Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14 novembre 2013, n° 12/10267

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 14 nov. 2013, n° 12/10267
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 12/10267
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Vannes, 23 mai 2012, N° 10/217

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2013

N°2013/739

Rôle N° 12/10267

L F

C/

SARL LABORATOIRE Z

Grosse délivrée le :

à :

Me Rémi BOULVERT, avocat au barreau de NICE

Me Carole PENARD, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CANNES en date du 24 Mai 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/217.

APPELANTE

Madame L F, demeurant XXX – XXX – XXX

représentée par Me Rémi BOULVERT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Fédéri CANDAU, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL LABORATOIRE Z, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant XXX

représentée par Me Carole PENARD, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786, 910 et 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1 octobre 2013 à 14h00, en audience publique, les avocats ayant été invités à l’appel des causes à demander à ce que l’affaire soit renvoyée à une audience collégiale s’ils n’acceptaient pas de plaider devant les magistrats rapporteurs et ayant renoncé à cette collégialité, l’affaire a été débattue devant Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargés d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2013

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 4 février 2008, la SARL LABORATOIRES Z a embauché Madame L F en qualité de commercial, catégorie employé, coefficient 150, sur le secteur géographique PACA et pour un salaire brut mensuel de base de 1500€ outre une prime annuelle variable pouvant atteindre un maximum de 15000€ en fonction de l’atteinte des objectifs fixés.

Par lettre du 28 octobre 2009, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement et a été mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 3 novembre 2009, visant la nécessité de 'respecter le délai légal’ l’employeur lui a adressé une nouvelle convocation aux mêmes fins et lui a notifié à nouveau une mise à pied conservatoire.

Par lettre du 20 novembre 2009, la salariée a été licenciée dans les termes suivants:

'Nous faisons suite à l’entretien préalable au licenciement pour lequel vous étiez convoquée le 16/1112009 et auquel vous vous êtes présentée assistée, Monsieur X d’un conseiller des salariés de la direction du travail. Lors de cet entretien, nous vous avons fait part de divers faits fautifs et nous avons souhaité entendre vos explications sur ceux-ci avant de prendre une décision sur la sanction à adopter. Nous vous rappelons donc les faits avant de vous faire part de notre décision.

Vous travaillez pour notre entreprise au poste de commerciale depuis le 04 février 2008: .

Une vérification rigoureuse des notes de frais de l’ensemble des commerciaux a été mise en place. Le 28 septembre 2009, lors de cette vérification, certains tickets de repas ont éveillé nos soupçons. Par exemple, les premières notes, qui mentionnent une somme de 15,50 et 11 € pour seulement 1 sandwich et 1 boisson, ont fait l’objet d’un appel téléphonique pour vérification:

Il s’agit de plusieurs notes du JOCKEY CLUB, XXX Juin à Cannes: 04934309 53.

La réponse a été: nous sommes un bar et nous ne faisons pas de sandwichs.

A noter: deux nouvelles notes de frais (9,50 €+13,90 €)de cette même enseigne nous ont été présentées pour le mois de septembre. Nous avons de nouveau téléphoné le 15/10, un monsieur a répondu de nouveau qu’ils ne font plus que la brasserie depuis 6 ou 7 mois, donc pas de sandwichs.

De ce fait, nous avons procédé à la vérification des autres notes de frais de repas.

Celle du 30 juillet 2009, XXX, XXX, indiquait une consommation BAR pour 15 € elle aussi. Le téléphone indiqué sur la note de frais, à savoir: 04 42 22 72 95, n’était plus attribué. Après recherche sur l’annuaire des pages blanches, nous avons pu obtenir le numéro et parler à une personne qui habite à la même adresse: Monsieur MAILLARD. qui est le propriétaire des lieux.

Il a confirmé que cette XXX n’existait plus depuis plusieurs mois et donc. qu’il n’y a plus de repas servis.

Pour ce qui est de la Note des DELICES DE MOUGINS, boulanger pâtissier, XXX, XXX, Tél: XXX – qui mentionne un montant de 14,90 € pour une formule TTC, un appel a révélé que les tarifs des menus plafonnent à 7,50 € Une vérification sur place a été faite également qui a confirmé cela.

De tels agissements sont très graves et peuvent être qualifiés de vol. En effet, même s’il ne s’agit que de 72,30 euros, cette somme constitue un préjudice pour notre entreprise.

