ADLC, Avis 04-A-17 du 14 octobre 2004 relatif à une demande d’avis présentée par l’Autorité de Régulation des Télécommunications en application de l’article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques

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Sur la décision

Référence :
Cons. conc., avis n° 04-A-17 du 14 oct. 2004
Numéro(s) : 04-A-17
Textes appliqués :
t. L. 37-1 du code des postes et communications électroniques
Identifiant ADLC : 04-A-17
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Avis n° 04-A-17 du 14 octobre 2004 relatif à une demande d’avis présentée par l’Autorité de Régulation des Télécommunications en application de l’article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques Le Conseil de la concurrence (section III B), Vu la lettre du 23 juin 2004 enregistrée sous le numéro 04/0042 A , par laquelle l’Autorité de régulation des télécommunications a saisi le Conseil de la concurrence, en application des dispositions de l’article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques, d’une demande d’avis relative à la définition du marché et la désignation des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché de la terminaison d’appel vocal sur le réseau de chaque opérateur mobile ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7, ainsi que le décret 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d’application ; Vu la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, dite directive « cadre » ; Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment son article L.37-1 ; Vu la recommandation de la Commission européenne du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 6 octobre 2004 ; Les représentants de l’ART, des sociétés Bouygues Télécom, Orange France, France- Télécom, du groupe SFR-Gegetel et de l’association AFORS entendus sur le fondement des dispositions de l’arcicle L. 463-7 alinéa 2 du code de commerce ; Est d’avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent :

1. Par lettre enregistrée le 23 juin 2004 sous le numéro 04/0042/A, l’ART a sollicité, sur le fondement de l’article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques, l’avis du Conseil de la concurrence sur la définition de marché et la désignation des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché de gros de la terminaison d’appel vocal sur les réseaux mobiles en France. 2. L’ART, dans le document transmis au Conseil, envisage de considérer comme pertinents les marchés de la terminaison d’appel vocal sur le réseau de chaque opérateur mobile et de désigner chaque opérateur mobile, de métropole comme d’outremer, comme exerçant une influence significative sur son marché de terminaison d’appel vocal (ci-après TA). Son analyse est conforme à la recommandation de la Commission européenne du 11/02/2003. I. Le contexte : la réforme de la réglementation applicable aux activités de télécommunications. 3. Le présent avis s’inscrit dans le cadre de la procédure de consultation prévue par l’article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques, dans sa rédaction issue de la loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle du 3 juin 2004 : « L’Autorité de régulation des télécommunications détermine, au regard notamment des obstacles au développement d’une concurrence effective, et après avis du Conseil de la concurrence, les marchés du secteur des communications électroniques pertinents, en vue de l’application des articles L. 38, L. 38- 1 et L. 38-2. Après avoir analysé l’état et l’évolution prévisible de la concurrence sur ces marchés, l’autorité établit, après avis du Conseil de la concurrence, la liste des opérateurs réputés exercer une influence significative sur chacun de ces marchés, au sens des dispositions de l’alinéa suivant. » 4. Cette loi assure notamment la transposition en droit national d’un ensemble de six directives communautaires adoptées le 7 mars 2002, portant réforme de la réglementation applicable au secteur des télécommunications et qui se sont substituées au cadre réglementaire qui avait été adopté au début des années 90. Le nouveau cadre doit permettre de prendre en compte les avancées déjà réalisées dans le processus d’ouverture à la concurrence du secteur concerné en allégeant les dispositifs réglementaires contraignant à priori le libre jeu de la concurrence. Le système d’autorisation de l’activité des opérateurs et fournisseurs de télécommunications et d’homologation ministérielle préalable des tarifs de détail de l’opérateur historique, mis en place par la loi de 1996 est donc abrogé et remplacé par un système d’obligations conditionnelles. De même, sont substituées à la notion d’opérateurs « exerçant une influence significative sur un marché », parce que dépassant un seuil en part de marché sur des marchés limitativement énumérés par les textes communautaires, les notions de marché pertinent et d’opérateur en position dominante. Les opérateurs « dans une position équivalente à une position dominante » pourront se voir imposer des obligations sur les marchés sur lesquels subsistent des obstacles au développement d’une concurrence effective. 5. Le Conseil a déjà eu l’occasion, dans sa réponse à la consultation publique relative à l’évolution du droit français des communications électroniques, de noter que ce rapprochement entre droit sectoriel et droit de la concurrence constitue une nouvelle étape dans un processus dont l’objectif de long terme doit rester la suppression de toute

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régulation ex ante. Dans la période intermédiaire ouverte aujourd’hui, les nouvelles procédures mises en place devraient permettre de réserver une telle régulation aux situations dans lesquelles les obstacles à la concurrence seraient tels que le droit de la concurrence en lui-même, sans le recours à une régulation ex ante, ne serait pas suffisamment efficace. 6. En particulier, dans sa réponse mentionnée ci-dessus, le Conseil avait rappelé l’importance des dispositions visant à garantir les conditions d’accès des concurrents aux ressources considérées comme « essentielles ». Un accès libre aux marchés de gros en amont permet, en effet, d’éviter que des distorsions de prix ne se communiquent à l’ensemble de la chaîne de valeur : il est donc de nature à favoriser l’exercice d’une concurrence effective sur les marchés de détail. En revanche, comme le Conseil a eu l’occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, le contrôle des tarifs sur les marchés de détail est une option qui ne peut se justifier que dans des cas exceptionnels où aucune concurrence n’est susceptible de voir le jour. 7. Le processus de rapprochement entre le droit sectoriel et le droit commun de la concurrence est d’autant plus souhaitable, comme l’a déjà indiqué le Conseil dans son avis 03-A-07 rendu sur le projet de loi sur les communications électroniques, qu’il convient d’éviter que ne se développent des règles de concurrence propres au secteur des communications électroniques. L’unicité du droit de la concurrence peut seule garantir la sécurité juridique des acteurs. A cet égard, le Conseil observe que la recommandation précitée de la Commission du 11 février 2003 précise que l’un des critères qui doivent être pris en compte afin de justifier une régulation ex ante des marchés est que l’application des règles de droit commun de la concurrence n’est pas suffisamment efficace. Or, il résulte de la jurisprudence tant des autorités nationales que communautaires qu’un certain nombre d’obligations s’imposent déjà aux opérateurs en position dominante sur un marché. En particulier, comme l’a rappelé le Conseil dans son avis 02-A-08, le droit de la concurrence impose déjà à une entreprise en situation de monopole ou de position dominante, qui détient une infrastructure à laquelle les entreprises opérant sur un marché aval (ou amont) doivent nécessairement avoir accès pour concurrencer l’entreprise détentrice de l’infrastructure, de permettre l’accès à cette dernière sur une base équitable et non discriminatoire. 8. Toutefois, dans cette période intermédiaire, les contraintes attachées à une régulation ex ante peuvent justifier que, malgré le rapprochement opéré, les notions de marché pertinent et de position dominante telles que visées à l’article L. 37-1 du code des postes et télécommunications, ne coïncident pas totalement avec celles du droit de la concurrence. En particulier, la définition des marchés pertinents susceptibles d’être régulés au sens de l’article L. 37-1 du code des postes et télécommunications repose sur une analyse prospective des marchés concernés, caractérisés par un rythme rapide d’innovations, tant technologiques que commerciales. Au surplus, ces marchés potentiellement « régulables » sont prédéfinis dans la directive cadre et la recommandation du 11 février 2003. Dans ces conditions, l’analyse des marchés que peut faire le Conseil dans le cadre de cette procédure ne peut préjuger de celle qu’il aurait à faire dans le cadre d’affaires contentieuses, sur la base de conditions de marché réellement constatées. En tout état de cause, l’existence d’un cadre réglementaire spécifique assurant la régulation de l’ouverture à la concurrence du secteur ne place pas celui-ci en dehors du champ d’application des dispositions du livre IV du code de commerce.

