Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 7 février 2020, n° 16/21952

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-2, 7 févr. 2020, n° 16/21952
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 16/21952
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, 21 novembre 2016, N° F15/00968
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 07 FEVRIER 2020

N° 2020/

Rôle N° RG 16/21952 – N° Portalis DBVB-V-B7A-7VYR

X Y

C/

SAS TECHNOLOGIA

Copie exécutoire délivrée

le : 10/02/2020

à :

Me Stéphanie BAGNIS de la SELARL SELARL BAGNIS DURAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Jean patrice IMPERIALI, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 22 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° F 15/00968.

APPELANTE

Madame X Y

de nationalité Française, demeurant […]

représentée par Me Stéphanie BAGNIS de la SELARL SELARL BAGNIS DURAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS TECHNOLOGIA, demeurant […]

représentée par Me Jean patrice IMPERIALI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 18 Décembre 2019 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à

l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Février 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Février 2020,

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Madame Harmonie VIDAL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS TECHNOLOGIA exploite une activité de cabinet d’évaluation et de prévention des risques professionnels tant physiques que psychosociaux. Mme X Y s’est présentée à la SAS TECHNOLOGIA le 22 juillet 2009 afin de solliciter une collaboration dans les termes suivants qu’il convient de citer pour permettre de mieux cerner l’activité de la salariée : « Je connais votre entreprise pour la côtoyer sur les mêmes marchés et développer les mêmes prestations. J’ai créé sur la région PACA de nombreux contacts de haut niveau avec les DRH de grandes entreprises (500/5000 personnes) pour promouvoir des actions de prévention et de gestion des RPS. Je vous propose cette expérience pour implanter et développer votre structure sur une région que je connais bien pour y avoir créé de nombreuses activités. Directrice opérationnelle dans l’activité de service et de conseil aux entreprises, j’ai créé ex nihilo des centres de profit. Mon expérience et mes réalisations cristallisées sur la gestion des ressources humaines s’articulent autour de 3 axes essentiels : le développement commercial, le management, la gestion. Passionnée par le management et le développement économique, j’ai acquis les certitudes liées à la nécessité d’un environnement favorable à l’animation RH, facteur clé de la réussite des entreprises dans un environnement concurrentiel où seul le potentiel humain fait la différence et joue l’avantage concurrentiel. Professionnelle de la gestion RH, je suis avec attention les études et les orientations qui se dessinent concernant ces problématiques sociales. Manager dans un centre de formation de psychothérapeutes intervenants dans les problématiques somato psychiques, j’ai enrichi mes connaissances auprès des équipes pédagogiques avec lesquelles j’ai créé des programmes à visée managériale (Gestion du stress, Développement de l’Ecoute'). J’ai également longuement travaillé sur le concept de conciergerie d’entreprises dont l’objectif est d’alléger les problématiques individuelles pour renforcer la présence, la créativité et l’efficacité au travail. Doté d’une double culture Ressource Humaine / Développement économique, créative et efficace, je vous propose mes compétences et mon expérience, mes connaissances pluridisciplinaires et mon expertise de la relation travail au sein des organisations pour développer votre offre. Les relations commerciales capitalisées dans les RPS me paraissent être un avantage concurrentiel intéressant pour développer vos actions et vous assurez ainsi d’un challenge maîtrisé. »

La SAS TECHNOLOGIA a embauché Mme X Y en qualité de consultante, statut cadre, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité du 29 septembre 2009 au 10 juin 2015 soit aux termes des contrats produits :

• du 29 septembre au 30 novembre 2009 chez le client Nespresso pour 9 jours d’intervention, la mission ayant été exécutée l’après-midi du 29 septembre 2009 puis celle du 10 décembre 2009, du 14 au 16 décembre 2009, le 22 décembre 2009, du 6 au 8 janvier 2010, le 31 mars 2010 et le 2 avril 2010 ;

• du 9 novembre au 31 décembre 2009 chez le client Pôle Emploi Languedoc Roussillon pour 12 jours d’intervention, la mission ayant été exécutée le 9 novembre 2009, les 12 et 13 novembre 2009, les 17 et 18 novembre 2009, les 24 et 25 novembre 2009, du 7 au 9 décembre 2009, le 20 janvier 2010, le matin du 8 février 2010 ;

