Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 17 décembre 2015, n° 14/20832

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 17e ch. b, 17 déc. 2015, n° 14/20832
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/20832
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 mars 2013
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 17 DÉCEMBRE 2015

N° 2015/817

GP

Rôle N° 14/20832

[G] [N]

C/

SA S.H.E.M. A

Grosse délivrée

le :

à :

Me Carole MANOUVRIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Christian SALORD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Arrêt en date du 17 décembre 2015prononcé sur saisine de la Cour suite à l’arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du17 septermbre 2014, qui a cassé l’arrêt rendu le 22 mars 2013 par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (9°C)

APPELANT

Monsieur [G] [N], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Carole MANOUVRIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 218

INTIMEE

SA S.H.E.M. A, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christian SALORD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 06 Octobre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2015.

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [G] [N] a été embauché le 1er avril 1991 en qualité de réceptionniste de nuit par la Société Hôtelière du Palm Beach. Son contrat de travail a été transféré au sein de la SA SOCIÉTÉ D’HÔTELLERIE ET D’EXPLOITATION MARSEILLAISE (S.H.E.M. A.) à compter du 25 avril 2002.

Il a été membre titulaire de la délégation unique du personnel, affilié au syndicat CFDT, et membre du CHSCT de l’établissement.

Le 21 octobre 2004, Monsieur [G] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille pour réclamer à l’encontre de son employeur le règlement de diverses sommes (13ème mois et primes).

Par jugement du 14 décembre 2006, le Conseil a en partie fait droit à ses réclamations.

La SA SOCIÉTÉ D’HÔTELLERIE ET D’EXPLOITATION MARSEILLAISE (S.H.E.M. A.) a interjeté appel le 17 janvier 2007 à l’encontre du jugement du 14 décembre 2006. Par arrêt du 4 mars 2008, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a constaté le désistement de cet appel.

Par avenant au contrat de travail du 1er octobre 2007, il était convenu entre les parties que le temps de travail du salarié passerait d’un temps complet à un temps partiel (134,33 heures mensuelles) du 1er octobre 2007 jusqu’au 30 septembre 2008.

Monsieur [G] [N], qui a été en arrêt de travail pour maladie à partir du 26 février 2008, a été déclaré inapte à son poste par avis du médecin du travail en date des 1er et 19 juin 2010. Suite à l’autorisation de licenciement accordée par l’inspection du travail en date du 31 août 2010, Monsieur [G] [N] a été licencié le 8 septembre 2010 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 30 janvier 2009, Monsieur [G] [N] a de nouveau saisi le conseil de prud’hommes de Marseille d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail pour harcèlement moral et discrimination syndicale et de demandes en paiement de rappels de salaires et d’indemnités de rupture.

Par jugement de départage du 6 octobre 2011, le Conseil de prud’hommes de Marseille a déclaré irrecevable la demande fondée sur la discrimination syndicale, a rejeté la fin de non recevoir pour les autres chefs de demande, a débouté Monsieur [G] [N] de ses demandes, a débouté la SA S.H.E.M. A. de sa demande reconventionnelle et a condamné Monsieur [G] [N] aux dépens.

Sur appel interjeté par Monsieur [G] [N], la 9ème Chambre C de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a, par arrêt du 22 mars 2013, déclaré l’appel recevable en la forme, confirmé par substitution partielle de motifs le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille, y ajoutant, a condamné Monsieur [G] [N] à payer à la SA S.H.E.M. A. la somme de 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, a rejeté toutes autres demandes et a condamné Monsieur [G] [N] aux dépens de l’instance.

Sur pourvoi formé par Monsieur [G] [N], la Cour de cassation a, par arrêt du 17 septembre 2014, cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 22 mars 2013 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, renvoyé les parties devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée, condamné la SA S.H.E.M. A. à payer à Monsieur [G] [N] la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la SA S.H.E.M. A. aux dépens

Monsieur [G] [N] conclut à la réformation du jugement frappé d’appel en toutes ses dispositions, à ce que soit constatée l’absence de fin de non recevoir au titre de l’unicité de l’instance (article R.1452-6 du code du travail), à ce que soit constatée la mise en 'uvre à son égard d’un processus de harcèlement moral par la SA S.H.E.M. A., à ce que soit constatée la mise en 'uvre à son égard d’une discrimination syndicale par la SA S.H.E.M. A., à ce qu’il soit constaté que l’inaptitude du salarié à occuper son emploi procède d’un manquement de la SA S.H.E.M. A., en conséquence, à la condamnation de la SA S.H.E.M. A. au paiement des sommes suivantes :

-20 000 € nets de dommages intérêts en réparation du harcèlement moral subi par lui,

-20 000 € nets de dommages intérêts en réparation de la discrimination syndicale subie par lui,

-20 000 € nets de dommages intérêts en réparation de la perte d’emploi du salarié induite par le comportement fautif de la SA S.H.E.M. A.,

-1663,68 € bruts à titre de rappel de salaire, outre l’incidence congés payés de 163,36 € au titre des temps de pause travaillés,

et à la condamnation de la SA S.H.E.M. A. au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Monsieur [G] [N] fait valoir qu’à la suite du jugement du 14 décembre 2006 lui ayant donné satisfaction sur la quasi-totalité de ses demandes, il n’avait aucun intérêt à relever appel du jugement, que le 17 janvier 2007 la SA S.H.E.M. A. a interjeté appel de cette décision, que le concluant ayant changé d’adresse en cours de procédure n’a pas été personnellement informé par le secrétariat greffe de la Cour d’appel de la procédure d’appel diligentée par son employeur et de la date de convocation à l’audience de la Cour, la convocation étant revenue avec la mention NPAI, que l’appel diligenté par la SA S.H.E.M. A. n’a jamais été porté à sa connaissance, que l’intervention de Maître [Y] à la procédure demeure inexpliquée, le concluant n’ayant jamais été le client de cet avocat qu’il ne connaît pas et n’a pas mandaté en cause d’appel, que son conseil dans la procédure menée en 2006 était Maître [O], dont le mandat a cessé après l’exécution du jugement du 14 décembre 2006, que la Cour constatera que Monsieur [G] [N] n’a pas eu connaissance de la procédure d’appel de la SA S.H.E.M. A. et n’a pas été en mesure de faire valoir ses nouvelles réclamations dans le cadre de l’appel mené contre le jugement rendu le 14 décembre 2006, que la SA S.H.E.M. A. ne saurait donc se prévaloir d’aucune fin de non recevoir liée au principe d’unicité de l’instance prud’homale, qu’il ressort des éléments qu’il verse aux débats qu’il a été victime de discrimination syndicale ainsi que de harcèlement moral, que son inaptitude a fait suite à un arrêt de travail rendu nécessaire par le processus de harcèlement moral et de discrimination syndicale dont a fait preuve la hiérarchie à son égard, qu’il ne travaillait pas en binôme sur le poste de night auditor, qu’il ne pouvait donc pas bénéficier de temps de pause, qu’il était en fait tenu de rester constamment à la disposition de son employeur et qu’il doit être reçu en l’ensemble de ses demandes.