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9. Le Conseil se félicite que l’analyse des marchés qui lui est transmise pour avis soit clairement bornée dans le temps et qu’une clause de rendez-vous à trois ans soit prévue en ce qui concerne les obligations, comme il l’avait souhaité dans l’avis 03-A-07 précité. 10. S’agissant de la procédure de consultation elle-même, le Conseil observe que l’ensemble du secteur des télécommunications devant faire l’objet de plusieurs avis distincts, leur cohérence est absolument nécessaire. Le Conseil s’attachera à garder une vision d’ensemble seule en mesure d’analyser en cohérence les stratégies des acteurs du secteur, comme l’intégration verticale des activités ou l’offre d’une large gamme de services. 11. La consultation du Conseil porte, ainsi que le prévoient les textes, sur la délimitation des marchés pertinents et sur les situations de dominance sur ces marchés. Les obligations seront définies ultérieurement par l’ART. Le diagnostic des marchés, identifiant les obstacles limitant, dans les faits, le développement de la concurrence, et dont le Conseil avait souhaité, dans son avis 03-A-07 qu’il soit effectué en aval de la délimitation des marchés et de la désignation des entreprises exerçant une influence significative, n’est pas abordé en tant que question isolée. Compte tenu du caractère essentiel de ce point, au regard duquel les obligations doivent être justifiées, le Conseil y consacrera une attention particulière dans l’analyse ci-dessous. 12. S’agissant des obligations mises à la disposition du régulateur dans le nouveau cadre réglementaire, le Conseil observe à ce stade que leur diversité permet d’adapter l’intervention à des situations variées du point de vue des obstacles au fonctionnement de la concurrence qui doivent être surmontés. Le dispositif peut donc être utilisé de façon plus souple que ne le prévoit, à ce stade, le projet transmis au Conseil, dans lequel est imposé, par défaut, l’ensemble des obligations prévues par le législateur. La collaboration qui s’est instaurée entre l’ART et le Conseil, permet d’envisager une régulation garantissant que ces obligations seront justifiées et strictement proportionnées aux problèmes de concurrence identifiés sur chacun des marchés analysés. II. La définition des marchés A. LA TERMINAISON D’APPEL SUR LES RÉSEAUX MOBILES. 13. Lorsqu’un abonné téléphonique veut en appeler un autre, la communication part du combiné de l’appelant pour traverser la boucle locale de son opérateur puis elle transite par différents éléments du réseau pour se terminer sur la boucle locale de l’opérateur de l’appelé. La communication emprunte donc une boucle locale de départ et une boucle locale de terminaison. Le présent avis concerne les terminaisons d’appel sur un réseau mobile. 14. En général, les flux financiers associés ont deux niveaux. Sur le marché de détail, l’appelant paie à son opérateur de boucle locale un tarif de détail pour joindre l’appelé mobile : c’est le principe du Calling Party Pays (l’appelé ne paie rien). Sur le marché de gros, l’opérateur de l’appelant paie l’opérateur de l’appelé pour l’utilisation de la partie terminale de son réseau : la terminaison d’appel vocal mobile. 15. Plusieurs types d’appel se terminent sur la boucle locale mobile : les appels fixe vers mobile (ci-après F/M) ; les appels mobile vers mobile tiers (ci-après M/M off net) : comme

