Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 4 juin 2021, n° 20/05041

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-8, 4 juin 2021, n° 20/05041
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 20/05041
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 24 avril 2019, N° 19/1598
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUIN 2021

N°2021/.

Rôle N° RG 20/05041 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BF3LI

S.A.S. KFC FRANCE

C/

URSSAF PACA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me François LIVERNET-

D’ANGELIS

-

URSSAF PACA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 25 Avril 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 19/1598.

APPELANTE

S.A.S. KFC FRANCE, demeurant […]

représentée par Me François LIVERNET-D’ANGELIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF PACA, demeurant […]

représenté par M. Z A, B C, en vertu d’un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 20 Avril 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Laura BAYOL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2021.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2021

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par correspondances reçues les 16 avril 2012 et 22 janvier 2015 au secrétariat-greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, la SAS KFC France a saisi la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale aux fins de contester la décision implicite puis explicite de rejet de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA adoptée le 23 juillet 2014 qui a confirmé le bien fondé du redressement opéré par lettre d’observations du 29 juillet 2011 ayant donné lieu à mise en demeure délivrée le 16 décembre 2011 pour un montant de 1 055 310 euros.

Suivant jugement du 29 juin 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, entendant souligner n’être pas tenu par la décision prise par une formation correctionnelle de juridiction de l’ordre judiciaire, a fait droit à la demande de prorogation du sursis à statuer décidé le 18 mars 2016 concomitamment à l’irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité posée, et à la jonction des deux recours introduits par la personne morale de droit commercial concernée, en prononçant sursis à statuer sur le sort du litige dans l’attente de la décision de la Cour d’appel de Versailles prise en sa 9e chambre sur le contentieux de nature pénale mettant en cause quatre membres de comité d’entreprise de la SAS KFC France, avant de dire que l’instance suspendue sera reprise en lecture de la décision de la juridiction du second degré et sous réserve de certificat de non pourvoi, à l’initiative de la partie la plus diligente.

Par jugement du 25 avril 2019, le tribunal de grande instance de Marseille, remplaçant le tribunal saisi, a :

— débouté la SAS KFC France de ses demandes et prétentions dans le cadre du présent recours s’agissant des chefs de redressement portant en lecture de la lettre d’observations du 29 juillet 2011 les numéros d’ordre 7 à 11 concernant au sein du Comité d’Entreprise de la SAS KFC France la fixation forfaitaire de l’assiette, les frais professionnels, le prêt non récupéré, l’avantage en nature véhicule pour MM. X et Y, ainsi que l’avantage en nature NTIC, ainsi que le numéro d’ordre 22 concernant la réduction salariale pour heures complémentaires, à l’issue d’une procédure de contrôle diligentée par l’Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales dite URSSAF des Bouches du Rhône devenue l’URSSAF PACA et portant sur la période écoulée du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 au titre de la sécurité sociale;

— fait droit à la requête de la SAS KFC France sur la contestation de la décision du 22 novembre

2011 refusant la demande de crédit présentée auprès de l’organisme de recouvrement à hauteur de 762 219 euros concernant la réduction générale de cotisations dite « Fillon » au titre de la période contrôlée s’étendant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 ;

— débouté les parties de l’ensemble de leurs prétentions plus amples ou contraires ;

— dit n’y avoir lieu à statuer sur les dépens ;

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte adressé le 29 mai 2019, la SAS KFC France a interjeté appel de cette décision.

L’affaire était radiée pour défaut de diligence des parties le 11 décembre 2019 pour être ré-inscrite à la demande de SAS KFC France le 8 janvier 2020.

Par conclusions déposées et développées oralement à l’audience, la SAS KFC France demande à la cour d’infirmer le jugement rendu le 25 avril 2019 par le Pôle social du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes relatives à la contestation des chefs de redressement (numéros d’ordre 7 à 11 et 22) et de sa demande de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau, elle sollicite :

— l’annulation de la décision du 28 novembre 2014 de la Commission de Recours Amiable en ce qu’elle a refusé de faire droit à la demande de la société KFC France d’annuler la mise en demeure et l’ensemble du redressement notifiés par l’URSSAF PACA;

— la condamnation l’URSSAF PACA à rembourser à la société KFC France la somme de 762.219 euros concernant la réduction de cotisations dite « Fillon » au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, sans préjudice des intérêts de retard ;

— la condamnation l’URSSAF PACA au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile concernant la première instance et la même somme pour la procédure d’appel.

