Décision de la Commission des sanctions du 25 février 2010 à l'égard de M. A et de la société X

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Sur la décision

Référence :
AMF, 25 févr. 2010, n° SAN-2010-10
Numéro : SAN-2010-10
Identifiant AMF : SAN-2010-10

Texte intégral

La Commission des sanctions

DECISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS A L’EGARD DE M. A ET DE LA SOCIETE X

La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 433-3 IV, L. 621-14, L. 621-15, R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le code de commerce, notamment ses articles L. 233-7, L. 233-9 et L. 233-10 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 223-7, 223-14, 231-8, 234-2, 234-6 et 632-1 ;

Vu les notifications de griefs adressées le 11 août 2008 à la société X et à M. A ;

Vu la décision du 9 février 2009 par laquelle le Président de la Commission des sanctions a désigné Mme Marielle Cohen-Branche, membre de la Commission des sanctions, en qualité de Rapporteur ;

Vu les lettres en date du 19 février 2009 adressées aux mis en cause, les avisant de la nomination du Rapporteur ;

Vu les lettres en date du 20 février 2009 adressées aux mis en cause, les avisant de la possibilité leur appartenant de demander la récusation du Rapporteur ;

Vu les mémoires en réponse aux notifications de griefs présentés, le 15 octobre 2008, par Maîtres Jean- Michel Darrois et Hervé Pisani, avocats de la société X et de M. A ;

Vu les procès-verbaux des auditions effectuées le 25 septembre 2009 par le Rapporteur ;

Vu la lettre adressée à Mme Cohen-Branche par Maîtres Jean-Michel Darrois et Hervé Pisani le 19 octobre 2009, faisant suite aux auditions de M. A, le 25 septembre 2009, à titre de représentant de la société X et à titre personnel ;

Vu le rapport de Mme Marielle Cohen-Branche en date du 2 décembre 2009 ;

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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Vu la lettre de convocation à la séance de la Commission des sanctions du 25 février 2010 à laquelle était annexé le rapport signé par le Rapporteur, adressée aux mis en cause, le 9 décembre 2009 ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du Rapporteur présentées le 20 janvier 2010 par Maîtres Jean-Michel Darrois et Hervé Pisani pour la société X et pour M. A ;

Vu les lettres des 9 décembre 2009 et 9 février 2010 informant les mis en cause de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, leur précisant la faculté de demander la récusation de l’un de ses membres ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 25 février 2010 :

— Mme le Rapporteur en son rapport ;

— M. Antoine Gobelet, Commissaire du gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

— M. Ambroise Liard, représentant le Collège de l’AMF ;

— M. A pour son compte et celui de la société X qu’il représente en tant que président, accompagné de MM. […], chef de cabinet, […], directeur juridique, […] secrétaire général du conseil d’administration de la société ;

— Maîtres Jean-Michel Darrois, Hervé Pisani, Fabrice Veverka, Christophe Ingrain, Clara Cerdan Molina et Luis J. Cortes, avocats de M. A et de la société X ;

en présence de Mme […], interprète […] ;

les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier,

I – FAITS ET PROCEDURE

1/ Faits

La société B est la tête d’un groupe figurant […].

Elle est présidée par M. B.

En 2006, son chiffre d’affaires consolidé s’est élevé à […], la contribution des concessions au chiffre d’affaires du groupe ayant connu une forte croissance grâce à l’attribution […] à la société Y, fin 2005.

Au cours du 4ème trimestre 2005 et du 1er trimestre 2006, la société […]e X avait acquis massivement des actions Y et déclaré, le […] 2006, le franchissement du seuil de 5 % du capital et des droits de vote de cette société et le […] 2006, le franchissement du seuil de 10 %.

Le […] 2006, la société X déclarait à l’AMF les franchissements des seuils de 15, 20 et 25 % du capital et des droits de vote de la société Y et, conformément aux dispositions de l’article L. 233-7.VII du code de commerce, déclarait ses intentions à l’égard de cette société pour les douze mois à venir, en indiquant notamment qu’elle ne

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poursuivait pas un objectif de prise de contrôle de la société Y, ni ne souhaitait déposer d’offre publique ; en revanche, elle confirmait son souhait d’obtenir des sièges au conseil d’administration.