La SA SOCIÉTÉ D’HÔTELLERIE ET D’EXPLOITATION MARSEILLAISE (S.H.E.M. A.) conclut, vu l’unicité de l’instance et l’article R.1452-6 du code du travail, in limine litis, à ce que soit accueillie la fin de non recevoir liée au fait de l’application de l’unicité de l’instance prud’homale, en conséquence à ce que soit déclarée irrecevable la procédure dont s’agit et au regard desdites dispositions, subsidiairement et sur le fond, à ce qu’il soit constaté que le salarié, qui prétend avoir été victime de discrimination et de harcèlement ne l’a jamais évoqué ni à l’occasion de la procédure initiale ayant conduit à un jugement du conseil de prud’hommes du 14 décembre 2006 et à un arrêt de désistement du 4 mars 2008, ni par un quelconque courrier que ce soit à son employeur, à l’organisation syndicale dont il dépend, ni à l’inspection du travail, ni à la médecine du travail, ni au CHSCT, ni aux institutions représentatives du personnel, ni au Procureur de la République, à ce que soit constatée l’absence de procès verbal d’infraction, à ce que soit constaté également le fait que le salarié, à sa demande, s’est vu accorder une réduction de son temps de travail et qu’il a signé avec l’employeur un avenant du 1er octobre 2007 – ce qui lui permettait de développer une activité de vente de parfums sur internet en parallèle -, à ce que soit constaté le fait qu’à l’occasion de la procédure de licenciement pour inaptitude initiée en 2010 à la suite des avis d’inaptitude constatés par le médecin du travail, l’employeur a fait une proposition de poste que le salarié a refusée et l’inspection du travail a autorisé le licenciement à l’été 2010 – décision définitive pour ne jamais avoir été contestée par le salarié et qui retient le fait qu’il n’y a pas de lien entre la demande de licenciement de l’employeur et le mandat syndical exercé par le salarié – en sorte que si il y avait eu la moindre discrimination et/ou le moindre harcèlement, le salarié l’aurait évoqué à l’occasion de l’enquête contradictoire diligentée par l’inspection du travail mais encore l’inspection du travail n’aurait pas accordé l’autorisation de licenciement, vu le document intitulé « Profil Copains d’Avant » (pièce n° 17) lequel confirme de l’aveu même du salarié qu’il était « plutôt satisfait de son job, mais qu’il guettait une opportunité pour en changer », à ce que soit constaté le fait que l’attestation très récente (communiquée le 28 janvier 2013) que l’appelant communique aux débats (celle de Madame [G], autre déléguée du personnel de la même organisation syndicale que Monsieur [N]) n’apporte rien aux débats et surtout ne révèle aucun élément probant – étant constaté

le fait que si les reproches formulés par le salarié étaient fondés, celle-ci, en sa qualité et avec les mandats syndicaux qui sont les siens, n’aurait pas manqué dès l’origine de justifier des interventions en faveur de son collègue de travail -, à ce que le salarié soit débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions, à ce qu’elles soient déclarées irrecevables et de surcroît mal fondées, reconventionnellement, à la condamnation de Monsieur [G] [N] au paiement de la somme de 5000 € à titre de justes et réparateurs dommages-intérêts pour procédure abusive et à la condamnation de Monsieur [G] [N] au paiement de la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La SA SOCIÉTÉ D’HÔTELLERIE ET D’EXPLOITATION MARSEILLAISE (S.H.E.M. A.) fait valoir que, suite à l’appel qu’elle a interjeté le 17 janvier 2007 à l’encontre du jugement de départage du 14 décembre 2006 et suite à son désistement, l’arrêt de la cour d’appel du 4 mars 2008 est devenu définitif, que Monsieur [G] [N] était représenté en cause d’appel par son conseil Maître [Y], lequel s’est associé à la demande de désistement devant la cour d’appel, qu’en application de la règle de l’unicité de l’instance, les demandes du salarié sont irrecevables, que si l’on devait suivre le salarié dans son argumentaire d’appel sur ce point de droit, cela signifierait que l’arrêt de désistement du 4 mars 2008 ne lui serait pas opposable, que dans cette hypothèse incongrue, il y aurait lieu alors de constater que le salarié devrait remettre au rôle cette procédure et ce afin de présenter ses nouvelles prétentions, que l’existence d’une discrimination syndicale ou d’un harcèlement moral n’est pas établie, que Monsieur [G] [N] exerçait ses fonctions en binôme avec un autre salarié, en l’espèce la réceptionniste de nuit et/ou un bagagiste, qu’il avait parfaitement la possibilité de prendre son temps de pause de 45 minutes et de vaquer à ses occupations personnelles sans être dérangé et que l’appelant doit être débouté de ses demande.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud’hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur l’unicité de l’instance :

La règle de l’unicité de l’instance ne peut être opposée à une partie que lorsque celle-ci a été en mesure de former une demande au cours de la précédente instance.

Or, il résulte de la convocation adressée par le greffe de la Cour à Monsieur [G] [N], par lettre recommandée du 22 octobre 2007, aux fins de comparaître à l’audience du 26 février 2008 devant la 9ème Chambre C, qu’elle n’a pas été distribuée au destinataire qui n’habitait plus à l’adresse indiquée.

