Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 17 octobre 2019, n° 18/15555

  • Assurances·
  • Provision·
  • Expert judiciaire·
  • Préjudice esthétique·
  • Consolidation·
  • Expertise·
  • Ordre des chirurgiens-dentistes·
  • Santé·
  • Devoir d'information·
  • Souffrances endurées

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 17 oct. 2019, n° 18/15555
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/15555
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, 10 septembre 2018, N° 18/833
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 17 OCTOBRE 2019

N° 2019/775

N° RG 18/15555

N° Portalis DBVB-V-B7C-BDD7E

X-H Z (MINEUR)

GAN ASSURANCES

C/

C Y

CPAM DU BAS RHIN

CENTRE DENTAIRE ROTONDE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me FICI

SCP MATHIEU

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance d’AIX EN PROVENCE en date du 11 Septembre 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/833.

APPELANTS

Monsieur X-H Z

[…]

[…]

GAN ASSURANCES SA

dont le siège social est sis […],

représentés et assistés par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au

barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉS

Madame C Y

née le […] à […],

demeurant Chez Monsieur D E – 3, rue X Giono

[…]

représentée et assistée par Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

CPAM DU BAS RHIN

Service contentieux recours contre tiers

dont le siège social est […]

non comparante

CENTRE DENTAIRE ROTONDE

dont le siège social est […]

[…]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 Septembre 2019 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, madame Virginie BROT, conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

madame Geneviève TOUVIER, présidente

madame Sylvie PEREZ, conseillère

madame Virginie BROT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : madame Caroline BURON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2019.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2019,

Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Des soins ont été réalisés sur Mme C Y par le docteur X-H Z, chirurgien dentiste, consistant en la pose de trois implants et de trois couronnes transitoires le 11 juin 2014 puis la pose de trois dents définitives le 18 novembre 2014.

Le 29 septembre 2015 était constatée une petite fistule sur la dent 21 de Mme C Y

Par ordonnance du 28 juin 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a désigné le docteur I-J B en qualité d’expert judiciaire.

Le rapport d’expertise médicale a été déposé le 7 novembre 2016.

Par ordonnance du 11 septembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a condamné la SA GAN ASSURANCES à payer une provision d’un montant de 15.000 euros ainsi que la somme de 550 euros au titre des frais irrépétibles à Mme Y.

Par déclaration reçue au greffe le 2 octobre 2018, la société GAN ASSURANCES et M. Z ont interjeté appel de cette décision.

Par leurs dernières conclusions transmises le 17 décembre 2018, ils demandent à la cour de :

— infirmer l’ordonnance déférée ;

Au principal,

— dire et juger qu’il existe une contestation sérieuse relative à la demande d’indemnisation de Mme Y ;

— rejeter la demande de provision de Mme Y ;

Au subsidiaire,

— dire et juger que la société GAN paiera à Mme Y les sommes ci-après énoncées:

—  3.405.96 euros au titre de la prise en charge des soins des docteurs BENEJAM et LAVENANT;

—  490 euros au titre de la perte de gain ;

—  1.800 euros au titre des souffrances endurées ;

—  300 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

— condamner Mme Y à payerà la société GAN la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Isabelle FICI de MICHERI.

Les appelants font valoir de nombreuses contestations sérieuses :

1- le rapport d’expertise du docteur A précise que le déficit fonctionnel permanent est à évaluer après consolidation. Par conséquent, l’état de santé de Mme Y n’est pas consolidé;

2 – les conclusions du rapport d’expertise sont contestables tout comme la proposition d’indemnisation car, contrairement à ce qu’affirme l’expert, des clichés radiographiques ont bien été réalisés ; de même, les trois couronnes sont solidarisées, et il n’est pas possible que la couronne centrale se soit soulevée. En effet, un pilier PROCERA, comme c’est le cas en l’espèce, a une connexion interne trilobe et ne peut pas se visser de travers. Si un des piliers n’est pas en place, les trois coiffes zircone céramique ne peuvent pas se mettre en place non plus. Le parcours de soins de Mme Y au sein du centre dentaire de la rotonde ne laisse pas de doutes quant au déroulement des faits, et notamment l’impossibilité pour la couronne centrale de se soulever;

3 – Mme Y sollicitait à l’origine une provision d’un montant de 4.500 euros alors qu’elle en réclame, dans son assignation du 7 juin 2018, 70.000 euros ce qui manque de sérieux.

