Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 31 août 2021, n° 19/17577

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 31 août 2021, n° 19/17577
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/17577
Décision précédente : Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nice, BAT, 6 janvier 2019
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT DIFFEREND ENTRE AVOCATS

DU 31 AOUT 2021

[…]

N° 2021/291

N° RG 19/17577 -

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFMC

Z A X

C/

Léa Y

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Z-A X

Me Léa Y

1 CCC Me Anne-Laure VIRIOT

1 CCC Batonnier de NICE

Décision déférée à la Cour :

Décision d’arbitrage rendue par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de NICE en date du 07 Janvier 2019 dans un litige entre avocats à l’occasion d’un contrat de de collaboration articles 142 et suivants du décret du 27 novembre 1991.

APPELANT

Maître Z-A X

de nationalité Française,

demeurant […]

comparant

INTIME

Maître Léa Y

né le […],

demeurant […]

comparante

assistée de Me Anne-Laure VIRIOT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Félicie JASSEM, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 22 Juin 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Anne DAMPFHOFFER, Conseillère a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Rudy LESSI

Me X a été entendu en ses explications.

Me JASSEM a été entendue en sa plaidoirie.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Août 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Août 2021,

Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et M. Rudy LESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE :

Vu la décision rendue par M le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Nice le 7 janvier 2019, ayant dit que la rupture du contrat de collaboration entre Me X et Me Y est imputable à Me X pour manquements graves aux règles professionnelles et condamné Me X à verser à Me

Y les sommes de 1800' à titre de rétrocession d’honoraires pour le mois de février 2018, de 696,77 euros à titre de rétrocession d’honoraires pour la période du 1er au 12 mars 2018 , celle de 5400 ' au titre du délai de prévenance, et ayant rejeté les demandes de Me Y à titre de dommages et intérêts.

La décision retient essentiellement que le départ de Me Y est imputable à Me X, considérant que celui-ci ne justifie pas des nombreux retards de paiement des honoraires dûs, retards qu’il reconnaît, mais impute au changement de compte bancaire de Me Y; que par ailleurs, il n’a pas protesté en suite des envois de mails de sa consoeur en mars 2018 contestant la résiliation de leur collaboration à son initiative; enfin, qu’il ne justifie pas de ses griefs sur la qualité de son travail de collaboration.

Elle a également rejeté comme non démontré le caractère vexatoire du comportement de Me X à l’égard de Me Y.

Vu le recours formé par Me X le 4 février 2019.

Vu l’arrêt de radiation rendu par la présente cour le 22 octobre 2019.

Vu les conclusions de Me X aux fins de ré-enrôlement et celles du 3 mars 2021, demandant de :

— à titre principal, juger que l’arbitrage rendu le 7 janvier 2019 a été rendu par Me Cesari qui n’avait pas qualité et le déclarer nul et non avenu,

— à titre subsidiaire ,

— rejeter les pièces 6-15-16-20 de son adversaire,

— juger l’absence de manquement aux règles professionnelles

— rejeter les demandes de Me Y.

Il expose essentiellement que l’élection du bâtonnier qui a rendu la décision d’arbitrage a été annulée par la cour d’appel de Lyon le 11 avril 2019, que les effets de cette annulation remontant à la date de son élection, la décision doit être considérée comme nulle et non avenue, le signataire n’ayant pas qualité pour agir et signer l’arbitrage.

Sur le fond, il affirme que Me Y disposait de deux comptes en banque dont un qui se substituait à l’autre; qu’à ce jour, il n’y a que le mois de février en retard ; que Me Y traitait les dossiers des clients en fonction de son bon vouloir, qu’il a toujours tenté de concilier avec elle et que c’est elle qui a quitté le cabinet sans l’en aviser, que la rupture de la collaboration lui est imputable, qu’il y a eu, lors de l’installation du nouveau parc informatique du cabinet, des problèmes, mais qu’elle disposait de l’accès à tout poste de travail et d’un ordinateur portable et qu’elle avait aussi accès à l’imprimante qui gérait l’intégralité de l’informatique de sorte qu’elle pouvait exercer pleinement sa collaboration ;

il conteste la demande au titre du paiement de préavis et sa demande d’honoraires alors que selon lui, sa collaboratrice n’était présente que selon son bon vouloir, ainsi que les propos vexatoires qu’elle lui impute.