Si l’arrêt du 4 mars 2008 de la 9ème Chambre C de la cour d’appel d’Aix-en-Provence mentionne que Monsieur [G] [N], non comparant, avait constitué Maître [K] [Y], ce que conteste le salarié qui était assisté de Maître [Q] [O] en première instance, il est indiqué par ailleurs que l’arrêt est réputé contradictoire, ce qui confirme que le salarié était absent à l’audience et non représenté.

Monsieur [G] [N], dont il n’est pas démontré qu’il a eu connaissance de la déclaration d’appel formée par la SA S.H.E.M. A. et qui n’a pas été informé de la date d’audience, à laquelle il n’était ni présent ni représenté, n’a donc pas été en mesure de former de nouvelles demandes au cours de la précédente instance, à l’audience du 26 février 2008, devant la 9ème Chambre C.

En conséquence, le principe de l’unicité d’instance ne peut être opposé à Monsieur [G] [N], qui est recevable à faire valoir ses nouvelles prétentions.

Sur le harcèlement moral :

Il n’est pas discuté que le juge judiciaire reste compétent pour statuer sur la demande d’indemnisation du salarié au titre des fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement autorisé par l’inspection du travail.

Monsieur [G] [N] soutient qu’il a été victime de harcèlement moral, que Monsieur [S], directeur d’établissement, s’adressait régulièrement à lui sur un ton agressif et ce devant ses collègues de travail, qu’il refusait de le saluer alors qu’il saluait ses collègues de travail, qu’il dénigrait le salarié auprès de ses collègues de travail en pointant de prétendus avantages qu’il tirerait de sa qualité d’ancien salarié du Sofitel Palm Beach, qu’il pouvait refuser toute communication avec les salariés titulaires de mandats, dont le concluant, que Monsieur [S] a également attenté à la dignité des salariés travaillant à la réception, dont le concluant, en leur imposant sans motif légitime la réception de mails personnels relatifs à sa vie privée et sexuelle alors que le directeur d’établissement disposait d’une adresse professionnelle propre, que les agissements du directeur d’établissement ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et ont eu une répercussion sur son état de santé.

Monsieur [G] [N] produit les éléments suivants :

— l’attestation du 27 novembre 2009 de Monsieur [O] [L] qui rapporte : « je tiens à livrer par cet écrit le témoignage fidèle de ce qu’ont été les conditions de travail à l’hôtel Pullman Palm Beach, de mai 2002 à mars 2008, pour l’ensemble des salariés soumis à l’autorité de Monsieur [C] [S]. En effet, M. [S] a fait régner dans notre entreprise, depuis sa prise de fonctions jusqu’à son départ, un état permanent de grande tension ressentie de tous et caractérisée par plusieurs faits concrets :

— Remarques directes ou indirectes, faites en présence de tiers : clients, fournisseurs, revêtant un caractère vexatoire et ne manquant pas d’évoquer selon ses propres termes « les bras cassés » qu’il devait gérer’ absence de salutations auprès des salariés, ignorés et méprisés quotidiennement, ce qui a été consigné dans le cahier des délégués du personnel.

Comportement particulièrement hostile vis-à-vis de ceux qui comme moi, exerçaient une mission de délégué du personnel, se caractérisant au mieux par une ignorance totale des personnes concernées au pire par une mise au placard. Lors des élections de la délégation unique du personnel, M. [S] et ses chefs de service exerçaient des pressions sur le personnel, afin de monter une liste contre celle existante (dont je faisais partie avec M. [N])' De plus je tiens à préciser que M. [S] avait un comportement relevant de sa vie privée des plus pervers, puisqu’il contraignait certains salariés ayant accès aux boîtes aux lettres mails d’entreprise (réception M. [N] lors de ses prises de service) à être témoins malgré eux des comptes-rendus salaces de ses ébats sexuels qui avaient lieu lors de ses déplacements, lesquels étaient volontairement et délibérément exposés à la connaissance du personnel en les faisant transiter par les boîtes mails de la réception ; ainsi les réceptionnistes étaient obligés de les lui transmettre. Cette perversité a augmenté considérablement le malaise général déjà palpable et a choqué les plus fragiles des salariés. L’ensemble de son comportement et de ses agissements a eu pour effet de provoquer nombre de départs et arrêts-maladie, ainsi qu’un ressenti quasi-pathologique des conditions de travail »,

— l’attestation du 20 novembre 2009 de Monsieur [S] [I] qui rapporte : « je tiens à vous signaler les faits suivants dont j’ai été dans l’obligation d’effectuer au sein du Sofitel Palm Beach (Pullman) à la demande de Mr [S] et les chefs de service (Mr [R], Mme [E], Mr [C], Mr [B])' Mr [S] m’a obligé dans un premier temps à me présenter au comité d’entreprise et avec l’aide de Mme [E] (sous-directrice) de former une équipe au sein du Sofitel PB pour faire selon leurs dires « barrage aux représentants actuels » (les anciens du Concorde Palm Beach) pour cela, il m’avait promis de progresser au sein de l’établissement et des primes pouvant aller jusqu’à 1000 € par an. Dans un deuxième temps Mr [S] m’a demandé de me présenter en tant que secrétaire CE « pour casser » le [G] [N] en lui reprenant le poste de secrétaire et d’avoir le pouvoir du comité d’entreprise. Avant et le jour du vote des règles étaient établies : Mr [B] (chef de réception) allait être le trésorier et il devait même faire les comptes-rendus à ma place, même si j’en étais capable. Et il était aussi chargé de mettre la pression sur le personnel de la réception pour voter pour moi. [X] [C] (chef restaurant et bar) le jour du vote avait mis tout le personnel réticent en vacances et pour les autres il s’était placé devant la porte de la salle de vote pour les intimider (personnel Bar, restaurant, cuisine). [O] [R] (chef technique) avait attrapé [X] [H] (service technique et ancien personnel Concorde) de ne pas se présenter au CE et il allait avoir les mêmes avantages que moi. [R] [E] (sous-directrice) faisait la pression sur les autres chefs de service pour

influencer le personnel. Mr [S] était bien sûr le responsable de toute cette organisation et je peux vous assurer que le jour du vote quand les résultats ont été officialisés et que l’équipe qu’ils avaient formée avait gagné, le champagne et les petits fours ont été sortis et on a trinqué à la sortie des anciens du CE et on a fait des v’ux pour leur avenir. Je n’ai pas voulu me représenter à un second mandat’ Il m’ont mis une pression pas possible. Résultat au bout d’un an j’ai fait un abandon de poste et ils m’ont licencié avec plaisir. C’est pour vous dire quel pouvoir avait ce Mr [S] sur son personnel et jusqu’où il pouvait aller »,