Si par extraordinaire, la cour devait se prononcer sur l’indemnité provisionnelle accordée à Mme Y, il y aurait lieu de la ramener à de plus justes proportions. En tout état de cause, elle ne saurait dépasser les montants maximums susceptibles d’être alloués au regard des conclusions provisoires du rapport : en particulier, le remboursement des soins du docteur Z ne saurait être ordonné.

Par ses conclusions transmises le 8 janvier 2019, Mme Y demande à la cour de :

— confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance querellée ;

— débouter la société GAN ASSURANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— condamner la société GAN ASSURANCE au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Selon l’intimée, son droit à indemnisation est total et n’est pas sérieusement contestable en l’état du rapport d’expertise judiciaire et des nombreuses fautes commises par le docteur Z. Ce dernier ne s’est pas présenté aux opérations d’expertise.

La compagnie d’assurance GAN était représentée en la personne du docteur F G, lui-même expert judiciaire, qui n’a formulé aucune observation quant aux conclusions rendues par l’expert judiciaire dans son rapport définitif daté du 7 novembre 2016.

Elle ajoute que la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des chirurgiens-dentistes a rendu le 10 juillet 2017 une décision de condamnation du docteur Z reconnaissant son entière responsabilité au titre de son préjudice, décision dont il n’a d’ailleurs pas fait appel.

Sur le montant de la provision, elle expose que le montant de 15.000 euros alloué en première instance couvre tout juste les frais médicaux réalisés par le docteur Z, non conformes aux règles de l’art, et les frais futurs, sans compter les frais de justice engagés pour faire valoir sa qualité de victime.

Le centre dentaire ROTONDE, bien que règulièrement assigné par acte d’huissier du 30 novembre 2018 remis à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.

Par courrier du 7 janvier 2019, la CPAM du Bas-Rhin s’est bornée à indiquer qu’elle n’entendait pas intervenir dans la présente instance.

La clôture de la procédure a été fixée au 3 juillet 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de provision

' Sur les manquements du docteur Z aux règles de l’art et à son devoir d’information

En vertu de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique, le professionnel de santé n’est responsable des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute de sa part.

La preuve incombe au patient qui l’invoque.

Il s’agit de déterminer si d’évidence le docteur Z est susceptible d’engager sa responsabilité pour les soins apportés les 11 juin et 18 novembre 2014.

L’expert judiciaire relève que l’acte médical consistant en la pose d’un implant en position 21 était indiqué. En revanche, concernant les dents 11 et 22, le diagnostic d’extraction ne pouvait être posé avec certitude et d’autre part, les actes réalisés sur les dents 11 et 12 ont été réalisés sans la pose de champ opératoire. Le docteur B conclut que les soins ou actes médicaux n’ont pas été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale. Il ajoute que le docteur Z a par la suite effectué un mauvais serrage du pilier métallique de la dent 21 et qu’aucune radiographie post opératoire n’a été réalisée ce qui aurait permis de déceler ce défaut de serrage. Selon les termes de l’expert, 'ces maladresses ou autres défaillances sont de nature à caractériser une faute en relation de cause à effet direct et certaine avec le préjudice allégué'.

Pour répondre aux objections du docteur Z, non présent lors de la réunion d’expertise, le docteur B conteste l’analyse selon laquelle si un des pilier n’est pas en place, les trois coiffes zircone céramique ne peuvent pas se mettre en place. Selon lui, le pilier peut être bien positionné mais non vissé jusqu’au bout par la vis de connexion interne ce qui entraîne par la suite une désinsertion du pilier. Il confirme en tout état de cause que le problème se situe sur le mauvais serrage des piliers et non sur la structure elle-même.