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ceux par exemple d’un abonné Orange vers un abonné SFR ; les appels mobile vers mobile sur le même réseau (ci-après M/M on net) : comme ceux par exemple d’un abonné Orange vers un autre abonné Orange. Dans ce dernier cas, il s’agit d’un service que l’opérateur se rend à lui-même et donc hors marché. Dans les deux premiers cas, la prestation offerte par l’opérateur mobile est la même et le coût exposé est identique. a) Le déséquilibre entre les prix de terminaison d’appels mobiles et fixes. 16. Du fait de l’adoption par les opérateurs de téléphonie mobile français du système du bill an keep, ils ne se facturent pas, entre eux, de charge de terminaison d’appel. Ce système a pour origine le fait que, si les charges de terminaison d’appel mobile sont les mêmes pour les trois opérateurs, les paiements qu’ils devraient effectuer entre eux au titre de la terminaison d’appel seraient équilibrés puisque, statistiquement, les flux croisés de communications entre opérateurs sont égaux : le nombre d’appels d’un réseau A vers B est statistiquement égal à celui du réseau B vers A. 17. Le développement de la téléphonie mobile a été favorisé, lors de la phase de déploiement des réseaux, par le déséquilibre entre les prix des appels sortants (M/F) et ceux des appels entrants (F/M). Le Conseil notait, dans son avis 01-A-01 du 16 mars 2001 sur la tarification par France Télécom des communications au départ de son réseau fixe vers des réseaux tiers : « Ce prix [des appels F/M] était beaucoup plus élevé que pour les appels fixes vers fixes et également plus élevé que pour les appels mobiles vers fixes et mobiles vers mobiles. Il existe, certes, une raison technique au surcoût d’un appel entrant sur un réseau mobile : la terminaison de l’appel sur le réseau mobile implique une fonction de localisation du récepteur. Cependant, la différence de coût n’explique qu’une partie faible de la différence de prix. Celle-ci résulte plus d’une politique délibérée rendue possible par la très faible sensibilité du comportement des usagers au prix des appels entrants.» 18. Depuis le 1er janvier 2000, les opérateurs Orange France et SFR ont été inscrits, chaque année, par l’ART sur la liste des opérateurs « exerçant une influence significative sur le marché national de l’interconnexion » au sens de l’article L. 36-7 (7°) du code des postes et télécommunications. A ce titre, ces opérateurs doivent notamment négocier l’interconnexion dans des conditions non discriminatoires et orienter leurs tarifs d’interconnexion (c’est-à-dire leur TA) vers les coûts. En conséquence, leurs charges de TA ont été soumis à un price cap visant à rapprocher leurs niveaux de celui des coûts. 19. Après une table ronde organisée par l’ART, au cours de laquelle les opérateurs ont convenu d’une première baisse de 20 % à compter du 1er juillet 1999, l’ART a considéré dans sa décision de règlement de différend n° 00-1092 du 13 octobre 2000 opposant MFS Communications à Orange France, que la CTA pratiquée par FTM était excessive et a imposé une diminution de 20 % de cette CTA. SFR, soumise à la même obligation, s’est alignée. Dans un deuxième temps, l’ART a, par une décision n° 01-458 du 11 mai 2001, adopté en concertation avec les opérateurs GSM une méthode de restitution des coûts de terminaison, sous la forme de lignes directrices. Sur la base de cette méthode et des éléments de comptabilité communiqués par les opérateurs GSM, l’ART a imposé à Orange France et SFR, par ses décisions n° 01-970 et 01-971 Tdu 16 novembre 2001, des baisses annuelles de leur CTA de 15 % entre 2001 et 2002, de 15% entre 2002 et 2003 et de 12,5% entre 2003 et 2004. 20. Depuis 2003, SRR sur la zone Réunion-Mayotte et Orange Caraïbes sur la zone Antilles- Guyane sont également considérés comme opérateurs « exerçant une influence

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significative sur le marché national de l’interconnexion » au sens de l’article L. 36-7 (7°) du code des postes et télécommunications. 21. Le graphique suivant, issu du projet de l’ART, illustre l’évolution de la CTA de chaque opérateur en métropole :

22. La CTA mobile moyenne s’élève en 2004 à 0,15 c€ HT par minute pour Orange et SFR, et à 0,17 c€ HT par minute pour Bouygues Télécoms. 23. Dans les DOM, les CTA mobiles sont plus élevées : 0,25 c€ HT par minute pour SRR et 0,26 c€ HT par minute pour Orange Caraïbes. b) Conséquences sur les prix de détail des appels F/M et M/M 24. Le tableau suivant présente les prix moyens de différentes catégories d’appels en fonction du type d’utilisateurs en c€ HT par minute:

F/F < M/M < M/M < F/M (local et interurbain) Grosses Entreprises** Résidentiels Résidentiel et entreprises 4,4 < 12 19 10 (hc)

à 20 (hp) * Sources : sites web des opérateurs, ART, auditions des opérateurs, hc = heures creuses ; hp = heures pleines ** le prix moyen dépend fortement de l’intensité d’utilisation du forfait par l’abonné entreprises 25. Pour les clients résidentiels, les prix des appels F/M et M/M sont pratiquement identiques. En revanche, les offres proposées aux entreprises ont une structure différente. En effet, le prix d’un appel M/M via une offre entreprise est nettement inférieur à celui d’un appel F/M. Il est également inférieur à la charge de terminaison d’appel des opérateurs mobiles (prix de gros). La plus grande sensibilité des entreprises au prix des appels M/M, compte tenu des montants élevés atteints dans leur budget par ce type de dépenses, a conduit les opérateurs à leur proposer des forfaits avec une durée plus longue (jusqu’à 15 heures de communication) et des prix « hors forfait » plus intéressants. De plus, ces offres entreprises

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ont une structure décroissante avec le volume des communications consommées. Le système du bill and keep a incité les opérateurs à baisser le prix de ces offres en prenant, comme référence de coût, la moyenne entre les coûts d’un appel on net, c’est-à-dire les coûts de réseau de l’opérateur pour le départ et la terminaison, et celui d’un appel off net, pour lequel l’opérateur ne supporte pas les coûts de terminaison. c) Le système des « hérissons » 26. La différence entre les tarifs des offres M/M aux entreprises et la charge de TA a entraîné le développement de la technique dite des « hérissons » ou passerelles GSM, consistant à transformer un appel F/M en un appel M/M. L’appelant continue à appeler depuis son téléphone fixe mais son appel est dévié (routé) vers une carte SIM (élément que l’on trouve normalement dans les téléphones mobiles) qui réinitialise l’appel sous la forme d’un appel M/M.

