Décision de la Commission des sanctions du 22 mai 2008 à l'égard de Mme A et MM. B, C, D et E

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Sur la décision

Référence :
AMF, 22 mai 2008, n° SAN-2008-19
Numéro : SAN-2008-19
Identifiant AMF : SAN-2008-19

Texte intégral

La Commission

des sanctions

DECISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS A L’EGARD DE MME A ET DE MM. B, C, D, ET E

La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») ;

Vu le Code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14 et L. 621-15, dans leur rédaction applicable à l’époque des faits, ainsi que ses articles R. 621-5 à 621-7, R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le Règlement général de l’AMF, notamment ses articles 621-1 et 622-1 ;

Vu les notifications de griefs en date du 27 septembre 2007, adressées à Mme A, et à MM. B, C, D, et E ;

Vu la décision du 8 novembre 2007 du Président de la Commission des sanctions désignant M. Joseph THOUVENEL Membre de la Commission des sanctions, en qualité de Rapporteur ;

Vu les observations écrites adressées par Mme A par courrier recommandé avec accusé réception le 25 octobre 2007 ;

Vu les observations écrites adressées par M. D, par courrier recommandé avec accusé de réception le 26 octobre 2007 ;

Vu les observations écrites adressées par M. B, par courrier recommandé avec accusé de réception le 26 octobre 2007 ;

Vu les observations écrites déposées par Maître Philippe GOUTAY pour

M. C le 29 octobre 2007 ;

Vu les observations écrites déposées par Maître Arnaud de LA COTARDIERE pour

M. E, le 30 novembre 2007 ;

Vu les procès-verbaux des auditions de M. E, en date du 25 mars 2008, et de M. F, en qualité de témoin, à la demande de M. E, en date du 25 mars 2008 ;

Vu le rapport de M. Joseph THOUVENEL en date du 11 avril 2008 ;

Vu les lettres de convocation à une séance de la Commission des sanctions du 14 avril 2008, auxquelles était annexé le rapport signé du Rapporteur du 11 avril 2008, adressées le 14 avril 2008 à Mme A et à MM. B, C, D, et E ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du Rapporteur déposées le 29 avril 2008 par Maître Philippe GOUTAY pour M. C ;

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-FRANCE.org

—  2 -

Vu les observations écrites en réponse au rapport du Rapporteur déposées le 5 mai 2008 par Maître Arnaud de LA COTARDIERE pour M. E ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du Rapporteur déposées le 15 mai 2008 par Maître Dimitri LECAT pour Mme A et par Maître Bruno QUENTIN pour M. D ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 22 mai 2008 :

— M. le Rapporteur en son rapport ;

— M. Gilles PETIT, Commissaire du Gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

— M. E et son conseil Maître Arnaud de LA COTARDIERE ;

— M. D et son conseil Maître Bruno QUENTIN ;

— M. B et son conseil Maître Bruno QUENTIN ;

— Mme A et son conseil, Maître Dimitri LECAT ;

— M. C et son conseil, Maître Philippe GOUTAY ;

Les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier.

I. FAITS ET PROCEDURE

A. FAITS

La société POWEO (ci-après « POWEO »), créée en 2002 par M. F, est un opérateur français d’électricité et de gaz.

Les actions de la société POWEO ont été admises à la négociation sur le Marché Alternext d’Euronext, le 27 mai 2005, et le sont en continu depuis le 9 janvier 2006.

Dans son mode de fonctionnement initial, POWEO achetait « en gros » aux producteurs et sur les marchés l’énergie qu’elle revendait ensuite « au détail » aux entreprises ou aux collectivités locales. Elle a, par la suite, souhaité devenir elle-même producteur d’énergie.

C’est dans cette perspective qu’elle a entamé des négociations avec la société autrichienne VERBUND (ci-après « VERBUND »), en juin 2005.