Lors de l’assemblée générale de la société Y du […] 2006, la société X était privée pour 2 ans de […] % de ses droits de vote, n’ayant pas déclaré ses franchissements de seuil statutaires auprès de la société Y et n’obtenait pas les sièges d’administrateur demandés.

En septembre et décembre 2006, puis en mars 2007, la société X reprenait ses achats d’actions Y.

Le […] 2007, sa participation atteignait 32,1 % du capital, contre 22,4 % pour les salariés, […], 8,5 % pour la société R, 5 % pour Z, 2,6 % pour la société Y elle-même, sous forme d’autocontrôle, et 29,4 % pour le public.

Lors de l’assemblée générale annuelle du […] 2007, il était constaté que la société X détenait 33,32 % du capital de la société Y, société P, 4,2 %, société O, 2 %, Société M, 1,6 % et d’autres actionnaires espagnols, 9,3 %.

En mars, la direction de la société X avait réaffirmé sa volonté d’obtenir des sièges au conseil d’administration de la société Y.

Dès le début de l’assemblée générale du 18 avril 2007, à la requête de la société Z, le bureau de l’assemblée décidait de priver de droits de vote […] actionnaires, […], au motif que ces actionnaires auraient franchi, de concert, le seuil de 33,33 % du capital et des droits de vote de la société Y, sans en faire la déclaration légale préalable.

Le lendemain de l’assemblée, soit le […] 2007, la société X déposait auprès de l’AMF, un projet d’offre publique d’échange (ci-après « OPE ») sur le capital de la société Y.

Peu après, les sociétés P et O, actionnaires privés de droit de vote le […], assignaient la société Y devant le Tribunal de commerce de […] aux fins d’annulation de l’assemblée générale.

La société Y déposait une plainte pour diffusion d’informations trompeuses et non déclaration de franchissement de seuil, devant le Procureur de la République […].

Dans le cadre de l’examen de la conformité du projet d’OPE déposé par la société X, une note préliminaire rédigée par la Direction des enquêtes et de la surveillance des marchés de l’AMF (ci-après « DESM »), était présentée au Collège de l’AMF, le 19 juin 2007.

Dans une décision du 26 juin 2007, le Collège de l’AMF estimait qu’un concert existait entre la société X et six autres actionnaires de la société Y et, en conséquence, déclarait le projet d’OPE sur la société Y non conforme aux dispositions légales et réglementaires et demandait à la société X et aux actionnaires agissant de concert avec elle de déposer un nouveau projet, conforme aux articles 234-2, 234-6 et 231-8 de son règlement général ainsi qu’à l’article L. 433-3 IV du code monétaire et financier.

La société X et ces six autres actionnaires de la société Y formaient alors un recours contre la décision de l’AMF devant la Cour d’appel de Paris.

Dans un arrêt du […] 2008, la Cour d’appel a estimé que les acquisitions successives d’actions Y par la société X et par ces six sociétés avaient procédé, non d’un simple parallélisme de comportements, mais d’une démarche collective organisée tendant à la poursuite d’une finalité commune et qu’ainsi le projet d’OPE de la société X sur la société Y ne respectait pas les principes de transparence et de loyauté visés à l’article 231-3 du règlement général de l’AMF.

2/ Procédure

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Le 5 avril 2007, le secrétaire général de l’AMF avait ordonné à la Direction des enquêtes et de la surveillance des marchés (ci-après « DESM ») de procéder à une enquête sur le marché du titre Y et sur tout autre titre qui lui serait lié, à compter du 1er décembre 2006.

Le 7 avril 2008, l’enquête avait été étendue au marché du titre à compter du 18 avril 2006.

La DESM a remis son rapport d’enquête le 10 juin 2008.

Conformément aux dispositions de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, ce rapport a été examiné par la Commission spécialisée n° 2 du Collège de l’AMF, lors de sa séance du 8 juillet 2008.