27. Cette technique a, dans un premier, temps été utilisée directement par les entreprises, avec l’installation d’équipements hérissons dans leurs propres locaux. La transformation de l’appel F/M en appel M/M est alors immédiate. Dès lors l’appel transite par deux boucles locales (mobiles) sans emprunter d’éléments du réseau fixe et il est facturé au coût d’un appel M/M, de l’ordre de moins de 12 c€ dans le cadre d’un forfait entreprise, soit un niveau sensiblement inférieur à celui d’un appel F/M de l’ordre de 20 c€. 28. La même technique a ensuite été utilisée à une grande échelle par les opérateurs fixes autres que France Télécom, dans le cadre de leurs offres de téléphonie fixe aux entreprises. Les appels F/M des entreprises sont alors collectés sur la boucle locale fixe et routés sur le réseau fixe jusqu’à des batteries de cartes SIM (« hérissons opérateurs »), qui les transforment en appels M/M. 29. Les volumes de trafic utilisant cette technique représenteraient entre 20 % et 25 % du volume total F/M en 2004. d) Les opérateurs 30. La présence sur l’ensemble des marchés de la téléphonie de deux opérateurs intégrés a pour conséquence que les mêmes opérateurs sont à la fois demandeurs et offreurs de terminaison d’appel sur les réseaux mobiles. Le groupe France Télécom est opérateur de téléphonie fixe sous sa propre marque, de téléphonie mobile avec Orange et fournisseur

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d’accès à Internet avec Wanadoo. Le groupe SFR est également présent sur ces trois activités au travers de la marque SFR (mobile) et Cegetel (Internet et fixe). A Saint Pierre et Miquelon, SPM, filiale de France Télécom, est à la fois le seul opérateur fixe et mobile. 31. Parmi les opérateurs de téléphonie fixe, France Télécom est le principal acheteur de terminaison d’appel sur les réseaux mobiles avec 75 % des communications F/M en volume. Il n’utilise pas la technique des hérissons, hormis dans le cadre de quelques contrats sur mesure, et donc intègre la TA mobile dans ses tarifs F/M. 32. Les opérateurs fixes alternatifs qui détiennent les 25 % du marché restant recourent, pour la majeure partie de leurs offres fixes vers mobiles, à la technique des hérissons. Comme noté ci-dessus, leurs tarifs ne sont que légèrement inférieurs à ceux de France Télécom, tout au moins sur le marché résidentiel. Pour les marchés des entreprises, sur lesquels les prix sont moins observables, les gains de parts de marché réalisés depuis deux ans par les opérateurs tiers laissent présumer des offres plus concurrentielles. 33. Les offreurs de terminaison d’appel sur les réseaux mobiles sont, outre les filiales des opérateurs intégrés Orange et SFR, un opérateur qui n’est présent que sur le marché mobile : Bouygues Télécom. En métropole, les parts de marché de ces différents acteurs sur le marché de détail de la téléphonie mobile sont les suivantes : Part de marché en % du nombre total d’abonnés juin-02 déc-02 juin-03 déc-03 juin-04 Bouygues Télécom 16,4 15,1 15,6 16,1 16,5 SFR 34,5 35,3 35,4 35,4 35,4 Orange France 49,1 49,6 48,9 48,5 48,1 34. Les deux groupes intégrés représentent 83,4 % des abonnés mobiles en métropole. On observe la relative stabilité des parts de marché des acteurs depuis au moins juin 2002. Sur ce marché, l’observation des tendances de prix (baisse lente voire stagnation) et la relative stabilité des parts de marché des trois opérateurs en métropole sont des éléments suggérant une pression concurrentielle assez faible. 35. La rareté des ressources radio et le système des licences qui en découle constituent une forte barrière à l’entrée sur le marché de la téléphonie mobile et contraint le jeu concurrentiel en limitant le nombre d’acteurs. Pour l’heure, les trois licences GSM et trois licences UMTS ont été attribuées aux mêmes opérateurs, sans perspective à terme prévisible d’une quatrième. B. ANALYSE CONCURRENTIELLE a) La faible substituabilité des services de détail de téléphonie vocale 36. Selon les chiffres de l’observatoire des marchés de l’ART, le volume des communications de téléphonie fixe a baissé sur les cinq dernières années. Cette tendance s’accompagne d’une augmentation continue du volume de téléphonie mobile. Par ailleurs, le nombre de lignes fixes diminue (1 % par an soit environ 300 000 lignes) et le nombre de lignes mobiles excède celui de lignes fixes depuis mi-2001 environ.

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37. Selon une étude du Crédoc de novembre 2003, « seulement 2 % de la population ne disposent ni d’un téléphone fixe, ni d’un téléphone mobile (…). 50 % de la population dispose à la fois d’un téléphone fixe et d’un téléphone mobile, 36 % ne possèdent qu’un fixe et 12 % ne détiennent qu’un mobile ». Enfin, une étude d’Oddo Securities « Télécoms, questions d’équilibre » de septembre 2003 indique que 40 % des appels mobiles sont passés depuis le domicile. 38. Ces faits suggèrent l’existence de deux phénomènes. Les 12 % de la population ne détenant pas de ligne fixe et possédant uniquement un mobile témoignent de la progression d’une substituabilité de « premier niveau » entre téléphonie fixe et téléphonie mobile. Le fait que 40 % des appels mobiles sont passés à domicile indique que, pour les 50 % de la population possédant à la fois un téléphone fixe et un téléphone mobile, les appels M/M présentent une certaine substituabilité avec les appels F/M. La proximité actuelle des prix moyens à la minute et le phénomène de consommation des forfaits mobiles en fin de mois expliquent ce comportement. L’utilisation de hérissons-entreprises participe de cette forme de substituabilité. 39. Le Conseil de la concurrence observe, à l’instar de l’ART, que pour l’ensemble des autres types d’appels, la possibilité d’une substitution est peu probable comme le révèle notamment la différence substantielle des prix. Par exemple, il est peu probable qu’un appel F/F soit substituable à un appel M/M. De même, les SMS et autres moyens de communications non vocales ne constituent pas, à l’heure actuelle, de réels substituts aux appels vocaux mêmes si certains éléments tendent à montrer que certains consommateurs, essentiellement les moins de 18 ans, remplacent par des SMS les appels très courts. b) L’absence de pression concurrentielle sur les terminaisons d’appel des opérateurs mobiles 40. La société Bouygues Télécom a testé, en 1997, la sensibilité de la demande de téléphonie mobile aux prix des appels entrants en baissant le prix des appels fixes vers le réseau mobile Bouygues Télécom (qu’elle fixait à l’époque, cf. ci-dessus). Cette baisse n’a pas eu d’effet sur ses ventes, l’opérateur a, en conséquence, remonté ses tarifs légèrement au dessus de ceux de SFR et d’Orange (FTM à l’époque). 41. Par ailleurs, depuis 1999, le décrochage entre la CTA de Bouygues et celles d’Orange et de SFR s’est accentué. Les baisses de CTA imposées depuis 2000 à Orange Télécom et à SFR n’ont été suivies par Bouygues qu’avec plusieurs mois de retard, celui-ci maintenant sa CTA à environ 20% au-dessus de celle de ses concurrents. Ce décalage n’a pas eu d’effet sur sa part de marché en téléphonie mobile. 42. Le système du bill and keep introduit une différenciation entre terminaison des appels fixes et terminaison des appels mobiles. Cette différenciation tarifaire est, comme cela a été exposé ci-dessus (§ 25), à l’origine de déséquilibres, certaines offres mobiles de détail présentant un prix à la minute inférieur à la CTA mobile (prix de gros). Le développement du système des hérissons s’est appuyé directement sur ces déséquilibres puisqu’il permet de substituer de la terminaison M/M à de la terminaison F/M. Par rapport à la CTA d’Orange et de SFR (0,15 c€/mn) ou de Bouygues Télécom (0,17 c€/mn), les opérateurs fixes bénéficient avec ce système de tarifs M/M très avantageux, de l’ordre de 9 c€ par minute, du fait des volumes de communications très importants mis en œuvre par les hérissons. Ces tarifs leur sont proposés par des sociétés de commercialisation de services (SCS) comme Coriolis ou Debitel, qui les achètent en gros aux opérateurs mobiles ou directement par les opérateurs mobiles eux-mêmes. Ces économies ne sont cependant

