Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 1er juillet 2020, n° 19/06644

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-6, 1er juill. 2020, n° 19/06644
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/06644
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 24 février 2019, N° 18/01435
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2020

N° 2020/146

N° RG 19/06644

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEE4E

A X

C/

Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE

Compagnie d’assurances ARISA ASSURANCES (L)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

— SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

— SCP BBLM

— SELARL CORNET- LE BRUN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 25 Février 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/01435.

APPELANT

Monsieur A X

né le […] à TUNIS,

demeurant […]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

demeurant […]

représentée par Me Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE.

Compagnie d’assurances ARISA ASSURANCES (L)

Représentée par son mandataire la société AVUS,

demeurant […]

représentée par Me Philippe CORNET de la SELARL CORNET – LE BRUN, avocat au barreau de MARSEILLE.

*-*-*-*-*

Les parties ont indiqué expressément qu’elles acceptaient que l’affaire soit jugée selon la procédure sans audience prévue par l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 juillet 2020.

COMPOSITION DE LA COUR

La Cour lors du délibéré était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 juillet 2020,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 6 novembre 2015 M. A X a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par M. C D et assuré auprès de la société Arisa.

M. X a saisi le juge des référés qui par ordonnance du 14 juin 2017 a prescrit une mesure d’expertise confiée au docteur Y.

Par exploit du 23 janvier 2018 M. X a assigné la société Arisa et la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône (CPAM) devant le tribunal de grande instance de Marseille pour obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel.

Par jugement du 25 février 2019 cette juridiction a :

— condamné la société Arisa à indemniser M. X des conséquences dommageables de l’accident du 6 novembre 2015,

— évalué le préjudice corporel de M. X à la somme de 21'951,90 euros,

— constaté que M. X a été rempli dans ses droits par l’allocation de provisions à hauteur de 25'000 euros et qu’il a ainsi reçu un trop-perçu de 3 048,10 euros,

— condamné M. X à verser à la société Arisa avec intérêts au taux légal à compter du jugement la somme de 3 048,10 euros en remboursement de ce trop-perçu,

— condamné la société Arisa à payer à la CPAM avec intérêts au taux légal à compter de la demande

—  96'015,40 euros en remboursement des prestations versées à la victime

—  1 066 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale

—  500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Arisa à payer à M. X la somme de 1 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire,

— condamné la société Arisa aux dépens avec distraction.

Après avoir constaté que le droit à indemnisation de M. X n’était pas contesté le tribunal a détaillé et motivé ainsi qu’il suit son préjudice corporel :

— dépenses de santés actuelles : 24'973,76 euros correspondant à la créance de la CPAM

— frais divers : 600 euros au titre des honoraires d’assistance par médecin conseil (admis par les deux parties)

— assistance temporaire par tierce personne : 2 784 euros selon le volume horaire retenu par l’expert et un tarif horaire de 16 euros

— perte de gains professionnels actuels : 18'357,92 euros correspondant aux indemnités journalières versées par la CPAM

— dépenses de santé futures : 1 135,58 euros correspondant aux prévisions de la CPAM

— déficit fonctionnel temporaire : 5 067,90 euros sur une base journalière de 27 euros pour un déficit total

— souffrances endurées : 8 000 euros

— préjudice esthétique temporaire : 2 500 euros

— déficit fonctionnel permanent : évaluation à 24'500 euros ; imputation de la rente accident du travail versée par la CPAM soit 51'548,14 euros ; aucun solde pour la victime

— préjudice esthétique permanent : 3 000 euros

— préjudice sexuel : aucune somme, faute de preuve de ce poste de préjudice non expressément retenu par l’expert et non justifié par des pièces médicales.

Par déclaration du 18 avril 2019 M. X a interjeté appel de ce jugement en ce que son préjudice corporel a été évalué à la somme de 21'951,90 euros et en ce qu’il a été condamné à verser à la société Arisa la somme de 3 048,10 euros en remboursement du trop-perçu avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. X demande à la cour dans ses conclusions du 18 juillet 2019, en application de la loi du 5 juillet 1985 et de la loi de financement de la sécurité sociale du 21 décembre 2006, de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Arisa à l’indemniser des conséquences dommageables du fait accidentel dont s’agit,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Arisa à l’indemniser des sommes suivantes

—  600 euros au titre des honoraires du docteur Z, médecin recours

—  2 784 euros au titre de l’assistance temporaire par tierce personne

—  5 067,90 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

—  8 000 euros au titre des souffrances endurées

—  3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Arisa à lui payer la somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société Arisa au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire,

— réformer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande formulée au titre du préjudice sexuel,

statuant à nouveau

— fixer l’indemnisation de son préjudice esthétique temporaire à la somme de 5 500 euros,

— fixer l’indemnisation de son préjudice sexuel à la somme de 15'000 euros,

— condamner la société Arisa au paiement de la somme de 14'951,90 euros déduction faite de l’indemnité provisionnelle judiciairement allouée d’un montant de 25'000 euros au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel,

— condamner la société Arisa au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Arisa aux dépens de première instance et d’appel ces derniers avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Il soutient que :

— sur le préjudice esthétique temporaire : ce poste a été sous-évalué compte tenu de l’aspect particulièrement disgracieux des séquelles temporaires et de leur localisation notamment au niveau de la face et du trouble qu’il a ressenti dans son rapport envers autrui,

— sur le préjudice sexuel : l’expert a indiqué 'Monsieur X A évoque un préjudice sexuel du fait d’un renfermement sur lui-même' ; il a constaté une baisse de sa libido et ses déclarations sont corroborées par l’attestation de son épouse.

