Décision de la Commission des sanctions du 2 avril 2015 à l'égard de la société Huis Clos et de Monsieur A

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
AMF, 2 avr. 2015, n° SAN-2015-07
Numéro : SAN-2015-07
Identifiant AMF : SAN-2015-07

Sur les parties

Texte intégral

La Commission des sanctions

DÉCISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS À L’ÉGARD DE M. A ET LA SOCIÉTÉ HUIS CLOS

La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-14 et L. 621-15 dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits, ainsi que ses articles R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 221-1, 223-2 et 621-1 ;

Vu les notifications de griefs du 12 août 2014 adressées à M. A et la société Huis Clos par lettres recommandées avec demande d’avis de réception ;

Vu la décision du 8 septembre 2014 du président de la Commission des sanctions désignant M. Miriasi Thouch, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 12 septembre 2014, informant les mis en cause de la désignation de M. Miriasi Thouch en qualité de rapporteur et leur rappelant la faculté d’être entendus à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 17 septembre 2014 rappelant aux mis en cause la faculté de demander la récusation du rapporteur, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, dans le délai d’un mois ;

Vu le courriel de Me Frank Martin Laprade, conseil des mis en cause, sollicitant une prorogation du délai jusqu’au 21 octobre 2014 pour présenter ses observations en réponse aux notifications de griefs et la réponse du rapporteur par lettre du 2 octobre 2014 ;

Vu les observations en réponse aux notifications de griefs présentées par le conseil des mis en cause le 21 octobre 2014 ;

Vu les procès-verbaux d’audition du 15 décembre 2014 de la société Huis Clos représentée par M. A et de M. A à titre personnel ;

Vu le rapport de M. Miriasi Thouch en date du 28 janvier 2015 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception adressées aux mis en cause le 29 janvier 2015 portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 20 mars 2015, auxquelles était annexé le rapport du rapporteur ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 16 février 2015, informant les mis en cause de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance et de leur faculté de demander la récusation de l’un ou plusieurs des membres de ladite commission ; 17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur adressées par courriel le 18 février 2015 et par porteur le 19 février 2015 ;

Vu la lettre du conseil des mis en cause adressée au rapporteur par courriel du 19 février 2015, accompagnée d’une pièce complémentaire ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 mars 2015 convoquant la SCP BTSG, liquidateur de la société Huis Clos, à la séance de la Commission des sanctions du 20 mars 2015, en application du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier ;

Vu le courriel du 19 mars 2015 de Mme […] pour Me Marc Sénéchal de la SCP BTSG ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 20 mars 2015 :

— M. Miriasi Thouch en son rapport ;

- Mme Maëlle Foerster, représentante du directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Benjamin Mauduit, représentant le Collège de l’AMF ;

- Me Frank Martin Laprade, conseil de la société Huis Clos et de M. A ;

- M. A, président-directeur général de la société Huis Clos ;

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

I. FAITS ET PROCÉDURE

Créée en 1990 par M. A, la société Huis Clos (ci-après « Huis Clos »), société anonyme de droit français, était spécialisée dans la rénovation de l’habitat individuel et, plus précisément, la fabrication, la commercialisation et l’installation de fermetures sur mesures, de systèmes de chauffage et d’isolation.

Les titres de la société étaient admis aux négociations sur le compartiment C de Nyse Euronext Paris.

Le capital de la société était détenu à hauteur de 85% par la société par actions simplifiée BG2P à la suite d’une offre publique d’achat lancée par elle en 2009 et financée par la souscription auprès d’un pool bancaire, d’un crédit d’environ 21 millions d’euros. BG2P SAS était, elle-même, contrôlée par la famille […].

M. A, tout en restant président-directeur général de Huis Clos, a confié entre 2009 et 2012 la direction opérationnelle du groupe à un directeur général et un directeur financier avant de reprendre ses fonctions opérationnelles début 2013.