Concernant les points 7 à 11 et 22 :

Sur la forme : Elle conteste la validité de la mise en demeure notifiée en raison de l’irrégularité des opérations de contrôle et du non-respect du principe du contradictoire (absence de communication des bases exactes du redressement relatif au comité d’entreprise).

Sur le fond :

Concernant les points 7 à 11 relatifs aux comptes du comité d’entreprise :

— Elle soutient, au visa de l’article L.2325-1 du code du travail, que le comité d’entreprise est une entité distincte de la société KFC France et considère qu’il serait contraire au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques que la société KFC France puisse être tenue débitrice de

cotisations liées à des dépenses engagées par un tiers et sur lesquelles elle n’a aucune maîtrise.

— Elle soutient avoir tout fait pour établir les comptes du comité d’entreprise (demande, réitération de demande, proposition d’aide du comptable de KFC au comité d’entreprise).

— Elle considère que les modalités d’évaluation du redressement sont irrégulières, au visa de l’article L.242-1 al 1 du code de sécurité sociale. Se fondant sur la circulaire du 7 janvier 2013, elle rappelle que les avantages en nature autres que la nourriture, le logement, le véhicule et les outils issus des nouvelles technologies sont évalués d’après leur valeur réelle, c’est à dire sur la base de l’économie réelle des salariés en bénéficiant. Elle reproche le rejet de cet argumentaire pour les points n°7 à 9 et la conversion de sommes 'nettes’ en 'brut’ appliquée par l’URSSAF, soutenant que cette méthode aboutit à fixer une assiette de cotisation supérieure à l’économie réelle réalisée par le salarié.

— Elle nie l’absence de contestation de l’assiette retenue dans le cadre de la mise en oeuvre de la taxation forfaitaire, faute pour elle de connaître les critères permettant de fixer l’assiette.

— Visant la jurisprudence, elle se prévaut de l’absence d’action récursoire contre le comité d’entreprise. Elle expose que, suite à la condamnation au pénal et au civil des anciens membres du comité d’entreprise au paiement de la somme de 233.938 suros, le comité d’entreprise a décidé d’annuler la quasi-totalité de cette créance, décision à laquelle elle ne pouvait s’opposer juridiquement. Elle explique également le projet de mise en franchise, lequel aboutit à l’impossibilité de recouvrer auprès du comité d’entreprise des sommes dues au titre du redressement.

Concernant le point 22 relatif aux exonérations de cotisations pour certaines heures complémentaires :

Au visa de l’article L.241-17 du code de la sécurité sociale, elle soutient, à titre principal, que l’URSSAF ne démontre pas que la non-inscription du plafond d’heures complémentaires dans les contrats de travail fait obstacle au bénéfice du régime de réduction de cotisations sur les heures complémentaires.

Se fondant sur la circulaire du 1er octobre 2007 et l’avenant du 13 novembre 1998 à la convention de la restauration rapide, elle estime pouvoir se prévaloir d’une exonération des heures complémentaires effectuées entre 10 % et 20 % de la durée contractuelle de travail.

A titre subsidiaire, elle soutient que l’URSSAF a pratiqué un redressement sur les heures complémentaires comprises à l’intérieur des limites légales et conventionnelles, contrairement aux règles applicables en la matière, quand bien même les contrats de travail ne prévoyaient pas tous la limite de 20 %.

A titre infiniment subsidiaire, elle soutient que l’URSSAF a pratiqué un redressement sans individualiser.

Elle conclut à l’annulation de ce chef de redressement.

Sur la demande de remboursement relative à la réduction dite 'Fillon’ :

— Elle se prévaut de la circulaire ministérielle du 5 février 2008, opposable à l’URSSAF et ayant valeur C et donc de l’exclusion du salaire mensuel brut des primes de coupure.

Elle souligne la différence de pratique appliquée à son concurrent, Mc Donald.

Elle conclut à la condamnation de l’URSSAF à lui rembourser la somme de 73.836 euros au titre de la réduction Fillon relative à l’exclusion de la rémunération des temps de coupure.

— Concernant les temps d’habillage et déshabillage, elle soutient, au visa de l’article L.241-13 du code de la sécurité sociale et de l’article 29.6 de la convention collective de restauration que la rémunération des temps de pause liés à l’habillage et au déshabillage est exclue du calcul du salaire mensuel brut, cette rémunération résultant d’un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007 et celle-ci pouvant prendre la forme de deux jours ouvrables de repos supplémentaires.