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qu’en partie répercutées par les opérateurs sur leurs tarifs de détail des communications F/M aux entreprises, qui restent très proches de ceux pratiqués par France Télécom. 43. De plus, les appels F/M acheminés de cette façon empruntent trois boucles locales (la boucle locale fixe de l’opérateur de l’appelant et deux boucles locales mobiles). Outre le gaspillage de moyens mis en œuvre par rapport à une interconnexion directe qui n’en mobilise que deux, ce mode d’acheminement a des conséquences en termes de qualité du service offert. Il n’est pas possible de tracer l’origine réelle de l’appel, c’est-à-dire le poste fixe de l’appelant. L’appelé ne peut donc pas visualiser le numéro de l’appelant. La qualité sonore d’un réseau mobile reste inférieure à celle d’un réseau fixe. Enfin, la concentration d’un grand nombre d’appels sortants sur certaines cartes SIM est susceptible d’entraîner des difficultés de gestion de leur réseau par les opérateurs mobiles. Les régulateurs de certains autres Etats de l’Union européenne ont d’ailleurs interdit l’usage des hérissons opérateurs. 44. En France, ce système, qualifié au départ de « marché noir » du secteur des télécommunications, s’est ensuite professionnalisé et contractualisé : des contrats sont passés entre des opérateurs fixes et des SCS ou des opérateurs mobiles ; certains fabricants se sont spécialisés dans la fabrication de passerelles GSM (en augmentant ainsi leur performance et leur qualité d’écoute) ; la localisation même des sites d’hébergement des hérissons opérateurs est faite en concertation avec les opérateurs mobiles ; certains opérateurs alternatifs fixes fournissent des services terminaison d’appel F/M via hérissons à d’autres opérateurs fixes. 45. Toutefois, le développement des hérissons n’a pas exercé, à ce stade, de pression concurrentielle sur le niveau de la CTA elle-même et n’a constitué qu’un moyen de contourner le paiement de cette CTA aux opérateurs mobiles. La compensation, par ces derniers, de leur manque à gagner sur le service de gros de terminaison des appels fixes par un accroissement de leurs ventes sur le marché de détail M/M, et le fait que le principal opérateur de téléphonie fixe n’utilise que très marginalement le système des hérissons- opérateurs, expliquent cette absence de pression concurrentielle sur la CTA. 46. Pour France Télécom, le service offert par les hérissons ne présente cependant pas un caractère de substituabilité comparable à celui qu’il peut avoir pour les opérateurs tiers. L’opérateur historique met en avant la moindre qualité de la communication et, surtout, l’impossibilité de tracer l’origine des appels qui contreviendrait aux obligations contenues dans le cahier des charges des opérateurs, relatives à la sécurité publique et à la défense nationale. On peut également noter qu’en tant qu’opérateur intégré, dont la filiale mobile compte 48 % des abonnés à la téléphonie mobile, France Télécom n’a pas le même intérêt que les opérateurs fixes tiers à contourner le paiement de la CTA. Cegetel se trouve dans la même situation. En tout état de cause, les opérateurs mobiles font valoir que le recours à une grande échelle par France Télécom aux hérissons aurait posé le problème de l’adaptation des réseaux mobiles à un accroissement important des appels M/M. La part de France Télécom sur le marché des communications F/M des entreprises a toutefois reculé de façon importante parallèlement au déploiement à grande échelle des hérissons. 47. En ce qui concerne les trois opérateurs mobiles, le contournement du paiement des CTA par le système des hérissons ampute leurs recettes de terminaison d’appels. L’intérêt, pour les opérateurs fixes tiers, repose pourtant largement sur les tarifs très compétitifs des offres de détail M/M aux entreprises. Or, les opérateurs mobiles restent maîtres des contrats passés avec les SCS permettant à ces dernières de créer les hérissons. Ces contrats interdisent aux SCS de faire des offres sur mesure (du type hérissons) en utilisant les offres