Après avoir connu une progression de son chiffre d’affaires en 2008 et en 2009, la société Huis Clos et ses filiales ont vu leur activité, essentiellement tournée vers les clients particuliers (environ 93% de leur chiffre d’affaires), décroître en 2010 et 2011, en raison, selon la direction, de l’arrêt depuis le 1er janvier 2010 des politiques d’incitation fiscale en matière d’équipement de l’habitat. Les difficultés financières rencontrées par ces sociétés en 2012 les ont conduites à solliciter l’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc pour être assistées dans leurs discussions avec les créanciers bancaires et sécuriser l’ensemble des crédits, en ce compris ceux dont bénéficiait Huis Clos pour ses besoins courants de trésorerie. La procédure de mandat ad hoc a été ouverte le 5 juillet 2012, suivie d’une procédure de conciliation ouverte le 8 novembre 2012 et terminée le 6 décembre 2012 par ordonnance du président du Tribunal de commerce de Rouen constatant le protocole de conciliation conclu le 26 novembre 2012.

Les mauvais résultats de la société enregistrés sur les premiers mois de l’exercice 2013 l’ont conduite à déposer une déclaration de cessation des paiements le 17 mai 2013, aux termes de laquelle la société faisait état, pour

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l’exercice 2012, d’un chiffre d’affaires hors taxes de 140,9 millions d’euros, et d’une perte de 5,8 millions d’euros. Par jugement du Tribunal de commerce de Rouen du 22 mai 2013, la société a été placée en redressement judiciaire. Par jugement du même Tribunal, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire le 17 octobre 2013. Seule la société du groupe dénommée Isoplas a fait l’objet d’une procédure distincte de cession.

A compter du 17 mai 2013, la cotation des titres Huis Clos a été suspendue, à la demande de la société.

En application de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier, le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 4 juillet 2013, d’ouvrir une enquête sur l’information financière et le marché du titre de la société Huis Clos, à compter du 1er janvier 2012.

Au terme de l’enquête diligentée par la Direction des enquêtes et des contrôles, des lettres circonstanciées ont été adressées le 31 mars 2014 à Huis Clos ainsi qu’à son président-directeur général M. A, leur faisant part de l’analyse retenue sur les principaux éléments de fait et de droit recueillis par les enquêteurs. M. A y a répondu par courrier du 30 avril 2014.

Conformément à l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, le rapport d’enquête, signé le 30 juin 2014, et les observations de M. A ont été examinés par la Commission spécialisée n°2 du Collège de l’AMF constituée en application de l’article L. 621-2 du même code, lors de sa séance du 16 juillet 2014, qui a décidé de notifier un grief à Huis Clos ainsi qu’à son président-directeur général M. A, ce qui fut fait par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 12 août 2014.

En substance, il est reproché à Huis Clos de ne pas avoir communiqué, « dès que possible » à compter du 1er février 2013 l’information privilégiée selon laquelle le résultat net consolidé après impôts pour l’exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire, en violation des dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF.

Les notifications de griefs précisaient que ce manquement, reproché à la société aux termes de l’article 223-2, était également imputable à son président-directeur général, sur le fondement de l’article 221-1 du règlement général de l’AMF et serait susceptible de donner lieu au prononcé de sanctions en application des articles L. 621-15 et L. 621-14 du code monétaire et financier.

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du même code, le Président de l’AMF a transmis copie des notifications de griefs au Président de la Commission des sanctions, qui a désigné M. Miriasi Thouch en qualité de rapporteur, par décision du 8 septembre 2014, ce dont les mis en cause ont été avisés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 12 septembre 2014, leur rappelant la faculté d’être entendus à leur demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Huis Clos et M. A ont également été informés par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 17 septembre 2014, qu’ils disposaient de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier et dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Par courriel du 30 septembre 2014, Me Frank Martin Laprade du cabinet Jeantet & associés, conseil des mis en cause, a demandé et obtenu un délai pour présenter ses observations en réponse aux notifications de griefs le 21 octobre 2014.

Par lettre du 21 octobre 2014, Me Frank Martin Laprade a fait parvenir des observations en réponse aux notifications de griefs pour le compte de la société Huis Clos et de son président-directeur général.

Le rapporteur a entendu, le 15 décembre 2014, M. A, en qualité de représentant légal de la société Huis Clos, et à titre personnel, assisté de son conseil.

Les mis en cause ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 20 mars 2015 par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 29 janvier 2015, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, et informés, par lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 16 février 2015 de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance, ainsi que du délai de quinze jours dont ils

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disposaient en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation de l’un ou l’autre de ses membres.