— l’attestation du 30 novembre 2009 de Monsieur [T] [A], qui relate : « Monsieur [N] et moi-même avons travaillé sous la direction de Mr [S] jusqu’à ce que celui-ci quitte brutalement la société SHEMA pour des raisons qui n’ont jamais été dévoilées. Je ne serais pas étonné que le motif du départ de Mr [S] réside dans la prise de conscience malheureusement bien tardive, par la direction, des méthodes de travail particulièrement contestables de cette personne : agressivité, propos vexants, humiliations étaient le quotidien des salariés qui ne lui manifestaient pas une soumission sans borne. J’ai personnellement été choqué de la façon dont il a pu s’adresser à Mr [N], certainement parce que celui-ci avait osé demander le paiement des temps de pause travaillés’ »,

— le courrier de Madame [E] [G], déléguée syndicale CFDT, adressé au directeur général de la société dans la perspective d’un rendez-vous du 7 mai 2009, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire des salaires, avec un « Mémo d’accompagnement à la NAO 2009 » signé par Madame [E] [G] et Monsieur [T] [A] (délégué syndical CGT) et dans lequel il est précisé que « Lors de la NAO 2007, ont été exclus arbitrairement, par l’ancienne Direction : 24 collaborateurs concernés par l’article L.122.12, de toute réévaluation de leur salaire, malgré une forte inflation et donc une perte de pouvoir d’achat très importante, sachant que la motivation de ces salariés pour fournir un travail sérieux n’a jamais failli’ ! Ces personnes ont vécu cette mesure comme une sanction, suite à la décision en leur faveur du juge départiteur en conseil de prud’hommes (14/12/06) : ce dernier ayant demandé à ce que tous les employés de la Sté SHEMA aient les mêmes droits, soit le versement d’un 13ème mois dont ils étaient privés depuis cinq ans !

Lors de la NAO 2008. Le même comportement discriminatoire de la part de la Direction envers les personnes concernées en 2002 par l’article L.122.12, s’est reproduit. Ces collaborateurs n’ayant eu leur salaire réévalué que de 1 % à 1,7 % maximum, alors que l’inflation était à 3 % et que le reste des salariés obtenait plus 3 %' La fraction du personnel victime de cette discrimination, qui est passée d’un effectif de 38 personnes en 2002 à 18 personnes en 2009, a maintes fois entendu des propos injustes et insultants tels que : « vous nous coûtez trop cher » ou « vous êtes tous des bras cassés incompétents ». À noter que les salaires annuels cumulés des collaborateurs concernés étaient en réalité bien en-deçà de ce qui était proposé aux autres salariés de la Sté SHEMA, en tenant compte des primes d’objectifs trimestrielles ou annuelles ou des primes exceptionnelles versées à ces derniers. Primes qui pour la plupart n’ont jamais été appliquées au personnel concerné par l’article L.122.12 alors que leur statut, leurs compétences professionnelles et performances au sein de l’établissement leur permettaient d’y prétendre. Nous espérons vivement que toutes ces discriminations cesseront, pour assurer une équité salariale au sein de l’établissement Pullman Marseille Palm Beach et permettre aux 18 salariés concernés de retrouver des conditions de travail normales après avoir en partie réussi à supporter une ambiance de travail délétère, mais aussi pour l’ensemble du personnel qui a vécu à nos côtés ce harcèlement moral de mai 2002 à février 2009 »,

— le courriel adressé le 27 février 2008 par Madame [E] [G], déléguée syndicale et membre du CHSCT, à l’inspection du travail quant à la procédure d’amende mise en place par cette institution pour entrave au bon fonctionnement du CHSCT, et dans lequel Madame [G] précise : « Je suis en soucis également pour [G] [N] (D.P titulaire de la DUP) que vous connaissez qui craque littéralement aussi et ne supporte plus le management de notre Hôtel (comme beaucoup d’autres membres du personnel d’ailleurs). Les jeunes démissionnent (le turnover est impressionnant). Les plus âgés souffrent et ont peur de démissionner car ils ne trouveront pas du travail ailleurs’ »,

— le courrier du 1er mai 2010 de Madame [E] [G] adressé au conseil de Monsieur [G] [N] confirmant que les conclusions de ce dernier sont le reflet de ce qu’elle a eu « le triste privilège de partager avec [G] [N]. À compter de mai 2002 et pour (sa) part jusqu’au licenciement de Mr [S] par le Groupe Accor en mars 2009' »,

— l’attestation du 30 octobre 2012 de Madame [E] [G], salariée de l’hôtel [Établissement 1]

Beach, qui témoigne : «'Mr [N] devait lui aussi subir les « hérésies » relationnelles de Mr [S], pas de salutation, puis ensuite la manifestation d’une grande sympathie, puis un ton menaçant, puis un refus de communication. Et les salariés, sous couvert de lien de subordination, devaient accepter cela’ comme la réception des emails personnels de Mr [S]. Ceci donne aux salariés le sentiment d’être inexistants, sans consistance, seulement présents dans l’entreprise pour être le réceptacle des lubies d’un supérieur auquel on doit se soumettre et qui peut nous obliger à assister à ses histoires personnelles extraconjugales. À plusieurs reprises, en réunion D.U.P, Mr [S] faisait remarquer à Mr [N] que « ce n’était pas la CFDT ni l’inspection du travail qui allait faire la loi dans son établissement »' J’atteste aussi que Mr [N] lors du passage à 3/4 temps en 2007, a eu un entretien avec Mr [S] et dont il m’a relaté le contenu le jour même. Il était choqué des propos tenus par le directeur à son égard : « Je vous fais l’avenant à votre contrat à condition que vous ne m’emmerdiez plus avec vos histoires de paiement des pauses de nuit, que de toute façon je ne vous paierai jamais ni ne vous donnerai de repos compensateurs ». Je tiens à préciser également que Mr [S], qui ne supportait pas nos demandes de réunions trimestrielles CHSCT (Mr [N] et moi-même étant membres CHSCT) nommait Mr [N] « le chef des Travaux» (cf. Délit d’entrave au bon fonctionnement du CHSCT dressé par Mme [K] inspecteur du travail à l’encontre de Mr [S] !) »,