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de détail achetées en gros aux opérateurs mobiles. Ces derniers peuvent donc s’ils le désirent mettre fin aux hérissons opérateurs ou entreprises. 48. Face au déploiement des hérissons, les trois opérateurs mobiles se sont cependant retrouvés face à un choix stratégique, connu en théorie des jeux comme le « dilemme du prisonnier ». Dans la mesure où un seul d’entre eux laissait les hérissons se développer en s’appuyant sur ses offres M/M aux entreprises, alors, compte tenu du système du bill and keep, les deux autres avaient moins à perdre en laissant les hérissons-opérateurs utiliser également leurs offres. En effet, comme le note l’ART, l’opérateur mobile qui tolère le système des hérissons compense la perte de la CTA correspondante par les recettes des offres M/M utilisées. La marge qu’il dégage sur ces recettes est particulièrement intéressante pour les appels off net puisqu’il ne rémunère pas la terminaison de l’opérateur mobile de destination. En revanche, ce dernier doit terminer l’appel sans aucune rémunération. Il a donc intérêt à limiter ses pertes en vendant lui aussi des communications M/M utilisées par les hérissons et en réduisant ainsi la proportion d’appels off net se terminant sur son réseau. 49. Au total, le Conseil de la concurrence observe que la mise en place de hérissons s’apparente à une activité d’arbitrage tirant profit de déséquilibres tarifaires. Si elle a permis l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché des communications F/M des entreprises, cette concurrence a peu bénéficié aux consommateurs. En effet, les tarifs pratiqués en moyenne sur les communications F/M par les opérateurs tiers utilisant les hérissons sont peu différents de ceux de France Télécom. Cette offre alternative n’a donc exercé qu’une faible pression à la baisse sur le niveau des tarifs F/M offerts via l’interconnexion directe et donc sur le niveau de CTA elle-même. C. ANALYSE PROSPECTIVE 50. Par rapport à la situation décrite ci-dessus, le principal élément qui puisse, pour l’avenir, modifier l’analyse concurrentielle de l’offre de terminaison d’appel est l’évolution annoncée du système du bill and keep et la convergence des CTA des appels F/M et M/M. 51. L’ART rappelle dans sa saisine du 23 juin dernier que l’un des trois opérateurs mobiles peut, à tout moment, mettre fin au système du bill and keep de façon unilatérale et considère que ce devrait être le cas à courte échéance. Cette hypothèse s’est confirmée depuis cette date, dans la mesure où Orange a annoncé avoir transmis aux deux autres opérateurs un courrier annonçant son intention de mettre fin au bill and keep au 1er janvier 2005. Les représentants des sociétés SFR et Bouygues ont affirmé, en séance, qu’ils étaient en faveur de la suppression de la différenciation tarifaire entre terminaisons d’appels fixes et mobiles et qu’ils avaient engagé des négociations avec Orange sur ce point. 52. Comme le note l’ART, la disparition de la différenciation tarifaire en fonction du caractère fixe ou mobile du réseau d’origine de l’appel réduira fortement l’intérêt des hérissons pour les entreprises et les opérateurs. Seuls les appels passés par l’intermédiaire de hérissons on net pourraient être proposés à un prix inférieur à celui d’un appel utilisant l’interconnexion directe, dans l’hypothèse où subsisterait un espace entre la CTA et le coût supporté par un opérateur pour terminer la communication sur son réseau mobile. Les opérateurs fixes qui utilisent la solution hérissons utilisant les cartes SIM des 3 opérateurs mobiles peuvent faire partir les appels du même réseau que celui du destinataire de l’appel et pourraient, dans ces conditions, continuer à bénéficier ainsi d’une facturation on net

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moins coûteuse que la facturation off net. L’intérêt financier de ces solutions sera toutefois bien moindre qu’il ne l’est actuellement. 53. A l’horizon de la présente analyse, c’est-à-dire 2007, la disparition du système du bill and keep et la fin de la différentiation tarifaire entre terminaison des appels F/M et M/M devrait donc encore affaiblir la pression concurrentielle sur les CTA des opérateurs mobiles exercée par les tarifs « hérissons » des appels F/M, pression d’ores et déjà insuffisante comme cela a été exposé ci-dessus. Or, les résultats de recherches théoriques sur la concurrence entre réseaux (Laffont, Rey, Tirole, 1998) suggèrent que, lorsque des charges de terminaison réciproques sont librement fixées par les opérateurs, il est de l’intérêt de chacun des opérateurs que ces charges atteignent un niveau élevé. En l’espèce, l’absence de toute contrainte extérieure est de nature à favoriser une telle collusion tacite sur le niveau des CTA. 54. A plus long terme, cette situation pourrait évoluer. Les mêmes travaux concluent en effet que la possibilité donnée aux opérateurs de discriminer leurs tarifs sortants, en fonction de la charge de terminaison de leurs concurrents, réintroduit un facteur de concurrence sur le niveau des CTA en permettant aux opérateurs de différencier leurs services. La fin du bill and keep permet une telle discrimination. L’élasticité de la demande de téléphonie mobile au prix des appels entrants n’est d’ores et déjà pas nulle dans la mesure où les abonnés valorisent également la possibilité d’être appelés. L’expérience de Bouygues Télécom montre cependant que, par le passé, cette élasticité a été trop faible pour que les abonnés mobiles soient sensibles aux variations de la CTA. Elle devrait cependant croître avec le taux d’équipement et pourrait être susceptible, à terme, de contraindre les CTA des opérateurs. En effet, à mesure que le taux d’équipement progresse, la probabilité que l’appelant et l’appelé appartiennent à une même unité économique (famille, entreprise) augmente. Dans ces conditions, les consommateurs prêteraient davantage attention au niveau des prix des appels entrants. Le souci d’éviter une image de réseau « cher à appeler » pourrait alors exercer une contrainte à la baisse des CTA. Le rééxamen des marchés prévu en 2007 permettra de vérifier les évolutions intervenues en ce sens. 55. Les opérateurs mobiles virtuels (MVNO) peuvent également contribuer à pallier les risques de diminution de la pression concurrentielle sur le marché de détail due à la baisse de la CTA mobile. L’exemple du marché britannique montre que ce type d’opérateur est apte à dynamiser le marché. 56. Cependant, le Conseil de la concurrence observe que les MVNO doivent bénéficier d’une certaine liberté commerciale bien qu’ils soient les hôtes des opérateurs mobiles. S’ils sont de simples revendeurs sous leur propre marque des services de leurs hôtes, il est peu probable que leur existence apporte de réels changements sur le marché. 57. L’ensemble des éléments décrits ci-dessus conduit donc à penser que, à l’horizon de 2007 et comme le propose l’ART, il n’existe aucune prestation substituable à la terminaison d’un appel sur le réseau mobile d’un opérateur et aucune évolution prévisible ne paraît a priori susceptible d’accroître la pression concurrentielle sur les CTA des trois opérateurs mobiles. Les trois marchés ainsi distingués sont d’un type très particulier puisque, par construction, ils ne peuvent constituer que des monopoles, non contestables par d’autres opérateurs.