Par courriel du 18 février et lettre du 19 février 2015, le conseil de Huis Clos et de M. A a présenté ses observations en réponse au rapport du rapporteur. Par courriel du 19 février 2015, il a transmis au rapporteur un document complémentaire.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 mars 2015, la SCP BTSG prise en la personne de Me Marc Sénéchal, a été convoquée, en sa qualité de liquidateur de la société Huis Clos, à la séance de la Commission des sanctions du 20 mars 2015, conformément aux dispositions du II de l’article R. 621-40 du code monétaire et financier.

Par courriel du 19 mars 2015, Me Marc Sénéchal a fait savoir qu’il ne pourrait pas assister à la séance de la Commission des sanctions, et qu’il s’y ferait représenter par le conseil des mis en cause.

II. MOTIFS

Considérant qu’il est reproché aux mis en cause de n’avoir pas communiqué « dès que possible » l’information privilégiée selon laquelle le résultat net consolidé après impôts pour l’exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire ; que selon les notifications de griefs :

« -

le résultat net consolidé après impôt provisoire s’établissait au 1er février 2013 à un niveau négatif de
- 5 millions d’euros au titre de l’année 2012 et était connu de la société et de sa direction à compter de cette date ; celui-ci constituait ainsi une information précise dans la mesure où son caractère chiffré portant sur un indicateur déterminant de la performance de l’entreprise permettait de conclure à la baisse du cours ;

— la valeur négative du résultat net consolidé après impôt laissait apparaître que l’activité de la société avait généré une importante perte au titre de l’année 2012 alors que Huis Clos enregistrait depuis 2008 des résultats bénéficiaires; ainsi cette information était de nature à surprendre les investisseurs qui, par ailleurs, ne disposaient pas d’information sur les difficultés financières rencontrées par la société au cours du second semestre 2012 ; par conséquent, cette information était susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours de l’action dans la mesure où cette dégradation très significative était susceptible d’être utilisée par un investisseur raisonnable comme fondement de sa décision de céder des actions Huis Clos ;

— le niveau de résultat net réalisé au titre de l’année 2012 était confidentiel, puisque cette information n’a été portée à la connaissance du public que le 28 mai 2013 dans le cadre d’un communiqué de presse ayant pour objet d’apporter des « informations complémentaires » au communiqué paru une semaine plus tôt, le 23 mai 2013, annonçant « l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire » à l’égard de la société ».

Considérant qu’aux termes du 1er alinéa de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF : « tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l’article 621-1 et qui le concerne directement » ; que l’article 621-1 du même règlement énonce qu’ « une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés. / Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;

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Sur le caractère privilégié de l’information

Considérant qu’il y a lieu de déterminer si l’information relative au caractère fortement déficitaire du résultat net consolidé après impôts pour l’exercice clos au 31 décembre 2012 présentait le 1er février 2013 les caractères d’une information privilégiée ;

Considérant que si les mis en cause reconnaissent que « dès le 1er février 2013, les organes de direction de la société Huis Clos avaient connaissance du niveau estimé de résultat net annuel pour 2012, à hauteur de
- 5 millions d’euros environ
», ils contestent le caractère précis de l’information au 1er février 2013 au motif que l’absence de publication des comptes relatifs à l’exercice 2012 empêcherait de déterminer le montant réel des pertes ainsi que le montrerait le fait que ne sont pas critiqués dans le cadre de la présente procédure les termes du communiqué de presse du 28 mai 2013 précisant que la société ne pouvait donc pas « confirmer le montant du résultat définitif du groupe pour l’exercice 2012 » et que « le résultat provisoire des activités opérationnelles de l’exercice 2012 s’établit à une perte de 7 millions d’euros » ; qu’une information précise n’est pas nécessairement certaine, dès lors qu’est réputée précise une information qui fait mention de circonstances ou d’un évènement « susceptible de se produire » s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ;

Considérant que le directeur financier de la société a adressé le 1er février 2013 au directeur général ainsi qu’à son assistante, les résultats de l’exercice 2012, faisant apparaître les données financières du groupe pour l’exercice clos au 31 décembre 2012, comparées à celles de l’exercice 2011, et aux données prévisionnelles établies au cours de l’exercice ; qu’ainsi, à cette date, la direction de Huis Clos disposait d’une estimation de son chiffre d’affaires réalisé, de son résultat net réalisé avant et après impôt, ainsi que des écarts entre ces résultats et les éléments prévisionnels ; qu’à cet égard le fait que ces chiffres relatifs à un exercice comptable clos n’étaient pas définitivement arrêtés et n’avaient pas été revus par les commissaires aux comptes ne peut valablement être prise en compte pour apprécier son caractère précis au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ; que le directeur financier a lui-même confirmé, avoir fait le constat, « début 2013 », que « le résultat 2012 s’oriente vers une perte d’environ 7 millions d’euros… ».