— des mails des 22 et 24 avril 2008 et 1er et 6 mai 2008 de [W] [Z] à l’attention de «[C] » ([C] [S], directeur de l’hôtel) sur l’adresse mail « H3485@accor.com» qui est l’adresse de la réception de l’hôtel ; dans ces courriels, [W] [Z] relate ses ébats amoureux avec [C] [S] et lui réclame en final « (son) adresse email ss passage intermédiaire »,

— le certificat médical du 18 septembre 2009 du Docteur [U] [M], médecin psychiatre, qui « certifie donner (ses) soins spécialisés à Monsieur [G] [N] depuis plusieurs mois, sur l’indication de son médecin traitant (Dr [D] [J]) pour « syndrome asthéno-dépressif réactionnel à un harcèlement professionnel ». L’anamnèse met en avant une situation conflictuelle entre ce patient (délégué du personnel et membre titulaire du comité d’entreprise) et sa hiérarchie ; selon les dires de l’intéressé il n’y a jamais eu aucune faute professionnelle-mais plutôt le contraire-par contre des attaques, menaces, pressions, manipulations quant à ses responsabilités et rôle dans l’entreprise étaient quotidiennes, amenant à un véritable « état de stress » imposant un arrêt de travail. L’évolution symptomatique, malgré les efforts du patient, ne permettent pas à ce jour un pronostic et un projet précis »,

— le certificat médical du 18 février 2010 du Docteur [U] [M], qui indique que « l’évolution de l’état de santé de Monsieur [G] [N] va dans le sens d’une chronicité, autorisant une reprise de travail sous conditions : temps partiel, horaires de travail l’après-midi (ni matin, ni nuit), repos hebdomadaire, aucun contact avec la clientèle, dans l’établissement connu de lui, dans un poste respectant ses aptitudes, son expérience professionnelle, permettant le repos en cas de malaise, les prises médicamenteuses prescrites ».

Il résulte des éléments versés par le salarié que Monsieur [S], directeur d’établissement, s’adressait à Monsieur [G] [N] comme à d’autres membres du personnel avec « agressivité, propos vexants, humiliations… » et spécifiquement envers Monsieur [N] « certainement parce que celui-ci avait osé demander le paiement des temps de pause travaillés » (attestation de M. [A]), le traitait comme d’autres salariés de « bras cassés incompétents » (mémo de Mme [G]), alternait à l’égard de Monsieur [N] les manifestations « de grande sympathie » avec les manifestations d’indifférence (pas de salutation, refus de communiquer) et les propos menaçants (attestation de Mme [G]), lui imposait la réception de mails strictement privés (alors que le directeur disposait d’une messagerie professionnelle à son nom propre) et que les agissements de Monsieur [S] ont entraîné une dégradation des conditions de travail de Monsieur [N] « qui craque littéralement aussi et ne supporte plus le management de notre Hôtel » et ont eu une répercussion sur son état de santé (arrêt de travail, suivi psychiatrique et traitement médicamenteux).

Ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et sont justifiés par des des éléments objectifs étrangers à tout

harcèlement.

La SA S.H.E.M. A. fait valoir qu’il n’y a pas eu de harcèlement vis-à-vis du salarié, que celui-ci a en fait tenté par la procédure judiciaire d’obtenir de son employeur qu’il fasse droit à une demande de rupture négociée de son contrat de travail, que le salarié n’a jamais évoqué à l’occasion de la précédente procédure prud’homale ni par un quelconque courrier adressé à son employeur, avoir été victime de harcèlement moral, que le prétendu harcèlement évoqué par le salarié est d’autant plus incompréhensible que ce dernier s’est vu accorder, sur sa demande, une réduction de son temps de travail, ce qui lui permettait de développer en parallèle une activité de vente de parfums sur internet, que la société concluante a cherché à reclasser le salarié à la suite des avis d’inaptitude du médecin du travail, que l’inspection du travail a autorisé le licenciement du salarié et n’a jamais retenu la moindre discrimination ou harcèlement qui n’a pas été évoqué par le salarié à l’occasion de l’enquête contradictoire diligentée par l’inspection du travail, que le témoignage de Madame [G], autre déléguée du personnel de la même organisation syndicale que Monsieur [N], n’apporte rien aux débats, étant constaté que si les reproches formulés par le salarié étaient fondés, ce témoin, en sa qualité et avec les mandats syndicaux qui sont les siens, n’aurait pas manqué dès l’origine de justifier des interventions en faveur de son collègue de travail.

La SA S.H.E.M. A. produit les éléments suivants :

— un extrait du profil de Monsieur [G] [N] sur le site « copains d’avant », dans lequel l’intéressé a indiqué être « plutôt satisfait de (son) job mais (il) guette une opportunité pour en changer » ; À noter que Monsieur [G] [N] mentionne qu’il a 42 ans, ce dont il résulte que cette annonce est concomitante ou postérieure à son licenciement ;

— le courrier du 26 septembre 2007 de Monsieur [G] [N] faisant part de son souhait de travailler à temps partiel, soit 31 heures par semaine, à compter du 1er octobre 2007 et pour une durée d’un an, ainsi que l’avenant conclu entre les parties à la date du 1er octobre 2007 pour la transformation d’un temps complet en temps partiel pour une durée déterminée ;

— les propositions de reclassement du salarié, la convocation du Comité d’Établissement pour le 13 août 2010 pour consultation sur le projet de licenciement de Monsieur [G] [N], le procès-verbal de la réunion extraordinaire du Comité d’Établissement en date du 13 août 2010 mentionnant l’avis favorable donné sur le projet de licenciement de Monsieur [G] [N], la demande du 18 août 2010 à l’inspection du travail d’autorisation de licenciement et la décision du 31 août 2010 de l’inspecteur du travail d’autorisation de licenciement de Monsieur [G] [N] « considérant que la procédure de licenciement engagée à l’encontre de Monsieur [G] [N] n’a aucun lien avec ce mandat de représentant du personnel »,

Les pièces ainsi versées par l’employeur sont inopérantes à démontrer que les agissements de Monsieur [S], directeur, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dans ces conditions, l’existence d’un harcèlement moral subi par le salarié est établie.