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III. La position des opérateurs sur ces marchés 58. La position stratégique des groupes intégrés, France Télécom et SFR, est complexe puisqu’ils disposent d’intérêts économiques, comme il l’a déjà été dit, sur le marché fixe et sur le marché mobile. Ces groupes sont donc à la fois demandeurs et offreurs de services de TA mobile. D’un point de vue stratégique, ils n’ont donc pas intérêt à faire pression sur leur activité mobile qui dégage des profits élevés, au profit de leur activité fixe. Ces éléments renforcent la présomption d’une influence significative pour SFR et Orange. 59. Bouygues Télécom, qui a obtenu sa licence en 1994, est apparu plus tardivement sur le marché, dont il n’occupe qu’une part plus limitée. 60. Le graphique indiqué au paragraphe 21 montre que Bouygues Télécom a suivi le mouvement de baisse des CTA initié en 2000 du fait des obligations imposées à Orange et à SFR en tant qu’opérateurs exerçant sur le marché une influence significative. Le Conseil de la concurrence note cependant que la cette baisse est décalée dans le temps par rapport aux autres et qu’en moyenne, la charge de TA de Bouygues Télécom est 20 % plus élevée que celles des deux autres acteurs, suggérant ainsi que cet opérateur, s’il ne peut sans doute pas s’affranchir totalement de la contrainte exercée sur les deux autres, garde une marge d’autonomie suffisante pour maintenir un écart de prix significatif. 61. Compte tenu de l’ensemble des éléments généraux et individuels qui précédent, le Conseil de la concurrence estime qu’Orange, SFR et Bouygues Télécom doivent être regardés, au sens de l’article L. 37-1 du code des postes et télécommunications, comme exerçant une influence significative sur leur marché de gros respectif de terminaison d’appel en métropole. IV. Sur l’appréciation de la capacité suffisante du droit de la concurrence d’atténuer ou de supprimer ces entraves ou de restaurer une concurrence effective 62. Tout d’abord, le Conseil de la concurrence constate que l’ensemble des marchés analysés précédemment se sont construits sur des déséquilibres de prix avec des réponses inefficaces du marché (hérissons). Au surplus, l’analyse a montré que l’ensemble des acteurs bénéficie d’un équilibre stratégique où chacun tire des profits de l’absence de pression concurrentielle exercée par les autres et ce, au détriment du consommateur. 63. Cette analyse est renforcée par la constatation que la disparition des solutions hérissons conduira les opérateurs alternatifs fixes à migrer vers l’interconnexion directe. Pour que cette migration, qui implique des investissements importants et de nombreuses négociations avec les opérateurs mobiles, se passe sans heurt, il apparaît nécessaire de mettre en place une phase transitoire de réadaptation aux nouvelles conditions de marché. Les outils de la régulation ex ante peuvent efficacement compléter, pour la gestion de cette phase, ceux de la régulation ex post. 64. L’ART semble, d’ailleurs, aller dans ce sens puisqu’elle a indiqué en séance qu’elle recherchait une baisse de 50 % de la CTA mobile sur 3 ans (2005-2007), qui comporterait

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probablement une modulation sur les deux premières années permettant aux opérateurs fixes de s’adapter aux nouvelles conditions de marché. V. Analyse du marché dans les DOM, Mayotte et Saint Pierre et Miquelon 65. Les DOM, Mayotte et Saint Pierre et Miquelon (collectivités territoriales) possèdent de nombreuses particularités faisant d’eux des marchés distincts de la métropole :

- l’éloignement géographique et l’isolement des îles ;

- les caractéristiques météorologiques et environnementales particulières (risques climatiques, séismes, paysages accidentés) ;

- les caractéristiques socio-économiques différentes ;

- une pénétration des mobiles spécifiques ;

- un démarrage de l’activité mobile plus tardif ; 66. L’ensemble de ces éléments et les zones de couverture des licences des différents opérateurs conduisent à distinguer, à l’instar de l’ART, trois zones géographiques distinctes :

- la région Antilles-Guyane ;

- la Réunion et Mayotte ;

- Saint Pierre et Miquelon. 67. Les parts de marché des différents acteurs sont les suivantes : Antilles/Guyane Orange Caraïbe 75,29 74,76 80,18 83,20 82,76 Bouygues Télécom Caraïbes 24,71 25,24 19,82 16,80 16,96 Dauphin Télécom
- – - – 0,28 Saint Martin Mobile
- – - – - Réunion Mayotte Orange Réunion 25,58 27,23 26,69 26,43 25,97 SRR (filiale de SFR) 74,42 72,77 73,31 73,57 74,03 Saint Pierre et Miquelon SAS SPM (filiale d’Orange) nc nc 100 100 100 68. Les deux groupes intégrés représentent 82,76 % des abonnés dans la zone Antilles-Guyane (Orange Caraïbes) et 74,03 % dans la zone Réunion-Mayotte (SRR, filiale de SFR).

