail doit être renouvelée à son échéance, généralement lorsque l’étranger demande le renouvellement de sa carte de séjour temporaire, mais le renouvellement de cette autorisation n’est toutefois accordée, le cas échéant, que dans la limite de la durée du contrat de travail restant à courir (dernier alinéa de l’article R. 5221-32 du code du travail). Lorsque le contrat de travail est arrivé à expiration ou qu’il a été rompu, l’administration ne peut en revanche plus renouveler cette autorisation de travail.
Toutefois, dans l’hypothèse où ce contrat a été rompu dans les douze mois suivant l’embauche, l’article R. 5221-36 du code du travail interdit à l’administration de se fonder sur ce motif pour refuser de renouveler l’autorisation de travail s’il s’avère que le contrat n’a pas été rompu à l’initiative de l’étranger mais, au contraire, que cette situation résulte d’une « privation involontaire d’emploi ». Dans ce cas précis, où « l’étranger se trouve involontairement privé d’emploi à la date de sa première demande de renouvellement », le premier alinéa de l’article R. 5221-33 du code du travail prévoit que la validité de l’autorisation de travail est prorogée d’un an.
Le second alinéa de l’article R. 5221-33 prévoit que « si, au terme de cette période de prorogation, l’étranger est toujours privé d’emploi, il est statué sur sa demande compte tenu de ses droits au regard du régime d’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi ». Autrement dit, à l’issue de cette prorogation d’un an, soit l’étranger a cessé de bénéficier d’allocations versées par les régimes d’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi (« les allocations chômage ») et l’administration pourra légalement lui refuser une autorisation de travail pour ce motif (voir CE, 29.07.1998, M. Z, n°169067). Soit l’étranger bénéficie encore de droits à indemnisation et, dans ce cas, il nous semble que l’administration pourra lui accorder une autorisation de travail dans la limite, toutefois, de ses droits à indemnisation.
Ainsi, l’étranger titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » qui se trouve involontairement privé d’emploi bénéficie d’une prorogation de son autorisation de travail d’une durée d’un an qui est automatiquement accordée puis, à l’issue de cette période, s’il est toujours sans emploi mais qu’il continue de bénéficier de ses droits à indemnisation, d’un renouvellement de son autorisation de travail mais dans la limite de la durée ses droits.
C’est pour tenir compte de ces particularités que l’article R. 313-38 du CESEDA a prévu que : « L’étranger titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » qui se trouve involontairement privé d’emploi présente tout justificatif relatif à la cessation de son emploi et, le cas échéant, à ses droits au regard des régimes d’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi. / Le préfet statue sur sa demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » conformément aux dispositions de l’article R. 341-5 du code du travail », désormais codifié sous les articles R. 5221-32 et suivants du code du travail.
Il résulte donc de l’articulation entre l’article R. 313-38 du CESEDA et les articles R. 5221-33 et suivants du code du travail que l’étranger titulaire d’un titre de séjour temporaire portant la mention « salarié » qui se trouve involontairement privé d’emploi a bien le droit – sauf motif d’ordre public, réserve qui vaut de manière générale pour tous les types de titre de séjour- d’obtenir une prolongation de son titre de séjour portant la mention « salarié » jusqu’à épuisement de ses droits à indemnisation.
Toutefois, il ressort des dispositions combinées du 6° de l’article R. 5221-3 et des articles R. 5221-4, du 5° de l’article R. 5221-5 et de l’article R. 5221-9 du code du travail, que, sous réserve de la justification des conditions d’exercice de cette activité lorsqu’elle est soumise à une réglementation particulière, l’autorisation de travail délivrée à un étranger lui permet uniquement, en principe, d’exercer l’activité portant sur le contrat de travail visé, pour une, plusieurs ou toutes les zones géographiques du territoire métropolitain en fonction de la situation de l’emploi. Ce n’est qu’à l’issue du second renouvellement de cette autorisation de travail que l’exercice de toute activité professionnelle salariée est normalement ouvert à l’intéressé.
La prorogation automatique de l’autorisation de travail permet donc seulement à l’étranger de prétendre pouvoir exercer à nouveau l’activité pour laquelle il a obtenu l’autorisation de travail initiale et, pour bénéficier ensuite d’un renouvellement de cette autorisation, l’étranger doit justifier que les droits à indemnisation qu’il détient encore ont bien été acquis au titre de cette activité. En revanche, il nous semble que l’étranger ne peut pas utilement se prévaloir, pour obtenir le renouvellement de cette autorisation de travail et, partant, de son titre de séjour, de droits acquis au titre de l’exercice d’autres activités.
Au cas d’espèce, le titre de séjour délivré à M. X n’a certes pas été délivré en application du 1° de l’article L. 313-10 du CESEDA mais sur le fondement des stipulations de l’article 3 de l’accord franco-marocain du 9 octobre 1987. En revanche, la procédure de renouvellement du titre se séjour n’étant pas traitée spécifiquement par cet accord, c’est bien le droit commun qui s’applique, conformément à l’article 9 de l’accord.
La rupture du contrat de travail de M. X à l’expiration de sa période d’essai a bien eu pour effet de le priver involontairement d’emploi (voir, pour un cas identique, CE, 23.01.2012, n°348861, M. E F G, en B, et les conclusions de M. A).
Il ressort également des pièces du dossier et n’est pas contesté qu’en septembre 2009, au moment où M. X a demandé le renouvellement de son titre, il était toujours involontairement privé d’emploi. Il pouvait ainsi prétendre à la prorogation, pour un an, de son autorisation de travail.