Au vu des éléments versés par le salarié et notamment des éléments médicaux, la Cour accorde à Monsieur [G] [N] la somme brute de 20 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du harcèlement moral.

Sur la discrimination syndicale :

Monsieur [G] [N] fait valoir, au titre de la discrimination syndicale :

— qu’une prime a été accordée à tous les réceptionnistes, y compris la première de réception et la chef de réception, en décembre 2007, en vue de remercier la réception de sa disponibilité lors de l’absence de l’un d’entre eux, en arrêt suite à un accident de travail ; qu’à l’instar de ses collègues de travail, il a participé au remplacement du salarié absent et qu’il a été le seul de l’équipe à ne pas avoir obtenu le versement de la prime exceptionnelle ;

— qu’il n’a jamais bénéficié du moindre entretien d’évaluation avec sa hiérarchie, alors que les dispositions de la Convention collective nationale des HCR du 30 avril 1997 prévoyait l’organisation d’un entretien à la demande du titulaire d’un mandat et que l’article 4.2 de l’accord professionnel du 28 mars 2007 a instauré un « entretien professionnel » devant se dérouler tous les deux ans à l’initiative de l’entreprise ou du salarié, précision étant apportée que les entretiens étaient pratiqués au sein du groupe pour les autres salariés ;

— que les salariés ayant fait valoir leurs droits devant le conseil de prud’hommes ont été systématiquement exclus de toute augmentation salariale individuelle tant en 2007 qu’en 2008 ;

— qu’il a été écarté arbitrairement de certaines formations organisées par la direction (formation Up Selling).

Monsieur [G] [N] produit, outre les éléments déjà cités, les éléments suivants :

— le bulletin de paie de décembre 2007 d'[V] [W], réceptionniste tournante, mentionnant le versement d’une prime exceptionnelle 2007 de 200 € bruts,

— le bulletin de paie de décembre 2007 de [T] [A], réceptionniste, mentionnant le versement d’une prime exceptionnelle de 200 € bruts,

— un échange de courriels des 7 et 13 février 2008, [G] [N] invoquant que le non versement de la prime en décembre était un oubli de la part de Monsieur [B] et que cette prime devait lui être versée en janvier, et la réclamation adressée par [G] [N] le 13 février 2008 à Monsieur [F] [B],

— le courriel du 14 février 2008 de [G] [N] à [P] [T] : « peux-tu me dire ce que tu sais au niveau des rappels de cette prime car votre silence à tous commence à m’inquiéter !! Envoie moi un mail à la maison, merci. Bonne journée »,

— le courrier de [F] [B], directeur de l’accueil, adressé le 25 février 2008 à [G] [N] en ces termes : « Bonsoir [G], je reviens vers vous suite aux mails de prime de décembre. J’ai en effet mi-décembre demandé pour certains réceptionnistes une prime. Cette prime avait pour but de remercier l’extrême disponibilité durant l’absence de [H] comme par exemple [M] et [T] ont fait des nuits. Il ne s’agissait pas d’une prime collective mais d’une prime individuelle. Je sais que vous avez décalé un de vos repos durant cette période, mais certains de vos collègues ont vu leur quotidien énormément changer. Rien ne présume que pour d’autres situations, ce ne soit pas l’inverse, mais pour cette prime il n’y aura pas de modifications. Je suis navré si vous avez pensé être mis de côté, mais ce n’est pas ma volonté. Bon courage, [F] »,

— un courrier de [P] [T], chef de réception, adressé à [G] [N] : « comme je te l’ai déjà dit par téléphone début janvier, après ton appel, j’ai demandé à [F] [B] pourquoi tu n’avais pas reçu de prime comme l’ensemble des réceptionnistes, sur le mois de décembre. Je te rappelle que cette prime a été versée car, en l’absence de [H], nous avons tous fait des efforts concernant nos horaires (changement d’horaires du jour au lendemain, travail de nuit pour ceux qui n’en font jamais, repos remplacés par des journées de travail'). Donc à cette question, [F] [B] m’a répondu que cette prime récompensait ce que je viens de citer ci-dessus. Je lui ai rappelé que toi aussi tu t’étais impliqué et que tu avais même appelé pour venir travailler sur un de tes jours de repos, ce que tu as effectivement fait. À cela, il a réfléchi et affirmé que cette prime, il l’avait demandé bien avant ton changement de planning et qu’il n’avait pas revalidé les efforts de chacun, sous-entendant les tiens et qu’il allait voir avec [R] et Mr [S] s’il était possible de te la donner en janvier’ »,

— le courrier adressé par [G] [N] à Monsieur [B] en réponse au mail de ce dernier du 25 février 2008, avec copie à différents destinataires dont l’inspection du travail, pour protester sur le versement de la prime à tous les réceptionnistes y compris la chef de réception, à l’exception de lui, protester contre l’impossibilité d’en parler de vive voix avec le directeur de l’accueil, contre l’absence d’entretien d’évaluation et contre le fait de l’avoir volontairement écarté de la formation Upselling en la programmant sur son jour de repos,

— le courrier du 11 mars 2008 adressé par [G] [N] à Monsieur [B] demandant des explications sur le versement de la prime de décembre à tous les réceptionnistes ainsi qu’à la première de réception et à la chef de réception,

— la copie du cahier de questions des délégués du personnel du 23 février 2007 demandant des explications sur le rappel de salaire versé en janvier 2007 aux salariés « ayant gagné leur procédure devant les prud’hommes », en exécution du jugement du 14 décembre 2006,

— la copie du cahier de questions des délégués du personnel du 18 mars 2008, demandant des explications sur le fait que seul Monsieur [N] n’a pas perçu la prime de décembre alors que tout le personnel de la réception l’a perçue,

— le courrier adressé le 5 novembre 2009 par Madame [A] [K], inspectrice du travail, à Monsieur [G] [N] reprenant la plainte formulée par ce dernier lors de l’entretien du 14 mars 2008 avec l’inspectrice du travail quant à l’absence de versement de la prime, le salarié ayant déclaré être victime d’une discrimination de la part de son employeur,

— le mémo d’accompagnement à la demande adressée par les délégués syndicaux, Madame [E] [G] et Monsieur [T] [A], dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO 2009), au directeur général de la société S.H.E.M. A., mémo dont les termes ont été rappelés ci-dessus,

— l’attestation du 12 septembre 2012 de Monsieur [B] [J], secrétaire général du syndicat CFDT, qui atteste avoir « personnellement reçu 48 fois M. [N] », entretiens au cours desquels Monsieur [N] a invoqué les « pressions, dénigrement et harcèlement’ » dont le salarié a indiqué être victime sur son lieu de travail.