Le Président de l’AMF, agissant pour la Commission spécialisée n°2 du Collège, a adressé, le 11 août 2008, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, des notifications de griefs à l’encontre de M. A et de la société X.

Les notifications de griefs leur reprochent :

1- de ne pas avoir procédé, en méconnaissance des articles L. 233-7 et L. 233-9 du code de commerce et de l’article 222-12 du règlement général de l’AMF, dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, à la déclaration de franchissement, par le concert que la société X formait avec les trois sociétés T, U et V, du seuil de 33,33 % du capital de la société Y ;

2- d’avoir omis de porter à la connaissance du public les nouvelles intentions de la société X à l’égard de la société Y après l’assemblée générale du […] 2006, celles-ci consistant à imposer une recomposition du conseil d’administration en faveur de la société X, devant permettre à celle-ci, à terme, de prendre le contrôle de la société Y, alors que la société X avait, dans sa déclaration d’intention publiée le […] 2006, indiqué ne pas souhaiter acquérir le contrôle de cette société, ni lancer une offre publique sur elle ;

3- d’avoir publié une information inexacte, le […] 2007, en faisant paraître dans le journal […], un avis dans lequel la société X affirmait sa volonté de collaborer avec la société Y alors même qu’elle aurait pris, à cette même date, la décision d’en prendre le contrôle.

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, le Président de l’AMF a transmis la copie des notifications de griefs au Président de la Commission des sanctions.

Par décision du 9 février 2009, le Président de la Commission des sanctions a désigné Mme Marielle Cohen- Branche en qualité de Rapporteur.

Le secrétariat de la Commission des sanctions a informé les mis en cause de cette désignation par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, le 19 février 2009, cette lettre leur rappelant la possibilité d’être entendu chacun à sa demande, en application de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 20 février 2009, les mis en cause ont été informés de ce qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du Rapporteur dans un délai d’un mois et dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Le 8 septembre 2008, le secrétariat de la Commission a accordé aux avocats des mis en cause un délai supplémentaire pour présenter leurs observations en réponse aux notifications de griefs.

Le 15 octobre 2008, Maîtres Jean-Michel Darrois et Hervé Pisani ont adressé leurs observations au Rapporteur.

Le Rapporteur a procédé, le 25 septembre 2009, à l’audition, en présence de ses avocats et de représentants de la société X, de M. A, pris en sa qualité de représentant de la société X, puis à titre personnel.

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Le 19 octobre 2009, le Rapporteur a reçu un complément d’observations et de pièces de la part des conseils de M. A.

Le Rapporteur a rendu son rapport le 2 décembre 2009.

Les mis en cause ont été convoqués devant la 1ère section de la Commission des sanctions par lettres recommandées avec demande d’avis de réception, en date du 9 décembre 2009, auxquelles était joint le rapport du Rapporteur, cette lettre les informant de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de cette séance et de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation de l’un de ses Membres, en application des articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

En réponse au rapport du Rapporteur, Maîtres Jean-Michel Darrois et Hervé Pisani ont adressé de nouvelles observations au secrétariat de la Commission des sanctions, par lettre du 20 janvier 2010. Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 9 février 2010, les mis en cause ont été informés de la modification de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance du 25 février 2010, et de la faculté qui leur était offerte de demander la récusation de l’un de ses Membres, en application des articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

II – MOTIFS DE LA DECISION

1/ SUR LES EXCEPTIONS DE PROCEDURE

Considérant que l’allégation selon laquelle l’enquête de la DESM aurait été « déloyale » car conduite sans actes d’investigation et en se fondant principalement sur les documents produits par le groupe Y n’est pas corroborée par le dossier qui comporte notamment les informations recueillies auprès des actionnaires […] de la société Y, par l’entremise de la […], et l’ensemble des pièces et mémoires adressés par la société X ;

Considérant que, s’il peut être regretté que, préalablement à la notification de griefs, les enquêteurs n’aient pas procédé à l’audition de représentants de la société X dans le cadre de la présente procédure, le dossier d’enquête comprend le procès-verbal de l’audition de M. A à laquelle il avait été procédé le 27 février 2007 dans le cadre d’une précédente enquête portant sur la montée de la société X au capital de la société Y ainsi que divers courriers de la société X ou de ses conseils à l’AMF ; qu’en toute hypothèse, M. A a été entendu par le Rapporteur de la Commission des sanctions puis lors de l’audience de celle-ci ;