Dès le début du mois de septembre 2005, POWEO et VERBUND se sont entendues sur les principaux termes d’un projet de partenariat ayant principalement pour objet d’une part, la création d’une filiale commune ayant pour objet le développement de centrales de production d’électricité, permettant ainsi à POWEO de devenir producteur d’énergie et d’autre part, la souscription par VERBUND à une augmentation de capital réservée de POWEO, qui devait conduire VERBUND à détenir, à terme, 25 % du capital de POWEO à compter du mois de janvier 2009. Les discussions entre les deux sociétés ont achoppé à la fin du mois de septembre 2005.

Les futurs partenaires ont toutefois poursuivi les négociations.

—  3 -

Le 19 décembre, oralement, puis par écrit le 21 décembre 2005, VERBUND faisait une offre ferme et définitive à POWEO au prix de 25 € par action POWEO dans le cadre d’une augmentation de capital qui lui serait réservée. Cette offre était confirmée à plusieurs reprises par VERBUND à POWEO dans les jours suivants. Elle était acceptée par le Conseil d’administration de POWEO, le 6 janvier 2006. Cet accord était ensuite confirmé par oral par le Président de POWEO au Président de VERBUND, le 9 janvier suivant.

Cet accord comportait trois volets principaux :

— la création d’une filiale commune consacrée au développement de centrales de production d’électricité ;

— la souscription par VERBUND à une augmentation de capital de POWEO qui lui était réservée et, qui devait conduire VERBUND à détenir, à terme, 25 % du capital de POWEO à compter du mois de janvier 2009 ;

— la signature d’un pacte d’actionnaires entre M. F, la holding de la famille […] (GRAVITATION SA) et VERBUND.

Il a été présenté à l’AMF le 17 janvier 2006.

Le 19 janvier 2006, la cotation des actions POWEO était suspendue, préalablement à l’annonce le jour même de « la signature d’un projet de partenariat stratégique sur le marché français de l’électricité » entre POWEO et VERBUND.

Cette annonce a eu un effet haussier immédiat sur le cours du titre POWEO (dès le lendemain matin, le cours du titre était en hausse de 21 %).

Or, l’analyse du marché du titre a permis de constater une augmentation notable du volume des transactions POWEO, en particulier lors des trois séances qui ont précédé l’annonce de l’accord intervenu entre POWEO et VERBUND.

C’est dans ces conditions que le Secrétaire général de l’AMF a pris la décision, le 9 mai 2006, d’ouvrir une enquête portant sur « le marché du titre POWEO à compter du 1er septembre 2005 ».

L’enquête a été diligentée par la Direction des Enquêtes et de la Surveillance des Marchés au sein de l’AMF (ci – après « DESM »).

Il résulte du rapport d’enquête du 20 juillet 2007 que le Président de POWEO,

M. F, aurait communiqué des informations privilégiées au sujet du projet de partenariat entre POWEO et VERBUND à M. E et que Mme A, M. C, M. B et M. D qui ont acquis des titres POWEO les jours qui ont précédé l’annonce du partenariat POWEO/VERBUND, auraient détenu également une information privilégiée concernant POWEO.

Le rapport d’enquête conclut que M. D, M. B, Mme A, M. C et M. E auraient ainsi commis un manquement d’initié, tel que prévu aux articles 621-1 et 622-2 du Règlement général de l’AMF.

B. PROCEDURE

Conformément aux dispositions de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier, le rapport d’enquête a été examiné par la Commission spécialisée n° 1 du Collège de l’AMF, lors de sa séance du 11 septembre 2007.