En outre, un tel comportement altère malheureusement le lien de confiance indispensable à la poursuite de nos relations contractuelles et démontre un manque flagrant d’honnêteté de votre part. Nous ne pouvons envisager de conserver à notre service des collaborateurs ne respectant pas les consignes données et surtout capables de voler notre entreprise. De tels agissements rendent donc votre maintien dans l’entreprise impossible .

Lors de ,'entretien préalable du 16/11/2009, vous n’avez pas reconnu les faits. Vous n’avez pas pris conscience de la gravité et du caractère fautif de votre comportement Vous avez juste dit que vous ne souveniez plus.

Aujourd’hui, après réflexion, nous ne pouvons que sanctionner lourdement votre comportement non seulement au regard des faits incriminés mals également à l’aune de votre passé en la matière et de votre absence totale de remise en question.

Vous comprendrez aisément que votre conduite fautive et irrespectueuse perturbe lourdement la bonne marche du service. Votre attitude a mis en évidence le profond désintérêt que vous portez à votre engagement auprès de notre société.

Ne pouvant donc compter sur votre collaboration ni espérer de votre part le respect de vos obligations contractuelles, nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour fautes graves.

Compte tenu de la gravité de celles-ci, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date d’envoi de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement.

Par ailleurs, la mise à pied â titre conservatoire qui vous a été notifié le 28/10/2008 est confirmé. En conséquence vous ne percevrez pas de rémunération pour la période considérée.

A réception, vous pourrez vous présenter au service du personnel pour percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire et d’indemnité de congés payés, et retirer votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC.

Par ailleurs, nous vous donnons rendez-vous le 25 novembre 2009 à 14h00 au Grand Hôtel Mercure de P Q pour assurer la restitution de votre véhicule et autres matériels mis à votre disposition.'

Contestant les conditions de son embauche, celles de l’exécution de son contrat de travail ainsi que son licenciement, la salariée a saisi, le 24 mars 2010, le conseil de prud’hommes de CANNES aux fins d’obtenir le paiement de diverses sommes .

Par jugement du 24 mai 2012, le conseil de prud’hommes de CANNES a débouté les parties de toutes ses demandes tant principales que reconventionnelles et a partagé les dépens.

C’est le jugement dont la salariée a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame L F demande à la cour de

— Réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

— Dire et juger le licenciement de Mme L F dépourvu de cause réelle et sérieuse.

— Condamner la société ACTIV A à lui payer les sommes de :

*10000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des conditions déloyales de son embauche.

*10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l’exécution déloyale de son contrat de travail.

*6 100 €à titre de primes contractuelles.

*610 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents.

*1 107.67 € au titre du salaire pour la période de mise à pied.

*110.77 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents.

*2 035.64 € au titre d’une indemnité compensatrice de préavis.

*20 000 €à titre de dommages et intérêts en raison du caractère injurieux de son licenciement.

*4 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour l’essentiel, l’appelante fait valoir , en premier lieu, que la société Z avait commis une faute lors de son embauche en lui cachant, d’une part, son appartenance à une mouvance sectaire, et d’autre part, l’action qui avait été menée auprès des pharmaciens pour les mettre en garde contre les produits diffusés par la société Z. Pour l’appelante, le fait d’avoir caché ces informations lors de son recrutement constituait de la part de l’employeur une faute pré-contractuelle, un dol.

Elle reproche, en second lieu, une exécution déloyale du contrat de travail dès lors que l’employeur lui avait interdit de communiquer avec ses collègues, l’avait dénigrée et isolée auprès d’eux par des propos injurieux et des attitudes violentes. Elle ajoute que l’employeur ne lui avait pas payé la part variable alors qu’elle avait pourtant atteint les objectifs fixés.

Elle invoque, en dernier lieu, le caractère infondé de son licenciement et conteste tant les prétendus rappels à l’ordre que les griefs visés dans la lettre de licenciement. Elle renvoie aux attestations produites établissant la qualité de son travail. Elle affirme avoir demandé la permission orale de présenter ses notes de frais, qu’elle avait d’ailleurs toujours obtenue. Elle indique que l’employeur ne démontrait pas la réalité des faits invoqués dans la lettre de licenciement. Elle s’explique toutefois sur chacun des griefs visés par cette lettre et fait valoir que l’employeur s’était engagé, en cas de difficulté sur une note de frais, à ne pas sanctionner mais seulement à déduire le montant sur le mois suivant.