Considérant que les sociétés T, U et V, qui ne sont pas en cause dans la présente procédure mais dont l’un des griefs notifiés à la société X est fondé sur ce que la société X aurait agi de concert avec elles ont fait valoir leur point de vue par lettres adressées à la DESM, directement ou par l’entremise de […] ;

Considérant que la pièce dont il est allégué qu’elle aurait été couverte par le secret des échanges entre un avocat et son client a, en tout état de cause, été écartée des débats par la Commission des sanctions ;

Considérant que l’erreur qui affectait la traduction du projet de mandat de la société X à sa banque-conseil a été corrigée au cours de la procédure écrite devant la Commission des sanctions ;

Considérant que, conformément à la règle découlant de l’article 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et selon laquelle la personne poursuivie doit être informée dans une langue qu’elle comprend et de manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle, les mis en cause ont reçu une notification de griefs dans une double version française et espagnole ; que la circonstance que le rapport d’enquête n’avait pas été traduit en espagnol ne méconnait pas les exigences de l’article 6 § 3 ;

Considérant ainsi que les exceptions de procédure invoquées en défense doivent être écartées ;

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2/ SUR LES GRIEFS RELATIFS A L’ABSENCE DE RECTIFICATION DE LA DECLARATION D’INTENTION DU […] 2006 ET AU CARACTERE TROMPEUR DE L’INFOMATION DONNEE LE […] AVRIL 2007

Considérant qu’il y a lieu pour la Commission des sanctions d’examiner simultanément ces deux griefs, qui ont trait à des questions voisines :

2-1 Considérant, en premier lieu, que l’article L. 233-7 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, dispose que : « I.- Lorsque les actions d’une société ayant son siège sur le territoire de la République sont admises aux négociations sur un marché réglementé (…), toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d’actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix- huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d’actions ou de droits de vote qu’elle possède (…) / II.- La personne tenue à l’information mentionnée au I informe également l’Autorité des marchés financiers (…) / VII. (…) la personne tenue à l’information prévue au I est tenue de déclarer, à l’occasion des franchissements de seuil du dixième ou du cinquième du capital ou des droits de vote, les objectifs qu’elle a l’intention de poursuivre au cours des douze mois à venir. Cette déclaration précise si l’acquéreur agit seul ou de concert, s’il envisage d’arrêter ses achats ou de les poursuivre, d’acquérir ou non le contrôle de la société, de demander sa nomination ou celle d’une ou plusieurs personnes comme administrateur, membre du directoire ou du conseil de surveillance. Elle est adressée à la société dont les actions ont été acquises et à l’Autorité des marchés financiers (…). En cas de changement d’intention, lequel ne peut être motivé que par des modifications importantes dans l’environnement, la situation ou l’actionnariat des personnes concernées, une nouvelle déclaration doit être établie, communiquée à la société et à l’Autorité des marchés financiers et portée à la connaissance du public dans les mêmes conditions » ; Considérant qu’aux termes des dispositions l’article 222-8 du règlement général de l’AMF, en vigueur à la date des faits, – et aujourd’hui reprises à l’article 223-7 du règlement général - : « Lorsqu’une personne a été amenée à faire état publiquement de ses intentions et que, par la suite, ces dernières ne sont plus conformes à sa déclaration initiale, elle est tenue de porter rapidement à la connaissance du public ses nouvelles intentions » ;

Considérant qu’après avoir franchi en hausse le seuil de 20 % du capital et des droits de vote de la société Y, X a été amenée, conformément aux dispositions précitées du VII de l’article L. 233-7 du code de commerce, à publier, le […] 2006, une déclaration relative à ses intentions ; qu’à cette occasion, en même temps qu’elle avait indiqué détenir au total […] % du capital et […] % des droits de vote de la société Y, elle avait déclaré ne pas agir de concert avec un tiers, ne pas avoir l’intention d’acquérir le contrôle de la société Y ni de lancer une offre publique, et se contenter de demander la nomination de quatre administrateurs au conseil d’administration ;

