Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 février 2013, n° 12/02905

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 21 févr. 2013, n° 12/02905
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 12/02905
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulon, 11 décembre 2011, N° 09/06729

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 21 FEVRIER 2013

FG

N° 2013/101

Rôle N° 12/02905

XXX

C/

I B A

Grosse délivrée

le :

à :

SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON

SCP ERMENEUX-CHAMPLY – LEVAIQUE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 12 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/06729.

APPELANT

XXX

XXX

XXX

représentée par son maire en exercice y domicilié.

représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Patrick LOPASSO du Cabinet MAUDUIT LOPASSO & ASSOCIES, avocats au barreau de TOULON substitué par Me Gaëlle DE RENGERVÉ , avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

Madame I B A,

XXX – XXX

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY – LEVAIQUE, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Didier CAPOROSSI du Cabinet MONNIOT-FAURE-CAPOROSSI , avocats au barreau de TOULON

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 23 Janvier 2013 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme C D.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Février 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Février 2013,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme C D, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

Les parcelles cadastrées section B rue Costabella à Saint-Mandrier (Var) numéros 1015, 1016 et 1017 chacune de 15 centiares de surface cadastrale sont actuellement comprises dans la voirie communale. Cette portion de voirie passe dans ce qui correspond au lotissement Costabella et dessert de nombreuses propriétés bâties et habitées à Saint-Mandrier.

Mme I B épouse A estime que ces parcelles sont des éléments de sa propriété et ont été abusivement incorporées dans la voie considérée comme communale par la commune de Saint-Mandrier.

Le 30 octobre 2009, Mme I B épouse A a fait assigner la commune de Saint-Mandrier devant le tribunal de grande instance de Toulon en responsabilité pour voie de fait.

Par jugement en date du 12 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Toulon a :

— sur le fond :

— déclaré Mme I B-A propriétaire des parcelles 1015-1016-1017 sises sur la commune de Saint-Mandrier (83),

— avant dire droit,

— ordonné une expertise, commis pour y procéder M. Z (…) avec pour mission :

— (…)

— décrire les travaux de remise en état des parcelles 1015-1016-1017, leur coût, donner une évaluation immobilière des parcelles 1015-1016-1017, de l’indemnité éventuelle due à Mme B-A en cas d’expropriation,

— (…),

— sursis à statuer sur les autres demandes et réservé les dépens,

— renvoyé à l’audience de mise en état du 15 mai 2012.

Par déclaration de la SCP TOLLINCHI – PERRET-VIGNERON – BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avocats au barreau d’Aix-en-Provence, en date du 18 février 2012, la commune de Saint-Mandrier a relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 20 novembre 2012, la commune de Saint-Mandrier demande à la cour d’appel, au visa de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, de:

— réformer le jugement,

— juger l’action irrecevable comme prescrite,

— subsidiairement, juger irrecevable comme nouvelle la demande d’indemnisation au titre du préjudice matériel,

— débouter Mme B A de l’intégralité de ses demandes,

— à titre infiniment subsidiaire,

— juger que l’expert ne pourra proposer d’indemnité d’expropriation, mais se limitera à évaluer la valeur des parcelles,

— condamner Mme B A au paiement d’une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme B A aux entiers dépens, dont ceux d’appel distraits au profit de la SCP TOLLINCHI – PERRET-VIGNERON – BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avocats.

La commune estime que l’action de Mme B est prescrite, alors qu’elle a incorporé le chemin privé du lotissement à la voirie publique communale par délibération du conseil municipal du 26 avril 1982 et que les premières contestations de Mme B à ce sujet datent de 1999.

La commune fait observer que depuis 1982 elle entretient ladite voirie et sans que Mme B ait manifesté d’opposition jusqu’à 1999.

Subsidiairement sur le fond, la commune estime n’avoir commis aucune voie de fait, alors que l’incorporation a été réalisée sur le fondement du décret n°76-790 du 20 août 1976, qu’une enquête publique s’est déroulée et n’a fait l’objet d’aucune remarque. Pour la même raison, la commune considère qu’il n’y a eu aucune emprise irrégulière.