• du 23 novembre 2009 au 31 janvier 2010 chez le client France Télécom Rhône Durance pour 12 jours d’intervention, mission prolongée d’un jour par contrat du 1er mars 2010 puis encore d’un jour par contrat du 26 mars 2010 ;

• du 16 février au 31 mars 2010 chez le client ALCAN usine d’Issoire pour 15 jours d’intervention, mission prolongée de 3,5 jours par contrat du 16 mars 2010 ;

• du 20 avril au 31 mai 2010 chez le client FRANCE TELECOM Paris pour 10 jours d’intervention, mission prolongée de 4 jours par contrat du 9 juin 2010 ;

• du 5 mai au 31 juillet 2010 chez le client DYNEFF pour 10 jours d’intervention, mission prolongée de 2 jours par contrat du 7 octobre 2010 ;

• du 25 juin au 30 septembre 2010 chez le client UNILEVER FRANCE SIEGE pour 20 jours d’intervention ;

• du 29 juin au 31 août 2010 chez le client AIR FRANCE DGI SUD pour 12 jours d’intervention, mission prolongée de 2 jours par contrat du 7 octobre 2010 ;

• du 24 septembre au 15 novembre 2010 chez le client Pôle Emploi Languedoc Roussillon pour 10 jours d’intervention ;

• du 7 octobre au 31 décembre 2010 chez le client Pôle Emploi Bourgogne pour 8,5 jours d’intervention ;

• du 7 au 31 octobre 2010 chez le client ISOVER pour un jour d’intervention, mission prolongée de 8 jours par contrat du 14 octobre 2010 ;

• du 21 octobre au 31 décembre 2010 chez le client AUCHAN LE PONTET pour 15 jours d’intervention ;

• du 20 octobre 2010 au 30 novembre 2010 chez le client COCA-COLA usine Marseille La Gavotte pour 10 jours d’intervention ;

• du 23 novembre au 31 décembre 2010 chez le client COCA-COLA Les Pennes Mirabeau pour 9 jours d’intervention, mission prolongée de 2 jours par contrat du 26 janvier 2011 ;

• du 23 novembre au 31 décembre 2010 chez le client AFPA Drôme Ardèche pour 9 jours d’intervention ;

• du 24 décembre 2010 au 28 février 2011 chez le client FRALIB SOURCING UNIT pour 10 jours d’intervention, mission prolongée de 1,5 jours par contrat du 27 décembre 2010 ;

• du 28 janvier au 31 mars 2011 chez le client INTERMARCHE base de Gourmay pour 12 jours d’intervention ;

• du 9 février au 30 avril 2011 chez le client ALDI MARCHE pour 15 jours d’intervention ;

• du 16 mars au 30 avril 2011 chez le client CHRU MONTPELLIER pour 10 jours d’intervention, mission prolongée de 4 jours par contrat du 3 mai 2011 ;

• du 26 avril au 30 juin 2011 chez le client CH CANNES pour 15 jours d’intervention ;

• du 26 avril au 30 juin 2011 chez le client FRALIB SOURCING UNIT pour 11 jours d’intervention ;

• du 21 juin au 31 juillet 2011 chez le client STUDEC pour 10 jours d’intervention ;

• du 26 juillet au 31 août 2011 chez le client LA TRIBUNE pour 8 jours d’intervention ;

• du 27 juillet au 30 septembre 2011 chez le client PAGES JAUNES Sèvres pour 16 jours d’intervention ;

• du 25 août au 15 octobre 2011 chez le client URSAFF Auvergne pour 11 jours d’intervention ;

• du 28 septembre au 30 novembre 2011 chez le client BULL SAS Marseille pour 10 jours d’intervention ;

• du 6 octobre au 31 décembre 2011 chez le client AGPM pour 19 jours d’intervention, mission prolongée de 2,5 jours suivant contrat du 28 octobre 2011 ;

• du 8 octobre au 30 novembre 2011 chez le client HABITAT JEUNE pour 6 jours d’intervention ;

• du 8 novembre au 31 décembre 2011 chez le client AUCHAN Pérols pour 10 jours d’intervention ;

• du 11 janvier au 31 mars 2012 chez le client FRANCE 24 Issy-les-Moulineaux pour 13 jours d’intervention ;

• du 28 février au 29 février 2012 chez le client BULL SAS Marseille pour un jour d’intervention ;