Elle conclut à la condamnation de l’URSSAF à lui rembourser la somme de 688.383 euros au titre de la réduction Fillon relative à l’exclusion de la rémunération des temps de coupure.

L’URSSAF PACA, reprenant oralement ses conclusions déposées en première instance faute d’avoir conclu en cause d’appel, demande à la cour de :

— Au fond débouter la SAS KFC de ses demandes et prétentions,

— Confirmer le bien fondé de la décision de la commission de recours amiable du 23 juillet 2014 qui a confirmé le bien fondé du redressement et le rejet du remboursement de la somme du crédit Fillon

— Condamner la SAS KFC au paiement du solde restant du soit la somme de 843 180 euros

— Condamner la SAS KFC au paiement de la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l’audience.

MOTIFS

Sur la demande de réouverture des débats

En cours de délibéré, l’URSSAF PACA a sollicité la réouverture des débats au motif que le conseil de la société KFC France ne lui aurait pas transmis ses conclusions.

Or, la société KFC France rapporte la preuve qu’elle a adressé par courrier recommandé n° 1A17653456542 en date du 8 janvier 2020 ses conclusions à l’URSSAF qui l’a effectivement réceptionné le 10 janvier 2020 comme en atteste l’historique du suivi de ce courrier par la Poste.

A cet égard peu importe que ce courrier, qui comporte bien l’adresse de l’URSSAF PACA au 20 avenue Viton à Marseille, vise le code postal « 13009 » et non le « 13299 CEDEX» alors qu’il est démontré que ce courrier a bien été acheminé à destination par la production de son suivi communiqué par la Poste qui précise «Le courrier a été remis contre signature du destinataire».

Il en résulte que l’URSSAF PACA a bien été destinataire le 10 janvier 2020 des conclusions de la société appelante auxquelles elle n’a pas répondu.

La procédure devant la présente formation de la cour d’appel étant orale, il a été rappelé à l’URSSAF PACA qu’elle pouvait se référer à ses conclusions déposées devant la juridiction de première instance ce sur quoi la société KFC France n’a élevé aucune objection.

Il n’y a donc pas lieu à réouverture des débats.

Sur les chefs n° 7 à 11 dans l’ordre de la lettre d’observations

Ces chefs de redressement sont les suivants :

7 CE : absence de comptabilité – Fixation forfaitaire de l’assiette 310 207 euros

8 CE : frais professionnels non justifiés 18 651 euros

9 CE : prêt non récupéré 3 412 euros

10 CE : AN véhicule 839 euros

11CE:AN NTIC 1178 euros

La société KFC France conteste la validité de la mise en demeure en raison notamment de l’irrégularité des opérations de contrôle et du non-respect du principe du contradictoire (l’URSSAF n’ayant pas communiqué les bases exactes du redressement relatif au comité d’entreprise).

La société KFC argue de l’autonomie C du comité d’entreprise qui dispose de la personnalité C et financière et de l’absence de pouvoir de l’employeur quant aux carences justement dénoncées de ses membres dont certains ont été condamnés pénalement pour abus de confiance.

Or, le redressement est intervenu car le comité d’entreprise, tenu de communiquer à l’employeur sa comptabilité, doit justifier des montants et de la nature des sommes versées au profit de ses membres, l’employeur étant tenu du paiement des cotisations et contributions sociales, et alors que la société KFC n’a pas été en mesure de présenter la comptabilité du CE.

En effet aux termes de l’article R.2323-34 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige :

«Les ressources du comité d’entreprise en matière d’activités sociales et culturelles sont constituées par : 1° Les sommes versées par l’employeur pour le fonctionnement des institutions sociales de l’entreprise qui ne sont pas légalement à sa charge, à l’exclusion des sommes affectées aux retraités ; 2° Les sommes précédemment versées par l’employeur aux caisses d’allocations familiales et organismes analogues, pour les institutions financées par ces caisses et qui fonctionnent au sein de l’entreprise ; 3° Le remboursement obligatoire par l’employeur des primes d’assurances dues par le comité d’entreprise pour couvrir sa responsabilité civile…»

L’article R.2323-37 poursuivait :

«A la fin de chaque année, le comité d’entreprise fait un compte rendu détaillé de sa gestion financière. Ce compte rendu est porté à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur les tableaux réservés aux communications syndicales. Ce compte rendu indique, notamment : 1° Le montant des ressources du comité ; 2° Le montant des dépenses soit pour son propre fonctionnement, soit pour celui des activités sociales et culturelles dépendant de lui ou des comités interentreprises auxquels il participe. Chacune des institutions sociales fait l’objet d’un budget particulier. Le bilan établi par le comité est approuvé par le commissaire aux comptes mentionné à l’article L.2323-8.»