—  4 -

Au vu du rapport d’enquête et sur décision de la Commission spécialisée, le Président de l’AMF a, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 27 septembre 2007, notifié les griefs suivants :

— à M. E : « avoir utilisé une information privilégiée relative à l’imminence de la signature d’un très important contrat de partenariat stratégique entre la société POWEO et le principal opérateur historique d’électricité autrichien, la société VERBUND, ou à tout le moins un grand producteur d’électricité » en achetant, les 4 et 11 janvier 2006, 17 520 actions POWEO pour le compte du fonds BEAVAN SOMUA FUND, immatriculé aux Iles Caïmans et dont il est l’unique gérant, dirigeant et bénéficiaire économique ;

— à M. D : « avoir utilisé une information privilégiée relative à l’imminence de la signature d’un très important contrat de partenariat stratégique entre la société POWEO et le principal opérateur historique d’électricité autrichien, la société VERBUND, ou à tout le moins un grand producteur d’électricité » en achetant 3 000 actions POWEO, le 18 janvier 2006 ;

— à M. B : « avoir utilisé une information privilégiée relative à l’imminence de la signature d’un très important contrat de partenariat stratégique entre la société POWEO et le principal opérateur historique d’électricité autrichien, la société VERBUND, ou à tout le moins un grand producteur d’électricité » en achetant 1 500 actions POWEO, le 18 janvier 2006 ;

— à Mme A : « avoir utilisé une information privilégiée relative à l’imminence de la signature d’un très important contrat de partenariat stratégique entre la société POWEO et le principal opérateur historique d’électricité autrichien, la société VERBUND, ou à tout le moins un grand producteur d’électricité », en achetant 800 actions POWEO, le 17 janvier 2006 ;

— à M. C : « avoir utilisé une information privilégiée relative à l’imminence de la signature d’un très important contrat de partenariat stratégique entre la société POWEO et le principal opérateur historique d’électricité autrichien, la société VERBUND, ou à tout le moins un grand producteur d’électricité » en achetant 2 968 actions POWEO, les 17 et 18 janvier 2006.

Selon les notifications de griefs, ces faits seraient susceptibles de constituer, à l’encontre de chaque mis en cause, un manquement d’initié et de donner lieu à une sanction en application des articles 621-1 et 622-1 du Règlement général de l’AMF et des articles L. 621-14 et L. 621-15 du Code monétaire et financier.

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du Code monétaire et financier, le Président de l’AMF a transmis la copie des notifications de griefs au Président de la Commission des sanctions.

Par décision du 8 novembre 2007, le Président de la Commission des sanctions a désigné le Rapporteur qui en a avisé les parties par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 10 décembre 2007.

Le 25 octobre 2007, Mme A adressait ses observations par courrier recommandé avec demande d’avis de réception.

Le 26 octobre 2007, M. D et M. B adressaient également leurs observations par courriers recommandés avec demande d’avis de réception.

Le 29 octobre 2007, M. C faisait parvenir ses observations, par le truchement de son conseil, Maître Philippe GOUTAY ;

Enfin, le 9 janvier 2008, M. E faisait également parvenir ses observations par le truchement de son conseil Maître Arnaud de LA COTARDIERE et demandait à être entendu ainsi que l’y autorise l’article R. 621-39 I du Code monétaire et financier. Il sollicitait également l’audition de M. […].

—  5 -

Le Rapporteur a donc procédé à l’audition de M. E, le 25 mars 2008.

M. […] a également été entendu, en qualité de témoin, 25 mars 2008.

Les personnes mises en cause ont été convoquées devant la première section de la Commission des sanctions par lettres recommandées avec demande d’accusé réception en date du 14 avril 2008, auxquelles était joint le rapport du Rapporteur du 11 avril précédent.

Maître Philippe GOUTAY, pour M. C, a déposé des observations écrites en réponse au rapport du Rapporteur le 29 avril 2008 ;

Maître Arnaud de LA COTARDIERE, pour M. E, a déposé des observations écrites en réponse au rapport du Rapporteur le 5 mai 2008 ;

Maître Dimitri LECAT, pour Mme A, et Maître Bruno QUENTIN, pour M. D, ont déposé des observations écrites en réponse au rapport du Rapporteur, le 15 mai 2008 ;

II. MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que les griefs notifiés aux diverses personnes mises en cause, ont trait à l’utilisation d’une même information privilégiée, à savoir « l’imminence de la signature d’un très important contrat de partenariat stratégique entre la société POWEO et le principal opérateur historique d’électricité autrichien, la société VERBUND, ou à tout le moins un grand producteur d’électricité ».