• du 22 février au 30 avril 2012 chez le client SNI Sud-Est pour 15 jours d’intervention ;

• du 10 avril au 30 avril 2012 chez le client FRALIB SOURCING UNIT pour 9 jours d’intervention ;

• du 2 avril au 30 avril 2012 chez le client HABITAT JEUNE Lyon pour 5 jours d’intervention ;

• du 2 juillet au 31 juillet 2012 chez le client VITEMBAL pour 21 jours d’intervention ;

• du 23 août au 31 octobre 2012 chez le client MEDIAPOST SA Bourgogne Rhône-Alpes pour 14 jours d’intervention ;

• du 26 octobre au 30 novembre 2012 chez le client HOBART Marne-la-Vallée pour 12 jours d’intervention ;

• du 26 décembre 2012 au 25 janvier 2013 chez le client COCA-COLA ENTREPRISE Rhône-Alpes Auvergne pour 8 jours d’intervention ;

• du 26 décembre 2012 au 25 janvier 2013 chez le client COCA-COLA ENTREPRISE Sud-Est Les-Pennes-Mirabeau pour 8 jours d’intervention, mission prolongée d’un jour suivant contrat du 30 janvier 2013 ;

• du 30 janvier au 8 février 2013 chez le client HOBERT Marne-la-Vallée pour un jour d’intervention ;

• du 30 janvier au 28 février 2013 chez le client AMERICAN EXPRESS Rueil-Malmaison pour 14 jours d’intervention ;

• du 25 mars au 31 mars 2013 chez le client AEV pour 2 jours d’intervention ;

• du 22 mars au 12 avril 2013 chez le client MOUGUERRE PPDC BORD ADOUR pour 17 jours d’intervention, mission prolongée de 2 jours suivant contrat du 10 juin 2013 et de 0,5 jour par contrat du 18 novembre 2013 ;

• du 5 juillet au 9 août 2013 chez le client SPSE pour 15 jours d’intervention ;

• du 15 juillet au 30 août 2013 chez le client AUCHAN Pérols pour 13 jours d’intervention ;

• du 23 octobre au 22 novembre 2013 chez le client CORSAIR INTERNATIONAL Rungis pour 8,5 jours d’intervention, mission prolongée d’un jour par contrat du 2 décembre 2013 ;

• du 20 novembre au 20 décembre 2013 chez le client LA POSTE Pdc de Romans pour 13 jours d’intervention ;

• du 9 décembre 2013 au 31 janvier 2014 chez le client LA POSTE Pdc Saint-Chamond pour 13 jours d’intervention ;

• du 13 janvier au 14 février 2014 chez le client GALERIE LAFAYETTE Marseille Saint-Ferréol pour 12 jours d’intervention ;

• du 3 avril au 16 mai 2014 chez le client EHPAD DE SAINT AMBROIX pour 3,5 jours d’intervention ;

• du 13 juin au 15 août 2014 chez le client APPRENTIS D’AUTEUIL pour 20 jours d’intervention ;

• du 4 août au 1er septembre 2014 chez le client DISTRILAP pour 18 jours d’intervention ;

• du 8 octobre 2014 au 9 janvier 2015 chez le client LE MONDE INTERACTIF pour 11 jours d’intervention, mission prolongée de 2 jours suivant contrat du 8 décembre 2014 ;

• du 27 novembre 2014 au 30 janvier 2015 chez le client SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU MONDE pour 2 jours d’intervention ;

• du 17 décembre 2014 au 12 février 2015 chez le client GROUPE LE MONDE pour 5 jours d’intervention ;

• du 16 février au 25 mars 2015 chez le client EHPAD MATHA pour 8 jours d’intervention, mission prolongée de 6 jours par contrat du 10 mars 2015 ;

• du 7 avril au 30 avril 2015 chez le client APPRENTIS D’AUTEUIL pour 2 jours d’intervention, mission prolongée de 8 jours par contrat du 15 avril 2015 et encore de 2 jours suivant contrat du 1er mai 2015.

La salariée a fait valoir ses droits à la retraite courant mai 2012.