La société LABORATOIRES Z demande à la cour de confirmer le jugement, en tout état de cause, dire le licenciement fondé sur une faute grave, débouter l’appelante de toutes ses prétentions et condamner celle-ci à lui payer la somme de 4500€ au titre de l’article 700 du code procédure civile.

L’intimée soutient, en effet, que les faits visés dans la lettre de licenciement, qui faisaient suite à de précédentes tentatives de la part de la salariée, étaient établis, qu’ils constituaient bien des manquements contractuels de la part de cette dernière justifiant ainsi la rupture du contrat pour fautes graves.

S’agissant des conditions de l’embauche, elle entend s’inscrire en faux contre les allégations de Madame F qui ne rapporte pas la preuve d’un vice du consentement. Elle précise qu’en réalité, la thèse publiée en 2007 mentionnait le nom de la société PRONUTRI et non pas le sien, que ces deux sociétés étaient différentes juridiquement même si elles avaient le même dirigeant, la société PRONUTRI assurant seulement les services logistiques de la société Z, qu’elle ne commercialisait aucun produit PRONUTRI, qu’il n’ y avait aucun amalgame possible entre les deux sociétés et qu’au demeurant, aucune d’elles n’avait d’activité sectaire. Elle ajoute que les résultats commerciaux des deux sociétés n’avaient cessé d’augmenter de sorte que la thèse de l’activité sectaire n’était pas fondée.

S’agissant des conditions d’exécution du travail, elle entend, d’abord, rappeler que la salariée, qui avait déjà fait l’objet de divers rappels à l’ordre, ne s’était pas remise en question et s’en était prise alors à son directeur commercial, Monsieur E qui n’avait fait que lui rappeler légitimement les règles de l’entreprise, que les nombreux mails produits en attestaient. Elle soutient, ensuite, que la salariée avait pu exercer normalement sa prestation sans aucune mesure discriminatoire, qu’au contraire, elle n’avait cessé de faire preuve de réticence à suivre les instructions données et à respecter ses obligations contractuelles, que les attestations produites par Madame F étaient soit partiales, soit contredites dans les faits par d’autres témoignages. Reprenant les résultats commerciaux et divers mails échangés, elle conteste devoir une quelconque prime à ce titre.

SUR CE

Sur l’embauche

Madame F invoque l’existence d’un dol à l’occasion de son embauche. Il lui appartient dès lors de rapporter la preuve de l’existence de manoeuvres frauduleuses commises par l’employeur de nature à avoir vicié son consentement à la signature du contrat.

Au soutien de ce moyen, Madame F reproche à l’employeur de lui avoir dissimulé son appartenance sectaire et lui avoir caché le fait que des informations de cette nature avaient été données aux pharmaciens de son secteur géographique. Madame F produit aux débats une thèse de doctorat, présentée et soutenue publiquement le 13 avril 2007, intitulée 'Risques d’atteinte à l’intégrité physique encourus par les adeptes de sectes’ mettant en cause Monsieur N O (lequel est par ailleurs le dirigeant de la société Z)pour avoir mené une activité sectaire sous couvert de la commercialisation des produits PRONUTRI -NEOM ainsi que quelques documents, apparemment obtenus sur internet, mettant aussi en cause personnellement Monsieur N O, comme ayant exercé, sous couvert d’une discipline dite Energo-Chromo-Kinèse (ECK), une activité sectaire reconnue comme telle dans le rapport de la commission parlementaire du 10 juin 1999.

Toutefois, ces seules pièces, sans aucune certitude quant à la fiabilité des informations qu’elles contiennent, sont très insuffisantes à caractériser une quelconque appartenance de la société Z à la mouvance sectaire. Ainsi, Madame F, sur laquelle pèse pourtant la charge de la preuve d’une telle affirmation, ne produit aucune publication des travaux, enquêtes ou rapports parlementaires susceptibles d’être parus au journal officiel de la République Française mettant en cause, directement ou indirectement, la société Z ni même le moindre justificatif de l’existence de poursuites pénales ou de condamnations à ce titre concernant de loin ou de près cette dernière. Il n’est pas davantage produit de pièces justificatives concernant l’action négative menée auprès des pharmaciens du secteur de la salariée.