Vu les conclusions de Me Y en date du 20 avril 2021, demandant de :

— à titre principal, rejeter la demande en annulation de la décision d’arbitrage en l’absence d’effet rétroactif de la décision d’annulation de l’élection du bâtonnier,

— confirmer les dispositions de la décision d’arbitrage,

— à titre subsidiaire, si l’annulation de la décision d’arbitrage était prononcée,

— rejeter les demandes de Me X,

— constater ses manquements graves aux obligations déontologiques et au contrat de collaboration,

— constater le défaut de paiement de la rétrocession d’honoraires du mois de février 2018 et du 1er au 12 mars 2018,

— le condamner à la somme de 1800 ' et à celle de de 696,77 euros au titre des rétrocessions, à la somme de 5400 ' au titre de l’indemnité du délai de prévenance, la rupture du contrat étant imputable à Me X, à la somme de 1500 ' à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi par suite des conditions vexatoires de la rupture du contrat,

— le condamner à 1500 ' par application de l’article 700 du code de procédure civile .

À l’audience, les parties ont été entendues en leurs explications respectives et ont reconnu avoir eu connaissance de leurs conclusions respectives dans un temps leur permettant d’y répliquer.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation :

L’annulation de l’élection du bâtonnier, par une décision postérieure à son arbitrage, n’a d’effet qu’à compter de la décision définitive qui la prononce, en l’espèce le 9 septembre 2020, de sorte qu’elle ne peut invalider ni les prérogatives qu’il a exercées, ni les décisions qu’il a prises durant ce mandat, cette situation procédant, en effet, du principe général d’exigence de sécurité juridique.

À titre surabondant, la cour d’appel qui, annule la décision qui lui est déférée est tenue, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, si la cause d’annulation ne procède pas de l’acte de saisine de la juridiction de première instance, de statuer sur le fond du litige.

Or, dès lors que la cause de nullité tient, en l’espèce, à la décision et non à l’acte de saisine, la cour devrait, en toute hypothèse, examiner le fond, l’appelant ayant d’ailleurs développé également sa défense de ce chef.

Sur la demande de rejet des pièces formulées par Me X :

La levée du secret professionnel de l’avocat est autorisée pour les strictes exigences de sa propre défense, à condition que les pièces soient effectivement liées à celle-ci et n’aient pas pour finalité de discréditer son confrère.

Ce principe s’applique aux échanges entre avocats.

À cet égard, il sera considéré :

— que la pièce numéro 6 relate des échanges sur l’organisation du travail du cabinet; elle est produite pour prouver que Me Y travaillait toujours et à temps plein sur la période du début d’année.

— que la pièce numéro 15 concerne les échanges des parties sur la question de la non rétrocession d’honoraires. Il s’agit de pièces nécessaires à la défense de l’avocat.

— que la pièce numéro 16 évoque des dates pour les supposés virements

— et que la pièce numéro 20 est destinée à rapporter l’état des relations avec l’avocat adverse quelques jours avant son éviction du cabinet.

Il s’agit donc de pièces nécessaires à la défense de Me Y qui peuvent faire l’objet d’une levée de confidentialité.

La demande de rejet desdites pièces sera donc écartée.

Sur le fond :

Les parties ont conclu, le 28 novembre 2016, un contrat de collaboration libérale, Me Y devant collaborer au cabinet de Me X à compter du 9 janvier 2017.

Le montant mensuel de la rétrocession convenue était de 1800' nets, versés le premier de chaque mois.

Le litige qui les oppose tient à la rupture de ce contrat de collaboration que Me Y impute à Me X.

Il résulte à cet égard des éléments versés que :

— le 12 mars 2018 à 12h32, Me Y a adressé à Me X un mail contestant la notification verbale de la fin de leur collaboration que celui-ci lui avait faite le matin à 10h45;

— que le 20 mars 2018, elle lui a adressé un autre mail prenant acte de la rupture du contrat en rappelant cette même date du 12 mars comme manifestant une volonté 'brutale’ de rupture de Me X et qu’elle lui a aussi envoyé une lettre recommandée le 22 mars 2018.

Cette dernière lettre est une pièce différente par son contenu et sa signature dans le dossier de Me X et dans celui de Me Y et un débat oppose les parties sur la portée à donner chacune de ces pièces.

Or, dans la mesure où le Bâtonnier de Nice a été destinataire, avec la plainte de Me Y de ce courrier du 22 mars 2018, et qu’il a versé la lettre que Me Y lui avait adressée, laquelle correspond à celle qu’elle produit, la pièce de ce chef invoquée par Me X ne peut, dans ces conditions, se voir attribuer force probante et seule la pièce produite par Me Y sera donc ici considérée.