Sur une durée de 5 ans et 8 mois, la salariée a bénéficié aux termes des contrats produits de 9 + 12 + 12 + 1 + 1 + 15 + 3,5 + 10 + 4 + 10 + 20 + 12 + 2 + 10 + 8,5 + 1 + 8 + 15 + 10 + 9 + 2 + 9 + 10 + 1,5 + 12 + 15 + 10 + 4 + 15 + 11 + 10 + 8 + 16 + 11 + 10 + 19 + 2,5 + 6 + 10 + 13 + 1 + 15 + 9 + 5 + 21 + 14 + 12 + 8 + 8 + 1 + 1 + 14 + 2 + 17 + 2 + 0,5 + 15 + 13 + 8,5 + 1 + 13 + 13 + 12 + 3,5 + 20 + 18 + 11 +2 + 2 + 5 + 8 + 6 + 2 + 8 + 2 = 661,5 jours de mission soit une moyenne de 117 jours par an.

Les relations contractuelles des parties sont régies par les dispositions de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

L’employeur a proposé à la salariée un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mai 2015 portant sur 50 jours garantis par an qu’elle a refusé en considération de la faiblesse de l’activité proposée. La collaboration des parties a pris fin au 10 juin 2015 alors que la salariée était âgée de 63 ans.

Sollicitant notamment la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein et se plaignant dès lors d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, Mme X Y a saisi le 9 octobre 2015 le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 22 novembre 2016, a :

• condamné l’employeur à payer la somme de 500 € au titre du défaut d’entretien annuel individuel ;

• débouté la salariée du surplus de ses demandes ;

• condamné la salariée à payer la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles ;

• dit que chaque partie supportera ses dépens.

Cette décision a été notifiée le 2 décembre 2016 à Mme X Y qui en a interjeté appel suivant déclaration du 8 décembre 2016.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 28 novembre 2019 aux termes desquelles Mme X Y demande à la cour de :

• infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a reconnu l’absence d’entretien annuel individuel ;

• dire que les CDD qui se sont succédé tout au long de la relation contractuelle doivent être requalifiés en CDI ;

• dire que la rupture des relations contractuelles doit s’analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

• dire que le forfait en jours auquel elle était soumise est illicite et la clause de forfait de nul effet ;

• dire que le temps de travail doit être requalifié en temps de travail à temps complet ;

• dire qu’elle a été placée dans une situation de précarité et d’inégalité salariale ;

• dire qu’elle a été contrainte d’accomplir ses fonctions en mode « télétravail » ;

• dire que la rupture de la relation contractuelle a été vexatoire ;

• dire qu’elle n’a pas été remplie de ses droits au titre des salaires, congés payés afférents, préavis et congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement, tickets restaurant, primes vacances, primes d’intéressement, indemnité de départ à la retraite ;

• dire qu’elle n’a pas bénéficié des entretiens annuels individuels obligatoires ;

• dire que son salaire de référence était de 3 743,25 € ;

• condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

' 3 743,25 € à titre d’indemnité de requalification ;

'11 229,75 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

' 1 122,97 € au titre des congés payés y afférents ;

'22 459,50 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 5 146,95 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

'12 380,00 € au titre l’activité de télétravail imposée par l’employeur ;

' 3 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire ;

' 4 340,00 € au titre des tickets restaurant ;

' 2 412,69 € à titre de rappel de la prime de vacances calculée sur la base des salaires perçus durant les 5 dernières années ;

'66 795,18 € à titre de rappel de salaire ;

' 6 679,51 € au titre des congés payés y afférents ;

' 2 015,04 € à titre de rappel d’intéressement pour les années 2014 et 2015 ;

' 5 240,55 € au titre de l’indemnité de départ à la retraite ;

'3 743,25 € à titre d’indemnité pour défaut d’entretien individuel ;

'29 946,00 € en réparation du préjudice lié à l’illégalité de la relation professionnelle ainsi qu’à la précarité de l’emploi ayant conduit à la privation d’une bonification de retraite de 41 088,60 au titre de la retraite de base et 29 402,10 € au titre de la privation de la retraite complémentaire ;

' 1 070,04 € calculé sur 5 années du taux journalier au forfait erroné ;

• débouter l’employeur de toutes ses demandes ;

• ordonner la modification des documents de fin de contrats et leur remise dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé cette date ;

• condamner l’employeur à lui payer la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens, tant ceux de première instance que d’appel, distraits au profit de Maître Stéphanie BAGNIS, Avocat, sur son affirmation de droit.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 25 novembre 2019 aux termes desquelles la SAS TECHNOLOGIA demande à la cour de :

• confirmer le jugement entrepris, à l’exception de la condamnation au titre de l’entretien annuel individuel ;

• infirmer le jugement entrepris concernant la condamnation au titre de l’entretien annuel individuel, des frais irrépétibles et des dépens ;

• débouter la salariée de la totalité de ses demandes ;

• condamner la salariée à lui payer la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles.