Considérant que, selon la notification de griefs, la société X aurait ensuite méconnu les dispositions précitées de l’article 222-8 du règlement général en s’abstenant, après l’assemblée générale de la société Y du […] 2006, de porter rapidement à la connaissance du public l’intention qui aurait alors été la sienne d’imposer une recomposition du conseil d’administration de la société Y devant lui permettre de prendre le contrôle de cette société ;

2-2 Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF : « Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d’appel public à l’épargne » ;

Considérant qu’il est fait grief à la société X et à M. A, sur le fondement de l’article 632-1 du règlement général de l’AMF, d’avoir publié dans le journal […] du […] 2007 un « avis » qui aurait constitué une information inexacte et trompeuse, en ce qu’il affichait une volonté de collaboration avec la société Y, alors qu’à cette date la décision de la société X de tenter de prendre le contrôle de cette société aurait déjà été arrêtée ;

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2-3 Considérant, toutefois, que s’il est avéré qu’à compter, au moins, de mars 2006, la société X, tout en affirmant son souhait de collaborer avec la direction de la société Y et en demandant quatre sièges au sein du conseil d’administration de cette société, n’excluait pas, si cette démarche n’aboutissait pas, d’en venir à déposer une offre publique et avait même pris des dispositions préparatoires pour une telle éventualité, il n’est pas pour autant suffisamment établi qu’elle ait arrêté une décision en ce sens avant l’assemblée générale de la société Y du […] 2007 au cours de laquelle, par une décision ultérieurement annulée par le tribunal de commerce […], le bureau de l’assemblée avait privé de leurs droits de vote […] actionnaires […] au motif qu’ils auraient franchi, de concert avec la société X, le seuil de 33,33 % du capital et des droits de vote de la société Y, sans en faire la déclaration légale préalable ; que notamment il n’est pas établi que ce serait dès après le rejet, par l’assemblée générale du […] 2006, de sa demande relative à l’attribution de 4 sièges au conseil d’administration que X aurait pris la décision de déposer une offre ;

Considérant, dès lors, que ni le grief tiré de ce que la société X n’a pas, après l’assemblée générale du […] 2006, porté à la connaissance du public un changement de ses intentions telles que celles-ci avaient été exprimées par sa déclaration du […] précédent ni celui relatif au contenu de l’avis publié par le journal […] du […] 2007 ne peuvent être retenus ;

3/ SUR LE GRIEF RELATIF A L’OMISSION DE DECLARATION DE FRANCHISSEMENT DE SEUIL EN […] 2006

3-1 Considérant que l’article L. 233-7 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, dispose que : « I.- Lorsque les actions d’une société ayant son siège sur le territoire de la République sont admises aux négociations sur un marché réglementé (…), toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d’actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d’actions ou de droits de vote qu’elle possède (…) / II.- La personne tenue à l’information mentionnée au I informe également l’Autorité des marchés financiers (…) » ; que l’article L. 233-9 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi du 26 juillet 2005, dispose : « Sont assimilés aux actions ou aux droits de vote possédés par la personne tenue à l’information prévue au I de l’article L. 233-7 (…) 3° Les actions ou les droits de vote possédés par un tiers avec qui cette personne agit de concert (…) » ; que selon l’article L. 233-10 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n°2003-7 du 3 janvier 2003 : « I. – Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d’acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d’exercer les droits de vote, pour mettre en œuvre une politique vis-à-vis de la société (…) ; qu’enfin, aux termes de l’article 222-12 du règlement général de l’AMF, en vigueur à la date des faits et dont les dispositions sont aujourd’hui reprises en substance à l’article 223-14 : « Les informations mentionnées aux articles L. 233-7 à L. 233-10 du code de commerce sont portées à la connaissance du public par l’AMF. Les personnes tenues à l’information mentionnée au I de l’article L. 233-7 dudit code informent l’AMF dans un délai de cinq jours de négociation à compter du franchissement du seuil de participation (…) » ;