A. Sur le caractère privilégié de l’information

Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du Règlement général de l’AMF, une information privilégiée est « une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés.

Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés.

Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit l’information, retenue par les notifications de griefs, consiste en « l’imminence de la signature d’un très important contrat de partenariat stratégique entre la société POWEO et le principal opérateur historique d’électricité autrichien, la société VERBUND, ou à tout le moins un grand producteur d’électricité » ;

Considérant, en premier lieu, que le projet d’accord pour lequel VERBUND avait, oralement le 19 décembre puis par écrit le 21 décembre 2005, transmis à POWEO une offre ferme et définitive, avait pour objet d’une part, une augmentation de 25% du capital de POWEO entièrement réservée à VERBUND ou à un autre important producteur d’électricité au prix de 25 € par action et d’autre part, la création d’une filiale commune de production d’électricité, que l’information en cause était précise comme portant sur un projet suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir ;

—  6 -

Considérant, en second lieu, que l’accord entre POWEO et VERBUND n’a été annoncé au marché par la société POWEO que le 19 janvier 2006 à 17h30, par un communiqué de presse ; que jusque là cette information n’était pas publique ;

Considérant, enfin, que le partenariat avec un important producteur d’électricité permettait à POWEO de devenir producteur d’énergie et de gagner ainsi en autonomie face aux producteurs d’énergie auxquels jusqu’alors elle était contrainte d’acheter « en gros » ; que l’entrée dans son capital d’un des grands opérateurs « historiques » européens renforçait, par ailleurs, la solidité technique et financière de la société française récemment créée qui conservait toutefois son indépendance, puisque la participation de son partenaire demeurerait minoritaire ; que l’information en cause portait ainsi sur des éléments objectifs de nature à développer la confiance d’un investisseur raisonnable dans le titre POWEO et à le déterminer à investir sur le titre ; et en conséquence, à avoir une incidence très favorable sur le cours du titre POWEO ; que d’ailleurs, le marché a très positivement réagi à l’annonce de ce partenariat puisque le titre POWEO a connu une hausse de 21,5 %, dès le lendemain de l’annonce de l’accord POWEO/VERBUND ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’information consistant en « l’imminence de la signature d’un très important contrat de partenariat stratégique entre la société POWEO et le principal opérateur historique d’électricité autrichien, la société VERBUND, ou à tout le moins un grand producteur d’électricité », revêtait, dès le 21 décembre 2005 et avant le 19 janvier 2006, les caractères d’une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du Règlement général de l’AMF.

B. Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée

1- En ce qui concerne M. E

Considérant qu’il est reproché à M. E d’avoir utilisé l’information privilégiée en cause, en achetant 10 000 actions POWEO, le 4 janvier 2006, et 7 520 autres actions, le 11 janvier suivant, pour le compte du fonds BEAVAN SOMUA FUND, immatriculé aux Iles Caïmans, dont il est l’unique gérant, dirigeant et bénéficiaire économique ;

Considérant que M. F, Président de POWEO, a indiqué, lors de sa première audition par les enquêteurs, le 25 octobre 2006, en des termes qui, contrairement à ce que soutient M. E, ne sont entachés d’aucune contradiction, qu’il avait téléphoné à M. E, le 23 ou le

24 décembre 2005, pour avoir son conseil sur le projet de partenariat industriel et financier en cours et en particulier sur le prix que le partenaire potentiel de POWEO proposait ; qu’il a précisé qu’il aurait dû, de ce fait, faire figurer M. E sur la liste des initiés ;

Considérant, il est vrai, que M. F a, par la suite, tant dans un courrier adressé par son conseil à l’AMF, le 26 janvier 2007, que lors d’une deuxième audition en date du 27 juin 2007, minimisé la portée de son affirmation initiale en indiquant que si lors de l’appel du 23 ou du 24 décembre 2005, il avait interrogé M. E sur l’opportunité de conclure un partenariat à un prix substantiellement inférieur à celui de la précédente augmentation de capital du mois de juillet 2005, il n’avait pu alors évoquer un prix précis, dés lors que le 23 ou le 24 décembre, il ne disposait pas de proposition ferme de prix ;