Dans ces conditions, aucune preuve d’indices graves et concordants à l’encontre de la société Z d’avoir appartenu à une mouvance sectaire et de l’avoir sciemment dissimulé lors de l’embauche n’étant rapportée, le moyen tiré du dol est infondé et sera écarté.

Le jugement sera confirmé sur ce chef de demande.

Sur la prime d’objectifs

Les éléments tant quantitatifs que qualitatifs servant au calcul de la prime de résultats sur la base des objectifs connus de la salariée et acceptés par elle ne sont pas, en tant que tels, remis en cause, le litige portant uniquement sur le solde restant ou non dû à Madame F.

Débiteur d’une obligation de payer, il appartient à l’employeur de justifier s’être libéré intégralement de cette obligation.

Au soutien de sa réclamation chiffrée, Madame F produit notamment un tableau récapitulatif très précis (sa pièce n° 2 visée au bordereau) mentionnant mois par mois pour les années 2008 et 2009, le montant des chiffres d’affaires réalisés par elle par branche d’activité, le montant des primes qu’elle aurait dû percevoir sur la base des critères fixés par l’employeur, le montant des sommes effectivement perçues par elle sur les bulletins de salaire et le montant des sommes restant dues pour un total de 6100€

Pour s’opposer à cette demande, l’employeur répond qu’il avait payé toutes les primes dues et reprend, pour l’essentiel, les divers calculs qu’il avait développés dans ses mails du 8 avril 2009 et 19 juin 2009 en réponse aux réclamations de la salariée. Toutefois, il ne résulte pas de la teneur de ces mails une explication suffisante (l’année 2009 est en outre incomplète) sur le mode de liquidation des primes et les pièces produites par la société Z ne permettent aucune lisibilité ou compréhension sur ses propres décomptes. Aucun récapitulatif clair et précis sur les primes déjà payées par lui n’est versé aux débats et aucune pièce comptable, que seul l’employeur détient, ne vient conforter l’affirmation de l’employeur sur le paiement intégral des primes et contredire le décompte de la salariée.

Dans ces conditions, la société Z, qui ne justifie pas s’être libérée de son obligation de payer la totalité des sommes dues en exécution du contrat de travail, sera condamnée à payer la somme de 6100€ outre les congés payés s’y rapportant.

Le jugement sera réformé sur ce chef de demande

Sur l’exécution du contrat de travail.

La salariée invoque ici outre le non-paiement de sa prime d’objectifs, diverses attitudes attribuées à l’employeur à savoir l’interdiction de communiquer, le dénigrement, l’isolement par des propos et attitudes violents, les reproches injustifiés et d’avoir ainsi manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.

A cet effet, elle produit deux attestations:

— d’une part, l’attestation datée du 5 décembre 2009 -donc contemporaine de la rupture- émanant de Madame Y, qui avait travaillé pour le compte de la société Z du 24 août 2009 au 30 octobre 2009, et qui rapporte que lors d’un séminaire du 24 août2009 au 28 août 2009, Madame F 'était mise à l’écart de l’équipe', que Monsieur E (directeur commercial) avait répondu à celle-ci 'sur un ton sec et rabaissant', que ces faits avaient créé une situation gênante, que Madame F s’était rapprochée d’elle 'puisqu’elle était rejetée par le reste de l’équipe et de Monsieur E'. La circonstance que ce témoin serait en contentieux avec la société Z, au motif que l’employeur avait mis fin à sa période d’essai, est insuffisante, à elle seule, à écarter ce témoignage.