Il est vrai que, formellement, le préfet de la Seine-et-Marne n’a pas renouvelé le titre de séjour temporaire de l’intéressé alors que, compte tenu de la prorogation automatique de son autorisation de travail, c’est la solution qu’il aurait dû adopter. Il a en revanche placé M. X sous le régime de récépissés l’autorisant à travailler, de sorte qu’en pratique, ce dernier a finalement régulièrement séjourné en France au cours de la période allant de septembre 2009 à septembre 2010 avec des documents équivalents à des autorisations de travail. Si la pratique de la préfecture de Seine-et-Marne n’était sans doute pas conforme aux textes, ce n’est toutefois pas le litige qui nous occupe.
La question que vous devrez en revanche trancher, au prix d’un léger effort de requalification, porte sur le point de savoir si le préfet de la Seine-et-Marne a pu légalement, le 20 avril 2012, refuser à M. X le renouvellement de son titre de séjour sans tenir compte des droits à indemnisation dont il bénéficiait encore à cette date.
Vous constaterez qu’à la date de l’arrêté en litige, il est tout à fait certain que M. X ne bénéficiait plus d’aucun droit à indemnisation résultant de son licenciement à l’issue de sa période d’essai, à supposer que la courte période pendant laquelle il a travaillé, pendant cette période d’essai, lui ait même créé des droits à ce titre.
En effet, à la date à laquelle M. X a été licencié, à la fin de l’année 2008, il ne remplissait aucune des conditions pour bénéficier du régime d’allocations alors prévu par l’article R. 5422-1 du code du travail. Et, à supposer même que l’intéressé puisse se prévaloir des dispositions plus favorables de cet article R. 5422-1, telles qu’elles résultent de sa modification par le décret n°2009-339 du 27 mars 2009, qui prévoit que la durée d’assurance minimale est de 122 jours, quel que soit, semble-t-il, le temps pendant lequel l’emploi a été occupé, M. X avait de toutes façons largement épuisé ce crédit de 122 jours en avril 2012.
Les droits à indemnisation que M. X produit au dossier ne sont donc pas ceux résultant du contrat de travail pour lequel l’intéressé avait obtenu une autorisation mais ont réalité été acquis au titre des emplois qu’il a occupés postérieurement.
Or, les activités professionnelles aussi diverses qu’agent de propreté, plombier chauffagiste, agent de traitement monocolis, préparateur de commande, chauffeur poids lourd et manœuvre successivement exercées par M. X ne sont pas au nombre de celles figurant sur son autorisation de travail, laquelle lui permettait seulement d’exercer une activité en qualité de « serveur ».
Dès lors, les droits à indemnisation que l’intéressé a acquis en exerçant ces différents emplois, pour lesquels il n’avait pas d’autorisation régulièrement délivrée, ne sont pas opposables au préfet.
Dans ces conditions, le requérant ne peut pas utilement soutenir que le préfet de Seine-et-Marne aurait commis une erreur de droit, au regard de l’article R. 313-38 du CESEDA, en refusant de renouveler son titre de séjour sans avoir tenu compte de ses droits à indemnisation dès lors que, précisément, le préfet n’avait pas à prendre en compte de tels droits acquis au titre de l’exercice d’activités autres que celle pour laquelle l’autorisation de travail initiale lui avait été délivrée.
4. M. X soutient, en troisième lieu, que la décision de refus de séjour a méconnu le 7° de l’article L. 313-11 du CESEDA et l’article 8 de la CEDH. Ces moyens sont toutefois inopérants dès lors que M. X n’a pas sollicité de carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » et que l’article 8 de la CEDH est inopérant à l’égard des décisions de refus de séjour en qualité de salarié.
5. En quatrième lieu, M. X soutient que la décision de refus de séjour a méconnu l’article 3-1 de la CIDE.
Nous n’en sommes pas convaincus.
Comme l’exposait M. B dans ses conclusions sous la décision du CE, du 7 avril 2006, Préfet du Val-d’Oise c/ Mme C 274713, en B, ce qu’il importe de prendre en compte « c’est la solidité même de la cellule familiale, ou plutôt, car seul ce critère nous paraît pertinent, la consistance de la relation entre l’un des deux parents et l’enfant : alors même que ses deux parents sont séparés, il peut être dans l’intérêt supérieur de l’enfant de n’être éloigné d’aucun d’entre eux ; en revanche, une mesure d’éloignement séparant un enfant d’un de ses parents ne peut être regardée comme portant atteinte aux intérêts supérieurs de cet enfant que s’il est établi que le parent en question mène avec cet enfant une vie familiale réelle ».
Or, au cas d’espèce, si M. X fait valoir qu’il est le père d’un enfant, né le […] de son union avec Mme D, de nationalité marocaine et titulaire d’une carte de résident, les pièces du dossier ne permettent pas d’établir, de manière sérieuse, qu’il vivrait au quotidien avec sa compagne et son enfant et qu’il participerait, de manière effective et régulière, à l’entretien et à l’éducation de son enfant depuis sa naissance.
Dès lors, il n’apparaît pas que M. X mène avec son enfant une vie familiale réelle. Dans ces conditions, le préfet n’a, nous semble-t-il, pas méconnu l’article 3-1 de la CIDE.
6. Vous pourrez en dernier lieu écarter plus rapidement les autres moyens de la requête tirés de l’insuffisance de motivation de l’OQTF, de l’illégalité de l’OQTF et de la DFPDD par VDC de l’illégalité du refus de séjour, de l’erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de l’arrêté sur la situation personnelle de l’intéressé qui manquent tous en fait.
PCM, nous concluons :
- au rejet de la requête […]

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  1. Code du travail
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