La commune fait observer que la voirie fait partie du domaine public, que le classement de celle-ci dans le domaine public lui confère la qualité d’ouvrage public, de sorte qu’aucune remise en état n’est possible, selon le principe de l’intangibilité des ouvrages publics. Elle fait remarquer la voie litigieuse est la seule liaison entre le lotissement Costabella et le lotissement Résidence d’Azur. Elle estime que les demandes de Mme B formées à titre indemnitaire sont nouvelles en cause d’appel, et comme telles, irrecevables.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 30 octobre 2012, Mme I B épouse A demande à la cour d’appel de :

— confirmer le jugement,

— condamner la commune de Saint-Mandrier au paiement d’une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

— ordonner la remise en état des lieux,

— condamner la commune de Saint-Mandrier à l’enlèvement de tout ouvrage traversant la propriété de l’intimée, y compris les canalisations, tuyaux et autres gaines, sous astreinte de 500€par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

— subsidiairement, condamner la commune de Saint-Mandrier au paiement d’une somme de 150.000 € en réparation de son préjudice matériel, et à défaut, confirmer le jugement en son entier,

— condamner la commune de Saint-Mandrier au paiement d’une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la commune de Saint-Mandrier aux entiers dépens, dont ceux d’appel distraits au profit de la SCP ERMENEUX CHAMPLY-LEVAIQUE, avocats.

Mme I B estime qu’elle a été victime d’une dépossession, sans titre, sans acte, sans délibération du conseil municipal. Elle fait remarquer que la commune est incapable de produire la délibération du conseil municipal du 26 avril 1982 dont elle se prévaut. Elle expose que les parcelles litigieuses lui appartiennent, qu’elles avaient été vendues par le lotisseur à son père.

A titre subsidiaire, Mme B considère qu’il s’agit à tout le moins d’une emprise irrégulière

L’instruction de l’affaire a été déclarée close le 19 décembre 2012.

MOTIFS,

— I) Sur la prescription :

L’article 1er de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose que sont prescrites au profit de l’Etat, des départements et des communes, sans préjudice des dispositions particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.

En l’occurrence, Mme B a formé une action, non pas aux fins d’une créance déjà fixée contre la commune de Saint-Mandrier, mais aux fins de reconnaissance d’une voie de fait.

La créance susceptible de résulter du fait du préjudice causé par la voie de fait alléguée n’est pas fixée.

Le délai de la prescription quadriennale de l’article 1er de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 n’a donc pas pu encore démarrer alors que la créance de Mme B n’a pas été fixée , que les droits réels auxquels il a été porté atteinte n’ont pas été remplacés par une créance indemnitaire.

L’action est recevable.

— II) Sur la propriété :

Par acte de vente du 6 octobre 1971 reçu par M°E AD, notaire à La Seyne-sur-mer,

M. E Y et Mme M N épouse Y, vendeurs, ont vendu à M. G B, acquéreur, trois parcelles de terre contiguës situées à Saint-Mandrier,

cadastrées section XXX, 1016 et 1017 de quinze centiares chacune.

Cet acte a été enregistré à la conservation des hypothèques le 5 novembre 1971

Par acte de donation partage reçu par M°O AF AG, notaire à Saint-Flour (Cantal), M. G B et Mme K L épouse B ont donné à leurs enfants, M. S B et Mme I B épouse A, divers biens immobiliers.

C’est ainsi que Mme I B épouse A a reçu la nue-propriété de divers biens notamment à Saint-Mandrier une maison cadastrée avec terrain attenant lieudit Costabella, le tout comprenant les parcelles cadastrées section XXX, 1014, 1015, 1016, 1017 et 1021.

Les parcelles litigieuses 1015, 1016 et 1017 faisaient partie de cette donation.

Son père, M. G B avait conservé l’usufruit, qui s’est éteint à sa mort, date à laquelle Mme I B épouse A est devenue pleinement propriétaire de ces parcelles.

L’acte de donation a été publié à la conservation des hypothèques de Toulon le 28 février 1979.

Aucun acte n’est survenu par la suite.

Le fichier immobilier, dont une copie est produite, fait toujours apparaître au 31 décembre 2008, Mme I B épouse A comme seule propriétaire de ces parcelles.

— III) L’appropriation par la commune de Saint-Mandrier :

Il est produit un rapport d’enquête publique de M. O X, commissaire enquêteur, du 27 mai 1982. Ce rapport d’enquête publique vise un arrêté municipal du 26 avril 1982 qui désigne M. X pour faire cette enquête sur le projet de classement dans la voirie communale de la voirie privée du lotissement Costabella.