— d’autre part, l’attestation datée du 23 novembre 2009 -elle aussi contemporaine de la rupture – émanant de Madame K, qui avait été secrétaire commerciale au sein de la société Z du 11 juin 2008 au 11 juin 2009, et qui rapporte que Madame F avait été effectivement discriminée en ce que les personnels avaient eu , sous forme de mail 'reçu en copie cachée ', pour consigne 'd’arrêter de perdre du temps au téléphone aux personnes du laboratoire. De ce fait plus personne n’est tenu de répondre à L F', qu’elle même avait au préalable reçu l’ordre verbal ainsi que ses autres collègues de 'répondre non à toutes demandes quelles qu’elles soient émanant de L F et de ne lui transmettre aucune information', que Monsieur E lui avait personnellement rapporté que Madame F était 'chiante et fatiguante', que Madame I, responsable commerciale, lui avait aussi dit que L F 'voulait s’occuper des Nutris car elle était incompétente et nulle pour vendre les produits d’Z… qu’elle était épuisante', que selon Monsieur J , en charge de la gestion des chiffres d’affaires des commerciaux, Madame F était la meilleure commerciale du laboratoire alors que selon le témoin depuis un an, elle n’avait cessé d’entendre 'tout le monde y compris Monsieur E’ dire que Madame F 'c’était la pire', que Monsieur J lui avait confié 'qu’il ne comprenait pas pourquoi on gardait A puisqu’on ne lui donnait pas les éléments pour qu’elle puisse travailler correctement', qu’à l’occasion d’une journée d’animation à Six Four les Plages dans le courant de l’été 2008, le témoin qui avait voulu s’occuper d’une réservation d’hôtel pour le compte de Madame F avait reçu pour consigne d’annuler la réservation faite pour cette dernière avec pour seul commentaire 'c’est son problème', que le témoin ajoute que 'de fin juin 2008 à mai 2009, les critiques faites envers A n’ont eu de cesse. On lui a même interdit d’aller dire bonjour à ses collègues aux stocks considérant, sans aucune raison, qu’elle empêchait les personnes du stock de travailler correctement.'

Ces attestations sont suffisamment précises.

Les attestations contraires produites par la société Z émanent des personnes citées (Madame I, Monsieur J) et ne sont pas de nature, par leur teneur, à remettre en cause l’intégralité des faits rapportés ci-dessus. Il en est de même des témoignages de Madame B (commerciale de la société Z) et de Madame C (déléguée pharmaceutique) qui se bornent à attester n’avoir jamais reçu d’instructions visant à dénigrer Madame F. Les autres témoignages produits par la société Z (Madame D de la société PRONUTRI en charge des commandes Z et Madame H ancienne commerciale chez Z) rapportent un comportement négatif de Madame F (appels intempestifs, exclusion volontaire, comportement agressif et déconcertant) mais n’autorisent pas pour autant à retenir que les faits rapportés par les témoins Y et K seraient matériellement inexacts, le témoignage H permettant au contraire de confirmer l’isolement de la salariée même s’il diverge sur sa cause.

Il sera ajouté qu’il est établi que la société Z avait été saisie par Madame F, dès les mois de mai et juin 2009, c’est à dire plusieurs mois avant la rupture du contrat de travail, de la dégradation de ses relations de travail avec Monsieur E de sorte qu’il est inexact de soutenir, comme le fait cette société, que les griefs qui lui sont adressés par la salariée sur les conditions d’exécution du contrat de travail et les témoignages versés au soutien de ces griefs auraient été créés pour les besoins de la cause.

Par ailleurs, s’il est également démontré que Madame F avait reçu en 2008 et 2009 de la part de Monsieur E, un nombre important de mails visant des reproches divers concernant la qualité de son travail commercial, cette situation ( quand bien même aurait elle été fondée, ce qui est loin d’être le cas puisque ces reproches ne reposent que sur les mails) ne pouvait pas pour autant justifier les attitudes de dénigrement et d’isolement à l’égard de Madame F de la part d’une partie des salariés de l’entreprise, dont les supérieurs hiérarchiques, telles que rapportées ci-dessus.

L’employeur est tenu de répondre des comportements de tous ses salariés à l’égard de chacun d’entre eux.

Le moyen tiré de l’exécution déloyale du contrat par l’employeur, en ce compris le non paiement des primes, est fondé.

Le jugement sera donc réformé sur ce chef de demande.

La nature des manquements constatés, les circonstances de leur commission et leur répétition alors que l’employeur n’avait aucunement tenté d’y mettre un terme justifient l’allocation d’une somme de 3000€ à titre de dommages-intérêts.

Sur le licenciement

Il convient de rappeler que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige s’est placée dans le champ disciplinaire en visant des faits qualifiés par elle de fautes graves pour avoir sciemment tenté d’obtenir la prise en charge par l’employeur de notes de frais ne correspondant pas à la réalité de la dépense.

Les notes de frais présentées par la salariée consistent en deux reçus délivrés par la société JOCKEY CLUB, datés du 9 et du 17 juillet 2009, mentionnant la prise de sandwich avec boissons pour respectivement 11€ et 15,50€ et deux factures de la même société, des 14 et 15 septembre 2009, mentionnant chacune la prise d’un repas pour respectivement 9,50€ et 13,90€.