Il en résulte que pour apprécier si les prestations servies par le comité d’entreprise échappent aux cotisations et contributions sociales, il appartient à l’employeur, qui est, selon l’article L.2325-1 du code du travail alors applicable, président du comité d’entreprise, de justifier de la nature et du montant des avantages servis.

Comme le rappelle justement l’URSSAF PACA, en vertu de l’article L.242-1 du code de sécurité sociale, tous les avantages servis par un comité d’entreprise doivent être soumis à cotisations et contributions sociales. Ces avantages, versés aux salariés et/ou anciens salariés (et leur famille) en raison de leur appartenance à l’entreprise, résultent par conséquent de l’existence d’un contrat de travail.

Or, en l’espèce, l’B du recouvrement a relevé :

— l’insuffisance ( pour 2008) ou l’absence totale ( pour les années 2009 et 2010) de pièces comptables (motif n°7),

— des frais non justifiés (motif n° 8),

— des prêts non récupérés (motif n°9) considérés et traités comme des rémunérations en l’absence de tout justificatif et de preuve contraire,

— des avantages en nature véhicule et téléphones mobiles (motifs n°10 et 11).

Par ailleurs la société KFC France n’invoque aucun élément susceptible de constituer un cas de force majeure pour n’avancer que des événements internes à l’entreprise. Dès lors peu importe les diligences dont elle fait état pour parvenir à obtenir la communication des comptes du comité d’entreprise et l’assistance de son expert comptable proposée au CE.

Concernant les modes d’évaluation, l’URSSAF PACA rappelle à juste titre que l’B du recouvrement a eu recours à une taxation forfaitaire à partir des travaux de deux cabinets d’expertise comptable (ACES SOBESKY et AUDIT & VALEUR) intervenus à la demande du nouveau bureau du CE, du fait de l’insuffisance (2008) ou de l’absence totale (2009 et 2010) de pièces comptables, ce qui n’est pas discuté.

Ces cabinets d’expertises ont reconstitué une comptabilité à partir des comptes bancaires (2008 pour AUDIT & VALEUR, 2009 et 2010 pour ACES SOBESKY). Ainsi l’assiette du redressement a porté sur des frais ou des versements non justifiés par une pièce comptable. Dès lors, ces frais doivent être regardés comme des avantages en nature versés aux salariés par ailleurs membres du CE ( en l’espèce, le secrétaire et le trésorier).

Par contre c’est à tort que l’URSSAF PACA a opéré une «remontée en brut» alors que le redressement doit s’opérer selon la valeur brute telle qu’elle résulte de l’avantage consenti. En effet, sauf dispositions particulières contraires, les cotisations et contributions sociales et d’allocations familiales sont calculées sur le montant brut, avant précompte s’il y a lieu de la part des cotisations et contributions supportée par le salarié, des sommes et avantages compris dans l’assiette des cotisations. En l’espèce, en l’absence de précompte, les cotisations et contributions sociales doivent être calculées sur la valeur nominale de l’avantage qui représente son montant brut.

Ainsi, les redressements devaient s’opérer sur les bases suivantes :

— au titre du point n°7 :

—  23.996 euros pour l’année 2008

—  291.169 euros pour l’année 2009

—  140.213 euros pour l’année 2010

— au titre du point n°8 :

27.559 euros

— au titre du point n°9 :

5.000 euros

Enfin, la base des redressements, soit l’assiette retenue, figure dans la lettre d’observations et résulte de la confrontation entre les dotations allouées au CE et les résultats des investigations menées par les cabinets comptables. Au demeurant dans sa lettre de réponse à la lettre d’observations la société KFC France n’a formulé aucune observation à ce titre.

Il appartiendra à la société de faire son affaire de son éventuel recours à l’encontre du comité d’entreprise, l’impossibilité matérielle dans laquelle elle se trouve pour exercer ce recours n’étant d’aucun emport en l’espèce.