Ce rapport considère que la voirie en question est propriété de l’association syndicale libre Costabella.

L’avis du commissaire enquêteur est le suivant : Devant l’indifférence totale de réaction des propriétaires du lotissement et des tiers, notre avis est d’intégrer à la voirie communale la voirie privée du lotissement. La décision finale appartient maintenant au conseil municipal, seul compétent en la matière>>.

A la suite de ce rapport du 27 mai 1982 une délibération devait être prise par le conseil municipal de Saint Mandrier à ce sujet.

Il n’y a évidemment pas eu de délibération du 26 avril 1982. Il ne pouvait pas y en avoir puisque si délibération il devait y avoir, elle devait nécessairement être postérieure u 27 mai 1982.

La décision du 26 avril 1982 n’est qu’une décision ordonnant une enquête et désignant un commissaire-enquêteur.

Cette enquête avait pour objet l’incorporation de la voirie du lotissement Costabella dans le domaine public communal.

Par acte du 18 avril 1973, M. et Mme Y, les auteurs de M. G B, avaient accepté de céder à l’association syndicale des propriétaires du lotissement Costabella la parcelle cadastrée section XXX à Saint-Mandrier, d’une contenance de 27 ares et quatre-vingt-trois centiares. Cette cession ne comprenait pas les parcelles litigieuses B 1015, 1016 et 1017.

Il a été considéré que ces parcelles, de fait considérées comme faisant partie de l’emprise de la voirie communale, étaient comprises dans la procédure d’incorporation de la voirie du lotissement à la voirie communale.

C’est ainsi que, sans expropriation, sans respect des droits du propriétaire, les parcelles litigieuses se sont de fait retrouvées comprises dans la voirie communale.

Ni M. G B, usufruitier, ni Mme I B épouse A, nue-propriétaire, n’ont accompli le moindre acte pouvant laisser penser qu’ils acceptaient de laisser la commune prendre possession et devenir propriétaire par usucapion, desdites parcelles.

Cette appropriation est une voie de fait manifeste, par violation du droit de propriété de Mme I B épouse A.

— IV) Sur les conséquences de la voie de fait :

Les deux parties demandent à la cour d’évoquer le litige sur les conséquences de la voie de fait.

Cette évocation est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

Il s’avère qu’aujourd’hui ces parcelles correspondent à une route goudronnée, ouvrage public,

incorporée au domaine public communal. Cet ouvrage sert à tous les habitants voisins qui l’empruntent pour ce rendre à leur domicile.

Il s’agit d’un ouvrage public intangible.

La restitution de ces parcelles reviendrait à fermer la chaussée et bloquer la circulation publique.

Compte tenu de cette situation rendant impossible le retour à la situation antérieure, Mme I B épouse A sera indemnisée du fait de cette appropriation indue, conformément à sa demande subsidiaire.

Ces trois parcelles correspondent à une surface équivalente à celle de trois places de stationnement. Cela correspond à une valeur de 36.000 €.

Le préjudice de jouissance sera estimé à 10.000 €.

Par ailleurs, Mme B sera indemnisée de ses frais irrépétibles et la commune paiera les dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Dit l’action recevable,

Confirme le jugement rendu le 12 décembre 2011 par le tribunal de grande instance de Toulon en ce qu’il a déclaré Mme I B-A propriétaire des parcelles 1015-1016-1017 sises sur la commune de Saint-Mandrier (83),

L’infirme en ce qu’il a ordonné une expertise,

Y ajoutant, et évoquant,

Dit que la commune de Saint-Mandrier a commis une voie de fait en incorporant au domaine public communal lesdites parcelles,

Constate que la restitution est impossible,

Condamne la commune de Saint-Mandrier à indemniser Mme I B épouse A par les sommes de trente-six mille euros (36.000 €) au titre de son préjudice matériel et de dix mille euros (10.000 €) au titre de son préjudice moral,

Condamne la commune de Saint-Mandrier à payer à Mme I B épouse A la somme de quatre mille euros (4.000 €) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la commune de Saint-Mandrier aux entiers dépens, avec distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 février 2013, n° 12/02905