Il résulte des éléments versés par le salarié qu’il a été le seul de l’équipe de réception à ne pas percevoir une prime exceptionnelle en décembre 2007, qu’il n’a pu bénéficier d’une formation Upselling, qu’il n’a pas jamais bénéficié d’entretien d’évaluation et qu’il n’a pas eu, en 2007 et 2008, d’évolution salariale identique à celle des autres salariés, alors qu’il se plaignait parallèlement auprès de son syndicat CFDT et de l’inspection du travail d’être victime de discrimination syndicale en lien avec un précédent contentieux prud’homal l’ayant opposé, en même temps que le syndicat CFDT, à la direction.

Ces éléments laissent supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La SA S.H.E.M. A. réplique que Monsieur [G] [N] a pu bénéficier chaque année de formations de 2003 à 2008, qu’il n’a jamais demandé à son employeur de bénéficier d’une quelconque autre formation qui lui aurait été refusée, qu’il n’existe pas d’obligation légale concernant les entretiens d’évaluation, que la prétendue absence d’évolution salariale doit être examinée avec beaucoup de circonspection dans la mesure où le salarié avait demandé à pouvoir bénéficier d’un temps partiel sur une durée déterminée allant du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008, ce qui lui a été accordé par avenant signé le 1er octobre 2007, que la signature de l’avenant ne constitue pas le signe d’une quelconque discrimination alors que l’employeur a abondé dans le sens de faire bénéficier au salarié qui le souhaitait le passage d’un temps complet à un temps partiel, que ce sont les réceptionnistes de jour qui ont largement pâti de la surcharge de travail liée à l’absence pour cause de maladie de Monsieur [V] et qui ont été récompensés par l’octroi d’une prime versée exceptionnellement en décembre 2007 et que Monsieur [G] [N] n’est pas réceptionniste de jour et ne peut comparer sa situation à celle de ses collègues.

La SA S.H.E.M. A. produit un tableau récapitulatif des formations suivies par le salarié depuis 2004 ainsi que des éléments sur les formations suivies chaque année. Elle ne fournit cependant aucune explication sur la formation Up Selling, qui aurait été fixée selon le salarié sur son jour de repos pour l’en priver.

La SA S.H.E.M. A. se contente d’invoquer qu’il n’existe pas d’obligation légale concernant les entretiens d’évaluation, sans cependant contredire l’affirmation de Monsieur [G] [N] selon laquelle d’autres salariés de l’entreprise en bénéficient.

Il existe en fait une obligation conventionnelle fixée à l’article 10, Titre II, de la Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, prévoyant que « tout titulaire d’un mandat bénéficiera, à sa demande, d’un entretien avec son responsable en vue de mettre en 'uvre, si nécessaire, les moyens permettant d’intégrer ses responsabilités sociales, sans pour autant que cela se traduise par une dégradation de son travail, ni ne nuise à ses possibilités d’évolution professionnelle… ». Or Monsieur [G] [N] avait souligné auprès de son supérieur hiérarchique, Monsieur [F] [B], en réponse au mail du 25 février 2008, qu’il n’avait jamais eu d’entretien d’évaluation, que son supérieur n’avait jamais cherché à s’expliquer avec lui alors même que le salarié se plaignait d’être mis à l’écart et se plaignait « de harcèlement moral ou d’homophobie à (son) égard ».

Par ailleurs, l’article 4.2 de l’Accord professionnel du 28 mars 2007 relatif aux objectifs, aux priorités

et aux moyens de la formation professionnelle dans l’hôtellerie et la restauration instaure une obligation conventionnelle d’organiser tous les 2 ans un entretien professionnel devant permettre « à chaque salarié d’être acteur de son évolution professionnelle et d’élaborer un projet professionnel à partir de ses souhaits et aptitudes, mais également en fonction des perspectives d’évolution de l’entreprise… ».

Quant à la différence d’évolution salariale dénoncée par les représentants syndicaux dans le mémo d’accompagnement de la NAO 2009 (1 à 1,7 % d’augmentation salariale au lieu de +3 % concernant les autres salariés), l’employeur n’apporte aucune réponse et se contente d’indiquer, hors sujet, qu’il a fait droit à la réclamation du salarié au titre d’un passage à temps partiel, ce qui ne démontre en rien l’absence de toute discrimination. La SA S.H.E.M. A. produit tout au plus un courrier du 3 mai 2005 adressé au salarié pour lui préciser que son augmentation de salaire pour l’année 2005 est portée à 2,4 %, sans verser aux débats les éléments relatifs aux augmentations salariales sur les années postérieures à 2005.

En ce qui concerne l’attribution de la prime exceptionnelle en décembre 2007, la SA S.H.E.M. A. prétend que cette prime a été versée aux seuls réceptionnistes de jour alors qu’il résulte des échanges de courriels versés par le salarié que cette prime a été versée à tous les membres de l’équipe de la réception et pour compenser les efforts faits pour assurer le remplacement d’un salarié malade. Or, la SA S.H.E.M. A. n’a pas démenti que Monsieur [G] [N] avait participé aux efforts de remplacement du salarié et ne verse aucun élément susceptible de démontrer que ses efforts auraient été moindres que ceux des autres membres de l’équipe.

En conséquence, l’existence d’une discrimination syndicale subie par Monsieur [G] [N] est établie.

Au vu de la gravité des manquements de l’employeur exposés ci-dessus, la Cour alloue à Monsieur [G] [N] la somme de 20 000 € bruts à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale.