Il ressort clairement du rapport de l’expert judiciaire que la fistule constatée en dent 21 est imputable aux soins concernés, ce que retient également la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des chirurgiens-dentistes de PACA pour prononcer à l’encontre du docteur Z une interdiction d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant deux mois. Ces constatations ne sont pas sérieusement contestées par les appelants.

Dans ces conditions, le manquement aux règles de l’art est suffisamment démontré.

S’agissant du prétendu manquement au devoir d’information du médecin prévu par l’article L.1111-2 du code de la santé, il sera relevé que l’expert judiciaire mentionne dans ses conclusions que 'la patiente n’a pas reçu une information préalable et suffisante sur les risques que lui faisaient courir l’intervention.' tout en notant ' Devis et consentement éclairé rédigés par le praticien et signés par la patiente'. En outre, il note en page 19 de son rapport, pour répondre aux dires du docteur Z, qu’ 'en ce qui concerne le consentement éclairé de la patiente, je n’avais pas les documents que vous me fournissez et je constate qu’effectivement un consentement éclairé a été transmis à la patiente. Votre présence au jour de l’expertise aurait évité cette situation.' Au regard de ces éléments, et quand bien même la chambre disciplinaire a retenu que le consentement ne peut être regardé comme recueilli dans des conditions suffisantes, il n’est pas démontré avec l’évidence requise en matière de référé que le praticien a commis un manquement à son devoir d’information. Ce débat relève du juge du fond.

' Sur les conséquences du manquement aux règles de l’art

Mme Y ne chiffre pas l’étendue de son préjudice poste par poste mais réclame une somme globale de 15.000 euros. Elle justifie cette somme par les frais déjà exposés pour régler le docteur Z et ceux à venir pour faire poser une prothèse définitive.

L’expert conclut à :

— l’absence de déficit fonctionnel temporaire, de préjudice esthétique, d’aide à domicile et à l’absence de préjudices permanents en l’absence de consolidation qui ne pourra intervenir que lorsque la prothèse définitive sera réalisée ;

— des souffrances endurées évaluées à 2/7 et un préjudice esthétique temporaire de 0,5 pendant un an.

Pour leur part, les appelants proposent d’évaluer de la manière suivante la provision non contestable qui peut être allouée si la responsabilité du praticien est retenue :

—  3.405.96 euros au titre de la prise en charge des soins des docteurs BENEJAM et LAVENANT;

—  490 euros au titre de la perte de gain ;

—  1.800 euros au titre des souffrances endurées ;

—  300 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

Enfin, aucun décompte de débours portant le cas échéant sur la perte de gain professionnels et les dépenses de santé actuelles n’est produit par la CPAM. Mme Y reste taisante sur ce point. Il est en outre constant que la consolidation de l’état de santé de cette dernière n’est pas acquise.

Toutefois, la cour n’est saisie que d’une demande de provision – et non d’une demande de liquidation du préjudice corporel à laquelle il ne pourrait en tout état de cause faire droit – et l’expert évalue d’ores et déjà des préjudices non soumis à recours et non conditionnés à la fixation de la date de consolidation.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments d’appréciation, le montant non contestable du préjudice subi par la patiente du docteur Z peut donc être raisonnablement fixé à la somme provisionnelle de 8.000 euros.

Sur les autres demandes

La SA GAN ASSURANCES, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme Y à hauteur de 1.500 euros mis à la charge de la société appelante.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a fixé à la somme de 15.000 euros le montant de la provision dûe par la SA GAN ASSURANCES ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SA GAN ASSURANCES à payer à Mme C Y la somme provisionnelle de 8.000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;

Rejette les demandes de la SA GAN ASSURANCES et de M. X-H Z ;

Condamne la SA GAN ASSURANCES à payer à Mme C Y la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA GAN ASSURANCES aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 17 octobre 2019, n° 18/15555