Considérant dès lors que les documents disponibles en interne sur les résultats de l’exercice clos permettent de considérer que dès le 1er février, l’information relative au caractère fortement déficitaire du résultat net, de l’ordre de – 5 millions d’euros après impôt, alors même que ce résultat était provisoire, était une information relative à un évènement « susceptible de se produire » et une information dont il était possible de tirer une conclusion quant à son effet possible sur le cours du titre Huis Clos, de sorte qu’elle était bien précise au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;

Considérant que les communiqués de presse publiés par Huis Clos au cours de l’exercice 2012, les 10 mai, 14 août et 15 novembre 2012, ne faisaient mention que du chiffre d’affaires (consolidé et par entité sociale) et du nombre de prises de commandes, sans contenir aucune estimation ou prévision de résultat (net après impôts) de la société ; que si le rapport financier semestriel pour l’exercice 2012 mis en ligne le 28 novembre 2012, juste après la conclusion du protocole de conciliation, contenait des données financières relatives au 1er semestre 2012 et notamment celles relatives au résultat net déficitaire, égal à – 2,7 millions d’euros, il faisait également état, au titre des évènements importants depuis le 30 juin, de la mise en œuvre d’un « important plan de restructuration » devant permettre de dégager des économies de plus de 5 millions d’euros en année pleine ; que les mis en cause ne contestent d’ailleurs pas le caractère non public de l’information selon laquelle le résultat net consolidé après impôts de Huis Clos pour l’exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire ; qu’à cet égard, le directeur financier a précisé que Huis Clos n’avait pas voulu « mettre un focus particulier là- dessus » ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’information relative au caractère fortement déficitaire du résultat net de Huis Clos pour l’exercice clos au 31 décembre 2012 n’était pas publique le 1er février 2013 ;

Considérant que le communiqué du 14 février 2013 ne faisait état que d’un très léger recul de 0,1% du chiffre d’affaires au 31 décembre 2012 qui s’établissait à 151,2 millions d’euros contre 151,4 millions d’euros au 31 décembre 2011 et ne contenait aucun élément de nature à rendre publique l’information relative au résultat prévisionnel déficitaire ; que le 23 mai 2013, Huis Clos a, par communiqué de presse, indiqué se placer sous la protection du Tribunal de Commerce de Rouen, en précisant que « la société aura l’occasion de détailler l’origine

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de ses difficultés lors de la publication de ses comptes annuels de l’exercice 2012 », sans donner aucune information chiffrée relative aux résultats 2012 ; que l’information de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire a été immédiatement reprise par la presse, une dépêche AFP diffusée le jour même à 16h52 mentionnant « un déficit de 7 millions » et d’autres publications parues le 23 mai et les jours qui ont suivi évoquant une ou des perte(s) de 7 millions d’euros ; qu’ « à la suite de la parution d’un certain nombre d’articles de presse », Huis Clos a apporté, le 28 mai 2013, des informations complémentaires en diffusant un communiqué spécifique, aux termes duquel « Huis Clos ne peut donc pas confirmer le montant du résultat définitif du groupe pour l’exercice 2012 qui n’est pas connu à ce jour. Les travaux préparatoires à l’établissement des comptes annuels permettent d’indiquer d’ores et déjà que le résultat provisoire des activités opérationnelles de l’exercice 2012 s’établit à une perte de 7 millions d’euros » ; que ce n’est donc qu’à compter du 23 mai 2013 que le public a été informé, d’abord par une dépêche AFP puis par plusieurs articles de presse parus les 23 et 24 mai 2013 puis par l’émetteur lui-même du caractère fortement déficitaire des résultats de l’exercice clos en 2012 de l’ordre de 7 millions d’euros ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’information selon laquelle le résultat net consolidé après impôts de Huis Clos pour l’exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire, non publique au 1er février 2013, l’est demeurée au moins jusqu’au 23 mai 2013 ;