Etant relevé que la société intimée invoque le bénéfice de la prescription dans le corps de ses écritures.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 29 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée

La salariée fait valoir que les contrats de travail à durée déterminée avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et elle sollicite dès lors leur requalification en un contrat de travail à durée indéterminée par application des dispositions de l’article L. 1242-1 du code du travail.

Sur la base de ce texte, l’action de la salariée n’a commencé à se prescrire qu’à compter de la fin des relations contractuelles soit à compter du 10 juin 2015. La prescription biennale n’était donc pas acquise à la saisine du conseil de prud’hommes le 9 octobre 2015. Mais la cour retient au vu des variations significatives du nombre de jours travaillés chaque année ainsi que des périodes inter-mission que la salariée n’a pas occupé durablement un emploi, même à temps partiel, dans l’entreprise.

La salariée reproche encore à l’employeur de ne pas justifier de l’accroissement temporaire d’activité visée à chacun des contrats. Si la prescription des actions en requalification pour défaut d’une mention obligatoire au contrat commence à courir dès la conclusion de chaque contrat de travail, l’action fondée sur la fausseté du motif ne commence à courir que lorsque le salarié à connu ou aurait dû connaître l’absence d’accroissement temporaire d’activité, c’est-à-dire au plus tard au terme de chaque contrat.

En conséquence, se trouvent prescrites les demandes de requalification des contrats dont le terme est antérieur au 9 octobre 2013. Par contre, ne sont pas prescrites les demandes de requalification concernant les contrats suivants :

• du 22 mars au 12 avril 2013 chez le client MOUGUERRE PPDC BORD ADOUR pour 17 jours d’intervention, mission prolongée de 2 jours suivant contrat du 10 juin 2013 et de 0,5 jour par contrat du 18 novembre 2013 ;

• du 23 octobre au 22 novembre 2013 chez le client CORSAIR INTERNATIONAL Rungis pour 8,5 jours d’intervention, mission prolongée d’un jour par contrat du 2 décembre 2013 ;

• du 20 novembre au 20 décembre 2013 chez le client LA POSTE Pdc de Romans pour 13 jours d’intervention ;

• du 9 décembre 2013 au 31 janvier 2014 chez le client LA POSTE Pdc Saint-Chamond pour 13 jours d’intervention ;

• du 13 janvier au 14 février 2014 chez le client GALERIE LAFAYETTE Marseille Saint-Ferréol pour 12 jours d’intervention ;

• du 3 avril au 16 mai 2014 chez le client EHPAD DE SAINT AMBROIX pour 11,5 jours d’intervention ;

• du 13 juin au 15 août 2014 chez le client APPRENTIS D’AUTEUIL pour 20 jours d’intervention ;

• du 4 août au 1er septembre 2014 chez le client DISTRILAP pour 18 jours d’intervention ;

• du 8 octobre 2014 au 9 janvier 2015 chez le client LE MONDE INTERACTIF pour 11 jours d’intervention, mission prolongée de 2 jours suivant contrat du 8 décembre 2014 ;

• du 27 novembre 2014 au 30 janvier 2015 chez le client SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU MONDE pour 2 jours d’intervention ;

• du 17 décembre 2014 au 12 février 2015 chez le client GROUPE LE MONDE pour 5 jours d’intervention ;

• du 16 février au 25 mars 2015 chez le client EHPAD MATHA pour 8 jours d’intervention, mission prolongée de 6 jours par contrat du 10 mars 2015 ;

• du 7 avril au 30 avril 2015 chez le client APPRENTIS D’AUTEUIL pour 2 jours d’intervention, mission prolongée de 8 jours par contrat du 15 avril 2015 et encore de 2 jours suivant contrat du 1er mai 2015.