Mais considérant qu’il ressort de diverses pièces du dossier (mail adressé par

M. […] – Directeur général de POWEO – aux membres du conseil d’administration de POWEO, le 21 décembre 2005 ; mail, du même jour, adressé par VERBUND à ROTHSCHILD et transféré quasi simultanément par ROTHSCHILD aux dirigeants de POWEO, script de discussion préparé par ROTHSCHILD, le 22 décembre, à l’attention de M. F en vue d’un entretien téléphonique entre VERBUND et le Président de POWEO ; chronologie établie par VERBUND à la demande du régulateur autrichien ; chronologie adressée par POWEO à l’AMF ; déclarations en audition de M. […], le 15 novembre 2006 ) que VERBUND avait fait à POWEO une proposition ferme de prix de 25 € par action à POWEO, dès le 19 décembre 2005, et que cette offre avait été confirmée à plusieurs reprises et sous différentes formes, les 20 et 21 décembre suivants ;

—  7 -

Considérant que l’allégation par M. F de ce qu’à la date du 23 ou 24 décembre 2005, il n’aurait pu faire état, dans sa conversation avec M. E, du prix proposé, faute pour lui de le connaître à cette date, ne peut ainsi être retenue ; qu’ainsi les déclarations du Président de POWEO des 26 janvier et 27 juin 2007 ne sont pas, dans les circonstances de l’espèce, de nature à modifier la portée des propos tenus lors de sa première audition du 25 octobre 2006 ; qu’en conséquence il doit être regardé comme établi que M. E a eu connaissance de l’information privilégiée et en connaissait le caractère ; qu’il était ainsi tenu à une obligation d’abstention absolue ; que dès lors et quelles que soient les raisons objectives qui, selon lui, pouvaient déterminer un investisseur avisé à acheter alors des titres POWEO, M. E a méconnu cette obligation en achetant 17 520 titres POWEO les 4 et 11 janvier 2006 pour le compte du fonds BEAVAN SOMUA FUND, immatriculé aux Iles Caïmans, dont il est l’unique gérant, dirigeant et bénéficiaire économique ;

2- En ce qui concerne M. D, M. B, Mme A et M. C

Considérant qu’à défaut de l’être par une preuve tangible, la détention de l’information privilégiée peut être établie, par un faisceau d’indices concordants desquels il résulte que seule cette détention peut expliquer les opérations auxquelles les personnes mises en cause ont procédé ;

2-1- Considérant que M. D a acquis 3 000 actions POWEO, le 18 janvier 2006, soit la veille de l’annonce du partenariat POWEO/VERBUND ;

Considérant que la notification de griefs fait, également, état de ce que l’ordre d’achat aurait été passé deux heures environ après une communication téléphonique entre M. D et un membre du conseil d’administration de POWEO, également dirigeant d’une entreprise avec laquelle la société dirigée par M. D était en relations d’affaires ; que toutefois il ne résulte d’aucun élément du dossier que cette communication – d’ailleurs adressée vers le standard de la société et non pas vers la ligne directe ou le mobile de M. D – ait porté sur des sujets autres que ceux correspondant aux relations professionnelles – totalement extérieures à l’activité de POWEO – entre les deux sociétés ;

Considérant qu’ainsi qu’il résulte des justifications produites par M. D postérieurement à la notification du rapport du Rapporteur l’acquisition de 3.000 titres POWEO pour un montant de 62 430 € ne présentait aucun caractère atypique par rapport à ses habitudes d’investissement ; qu’ainsi M. D est intervenu à l’achat sur d’autres titres, le 8 février 2006 pour un montant de 45 637 € ; le 14 février suivant pour un montant de 44 819 €, puis le 21 février et le 9 mars 2006, pour des montants respectifs de 59 478 € et 51 253 € ; que s’agissant spécialement du titre POWEO, l’achat litigieux faisait suite à une acquisition en mai 2005 pour un montant de 17 950 € et a été suivi en février 2006, par de nouveaux achats, d’une façon qui dénote un intérêt suivi pour ce titre ; qu’il est également justifié devant la Commission des sanctions que l’acquisition litigieuse des titres POWEO correspondait au réinvestissement d’une plus-value dégagée en janvier 2006 sur le titre ALSTOM ;