Considérant que le caractère fortement déficitaire du résultat net consolidé après impôts portait sur un indicateur déterminant de la performance d’une société et de sa situation financière ; qu’au regard des informations communiquées au public, et notamment celles, rassurantes, sur le soutien des partenaires bancaires, et celles, engageantes, sur la mise en œuvre du plan de restructuration, l’information relative au caractère fortement déficitaire du résultat net, de l’ordre de – 5 millions d’euros après impôts, n’était pas « raisonnablement prévisible », mais bien de nature à surprendre les investisseurs ; que cette information était « une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » et partant « susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés » au sens de l’article 621-1 précité ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’information selon laquelle le résultat net consolidé après impôts de Huis Clos pour l’exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire revêtait, au 1er février 2013, tous les caractères d’une information privilégiée et ce, au plus tôt jusqu’au 23 mai 2013 ;

Sur la communication « dès que possible » de l’information privilégiée

Considérant que l’article 223-2 du règlement général de l’AMF impose à l’émetteur de porter à la connaissance du public dès que possible toute information privilégiée qui le concerne directement ; que Huis Clos ne peut donc valablement invoquer l’absence de publication antérieure de prévisions de résultats pour tenter de s’exonérer de toute responsabilité ;

Considérant qu’en publiant le 28 mai 2013 le montant estimatif de la perte enregistrée sur l’exercice, soit près de trois mois après que la direction a eu connaissance des résultats estimatifs du groupe pour l’exercice clos au 31 décembre 2012, la société n’a pas porté à la connaissance du public cette information privilégiée « dès que possible » ;

Sur l’exception à l’obligation de communiquer « dès que possible » l’information privilégiée

Considérant qu’aux termes des notifications de griefs, la société Huis Clos ne justifie pas « de l’absolue nécessité de différer la diffusion de l’information portant sur le niveau de résultat net estimé au titre de l’année 2012 afin de préserver les chances de survie de la société » ; qu’ « un avertissement sur les résultats aurait permis de modifier les attentes des investisseurs » ; que les notifications de griefs relèvent que « si l’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc le 5 juillet 2012 et la signature d’un protocole de conciliation, le 26 novembre 2012, entre Huis Clos et ses prêteurs ayant procédé à la dénonciation de ses découverts autorisés, ont pu être légitimement maintenues confidentielles, cette confidentialité ne saurait s’étendre à l’ensemble des informations sur la situation financière de la société » ;

—  7 -

Considérant qu’aux termes des alinéas II et III de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF : « II. – L’émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d’une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d’induire le public en erreur et que l’émetteur soit en mesure d’assurer la confidentialité de ladite information en contrôlant l’accès à cette dernière, et en particulier : / 1° En mettant en place des dispositions efficaces pour empêcher l’accès à cette information aux personnes autres que celles qui en ont besoin pour exercer leurs fonctions au sein de l’émetteur ; / 2° En prenant les mesures nécessaires pour veiller à ce que toute personne ayant accès à cette information connaisse les obligations légales et réglementaires liées à cet accès et soit avertie des sanctions prévues en cas d’utilisation ou de diffusion indue de cette information ; / 3° En mettant en place les dispositions nécessaires permettant une publication immédiate de cette information dans le cas où il n’aurait pas été en mesure d’assurer sa confidentialité, sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa de l’article 223-3. / III. – Les intérêts légitimes mentionnés au deuxième alinéa peuvent notamment concerner les situations suivantes : / 1° Négociations en cours ou éléments connexes, lorsque le fait de les rendre publics risquerait d’affecter l’issue ou le cours normal de ces négociations. En particulier, en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de l’émetteur, mais n’entrant pas dans le champ des dispositions mentionnées au livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, la divulgation d’informations au public peut être différée pendant une période limitée si elle risque de nuire gravement aux intérêts des actionnaires existants ou potentiels en compromettant la conclusion de négociations particulières visant à assurer le redressement financier à long terme de l’émetteur

(…) » ;