L’employeur répond à la demande de requalification que les contrats à durée déterminée ont été conclus pour faire face à une augmentation temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise, laquelle augmentation n’a pas besoin d’être exceptionnelle ou accidentelle pour justifier le recours à de tels contrats de travail. Il explique qu’il n’est pas en mesure de prévoir le nombre des missions qui vont lui être confiées alors même que certains CHSCT le saisissent dans des situations d’urgence. Il ajoute qu’il emploie environ 60 consultants suivant contrats de travail à durée indéterminée qui travaillent en équipe composée au minimum de deux personnes, un responsable de mission et un consultant terrain, et qu’il lui est nécessaire de faire appel à des embauches suivant contrats de travail à durée déterminée pour faire face à certaines missions.

La cour retient que l’employeur justifie, compte tenu de la spécificité de son activité ainsi que de son organisation, que chaque contrat de travail à durée déterminée a bien été conclu pour faire face à une augmentation temporaire de l’activité liée précisément à la mission à laquelle devait participer la salariée. Les importantes périodes inter-mission permettent de vérifier le caractère temporaire de cette augmentation d’activité.

La salariée sollicite encore la requalification des contrats de travail à durée déterminée en raison de la violation du délai de carence. Mais pour retenir une absence de délai de carence, elle se fonde non sur les jours effectivement travaillés mais sur la plage d’exécution de la mission qui ne correspond nullement à l’exécution effective du travail comme il a été montré à titre d’exemple concernant les deux premiers contrats lors de l’exposé des faits. Ainsi, au vu des seuls éléments produits, les missions étant elle-même fragmentées, il apparaît que le délai de carence légal a bien été respecté.

Enfin, la salariée sollicite la requalification du contrat de travail à durée déterminée concernant l’EHPAD SAINT AMBROIX du 3 février 2014 pour une mission de 8 jours et du contrat du 20 février 2014 concernant le client EADS ASTRIUM pour 20 jours d’intervention au motif que l’employeur ne produit pas ces deux contrats écrits.

La cour retient, concernant le client EHPAD SAINT AMBROIX, que deux contrats de travail sont produits et que la salariée ne justifie pas du nombre de jours effectivement travaillés ne produisant qu’un état déclaratif qui n’est pas visé par l’employeur. Concernant un éventuel contrat EADS ASTRIUM, la salariée fait valoir qu’elle a exécuté une mission de 20 jours aux MUREAUX dans une équipe de 12 consultants, mais elle produit des billets d’avion MARSEILLE TOULOUSE MARSEILLE et TOULOUSE ORLY et ORLY MARSEILLE et aucun document qu’elle aurait rédigé au cours de cette mission. Dès lors, elle ne prouve nullement avoir été employée durant 20 jours sans contrat de travail. En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée

indéterminée.

Dès lors la salariée sera aussi déboutée de ses demandes d’indemnité de requalification, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire, d’indemnité de départ à la retraite et de dommages et intérêts à raison de l’illégalité de la relation professionnelle ainsi que de la précarité de l’emploi ayant conduit à la privation d’une bonification de retraite de base et complémentaire.

2/ Sur le télétravail

La salariée sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 12 380 € au titre l’activité de télétravail imposée par l’employeur en expliquant qu’elle était contrainte de travailler chez elle. Elle justifie la somme réclamée par l’achat et la maintenance de son matériel informatique ainsi que par le coût des télécommunications et l’occupation d’une partie de son domicile.

Mais il apparaît que la salariée travaillait principalement dans les entreprises clientes où elle exerçait ses missions et qu’elle pouvait de plus se rendre dans un espace de travail partagé entièrement équipé à Marseille, là même où étaient organisées les réunions auxquelles elle participait. Ainsi, l’employeur a bien mis à la disposition de la salariée les moyens d’accomplir la prestation de travail qui ne s’exécutait nullement sous le régime du télétravail mais uniquement sous un statut d’autonomie partielle qui permettait à la salariée de faire le choix de rédiger à son domicile. En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande de remboursement des frais exposés en raison d’un télétravail.

3/ Sur les tickets restaurant

La salariée réclame la somme de 4 340,00 € au titre des tickets restaurant soit 4,25 € par ticket x 217 jours de travail x 5 ans. Mais la salariée ne travaillait nullement 217 jours par an et l’employeur justifie de ce que ses frais de repas étaient pris en charge sur la base des notes de frais qu’elle présentait. En conséquence, la salariée sera déboutée de ce chef de demande.