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A. GÉNÉRALITÉS

69. Comme le Conseil l’a constaté pour la métropole, la terminaison d’appel sur le réseau de chaque opérateur mobile constitue un marché distinct. Les opérateurs mobiles sont donc détenteurs d’une infrastructure incontournable, ce qui est un élément allant dans le sens de l’exercice d’une influence significative de chaque opérateur sur le marché de gros de la TA vocale sur son réseau. Toutefois des éléments spécifiques aux sociétés opérant dans ces départements ou aux marchés concernés pourraient remettre en cause l’exercice effectif de ce pouvoir de marché. 70. A cet égard, le Conseil note, de façon générale, que les îles sont des marchés étroits et donc plus faciles à couvrir et conquérir. Il est donc probable que la position de marché d’un acteur sera intimement liée à sa date d’arrivée sur le marché : le premier arrivé bénéficie d’un avantage concurrentiel fort, surtout s’il a le temps de constituer une solide base de clientèle avant l’arrivée des autres. Par ailleurs, l’étroitesse des marchés signifie qu’il est probable que le nombre « optimal » d’acteurs sera réduit par rapport à ceux actifs en métropole. Dans ces conditions, il devient très difficile pour un nouvel entrant de se faire une place durable sur le marché et d’atteindre la taille critique permettant d’atténuer l’effet de « club » bénéficiant à l’entreprise en place. B. SUR LA ZONE ANTILLES-GUYANE 71. En ce qui concerne la zone Antilles-Guyane, quatre opérateurs interviennent sur des zones géographiques légèrement identiques : Bouygues Télécoms Caraïbes et Orange Caraïbes couvrent l’ensemble de la zone. Dauphin Télécom dessert les îles de Saint Martin et de Saint Barthélemy et Saint Martin Mobiles ne couvre que l’île de Saint Martin. L’ART estime la CTA de Dauphin Télécom à 36 c€/mn contre 29 c€ pour celles de Bouygues Télécom Caraïbes et Orange Caraïbes. 72. Plusieurs éléments sont de nature à contrebalancer l’influence significative que les petits opérateurs de cette zone pourraient exercer sur le marché de leur terminaisons d’appel. En premier lieu, Dauphin Telecom et Saint Martin Mobiles disposent, sur l’ensemble de la zone Antilles-Guyane, d’une très faible part de marché. En second lieu, le déploiement de Dauphin est en phase de démarrage. En troisième lieu, France Télécom, pour le téléphone fixe, et Orange Caraïbes, pour la téléphonie mobile, sont les seuls clients de Bouygues Télécom Caraïbes, de Dauphin et de Saint Martin Mobiles sur le marché de la TA sur les réseaux mobiles. La puissance d’achat compensatrice du groupe France Télécom est donc de nature à limiter la puissance de marché de ces trois opérateurs. 73. En tant que premier opérateur arrivé sur ce marché (en 1996 contre 2001 pour Bouygues Télécom Caraïbes) et en tant que filiale du groupe France Télécom, Orange Caraïbes bénéficie d’un fort effet marque, d’un fort effet club (avec plus de 80 % de part de marché) et de la puissance financière et marketing de sa maison mère. 74. Au vu des éléments précédents, le Conseil de la concurrence est d’avis que seul Orange Caraïbes exerce une puissance significative sur le marché de la TA vocal sur son propre réseau dans la zone Antilles-Guyane.

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C. SUR LA ZONE RÉUNION-MAYOTTE 75. Seuls deux opérateurs de téléphonie mobile sont présents sur la zone géographique Réunion-Mayotte : SRR (filiale de SFR), avec 74 % du marché de détail et Orange Réunion (filiale d’Orange France), avec 26 %. Cette répartition du marché est stable ainsi que le niveau de la CTA depuis au moins deux ans. 76. SRR a obtenu une licence dès 1995. Sa forte part de marché, sa position de premier arrivant et l’effet de « club » qui en résulte sont des éléments de nature à confirmer que, comme la présomption en a été faite de façon générale, SRR exerce une influence significative sur le marché de gros de la TA sur son propre réseau. 77. Orange Réunion n’a obtenu une licence qu’en 2001 et a une base de clientèle essentiellement constituée de cartes prépayées, donc plus fragile. Compte tenu de son appartenance au groupe France Télécom, ces éléments ne sont cependant pas de nature à remettre en cause son influence significative sur le marché de gros de la TA vocales sur son propre réseau. 78. Le Conseil de la concurrence est donc d’avis que seul Orange Réunion et SRR exercent une puissance significative sur le marché de la TA vocal sur leur réseau dans la zone Réunion-Mayotte. D. SUR LA ZONE DE SAINT PIERRE ET MIQUELON 79. Sur cette zone géographique, le seul opérateur présent à la fois sur la téléphonie fixe et sur la téléphonie mobile est SPM Télécom (filiale de France Télécom). 80. L’opérateur est donc l’unique offreur et son principal client. Cependant, il est possible que les abonnés mobiles de SPM reçoivent des appels en provenance de l’extérieur et donc que des opérateurs en dehors de Saint Pierre et Miquelon paient une CTA mobile à SPM. 81. L’ensemble de ces éléments indiquent que SPM exerce une puissance significative sur le marché de la TA vocales sur son propre réseau de Saint Pierre et Miquelon. E. CONCLUSIONS SUR LES DOM, MAYOTTE ET SAINT PIERRE ET MIQUELON 82. Sur ses zones géographiques, le Conseil de la concurrence observe la forte présence des opérateurs intégrés ainsi que la faiblesse et les difficultés financières d’opérateurs arrivés plus tardivement sur le marché. 83. Pour permettre la mise en place d’une concurrence effective et faciliter le développement des plus petits acteurs, le Conseil de la concurrence constate que les outils de la régulation ex ante, appliqués aux opérateurs réputés exercer une influence significative sur les marchés concernés, peuvent efficacement compléter ceux du droit de la concurrence.

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Délibéré, sur le rapport oral de M. Lescop, par M. Lasserre, président, M. Nasse, vice- président, Mmes Aubert et Perrot, vice-présidentes ainsi que Mme Pinot et MM. Piot et Robin, membres.

La rapporteure générale adjointe, Le président,

Nadine Mouy Bruno Lasserre

© Conseil de la concurrence

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  • Avis n° 04-A-17 du 14 octobre 2004relatif à une demande d’a
    • Le contexte : la réforme de la réglementation applicable aux
      • La définition des marchés
        • LA TERMINAISON D’APPEL SUR LES RÉSEAUX MOBILES.
          • Le déséquilibre entre les prix de terminaison d’appels mobil
            • Conséquences sur les prix de détail des appels F/M et M/M
            • Le système des « hérissons »
            • Les opérateurs
  • déc-02
    • ANALYSE CONCURRENTIELLE
      • La faible substituabilité des services de détail de téléphon
        • L’absence de pression concurrentielle sur les terminaisons d
        • ANALYSE PROSPECTIVE
      • La position des opérateurs sur ces marchés
      • Sur l’appréciation de la capacité suffisante du droit de la
      • Analyse du marché dans les DOM, Mayotte et Saint Pierre et M
        • GÉNÉRALITÉS
        • SUR LA ZONE ANTILLES-GUYANE
        • SUR LA ZONE RÉUNION-MAYOTTE
        • SUR LA ZONE DE SAINT PIERRE ET MIQUELON
        • CONCLUSIONS SUR LES DOM, MAYOTTE ET SAINT PIERRE ET MIQUELON

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ADLC, Avis 04-A-17 du 14 octobre 2004 relatif à une demande d’avis présentée par l’Autorité de Régulation des Télécommunications en application de l’article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques