CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 94PA00229

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel

Texte intégral

94PA00229
Audience du 23 avril 1996
Lecture du 7 mai 1996
MINISTRE DE L’EQUIPEMENT,
DES TRANSPORTS ET DU TOURISME c/ Société SOTRACO
Conclusions de M. X, Commissaire du Gouvernement
La société SOTRACO, propriétaire de deux immeubles situés […] à Vincennes a obtenu du maire de Vincennes, le 24 mars 1992, l’autorisation, sous réserve de prescriptions, de réaliser sur ces immeubles des travaux, soumis à déclaration, consistant en un ravalement, le remplacement des baies, la réfection des toitures et planchers, et la mise aux normes des escaliers.
Le 25 mai 1992, le ministre de la culture, faisant application de l’article 1er, 2e alinéa, 2°, de la loi du 31décembre 1913 sur les monuments historiques, a placé les deux immeubles sous le régime de l’instance de classement, dans le but de les démolir après expropriation pour dégager les abords du château de Vincennes.
La société SOTRACO ayant, postérieurement à la notification qui lui a été faite le 11 juin 1992 de la décision ministérielle, poursuivi les travaux sans avoir obtenu – ni même d’ailleurs sollicité – l’autorisation prévue à l’article 9 de la loi du 31décembre 1913, un procès-verbal constatant une infraction aux dispositions de cet article a été dressé le 27juillet 1992 ; au vu de ce procès verbal, le préfet du Val-de-Marne a ordonné l’interruption des travaux, par un premier arrêté du 31juillet 1992, qu’il a ultérieurement retiré ; après avoir, sans succès, mis en demeure le maire de faire cesser les travaux, il a, de nouveau, ordonné leur interruption, par un arrêté du 2février 1993.
La société SOTRACO a déféré les arrêtés du 31juillet 1992 et 2 février 1993 au tribunal administratif,par deux requêtes que le tribunal a examinées dans un même jugement du 4novembre 1993 ; ce jugement constate le non-lieu à statuer sur la requête dirigée contre l’arrêté du31 juillet 1992, requête qui a, du fait du retrait de cet arrêté, perdu son objet postérieurement à son introduction ;par ailleurs, il fait droit à la requête dirigée contre l’arrêté du 2 février 1993 en tant qu’il ordonne, de nouveau, l’interruption des travaux. Le ministre de l’équipement fait régulièrement appel de cette partie du jugement.
Vous censurerez sans hésiter la motivation retenue par le tribunal pour annuler l’interruption des travaux, motivation selon laquelle le préfet ne pouvait pas, pour justifier cette interruption, invoquer l’absence d’autorisation des travaux, dès lors que le maire de Vincennes les avait autorisés le 24 mars 1992. Cette motivation dénature les faits, dans la mesure où, pour justifier son acte, le préfet s’est référé, non pas à l’absence de la déclaration de travaux prévue par les articlesL.422-1 et suivants du code de l’urbanisme, mais à l’absence de l’autorisation prévue par l’article 9 de la loi du 31 décembre 1913 ; la circonstance que le maire avait décidé de ne pas s’opposer aux travaux déclarés comme prévu par les articlesL.422-1 et suivants du code de l’urbanisme est donc totalement inopérante à l’encontre de l’arrêté du 2février 1993.
L’effet dévolutif de l’appel vous amènera à examiner les autres moyens soulevés par la société SOTRACO, tant en première instance qu’en appel.
I. Dans cette affaire, j’observe, en premier lieu, que nous n’avons toujours pas de justification de la compétence du signataire de l’arrêté attaqué : le ministre a produit, à la suite du SI du 17 janvier 1995, un arrêté du 16 août 1991 de M. Blangy, préfet du Val-de-Marne de l’époque, donnant délégation de signature à M. Y, et justifié de la publication de cet arrêté au recueil des actes administratifs de 20 octobre 1991; mais, lorsque M. Y a signé l’arrêté attaqué, le 2 février 1993, c’est M. Z de Gabory qui était préfet du Val-de-Marne (il a été nommé le 3 octobre 1991, ainsi que nous l’apprennent les visas de son arrêté du 19 juin 1992, produit en 1re instance) ; il a bien donné délégation de signature à M. Y, par un arrêté n° 91-4507 du 21octobre 1991 (cf les mêmes visas de l’arrêté du 19 juin 1992, modificatif de l’arrêté du 21octobre 1991) ; mais nous n’avons pas cet arrêté du 21octobre 1991 au dossier, non plus que la justification de sa publication.