Sur le rappel de salaire :

Monsieur [G] [N] fait valoir qu’il n’a pu bénéficier de ses temps de pause de 45 minutes par nuit alors qu’il travaillait de 22h30 à 7 heures, que la réception de l’hôtel était ouverte la nuit en continu, qu’un client pouvait arriver à n’importe quelle heure et qu’il lui était impossible concrètement de prendre son temps de pause, que des échanges sont intervenus à ce sujet avec l’inspectrice du travail, que la SA S.H.E.M. A. ne l’ignorait pas puisque étant dans l’impossibilité de définir a priori un créneau horaire durant la nuit au cours duquel le salarié pouvait prendre sa pause de 45 minutes, la société a décidé, après avoir été invitée à régulariser cette situation par les représentants du CHSCT, qu’à partir du mois de février 2007, il appartiendrait aux salariés de déterminer a posteriori le moment où ils se sont trouvés en pause et de remplir le « tableau des heures de pause de nuit », que le salarié est ainsi explicitement invité à se considérer en pause lorsque durant 45 minutes, aucun client ne s’est présenté à la réception, alors que, étant seul à la réception, il ne pouvait s’éloigner de son poste car il est impossible de savoir à quel moment un client est susceptible de venir, qu’en réalité il était tenu dans le cadre de ses fonctions de demeurer constamment à la disposition de son employeur, qu’il ne travaillait pas en binôme, la personne qui travaillait avec lui étant soit un chasseur, soit un voiturier bagagiste, jamais un autre réceptionniste, les bagagistes ou chasseurs n’ayant pas les compétences pour recevoir des clients et enregistrer informatiquement une entrée, dans une langue étrangère de surcroît le cas échéant.

Il sollicite en conséquence l’allocation de la somme brute de 1663,68 € à titre de rappel de salaire sur les temps de pause non payés, outre les congés payés afférents, pour les 128 nuits qu’il a travaillées entre le 18 janvier 2007 (fin du délai d’appel du premier jugement) et la date de suspension de son contrat de travail au titre de la maladie, soit le 28 février 2008).

La SA S.H.E.M. A., qui ne discute pas que les salariés devaient bénéficier d’une pause de 45 minutes suivant l’accord d’entreprise du 9 janvier 2004, soutient que Monsieur [G] [N] exerçait son poste en binôme avec un autre salarié et qu’il pouvait, lorsqu’il prenait son temps de pause,

vaquer à ses occupations sans être dérangé une seule fois.

Elle ne verse aucun élément susceptible de démontrer que Monsieur [G] [N] exerçait son poste en binôme. Elle produit le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 10 octobre 2006, dans lequel Monsieur [S], qui n’a pas prétendu que le réceptionniste de nuit travaillait en binôme, a simplement indiqué qu’il était « venu récemment 2 nuits et avoir constaté que le travail du Night Auditor correspondait maximum à 2 heures de travail effectif. Il dit que le Night a largement le temps de prendre sa pause de 45 minutes entre 4h00 et 5h30 du matin, période où l’activité de l’hôtel est très faible’ Il demande à Mr [N] de prendre sa pause de 45 minutes et de noter les temps de pause pour lui’ ».

Comme constaté par l’inspectrice du travail dans un courrier adressé à l’employeur le 18 mai 2006, le Night auditor comme le chasseur ou bagagiste-voiturier est tenu de répondre aux sollicitations de la clientèle et il faut donc en permanence quelqu’un à la réception. Dans ces conditions, il ne peut être considéré, à supposer même qu’aucun client ne se présente durant 45 minutes d’affilée, que le réceptionniste de nuit puisse s’absenter de la réception et vaquer librement à ses occupations.

En conséquence, les temps de pause de 45 minutes doivent être rémunérés comme du temps de travail effectif.

Il convient donc de faire droit à la réclamation du salarié et de lui allouer la somme brute de 1663,68€ à titre de rappel de salaire, dont le calcul du montant n’est pas discuté, ainsi que la somme brute de 163,36 € au titre des congés payés y afférents.

Sur la perte de l’emploi :

Monsieur [G] [N] soutient que l’autorisation administrative de licenciement ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse faire valoir devant le juge judiciaire tous les droits résultants de l’origine de l’inaptitude lorsque celle-ci est attribuée à un manquement de l’employeur, qu’en l’espèce son inaptitude a fait suite à un arrêt de travail rendu nécessaire par le processus de harcèlement moral et la discrimination syndicale dont il a été victime et qu’il est bien fondé à solliciter la somme de 20 000€ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi.

Effectivement, s’il appartient à l’administration du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement, il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet serait la nullité de la rupture du contrat de travail. L’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait donc pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant le juge judiciaire tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations.

Il ressort des témoignages et des certificats médicaux versés par le salarié et examinés ci-dessus que Monsieur [G] [N], qui a connu une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé en lien avec le harcèlement moral subi, a été en arrêt de travail à partir du 26 février 2008 jusqu’à son licenciement et qu’il a été suivi par un médecin psychiatre en continu, avec prise de médicaments, en sorte qu’il est établi que le harcèlement moral subi était bien à l’origine de son inaptitude physique.

Il s’ensuit que Monsieur [G] [N] est fondé à solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi suite à l’inaptitude physique dont l’origine incombe à la responsabilité de l’employeur, qui a manqué à ses obligations.

Monsieur [G] [N] ne verse aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle et sur son préjudice.

En considération de son ancienneté de 19 ans dans l’entreprise et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Monsieur [G] [N] 20 000 € bruts à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi.

Sur la demande reconventionnelle de l’employeur :

Le salarié ayant été reçu en son appel et en ses demandes, il convient de débouter l’employeur de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD’HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement de départage en date du 6 octobre 2011 rendu par le conseil de prud’hommes de [Localité 1],

Rejette la fin de non recevoir tirée de l’unicité de l’instance,

Condamne la SA SOCIÉTÉ D’HÔTELLERIE ET D’EXPLOITATION MARSEILLAISE (S.H.E.M. A.) à payer à Monsieur [G] [N] :

-20 000 € de dommages intérêts pour harcèlement moral,

-20 000 € de dommages intérêts pour discrimination syndicale,

-20 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de l’emploi,

-1663,68 € de rappel de salaire,

-163,36 € de congés payés sur rappel de salaire,

Condamne la SA SOCIÉTÉ D’HÔTELLERIE ET D’EXPLOITATION MARSEILLAISE (S.H.E.M. A.) aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Monsieur [G] [N] 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 17 décembre 2015, n° 14/20832