Considérant que le rapprochement de ces différentes données ne conduit pas à conclure que seule la détention par M. D de l’information privilégiée puisse expliquer l’opération incriminée ; que, dès lors, le grief doit être écarté ;

2-2- Considérant que M. B a acquis 1 500 actions POWEO, le 18 janvier 2006, soit la veille de l’annonce du partenariat POWEO/VERBUND ;

Considérant que si la notification de griefs fait, également, état de ce que M. B a acquis les titres POWEO en parfaite concomitance avec M. D, son associé et beau-frère, et sur les recommandations de celui-ci, il résulte, toutefois, de ce que, comme il vient d’être dit, M. D ne peut être regardé comme détenant l’information privilégiée, que les arguments tirés de cette recommandation et de la concomitance des opérations doivent être écartés ;

Considérant que le rapprochement de ces différentes données ne conduit pas à conclure que seule la détention par M. B de l’information privilégiée puisse expliquer l’opération incriminée ; que, dès lors, le grief doit être écarté ;

—  8 -

2-3- Considérant que, le 17 janvier 2006, soit l’avant-veille de l’annonce du partenariat de POWEO/VERBUND, Mme A a acheté 800 actions POWEO ;

Considérant qu’il est constant, ainsi qu’il résulte notamment des propres déclarations de l’intéressée, le 8 décembre 2006, que Mme A connaît plusieurs membres de l’équipe dirigeante et certains cadres de POWEO, qui en raison de leur responsabilités au sein de la société, ont été placés lors du rapprochement entre POWEO et VERBUND sur la liste des initiés, qu’elle était également très liée avec M. […], Responsable des énergies renouvelables au sein de POWEO et figurant sur la liste des initiés, qu’elle a épousé quelques mois après ;

Considérant qu’il est constant que l’acquisition des titres a été faite dans des conditions inusuelles pour Mme A qui a donné personnellement l’ordre d’acquisition des titres POWEO alors qu’elle n’intervenait pas dans la gestion de son compte titres – dont elle avait hérité – laquelle était assurée par un chargé de clientèle, la dernière initiative personnelle d’intervention sur le marché boursier remontant à plusieurs années auparavant ; que si Mme A fait état de l’intérêt qu’elle porte à POWEO en raison de ses liens avec ses dirigeants et de ce qu’elle avait souscrit à l’appel public à l’épargne de POWEO en 2004, la portée de cette dernière indication doit être relativisée eu égard aux différences entre une souscription à un appel public à l’épargne et l’initiative prise dans les conditions atypiques relatées ci-dessus ;

Considérant qu’il résulte du rapprochement de l’ensemble de ces indices que seule la détention de l’information privilégiée peut expliquer l’opération incriminée ; qu’ainsi, en achetant 800 titres POWEO le 17 janvier 2006, en toute connaissance de cause du caractère de cette information, Mme A a manqué à l’obligation d’abstention résultant des articles 621-1 et 622-1 du Règlement général de l’AMF ;