Considérant qu’il est reproché aux mis en cause de ne pas avoir déclaré, à partir du 18 juillet 2006, le franchissement à la hausse du seuil de 33,33 % du capital de la société Y par la société X, agissant de concert avec les trois sociétés T, U et V dans la mise en œuvre d’une politique commune de montée au capital de la société Y dans le dessein d’en prendre le contrôle ;

3-2 Considérant que l’article L. 233-10, précité, du code de commerce ne subordonne pas la qualification d’action de concert à l’existence d’un accord écrit ; qu’en l’absence de convention écrite l’existence d’un concert peut être établie par un faisceau d’indices graves, précis et concordants ;

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Considérant, en premier lieu, qu’il ressort du dossier que, de façon organisée, les trois sociétés T, U et V sont venues relayer la montée de la société X dans le capital de la société Y ; qu’ainsi, après que la société X qui, détenant […] % du capital de la société Y, ne pouvait plus augmenter sa participation, sauf à franchir le seuil du tiers du capital l’obligeant à déposer une offre publique, eut cessé le […] 2006 d’acheter des titres Y, les sociétés T, U et V, – intervenant toutes trois par l’intermédiaire du même établissement, la banque S -, ont relayé ses achats ; qu’ainsi, entre le […] juin et le […] juillet 2006, T a acquis […] actions Y ; que les sociétés U et V, par des ordres portant sur des quantités identiques, passés aux mêmes dates ([…] 2006) et exécutés aux mêmes cours en ont acheté […] chacune ; qu’ainsi, le […] 2006, la société X et ces trois sociétés détenaient ensemble 33,36 % du capital de la société Y ; que, par la suite, les trois sociétés ont réalisé de nouveaux achats, avant, pour deux d’entre elles, de procéder avant l’assemblée générale du […] 2007 à des ventes partielles qui ont eu pour effet de ramener leur participation en dessous du seuil de 1 % qu’elles avaient franchi mais non déclaré ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’en dehors de l’hypothèse d’une action de concert,

les achats d’actions Y par les sociétés T, U et V sont peu cohérents au regard de la taille et du secteur d’activité de ces sociétés, qu’en effet les sociétés U et V ont été constituées en […] 2006, soit quelques semaines seulement avant que ne débutent leurs achats d’actions Y ; que la société U appartient à un groupe spécialisé « […] (…) » ; que la société V est répertoriée comme appartenant au secteur « […] » et la société T comme « […] » ; que, si les trois sociétés ont fait valoir que leurs achats d’actions Y n’auraient représenté qu’un pourcentage limité de leurs investissements, le pourcentage ainsi calculé se réfère en réalité au montant total des investissements de leur groupe ;

Considérant, en troisième lieu, que les explications mises en avant au cours de l’enquête par les sociétés T, U et V pour établir le caractère autonome de leurs décisions d’achat paraissent peu plausibles ; que, notamment, la revente, à l’été 2007, par les sociétés U et V de la totalité de leur participation au capital de la société Y est peu compatible avec la stratégie d’investissement à long terme invoquée par ces sociétés ; que, de même, si elles invoquent leur volonté de bénéficier d’un régime fiscal destiné à favoriser les prises de participation des sociétés ibériques dans des entreprises étrangères, elles ont en fait revendu une partie des actions qu’elles avaient acquises avant l’expiration du délai minimum de détention auquel est subordonné le bénéfice de ce régime ;

Considérant, en quatrième lieu, que des similitudes de comportement entre, d’une part, les dirigeants de la société X et, d’autre part, ceux des sociétés T, U et V ont pu être constatées à l’occasion des votes lors de l’assemblée générale de la société Y du […] 2007 et de la procédure engagée devant le tribunal de commerce de […] à l’encontre des délibérations de cette assemblée ; que, de même, ces trois sociétés ont demandé à la Cour d’appel de Paris d’annuler la décision du […] 2007 par laquelle l’AMF avait déclaré non-conforme aux dispositions en vigueur l’offre publique d’échange sur le capital de la société Y que la société X avait présentée le […] 2007 ;