II. Mais surtout, je me demande si cette affaire ne pose pas un sérieux problème de champ d’application de la loi, dans la mesure où je ne suis pas sûr que l’autorité administrative peut, comme elle l’a fait ici, user des pouvoirs qui lui sont conférés par les 3e et 9e alinéas de l’article L.480-2 du C.U. pour interrompre des travaux exécutés sur un immeuble en instance de classement en infraction aux dispositions de l’article 9 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques (l’arrêté vise exclusivement cette infraction, qui a d’ailleurs été seule retenue par le juge pénal).
En effet :
1) L’interruption de travaux par décision administrative que prévoient les 3e et 9e alinéas de l’article L.480-2 du C.U. est subordonnée à la constatation, par procès-verbal, d’une des infractions prévues à l’article L.480-4 du C.U.
2) L’article L.480-4 du C.U. réprime exclusivement l’exécution de travaux ou utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier (certificat d’urbanisme), II (permis de construire), IV (modes particuliers d’utilisation du sol) et VI (contrôle) du livre quatrième du code de l’urbanisme.
3) Sauf erreur de ma part, aucune disposition des titres I, II, IV et VI du livre quatrième du C.U. ne reprend l’obligation, imposée par l’article 9 de la loi du 31 décembre 1913, d’obtenir le « consentement » du « ministre des beaux-arts » avant toute modification d’immeuble classé. On trouve seulement une allusion à cet article dans l’article L.422-4 du C.U., qui indique que « pour les immeubles classés, la déclaration prévue à l’article L.422-2 ne tient pas lieu de la demande d’autorisation mentionnée à l’article9 de la loi du 31 décembre 1913 (…) » ; cette simple allusion ne me paraît pas pouvoir être regardée comme une incorporation dans le code de l’urbanisme des dispositions de cet article de la loi de 1913.
4) Il est vrai que, dans un arrêt du 10 juillet 1987, commune de Feucherolles, p. 266, le Conseil a admis la légalité d’une interruption de travaux poursuivis en infraction à la loi du 31 décembre 1913 ; mais, dans cette affaire, l’infraction consistait en un défaut de l’autorisation requise au titre de l’article 13bis de la loi du 31 décembre 1913 ; or, les dispositions de cet article de la loi sont incorporées dans le C.U., par l’effet de son article L.421-6.
5) Je note d’ailleurs l’article 30 bis de la loi du 31décembre 1913 fait des infractions à l’article 13 bis des infractions au C.U., puisqu’il est ainsi rédigé : « Est punie des peines prévues à l’article L.480-4 du code de l’urbanisme toute infraction aux articles 13 bis et 13 ter de la présente loi »; et, pour que les choses soient bien claires, il précise, dans l’alinéa suivant, que : « Les dispositions des articles L.480-1, L.480-2, L.480-3 et L.480-5 à L.480-9 du code de l’urbanisme sont applicables aux dispositions visées au présent alinéa (…) » ; rien de tel en ce qui concerne les infractions à l’article 9 de la loi, qui sont réprimées par son article 30 sans aucune référence au C.U.
Au total, il me semble qu’il peut être sérieusement envisagé, dans cette affaire, de confirmer l’annulation prononcée par le tribunal en substituant au motif retenu par nos collègues le motif tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne a méconnu le champ d’application de l’article L.480-2 du code de l’urbanisme.

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Textes cités dans la décision

  1. Loi du 31 décembre 1913
  2. Code de l'urbanisme
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