2-4- Considérant que si M. C, frère aîné de Mme A, a acheté 2 968 actions POWEO les 17 et 18 janvier 2006, la veille et l’avant-veille de l’annonce du partenariat POWEO/VERBUND, cette intervention ne présente – ainsi qu’il résulte des indications et justifications versées au dossier de la Commission des sanctions – aucun caractère inusuel au regard de ses habitudes d’investissement ; qu’aucun indice relatif aux conditions dans lesquelles l’information privilégiée lui aurait été transmise ne ressort vraiment du dossier ; que, notamment, l’éloignement géographique dans lequel se trouvaient l’un par rapport à l’autre M. C et Mme A, leur différence d’âge et le caractère espacé de leurs relations ne permettent pas, dans le cadre de la méthode du faisceau d’indices, de tirer de conclusions formelles de la coïncidence liée au caractère concomitant de leurs acquisitions ; que l’ordre d’acquisition de M. C a été passé à cours limité et n’a d’ailleurs pu, de ce fait, être exécuté que sur deux jours, d’une façon qui ne corrobore pas l’hypothèse de l’utilisation d’une information privilégiée immédiatement avant qu’elle soit rendue publique ;

Considérant que le rapprochement de ces différentes données ne conduit pas à conclure que seule la détention par M. C de l’information privilégiée puisse expliquer l’opération incriminée ; que, dès lors, le grief doit être écarté ;

—  9 -

C. SANCTIONS ET PUBLICATION

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier, dans sa version applicable à l’époque des faits :

« II. La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre (de) (…) c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié (…), (…) III. – Les sanctions applicables sont : (…) c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés(…) Le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements. (…) » ;

que pour que soit assuré le caractère dissuasif, de la sanction pécuniaire d’un manquement d’initié son montant doit être suffisamment supérieur à celui de l’avantage ou du profit réalisé ;

Considérant que M. E a réalisé, par le truchement du fonds BEAVAN SOMUA FUND, dont il est le gérant et l’unique bénéficiaire économique, une plus-value de 62 934 € ; que compte tenu de son expérience professionnelle il ne pouvait méconnaître la gravité de l’utilisation d’une information privilégiée ; qu’il y a lieu de prononcer à son encontre une sanction pécuniaire de 200 000 € ;

Considérant que Mme A a conservé en portefeuille les 800 actions qu’elle a achetées

le 17 janvier ; que compte tenu de l’écart entre le prix d’ acquisition et le cours moyen constaté au cours de la séance de bourse qui a suivi la publication du communiqué annonçant l’accord entre VERBUND et POWEO, l’avantage injustifié qui est résulté pour elle de cette opération s’élève à 1 264 euros ; que compte tenu de la relative modestie de cette acquisition ainsi que de l’ensemble des circonstances de l’espèce il y a lieu de fixer à 5.000 euros le montant de la sanction pécuniaire encourue ;

Considérant que le V de l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier dispose que « la commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées » ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la Commission de tenir compte des exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent son pouvoir de sanction ainsi que de l’intérêt qui s’attache pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès à ses décisions, connaître son interprétation des règles qu’ils doivent observer ; que les circonstances de l’espèce ne sont pas de nature à démontrer que la publication de la décision entraînerait, compte tenu de ces exigences, des conséquences disproportionnées sur la situation des personnes mises en cause ;

—  10 -

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de Monsieur Daniel LABETOULLE, par Mme Marielle COHEN-BRANCHE et M. Jean-Claude HANUS, Membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, et par M. Antoine COURTEAULT, Membre de la 2ème section de la Commission des sanctions, suppléant de M. Pierre LASSERRE, en présence de la Secrétaire de séance,

DECIDE DE :

 Mettre hors de cause M. D, M. B, et M. C ;

 Prononcer à l’encontre de M. E une sanction pécuniaire de 200 000 € (deux cent mille euros) ;

 Prononcer à l’encontre de Mme A une sanction pécuniaire de 5 000 € (cinq mille euros) ;

 Publier la présente décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site Internet et dans la revue de l’Autorité des marchés financiers.

A Paris, le 22 mai 2008,

La Secrétaire de séance

Le Président

Brigitte LETELLIER

Daniel LABETOULLE

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues aux articles R. 621-44 à R. 621-46 du Code monétaire et financier.

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  • I. FAITS ET PROCEDURE

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Textes cités dans la décision

  1. Code monétaire et financier
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Décision de la Commission des sanctions du 22 mai 2008 à l'égard de Mme A et MM. B, C, D et E