3-3 Considérant que – de même que, dans son arrêt du […] 2008, la Cour d’appel de Paris, saisie de la décision précitée de l’AMF du […] 2007, a estimé que les acquisitions successives d’actions de la société Y par la société X et par six autres sociétés avaient procédé « non d’un simple parallélisme de comportements, mais d’une démarche collective organisée tendant à la poursuite d’une finalité commune (…) » – il résulte de ce qui précède – et sans qu’en l’espèce la Commission des sanctions entende se fonder également sur un autre indice invoqué par l’autorité de poursuite et tenant à l’existence de relations personnelles entre le président de la société X et les dirigeants des sociétés T, U et V – que sont réunis des indices graves, précis et concordants permettant de conclure à l’existence entre, d’une part, la société X, d’autre part, les sociétés T, U et V d’une démarche collective organisée visant à ce que la stratégie de la première à l’égard du groupe Y pour parvenir à un rapprochement voire à une prise de contrôle puisse être secondée par les trois autres ;

Considérant qu’ayant ainsi agi de concert et étant venues à détenir, de cette manière, plus du tiers du capital de la société Y, le […] 2006, la société X et les sociétés T, U et V auraient dû, en application des dispositions précitées du code de commerce et du règlement général de l’AMF, déclarer ce franchissement de seuil à la société Y et à l’AMF dans un délai de cinq jours de négociation ;

Considérant que l’omission de ces déclarations caractérise un manquement « de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché » au sens du 1er alinéa du I de l’article 621-14

—  9 -

du code monétaire et financier ; que ce manquement est imputable tant à la personne morale la société X qu’à son dirigeant M. A ;

4/ SUR LA SANCTION

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L. 621-15 II. c) du code monétaire et financier, dans leur rédaction en vigueur à la date des faits reprochés, est encourue « une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés » ; que « le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements » ;

Considérant que le manquement tenant à la dissimulation d’un franchissement de seuil est grave ; qu’il en va tout particulièrement ainsi lorsqu’il est commis dans un contexte conflictuel tel que celui de l’espèce ;

Considérant toutefois qu’il y a lieu également pour la Commission des sanctions de tenir compte, à la date à laquelle elle statue, de ce que pour l’essentiel le conflit entre la société Y et la société X a trouvé son épilogue avec l’arrêt de la Cour d’appel du […] 2008, le désengagement de la société X du capital de la société Y et l’arrêt de la Cour d’appel du […] 2008 confirmant la décision de l’AMF du […] 2008 selon laquelle il n’y avait pas lieu de faire obligation à la société X de déposer un nouveau projet d’offre publique sur la société Y ;

Considérant que dans ces conditions il y a lieu de limiter à 300 000 euros et à 100 000 euros le montant de la sanction pécuniaire prononcée à l’encontre, respectivement, de la société X et de M. A ;

5/ PUBLICATION DE LA DECISION

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15-V du code monétaire et financier, « la Commission des sanctions peut rendre publique sa décision (…) à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause » ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la Commission de tenir compte des exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent son pouvoir de sanction ainsi que de l’intérêt qui s’attache pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs à ce que ceux- ci puissent, en ayant accès à ses décisions, connaître son interprétation des règles qu’ils doivent observer ; qu’aucune circonstance de l’espèce n’est de nature à établir que la publication de la présente décision risquerait de perturber les marchés ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause ;

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PAR CES MOTIFS :

Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Daniel Labetoulle, par MM. Pierre Lasserre et Jean-Jacques Surzur, membres de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE :

— de prononcer une sanction pécuniaire de 300 000 € (trois cent mille euros) à l’encontre de la société X ;

— de prononcer une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) à l’encontre de son Président, M. A ;

— de publier la présente décision sur le site internet de l’AMF et dans le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions de l’AMF.

Á Paris, le 25 février 2010,

Le Secrétaire de Séance,

Le Président,

Marc-Pierre JANICOT

Daniel LABETOULLE

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du Code monétaire et financier.

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Décision de la Commission des sanctions du 25 février 2010 à l'égard de M. A et de la société X