4/ Sur les forfaits en jours

La salariée fait valoir que les forfaits en jours prévus à chaque contrat de travail à durée déterminée sont nuls et ainsi qu’elle devait bénéficier d’un emploi à temps complet. Elle sollicite la somme de 66 795,18 € à titre de rappel de salaire outre celle de 6 679,51 € au titre des congés payés y afférents. De plus la salariée sollicite la somme de 3 743,25 € à titre d’indemnité pour défaut d’entretien annuel individuel ainsi que celle de 1 070,04 € en raison d’un calcul sur 5 années d’un taux journalier au forfait erroné et la somme de 2 015,04 € à titre de rappel d’intéressement pour les années 2014 et 2015.

L’employeur répond que la salariée n’était nullement employée à temps partiel mais suivant des conventions de forfait en jours durant chacune de ses missions, chaque contrat précisant la nature du forfait, le nombre de jours de travail ainsi que la rémunération forfaitaire correspondante. Il produit l’accord d’entreprise du 28 décembre 2009 relatif au forfait en jours dont il justifie de la publicité et il ne prévaut pas de la convention collective. L’employeur soutient que la salariée, dans le cadre de l’organisation de ses missions, était régulièrement informée de ses interventions et qu’ainsi elle pouvait organiser son activité.

La cour retient que chacun des contrats de travail à durée déterminée fonde le forfait en jours sur l’accord d’entreprise et non sur la convention collective et qu’ainsi il n’y a pas lieu d’annuler les forfaits en jours qui respectent bien les prescriptions légales relatives à la santé et à la sécurité au travail ainsi qu’à la prise en compte de l’impact de ce type d’organisation sur la vie privée du salarié, dès lors que la salariée, cadre effectuant de courtes missions précises, au maximum de 20 jours et

souvent bien plus courtes, négociait avec ses collègues et le client ses jours d’intervention effective et répartissait plus librement ses jours de rédaction. Compte tenu à la fois de la très courte durée des contrats et d’une moyenne annuelle de 117 jours travaillés par an, les dispositions relatives à la durée annuelle du travail en jours sont dénuées de pertinence dans le cas d’espèce tout autant que l’obligation d’organiser un entretien annuel individuel. De plus, il n’apparaît pas que le taux journalier retenu contractuellement par les parties ait été erroné, ni au titre de l’égalité salariale ni à celui des minima conventionnels. En conséquence, la salariée sera déboutée de l’ensemble de ses demandes relatives aux forfaits en jours.

5/ Sur la prime de vacances

La salariée réclame la somme de 2 412,69 € à titre de rappel de la prime de vacances calculée sur la base des salaires perçus durant les 5 dernières années.

L’article 31 de la convention collective prévoit un prime de vacances de 10 % des indemnités congés payés et, par avis du 19 mars 1990, la commission paritaire d’interprétation de la convention collective a retenu que l’employeur pouvait partager la prime de vacances selon trois modalités, diviser le 10e global par le nombre de salariés et procéder à une répartition égalitaire, procéder à une répartition au prorata des salaires avec une majoration pour enfants à charge, ou majorer de 10 % l’indemnité de congés payés de chaque salarié.

L’employeur ne justifie d’aucune modalité d’attribution concernant la salariée employée suivant contrats de travail à durée déterminée alors qu’il ne conteste pas qu’il servait bien une prime de vacances aux salariés bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée. Aussi il apparaît qu’il a manqué à son obligation de faire bénéficier la salariée d’une prime de vacances. Dans les limites de la prescription et compte tenu des contrats de travail à durée déterminée qui ont été listés, il sera alloué à la salariée une somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts de ce chef.

6/ Sur les autres demandes

Il convient d’allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur supportera les dépens de première instance et d’appel, distraits au profit de Maître Stéphanie BAGNIS, Avocat, sur son affirmation de droit.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS TECHNOLOGIA à payer à Mme X Y la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement de la prime de vacances.

Déboute Mme X Y de ses autres demandes.

Condamne la SAS TECHNOLOGIA à payer à Mme X Y la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Condamne la SAS TECHNOLOGIA aux dépens de première instance et d’appel, distraits au profit de Maître Stéphanie BAGNIS, Avocat, sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 7 février 2020, n° 16/21952