Sur le chef n° 22 dans l’ordre de la lettre d’observations

L’B du recouvrement a réintégré dans l’assiette des cotisations et contributions sociales les heures complémentaires allant au-delà de 10 % non éligibles au dispositif TEPA.

Cela concerne les salariés à temps partiel et les salariés intermittents.

En effet selon l’article L. 241-17, I du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige : « Toute heure supplémentaire ou complémentaire ou toute autre durée de travail effectuée, lorsque sa rémunération entre dans le champ d’application du 1 de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par cet article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction. »

Le 1° de l’article 81 quater du CGI prévoyait que sont exonérés : Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L.3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L.3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application du troisième alinéa de l’article L.3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L.3122-4 du même code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.

L’B du recouvrement a rejeté la réduction salariale appliquée aux heures complémentaires effectuées au-delà de 10% du temps mentionné aux contrats de certains salariés travaillant a temps partiel, au motif que la possibilité d’effectuer des heures complémentaires au-delà de 10% n’était pas inscrite dans leurs contrats.

La société KFC France réplique que l’URSSAF ne démontre pas en quoi la non-inscription du plafond d’heures complémentaires dans les contrats de travail fait obstacle au bénéfice du régime de réduction de cotisations sur les heures complémentaires

En effet, la réponse de la commission de recours amiable concernant ce grief est sans rapport avec les mentions de l’B du recouvrement qui a réintégré les salaires litigieux au seul motif que « certains salariés de l’entreprise embauchés à temps partiel, réalisent des heures complémentaires allant au-delà des 10 % des heures prévus au contrat de travail. Or les réductions salariales dite TEPA ont été appliquées à tort sur ces heures non éligibles».

Le redressement est donc justifié par l’accomplissement d’heures complémentaires au-delà des limites légales ou conventionnelles et l’B du recouvrement a procédé au redressement à partir des éléments contenus dans le logiciel paye de l’entreprise.

Sur ce point la société KFC argumente que l’avenant du 13 novembre 1998 à la convention collective de la Restauration Rapide prévoit, dans son article 4.11, de porter à 20 % la limite dans laquelle peuvent être effectuées des heures complémentaires, qu’ainsi l’exonération prévue par l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale est dès lors bien applicable aux heures complémentaires effectuées entre 10 % et 20 % de la durée contractuelle de travail.

L’article 4.11 de l’avenant n° 24 du 13 novembre 1998 relatif au travail à temps partiel dans sa rédaction applicable au litige prévoyait :

«…L’employeur peut demander au salarié d’effectuer des heures complémentaires dans la limite de 20 % de la durée de travail prévue au contrat, sous réserve que le contrat ou un avenant ultérieur prévoit expressément cette faculté. En aucun cas, les heures complémentaires ne peuvent faire l’objet d’une convention de forfait dans le contrat de travail…»

Or la société appelante ne démontre, ni même n’allègue, que cette possibilité était mentionnée dans les contrats de travail ce que dénie l’B du recouvrement dont il convient de rappeler que les constatations font foi jusqu’à preuve contraire.

La société KFC France poursuit en avançant que l’URSSAF a pratiqué un redressement sur les heures complémentaires comprises à l’intérieur des limites légales et conventionnelles, alors qu’elles auraient dû faire l’objet d’une réduction de cotisations, quand bien même les contrats de travail ne prévoyaient pas tous la limite de 20 % précitée. Or, la société procède par voie d’affirmations alors que l’B du recouvrement a réintégré dans l’assiette des cotisations et contributions sociales les seules heures non éligibles au dispositif TEPA soit celles effectuées au delà de 10 %. En tout état de cause, la limite de 20 % ne pouvait en l’espèce s’appliquer faute de démontrer que les contrats de travail prévoyaient expressément cette possibilité.

Enfin, la société KFC France conteste le redressement opéré par l’URSSAF sur la réduction des cotisations sur certaines heures complémentaires en raison de la méthode de calcul (le redressement ayant été opéré sur une assiette théorique) soutenant qu’elle a pratiqué un redressement sans faire l’effort de l’individualiser, comme cela ressort de sa lettre d’observations.

Or comme rappelé plus avant, l’B du recouvrement a procédé aux calculs à partir des fichiers extraits du logiciel de paie et retraités lors du contrôle afin d’extraire les heures non éligibles au dispositif TEPA. Il ne peut être soutenu que les calculs ne seraient pas individualisés.