Considérant qu’après avoir contesté le caractère privilégié de l’information, les mis en cause ont soutenu, dans leur réponse à la notification de griefs, qu’« il ne fait pas de doute que la société Huis Clos remplissait toutes les conditions d’application de ce texte car il s’agissait bien d’une question de survie » ; que cependant, en réponse au rapport du rapporteur, puis oralement en séance, les mis en cause et leur conseil ont expressément renoncé à se prévaloir du bénéfice des dispositions précitées ;

Considérant qu’en ne portant pas à la connaissance du public l’information selon laquelle le résultat net consolidé après impôts de Huis Clos pour l’exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire « dès que possible », et sans se prévaloir d’intérêts légitimes à différer de trois mois la publication de cette information, Huis Clos a manqué à son obligation d’information du marché prévue à l’article 223-2 du règlement général de l’AMF ;

III. SANCTIONS ET PUBLICATION

Considérant qu’en sa qualité d’émetteur, Huis Clos est le débiteur au premier chef de l’obligation visée par l’article 223-2 du règlement général de l’AMF ;

Considérant que l’article 221-1 dernier alinéa du règlement général, dans sa version non modifiée issue de l’arrêté du 26 février 2007, prévoit que « Les dispositions du présent titre sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernés » ; que si M. A a confié entre 2009 et 2012 la direction opérationnelle du groupe à un directeur général et un directeur financier avant de reprendre ses fonctions début 2013, il est toujours demeuré président-directeur général de Huis Clos ; que s’agissant plus particulièrement de la communication financière de la société relative aux difficultés rencontrées par la société, si M. A a indiqué n’avoir jamais « donné d’instructions de non-communication », il a également précisé qu’ « en ce qui concerne les difficultés de Huis Clos, je pensais que plus on était discret, plus il y avait de chance de sauver Huis Clos » ;

que M. A qui a la qualité de dirigeant au sens de

l’article 221-1 du règlement général suivait de façon attentive l’évolution de l’activité de la société ; que dès lors le manquement à l’obligation d’information du public fondé sur l’article 223-2 du règlement général de l’AMF, lui est imputable ;

Considérant qu’aux termes du c) du II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable à l’époque des faits : « La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : (…) c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée (…) à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent un instrument financier ou un actif mentionné au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé (…) » ; que sont notamment visés par le premier alinéa du I de l’article L. 621-14 du code monétaire et financier, les manquements « de nature à porter atteinte à la protection

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des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché » ; que, compte tenu de la nécessité d’informer le public « dès que possible » d’une information privilégiée de cette nature, le manquement fondé sur la violation des dispositions de l’article 223-2 du règlement général de l’AMF ainsi constaté est de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés, et donc susceptible de donner lieu au prononcé d’une sanction ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15 III c) dans sa version issue de la loi du 22 octobre 2010, Huis Clos et son président-directeur général encourent une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ;

Considérant que par décision du 13 janvier 2011, la Commission des sanctions avait sanctionné la société Huis Clos et M. A pour des manquements à des obligations déclaratives et d’information du marché ; que la société est, depuis le 17 octobre 2013, en liquidation judiciaire ; qu’en l’absence d’éléments sur l’existence de profits tirés du manquement visé, compte tenu de la gravité intrinsèque du manquement, de l’étroitesse du flottant et de la situation financière tant de la société que de son dirigeant, il y a lieu de prononcer une sanction pécuniaire de 100 000 euros à l’encontre de la société Huis Clos, et de 50 000 euros à l’encontre de son président-directeur général, M. A ;

Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers, ni de causer un préjudice disproportionné aux personnes mises en cause ; qu’elle sera donc ordonnée ;

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré, sous la présidence de M. Michel Pinault, président de la première section de la Commission des sanctions, par M. Christophe Soulard, Mme France Drummond et M. Bruno Gizard, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE DE

— prononcer à l’encontre de la société Huis Clos une sanction de 100 000 € (cent mille euros) ;

— prononcer à l’encontre de M. A une sanction de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

— publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.

Fait à Paris, le 2 avril 2015

Le Secrétaire de séance Le Président

Marc-Pierre Janicot Michel Pinault

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code monétaire et financier
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Décision de la Commission des sanctions du 2 avril 2015 à l'égard de la société Huis Clos et de Monsieur A