Mais contrairement à ce qu’affirme la lettre de licenciement, il n’est aucunement démontré que cette société, qui exploite effectivement un fonds de commerce bar-tabacs, ne servirait ni sandwich ni repas. Aucun justificatif des vérifications dont l’employeur se prévaut dans la lettre de licenciement n’est produit et aucune autre pièce ne vient étayer ce premier grief qui sera donc écarté.

La note de frais de la Brasserie du Marché consiste en un reçu du 30 juillet 2009,de la société VLV sous l’enseigne Brasserie du Marché 23, cours Mirabeau à Marignane, mentionnant une consommation au bar pour 15,90€. La lettre de licenciement énonce que cette brasserie avait cessé son activité à cette date. Or, il est seulement produit la copie d’une page concernant un acte de cession du bail commercial de la société VLV pour les locaux situés à l’adresse susvisée sans que la date effective à laquelle la brasserie du Marché avait de fait cessé son activité ne soit établie avec certitude. Aucune pièce de la société Z ne justifie des vérifications qu’elle dit avoir effectuées en ce sens. Ce second grief n’est donc pas établi.

La note de frais des Délices de Mougins consiste en un reçu du 24 juillet 2009 de cette boulangerie-pâtisserie mentionnant une 'formule’ à 14,90€ TTC. Pour justifier du grief énoncé dans la lettre de licenciement selon laquelle ce commerce ne vendait pas de ' formule’ pour ce prix, la société Z produit un reçu de ce commerce mentionnant un tarif pour une 'formule’ variant de 7,90€ à 8,90€ maximum. Toutefois, l’attestation produite par Madame F, et émanant de la gérante de cette boulangerie-pâtisserie, rapporte que Madame F avait bien acheté, le 24 juillet 2009, pour 14,90€ de marchandises à défaut de quoi, affirme le témoin , aucune note de frais avec le tampon du magasin ne lui aurait été délivré. Il importe peu en définitive que ce soit une 'formule’ ou de la marchandise à emporter. En effet, l’employeur avait entendu sanctionner une fraude commise sciemment alors que la volonté de tromper n’était pas caractérisée puisque de la marchandise avait bien été achetée et payée ce jour là dans ce commerce par la salariée. Ce troisième grief n’est donc pas davantage établi.

Les autres manquements invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, au demeurant datant de plus de deux mois, ne sont évoqués par lui qu’au soutien des faits relatifs aux notes de frais. Dès lors que ces derniers faits ne sont pas démontrés, le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé sur les chefs de demande relatifs au licenciement.

Compte tenu de l’ancienneté de la salariée (moins de deux ans), du montant moyen de son salaire brut en ce compris la part variable (1850€), de l’âge de la salariée (née en 1976), des circonstances sus-évoquées de la rupture qui révèlent un licenciement intervenu après que la salariée ait exprimé un certain nombre de doléances particulièrement fondées, des termes très durs employés à tort dans la lettre de rupture qui accuse la salariée de vol et de ce que la salariée n’ a retrouvé un emploi qu’en mars 2011 mais à durée déterminée jusqu’en mai 2011, il y lieu de condamner la société Z à payer à la salariée la somme de 8000€ à titre de dommages-intérêts .

A cette somme s’ajoutent celles dues au titre du préavis pour 1850€ outre les congés payés s’y rapportant pour 185€ ainsi que le rappel de salaires pour la période de mise à pied conservatoire soit 1107,67€ outre les congés payés s’y rapportant.

Sur l’article 700 du code procédure civile.

La salariée qui a dû interjeter appel pour parvenir au succès de ses prétentions est fondée à obtenir la condamnation de la société Z à lui payer la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code procédure civile .

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud’homale,

Reçoit Madame L F en son appel.

Confirme le jugement en ce qu’il a statué sur les conditions de l’embauche.

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau.

Dit que le licenciement et sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la SARL LABORATOIRES Z à payer à Madame L F

les sommes de :

*3000€ à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

*8000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

*6100€ au titre des primes contractuelles.

*610€ au titre des congés payés s’y rapportant.

*1107,67€ au titre du salaire pour la période de mise à pied.

*110,67€ au titre des congés payés s’y rapportant.

*1850€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.

*185€ au titre des congés payés s’y rapportant.

*2000€ au titre de l’article 700 du code procédure civile .

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Condamne la SARL LABORATOIRES Z aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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