La société Arisa demande à la cour dans ses conclusions du 15 octobre 2019, en application de la loi du 5 juillet 1985, de :

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions et notamment ce qu’il a condamné M. X à lui verser avec intérêts au taux légal à compter du jugement la somme de 3 048,10 euros en remboursement du trop-perçu,

— débouter M. X de sa demande formulée au titre du préjudice sexuel,

— condamner M. X à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux dépens.

Elle fait valoir que :

— sur le préjudice esthétique temporaire : l’apparence altérée au regard des tiers de manière temporaire est déjà indemnisée dans le cadre des souffrances endurées et la demande de M. X sur ce poste de préjudice est disproportionnée,

— sur le préjudice sexuel : l’expert n’a pas noté d’atteinte à la fonction érectile ni d’atteinte organique génitale et n’a pas expressément retenu un préjudice sexuel ; en outre aucune pièce médicale circonstanciée ne vient démontrer l’existence de troubles ; l’attestation de l’épouse de la victime, eu égard à leurs relations est peu probante et il est permis de penser que si M. X souffrait d’un préjudice d’ordre sexuel caractérisé par une difficulté psychique il aurait probablement entamé un suivi psychiatrique ce qui n’est pas démontré par des pièces médicales ; enfin la somme sollicitée est excessive.

La CPAM demande à la cour dans ses conclusions du 4 octobre 2019, en application de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a

— condamné la société Arisa à indemniser M. X des conséquences dommageables de l’accident du 6 novembre 2015

— condamné la société Arisa à lui verser avec intérêts au taux légal à compter de la demande

—  96'015,40 euros en remboursement des prestations versées à la victime

—  1 066 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale

—  500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau

— condamner la société Arisa à verser la somme de 1 080 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de l’article L. 376-1 alinéa du 9 du code de la sécurité sociale,

— condamner la société Arisa à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Arisa aux dépens de l’instance avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’indemnisation

Le droit intégral à indemnisation de M. X et l’évaluation des postes de préjudice correspondant aux dépenses de santé actuelles, frais divers (honoraires d’assistance à expertise), assistance temporaire par tierce personne, perte de gains professionnels actuels (indemnités journalières), dépenses de santé futures, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, déficit fonctionnel permanent et préjudice esthétique permanent ne sont pas contestés devant la cour ; le jugement doit en conséquence être confirmé sur ces différents points et sur les débours de la CPAM.

Les postes de dommage restant en litige sont le préjudice esthétique temporaire et le préjudice sexuel.

Il résulte du rapport d’expertise du docteur Y en date du 11 décembre 2017 que M. X a subi un traumatisme facial avec de multiples fractures notamment de l’orbite et du maxillaire gauches et la perte de dents, qui a justifié diverses interventions chirurgicales, impactant temporairement l’apparence physique et a entraîné jusqu’au 10 juin 2016 l’adoption par M. X d’ une importante attitude compensatoire vicieuse de la tête, tournée à gauche, pour compenser la vision binoculaire très perturbée ; ces éléments ont amené l’expert à retenir un préjudice esthétique temporaire de 3/7 pendant trois mois puis de 2/7 jusqu’à la consolidation du 31 mars 2017 et justifient l’indemnité de 5 500 euros sollicitée par M. X.

L’expert a noté que M. X a évoqué 'un préjudice sexuel du fait d’un renfermement sur lui-même' et ce dernier a produit aux débats une attestation de son épouse déplorant que sa vie sexuelle avec M. X qui était riche et féconde avant l’accident

s’est tarie après celui-ci, M. X ne manifestant plus de désir et se renfermant sur lui-même ; il est ainsi démontré que M. X subit du fait de l’accident et après la consolidation de son état un préjudice sexuel qui doit être indemnisé à hauteur de 5 000 euros.

Il résulte de ces évaluations que le préjudice corporel global de M. X s’élève à 125 967,30 euros euros soit après imputation des débours de la CPAM une somme de 29 951,90 euros lui revenant provision de 25 000 euros non déduite, ce qui correspond à une somme de 4 951,90 euros après imputation de cette provision ; le jugement doit être infirmé sur le montant des sommes revenant à M. X en ce que celui-ci a été condamné à verser à la société Arisa la somme de 3 048,10 euros.

Sur l’indemnité forfaitaire de gestion de la CPAM

Aux termes de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale en contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement des prestations mises à sa charge, la caisse d’assurance maladie à laquelle est affiliée la victime recouvre une indemnité forfaitaire de gestion, d’un montant en l’espèce de 1 080 euros, à la charge du responsable au profit de l’organisme national d’assurance maladie ; cette indemnité forfaitaire de gestion ne peut être allouée qu’une seule fois de sorte que le jugement doit être infirmé sur ce point et que l’indemnité forfaitaire de gestion doit être porée à 1 080 euros.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Arisa qui succombe et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d’appel avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité commande d’allouer à M. X une indemnité de 2 000 euros et à la CPAM une indemnité de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et le rejet de la demande de la société Arisa formulée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

— Infirme le jugement sur l’évaluation des postes de préjudice esthétique temporaire et de préjudice sexuel, sur le montant de l’indemnisation de M. A X et les sommes lui revenant, sur la condamnation de M. A X à verser à la société Arisa la somme de 3 048,10 euros en remboursement d’un trop-perçu avec les intérêts légaux à compter du jugement et sur le montant de l’indemnité forfaitaire de gestion de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

— Fixe le préjudice corporel global de M. A X à la somme de 125 967,30 euros

— Dit que l’indemnité revenant à cette victime s’établit à 29 951,90 euros,

— Condamne la société Arisa à payer à M. A X

* 4 951,90 euros, en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la provision de 25 000 euros précédemment versée

* 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

— Condamne la société Arisa à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône * 1 080 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale

* 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

— Condamne la société Arisa aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier Le président

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