Ce redressement doit donc être confirmé.

Sur la demande de remboursement relative à la réduction dite « Fillon »

La société KFC France a présenté à l’URSSAF PACA une demande de crédit de 762.219 relative à la réduction générale de cotisations dite « Fillon » sur la période du 1er décembre 2007 au 31 décembre 2010, et l’octroi d’un crédit de même montant.

La société fonde sa demande sur l’article 12 de la loi du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008, laquelle prévoit que la rémunération des temps de pause, d’habillage et de déshabillage versée en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007 est exclue de la « rémunération mensuelle brute du salarié » laquelle entre en ligne de calcul pour déterminer le coefficient de réduction.

En effet, l’article L.241-13 du code de la sécurité sociale en son premier alinéa du III était, en application de ces dispositions, rédigé ainsi : «Le montant de la réduction est calculé chaque mois civil, pour chaque salarié. Il est égal au produit de la rémunération mensuelle, telle que définie à l’article L. 242-1 par un coefficient. Ce coefficient est déterminé par application d’une formule fixée par décret. Il est fonction du rapport entre le salaire minimum de croissance calculé pour un mois sur la base de la durée légale du travail et la rémunération mensuelle du salarié telle que définie à l’article L. 242-1, hors rémunération des heures complémentaires et supplémentaires dans la limite, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au I de l’article L. 212-5 du code du travail et à l’article L.713-6 du code rural et hors rémunération des temps de pause, d’habillage et de déshabillage versée en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007. Pour les salariés qui ne sont pas employés à temps plein ou qui ne sont pas employés sur tout le mois, le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond à la durée de travail prévue au contrat».

La société KFC France explique qu’elle a omis de procéder à cette déduction pour deux types de rémunération résultant de la convention collective de la Restauration Rapide (et antérieures au 11 octobre 2007) :

— la contrepartie financière accordée à ses salariés au titre des opérations d’habillage et de déshabillage (le port d’une tenue de travail étant obligatoire dans les restaurants et les salariés devant se changer sur leur lieu de travail) ;

— la « prime de coupure » versée aux salariés à temps partiel dont la journée de travail comporte une interruption supérieure à deux heures

Ces éléments de salaire ne devaient donc pas, selon elle, être compris dans le montant de la rémunération brute.

Sur la rémunération des temps de coupure, l’URSSAF PACA a répondu le 22 novembre 2011 que la prime de coupure versée en sus du salaire n’est pas assimilée à du temps de travail effectif et que la circulaire 2008-34 du 5/02/2008 prévoit une simple tolérance applicable aux entreprises de transport et aux restaurants McDonald’s.

La lettre circulaire sus visée prévoit en son point 17 que « l’article 12 [de la loi du 19 décembre 2007] neutralise, pour le calcul du coefficient, la rémunération des temps de pause, d’habillage et de déshabillage versée en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu conclu antérieurement au 11 octobre 2007 (…). Cette mesure entrée en vigueur au 1er janvier 2008 s’applique dans les mêmes conditions aux temps de coupure et de rupture ». Ainsi, la rémunération des temps de coupure devait-elle être exclue de la rémunération brute qu’elle soit ou non assimilée à du temps de travail effectif.

La société KFC France rappelle, au visa de l’article L.243-6-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, que cette circulaire émanant du ministère en charge de la sécurité sociale est opposable à l’URSSAF PACA pour avoir été publiée et dès lors que la société KFC France s’est conformée à ses dispositions durant toute la période pour laquelle l’avantage est réclamé. Du reste, en appliquant cette circulaire à certains établissements de restauration rapide (Mc Donald’s), l’URSSAF PACA fait l’aveu de l’applicabilité de ces dispositions à toutes les entreprises du même secteur.

La demande de la société KFC France est donc fondée.

Concernant les temps d’habillage et de déshabillage, l’URSSAF PACA s’oppose à la demande aux motifs que la CCN de la restauration rapide prévoit que les temps d’habillage et déshabillage réalisés sur le lieu de travail font l’objet d’une valorisation par deux jours de congés supplémentaires, que la

société KFC France a transformé ces deux jours de congés en rémunérations déduites de la rémunération mensuelle à raison de l ,272 heure par mois à prendre en considération pour le calcul de la réduction Fillon, que la loi ne prévoit de déduire les rémunérations de ces temps de pause, d’habillage et déshabillage que dans la mesure où ils sont assimilés à du temps de travail effectif, ces deux jours de congés supplémentaires ne constituant pas du temps de travail effectif.