— que le 13 mars 2018, Me X lui versait sa rétrocession du mois de janvier;

— que Me X n’a jamais protesté sur les mails et courriers ainsi reçus relativement à la question de la rupture qu’ils lui imputent, notamment sur le premier mail qui était clair en ce que Me Y s’indignait alors contre ' cette résiliation soudaine (qui) est manifestement la conséquence directe de la discussion que j’ai été contrainte de provoquer en raison des multiples retards de paiement de ma rétrocession depuis plusieurs mois' ;

— qu’il a reconnu divers retards de paiement des honoraires dûs à Me Y tout en les expliquant par les problèmes liés à son changement de compte bancaire;

— qu’il résulte cependant d’un courrier du 3 novembre 2017 que s’il a bien existé une difficulté suite à ce changement, elle était, à cette date, résolue, Me X écrivant : 'je supprime l’ancien; le nouveau est rentré'; qu’en outre, certains des retards reprochés sont antérieurs et qu’enfin, si des

difficultés de virement avaient existé, il suffisait à Me X d’émettre un chèque;

— que ces retards ont en effet concerné le mois d’août 2017, payé en septembre, le mois de septembre payé en deux fois en octobre et novembre, celui d’octobre également payé en deux fois en novembre et décembre, celui du mois de janvier 2018 payé en mars, celui de février et celui de mars.

La rupture sera, dans ces conditions, jugée comme procédant de la volonté de Me X et non de l’initiative de Me Y.

Me X fait par ailleurs valoir que cette rupture serait imputable au comportement de sa consoeur en arguant d’un travail 'selon son bon vouloir’ et non satisfaisant de sa part ainsi que du fait que c’est elle qui ' a disparu du cabinet’ sans l’en aviser en le 'laissant dans un désarroi total'.

Aucune preuve objective de ces griefs n’est cependant rapportée; Me X n’a pas fait constater le départ de sa collaboratrice; il ne s’est préalablement pas plaint de la qualité ou régularité de son travail ; il ne lui en a pas fait le reproche malgré les mails qu’elle lui a envoyés, faisant notamment état de la fin de collaboration contre lesquels il n’a pas protesté; il ne démontre par ailleurs pas avoir tenté une réunion avec celle-ci pour résoudre ou discuter des griefs qu’il affirme avoir reçus de certains clients; aucune plainte n’est d’ailleurs justifiée de ce chef auprès du Bâtonnier et par suite, les seules attestations versées par celui-ci défavorables au comportement de M Y seront jugées comme n’ayant pas un caractère probant suffisant des faits y relatés alors que de son côté, Me Y produit des attestations en sens contraires.

Ainsi, les griefs tirés de ce que Me Y aurait nui à l’image de son cabinet par son comportement, de ce qu’elle aurait disparu sans l’en aviser et en laissant de mutiples dossiers non traités en lui faisant croire qu’ils l’étaient, de ce qu’en partant, elle aurait emporté plus que ce qu’elle devait prendre, qu’elle détiendrait toujours les clés de ses bureaux ou encore, qu’elle aurait tenté de récupérer la clientèle ne sont pas plus établis.

Me X ne démontrant donc pas que la rupture initiée par lui soit imputable au comportement de Me Y, il sera, en conséquence, jugé que la rupture du contrat de collaboration entre Me X et Me Y n’est pas justifiée.

Sur les conséquences de cette rupture ainsi appréciée, Me X doit à Me Y, au titre du délai de prévenance, la somme de 5400', étant observé qu’aucun grief ne peut être fait à Me Y sur les conditions de son départ du cabinet, vu les manquements répétés de Me X à ses obligations financières envers elle, lesquels persistaient au mois de mars 2018.

Au titre de la rétrocession des honoraires restant dus (1800' et 696,77') , la décison sera également confirmée, Me X, à qui incombe la charge de la preuve de sa libération de ce chef, ne démontrant pas s’être exécuté des paiements contractuellement dûs.

Enfin, sur la demande de dommages et intérêts de Me Y pour propos vexatoires, les pièces versées de ce chef ne permettent pas de caractériser le grief s’agissant d’attestations dont la portée probante n’a pas été retenue.

Vu les articles 696 et suivants du Code de Procédure Civile et la succombance de Me X.

L’équité commande de faire application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’il sera dit ci-dessous .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Rejette la demande d’annulation de la décision rendue le 7 janvier 2019 par M. Le Bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Nice,

Confirme la décision de M le Bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Nice et en conséquence,

Juge que la rupture du contrat de collaboration est imputable à Me X,

Condamne Me X à verser à Me Y les sommes de 5400' au titre du délai de prévenance, de 1800' et de 696,77' au titre des honoraires de rétrocession dûs, outre celle de 2000' par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Rejette les demandes plus amples,

Condamne Me X aux dépens.

LE PRESIDENT LE GREFFIER

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