Elle ajoutait que l’employeur a reconstitué une moyenne mensuelle de 1,272h valorisées en euros et déduites de la remise mensuelle à intégrer dans le calcul de la loi Fillon, alors qu’il octroie deux jours de congés supplémentaires comme contrepartie prévue conventionnellement : la réduction ne pouvait être modifiée que les mois au cours desquels ces 2 jours de congés sont effectivement pris.

Or il a été rappelé plus haut que la rémunération des temps de pause, d’habillage et de déshabillage versée en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007 est exclue de la rémunération brute servant au calcul de la réduction Fillon. Peu importe dès lors qu’elle constitue ou non du travail effectif. La valorisation de ces temps d’habillage ou déshabillage par des congés supplémentaires ou leur équivalent en salaire doit être exclue de la rémunération brute mensuelle.

La société KFC France rappelle les termes de la convention collective nationale applicable dont l’article 29.6, résultant d’un avenant du 14 juin 2000 étendu par arrêté du 12 février 2002, impose à la société d’accorder une contrepartie aux salariés qui se voient « imposer le port d’une tenue de travail », « lorsque l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail » ce qui est le cas dans les restaurants KFC.

Nul ne conteste que cette contrepartie peut prendre la forme de deux jours ouvrables de repos supplémentaires.

En l’espèce, la société KFC France soutient sans être utilement contredite qu’elle rémunère ce temps de repos qui est pris dans les conditions applicables au jours de congés payés. Cette rémunération doit être exclue de la rémunération brute servant au calcul de la réduction Fillon.

Il n’y a donc pas de cumul d’avantages comme le sous entend l’URSSAF PACA, à savoir l’attribution de jours de congés en plus de la rémunération des heures d’habillage et déshabillage, mais seulement deux jours de congés supplémentaires rémunérés comme tels.

Le premier juge a justement considéré qu’ « il importe peu que la contrepartie financière prenne la forme de deux jours ouvrables de repos supplémentaires, dans la mesure où il s’agit d’une rémunération complémentaire à un temps effectif accompli sur le lieu de travail, ainsi que pris en considération par les acteurs sociaux depuis de nombreuses années ».

Enfin, l’URSSAF PACA avait soulevé que la société se contentait de produire un fichier excel pour justifier de son calcul alors qu’il était nécessaire de produire des documents justifiant son calcul par la production :

— des bulletins de salaire des salariés concernés mois par mois

— des justificatifs des réductions pratiqués par salariés

— des justificatifs retraçant la rémunération perçue avec le nombre d’heures prises en

compte pour le calcul, la réduction initiale pratiquée, la réduction corrigée et le différentiel.

Or la société KFC France a communiqué en pièce n°11 le justificatif de ses calculs comprenant :

— les fiches de paie des salariés concernés,

— les rémunérations et les temps de travail ou assimilés

— les explications des formules de calcul retenues,

qui ne fait l’objet d’aucune critique argumentée de la part de l’URSSAF PACA.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires du premier juge de confirmer de ce chef le jugement déféré.

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner l’URSSAF PACA à payer à la société KFC France la somme de 2.000,00 euros à ce titre.

L’URSSAF PACA supportera les dépens de l’instance, étant précisé que l’article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, dont l’article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

PAR CES MOTIFS,

Par arrêt contradictoire,

— Rejette la demande de réouverture des débats,

— Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf à préciser que les redressements doivent être calculé sur les bases brutes suivantes :

— au titre du point n°7 :

—  23.996 euros pour l’année 2008

—  291.169 euros pour l’année 2009

—  140.213 euros pour l’année 2010

— au titre du point n°8 :

27.559 euros

— au titre du point n°9 :

5.000 euros

— Renvoie les parties à effectuer un nouveau calcul du montant des redressements tenant compte de ce qui précède,

— Complétant la décision déférée, dit que l’URSSAF PACA devra porter au crédit de la société KFC France la somme de 762.219 euros concernant la réduction de cotisations dite « Fillon » au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, sans préjudice des intérêts de retard,

— Condamne l’URSSAF PACA à payer à la société KFC France la somme de 2.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne l’URSSAF PACA aux éventuels dépens de l’instance.

Le Greffier Le Président

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 4 juin 2021, n° 20/05041